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§ 2 – Assemblée locale et assemblée parlementaire

2/ Un pouvoir normatif dual

Outre sa compétence législative, le Congrès de la Nouvelle-Calédonie exerce un pouvoir réglementaire, à l'image des collectivités locales métropolitaines. Toutefois, son domaine matériel est plus étendu et exclusif de toute intervention étatique.

a) Le pouvoir réglementaire du Congrès

Le pouvoir réglementaire du Congrès peut faire l’objet d’une double approche. D’une part, le Congrès de la Nouvelle-Calédonie adopte des délibérations qu'on appellera « dérivées », en tant qu'elles sont adoptées en application d'une loi du pays134. D'autre part, et c'est à l'heure actuelle sa plus importante production normative, l'assemblée locale est compétente pour adopter des délibérations dans les domaines de compétence de la Nouvelle-Calédonie, énumérés à l'article 22 de la loi organique, sous réserve de ses articles 127 et 134 fixant les domaines de compétence du Gouvernement et de son Président, et sous réserve du domaine des lois du pays135. Il s'agit alors de délibérations « autonomes ». Ces normes, de nature réglementaire, sont soumises au contrôle du juge administratif.

La procédure d'adoption des lois du pays est actuellement assez similaire à celle des délibérations, dans la mesure où la rédaction de l'ancien

133 En effet, le nouveau Président de l'assemblée locale, suite au changement de majorité en Nouvelle-Calédonie, semble opérer un retour en arrière de ce point de vue. Toutefois, le manque d’encadrement est largement pallier par les collaborateurs politiques des élus issus des provinces, les conseillers de la Nouvelle-Calédonie étant également des élus provinciaux.

134

Par ex., délibération n° 229 du 27 juin 2001 modifiant la délibération modifiée n° 69/CP du 10 octobre 1990 fixant les modalités d'octroi des régimes fiscaux privilégiés à l'importation, J.O.N.C. 20 juillet 2001, p. 3395.

La nature parlementaire du Congrès de la Nouvelle-Calédonie

règlement intérieur du Congrès136 n'a pas été bouleversée pour tenir compte

des lois du pays et qu'il n'est généralement pas fait de distinction entre les deux types de textes, sous réserve des dispositions imposées par le respect de la loi organique du 19 mars 1999.

La préexistence de ce pouvoir réglementaire a eu un effet contradictoire. D'un côté, il a facilité l'appréhension de la procédure d'élaboration des lois du pays par le Congrès. D'un autre côté, cette antériorité a contribué à freiner la prise de conscience par les élus de l'importance de l'outil mis à leur disposition.

Toutefois, l'élaboration d'une loi du pays demande un soin plus important que la rédaction d'une délibération pour deux raisons majeures. D'une part, aucun contrôle juridictionnel de la loi du pays n'est ouvert aux justiciables. En effet, contrairement aux illégalités entachant une délibération qui pourront être sanctionnées par le juge administratif, le simple particulier ne

pourra pas demander la censure d'une disposition législative

inconstitutionnelle. D'autre part, la place de la loi du pays dans la hiérarchie des normes, aux côtés de la loi ordinaire adoptée par le Parlement national, postule pour une rigueur accrue dans l'élaboration du texte, s'agissant de son contenu comme de ses modalités d'adoption.

Or, à l'heure actuelle, l'absence de différenciation marquée entre la délibération et la loi du pays empêche une telle appréhension. Une modification en profondeur de la structure du règlement intérieur permettrait certainement de répondre à cette nécessité.

Ce cumul de compétences, sauf la confusion qu'il peut entraîner quant à la valeur normative des textes adoptés, participe néanmoins à une certaine cohérence des dispositions ainsi édictées. En tout état de cause, il place le Congrès dans la position d'une assemblée aux pouvoirs étendus, car compétente dans la majeure partie des domaines attribués à la Nouvelle-Calédonie.

b) Le pouvoir réglementaire dérivé du Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie

Toutefois, le Congrès de la Nouvelle-Calédonie semble de plus en plus se conformer au fonctionnement classique d’une assemblée parlementaire dans la mesure où le pouvoir réglementaire dérivé est désormais de plus en plus souvent dévolu au Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.

Cette tendance ne s’est pas dessinée immédiatement dans la mesure où la question de l'autorité compétente pour adopter les mesures d'application

136 Délibération n° 9 du 13 juillet 1999 modifiée portant règlement intérieur du Congrès de la Nouvelle-Calédonie, J.O.N.C. du 20 juillet 1999, p. 3605.

La nature parlementaire du Congrès de la Nouvelle-Calédonie

d'une loi du pays n’est pas apparue clairement dans un premier temps. Cela s’explique par la rédaction de l'article 126 de la loi organique du 19 mars 1999 qui ne met à la charge du Gouvernement que l'exécution des délibérations du Congrès et de sa commission permanente. Cette formulation a donc prêté à confusion sur le point de savoir si le Gouvernement possèdait une compétence réglementaire d'application directe d'une loi du pays. Cet article dispose en effet que « le Gouvernement prépare et exécute les

délibérations du Congrès et de sa commission permanente. Il prend, sur habilitation du Congrès ou de sa commission permanente, les arrêtés réglementaires nécessaires à la mise en œuvre de leurs actes. » Seules sont

visées ici les délibérations…

Néanmoins, le Conseil d'Etat, jouant tout à fait son rôle de conseiller, a précisé, dans son avis relatif au projet de loi du pays sur le domaine public maritime de la Nouvelle-Calédonie et des provinces, que : « si l'article 99 de

la loi organique prévoit en son 7° que « les règles du droit domanial de la Nouvelle-Calédonie et des provinces » sont fixées par une loi du pays, cette disposition n'a ni pour objet ni pour effet de réserver à l'auteur de la loi du pays le soin de fixer l'intégralité de ces règles et n'empêche notamment pas celui-ci de confier au Gouvernement de Nouvelle-Calédonie le soin de préciser les mesures réglementaires d'application de la loi du pays »137. Le Congrès peut donc tout-à-fait déléguer au Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie le pouvoir d'adopter les mesures d'application des lois du pays. Pour ce faire, il suffit que le législateur du pays renvoie à des arrêtés du Gouvernement pour la mise en œuvre de telle ou telle disposition.

Il apparaît donc, au regard de la pratique désormais établie, que le Congrès se concentre de plus en plus sur ses compétences autonomes, qu’elles soient législatives ou réglementaires, limitant progressivement sa compétence réglementaire dérivée aux matières les plus importantes (droit du travail ou de la sécurité sociale) ou encore qu’il lui est interdit de déléguer (matière fiscale, avec notamment la fixation du taux de l’imposition qui dépend du pouvoir réglementaire du Congrès). En d’autres termes, il semble que le Congrès se concentre de plus en plus sur l’édiction de règles générales, laissant à l’autorité exécutive le soin de remplir son rôle d’organe administratif. Pour autant, le domaine de la loi du pays ne représentant qu’une partie des compétences qui lui sont dévolues, il ne peut, statutairement, se défaire de son pouvoir réglementaire autonome.

137 Avis de l'Assemblée générale du Conseil d'Etat n° 366.761 du

15 novembre 2001 relatif au projet de loi du pays sur le domaine public maritime de la Nouvelle-Calédonie et des provinces.

La nature parlementaire du Congrès de la Nouvelle-Calédonie B - Un monocamérisme partiel

D’un tout autre point de vue, le Congrès de la Nouvelle-Calédonie constitue une assemblée délibérante originale car il est l'aboutissement d'une négociation politique nécessaire à la prise en compte de postulats tant océaniens qu'occidentaux.

1/ La prise en compte du caractère plurielle de la société