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La loi du pays, résultat de choix explicites et de compromis

La loi du pays est le résultat de compromis face à des choix explicités dans le cadre des négociations de l'Accord de Nouméa. Il existe en fait deux niveaux de conciliation. Le premier se situe à l'échelon local où la loi du pays constitue un juste milieu entre les choix exprimés par les acteurs politiques locaux. Le second se situe à l'échelon national dans la mesure où la dévolution d'un pouvoir législatif à la Nouvelle-Calédonie, technique

46 Une telle impression est d'ailleurs confirmée par les revendications ultérieures de la Polynésie française ou encore de la Guyane. Tant qu'elles ont sollicité la dévolution d'un pouvoir formellement législatif, ces collectivités revendiquaient dans le même temps l'instauration d'une citoyenneté locale. Que la revendication de la loi du pays disparaisse et la demande pour une citoyenneté différenciée s'évanouit.

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d'inspiration fédérale, impose une nouvelle appréhension du partage du pouvoir normatif au sein de l'Etat unitaire.

A - La loi du pays, un compromis entre les choix explicités par les acteurs politiques locaux

Le statut actuel de la Nouvelle-Calédonie résulte d'un compromis entre l'indépendance-association revendiquée par le F.L.N.K.S. et le statu quo ante voulu par le R.P.C.R.. Dans ce cadre, la loi du pays apparaît comme une conciliation entre le pouvoir constituant revendiqué par les indépendantistes et le pouvoir réglementaire d'un territoire d'outre-mer.

Pour autant, l'obtention d'un pouvoir législatif autonome par l'assemblée locale ne faisait pas partie des réclamations initiales, qu'il s'agisse des indépendantistes ou des loyalistes. En effet, lorsque l'on consulte le projet cadre du F.L.N.K.S., document de base des indépendantistes pour la négociation de l'Accord de Nouméa, il n'est fait aucune mention d'un quelconque pouvoir législatif. Il existe toutefois une explication simple à ce silence. La revendication initiale étant un statut d'Etat associé, l'exigence d'un pouvoir législatif pour l'assemblée délibérante était inutile dans la mesure où l'indépendance de la Nouvelle-Calédonie signifiait un pouvoir législatif pour son (ou ses) assemblée(s) délibérante(s).

L'origine de l'idée de la prétention à un pouvoir législatif autonome pour la Nouvelle-Calédonie n’apparaît pas très clairement. Elle proviendrait du

leader loyaliste polynésien, le sénateur Gaston Flosse47. Une fois le principe

du maintien du territoire dans la République française acquis, celui-ci aurait « suggéré » la revendication aux négociateurs indépendantistes. L'obtention d'un tel pouvoir par la Nouvelle-Calédonie lui permettrait, devait-il penser, de solliciter par la suite avec succès le même instrument pour le territoire de la Polynésie Française48.

Certains des négociateurs de l'Accord de Nouméa49 précisent que bien que les lois du pays n’étaient initialement pas un élément central des négociations, la question de la stabilité des normes et l’adéquation entre

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Indiscrétion qu'a bien voulue livrer Thierry LATASTE, alors Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, lors d'un entretien.

48 Petite histoire qui paraît vraisemblable au regard des évènements postérieurs à la conclusion de l'Accord de Nouméa.

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Notamment Monsieur Simon LOUECKHOTE, actuellement sénateur de la République et Président du Congrès de la Nouvelle-Calédonie jusqu'en mai 2004 et Monsieur Thierry LATASTE, ancien haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.

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domaine de compétence et valeur juridique de la norme étaient des préceptes importants.

En réalité, trois raisons majeures semblent avoir motivé l’introduction de l'instrument législatif local. Les deux premières visent à résoudre des difficultés juridiques alors que la dernière relève d'une problématique politique.

Tout d'abord, il s'agissait de mettre en adéquation domaines de compétence et valeur juridique du texte. En effet, jusqu'alors, les matières relevant au niveau national du domaine de la loi, étaient réglementées en

Nouvelle-Calédonie50 par le biais de délibérations, actes de valeur

réglementaire.

En relevant la valeur juridique des textes adoptés dans ces matières, il était ainsi permis à l'assemblée délibérante de passer outre certaines exigences imposées par le juge aux actes administratifs, notamment le respect des principes généraux du droit, permettant ainsi une autonomie accrue.

Le deuxième objectif était relatif à la stabilité des normes. En effet, le contrôle juridictionnel attaché à la nature réglementaire des actes en cause pouvait déboucher sur une annulation contentieuse plusieurs années après l'adoption ou l'entrée en vigueur du texte. Le fait de conférer une nature législative aux actes adoptés dans des matières considérées comme importantes permettait d'éviter cet écueil dans la mesure où le contrôle devait alors être exercé a priori et qu'en conséquence, aucune annulation tardive ne pouvait plus entraver le bon fonctionnement des services publics.

Enfin, la troisième raison qui a contribué à attribuer un pouvoir législatif à l'assemblée délibérante de la Nouvelle-Calédonie est purement politique. Elle réside dans la volonté, pour les signataires de l'Accord de Nouméa, de trouver un symbole fort pour illustrer le concept politique de « souveraineté partagée ». Dans leur esprit, et quel que soit le débat juridique sur la question51, les lois du pays se révélaient être un instrument idéal pour matérialiser ce partage.

Par ailleurs, il apparaît que la dénomination « loi du pays » elle-même constitue un compromis. Le terme de "pays" était vivement souhaité par le F.L.N.K.S., comme clin d'œil à la revendication de l'indépendance mise de côté. Le terme "loi" était voulu par le R.P.C.R. comme repère national.

50 Comme dans tout autre territoire d'outre-mer. 51

Il n'est pas question d'affirmer ici que les lois du pays entraînent un partage de souveraineté entre l'Etat et la Nouvelle-Calédonie. Il s'agit simplement de souligner la vision des autorités politiques sur la question. Pour une discussion juridique en la matière, voir Partie 2, Titre 1, Chapitre 2.

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L'ensemble convenait aux deux camps dans la mesure où la notion était sensée symboliser un partage de la souveraineté entre l'Etat français et la collectivité.

Même s'il n'est pas évident que la loi du pays entraîne un partage de la souveraineté, par nature étatique, l'octroi d'un pouvoir législatif à l'assemblée délibérante de la Nouvelle-Calédonie supposait néanmoins des compromis à l'échelon national.

B – La loi du pays, un compromis entre les choix explicites des négociateurs de l'Accord de Nouméa et du constituant français

Le statut de la Nouvelle-Calédonie, et particulièrement la loi du pays, s'intègrent, non sans mal, dans l'architecture institutionnelle et le bloc de constitutionnalité français. La garantie que le relâchement de la tutelle de l'Etat ne priverait pas pour autant les citoyens français de ce territoire d'un Etat de droit dont ils bénéficient depuis toujours devait en conséquence être relativisée. Les dérogations constitutionnelles suggérées par l'Accord de Nouméa ont conduit à une révision de la Constitution en 1998. En conséquence, la loi du pays est parée d'une vertu constitutionnelle. Toutefois, on le verra, cela n'empêche pas la doctrine de poser la question de la nature de la loi du pays et de s'interroger sur la compatibilité d'un partage de l'exercice du pouvoir législatif avec la nature unitaire de l'Etat français.

La traduction juridique des décisions politiques inscrites dans l'Accord de Nouméa, et notamment la mise en place d'un pouvoir législatif local, a nécessité une révision constitutionnelle. Outre l'attribution d'un pouvoir législatif à l'assemblée locale, objet de cette étude, la mise en place d'une citoyenneté et ses corollaires – accès privilégié à l'emploi local et corps électoral restreint pour les élections aux assemblées de province et au Congrès -, ainsi que certaines règles relatives au statut civil coutumier et l'organisation d'une consultation de la population locale, ont imposé une révision du pacte fondamental de la République. En vertu de leur pouvoir de

souveraineté, les parlementaires ont autorisé les dérogations

constitutionnelles nécessaires afin de respecter la volonté des négociateurs du nouveau statut de la Nouvelle-Calédonie. C'est ainsi que le Parlement, réuni en Congrès à Versailles le 20 juillet 1998, a entériné la révision nécessaire52.

Il avait tout d'abord été envisagé d'adopter une loi constitutionnelle séparée, ne s'insérant pas dans le corps même de la Constitution. Au vu du

52 Loi constitutionnelle n° 98-610 du 20 juillet 1998 relative à la Nouvelle-Calédonie, J.O.R.F., 21 juillet 1998, p. 11143.

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caractère voulu temporaire et circonscrit dans l'espace de l'objet du texte, il semblait au Gouvernement plus prudent de ne pas formuler de règles dérogatoires au sein même du texte suprême, mais plutôt d'adopter une technique qui eut été novatrice sous la Cinquième République, bien

qu'utilisée sous la Troisième et la Quatrième : celle de la loi

constitutionnelle53.

Toutefois, le caractère hypothétiquement limité dans le temps et circonscrit dans l'espace ne pouvait à lui seul justifier ce choix54. En effet, c'est principalement le contenu des dispositions à insérer dans la Constitution qui a posé problème au Gouvernement. On ressent ici le malaise que n'a pas manqué de susciter les dérogations constitutionnelles accordées à la Nouvelle-Calédonie, au premier rang desquelles un pouvoir législatif accordé à l'assemblée délibérante locale.

Cependant, les députés n'ont pas suivi cette voie et ont préféré inclure les dispositions relatives à la Nouvelle-Calédonie dans la Constitution, invoquant pour cela deux arguments.

D'une part, l'incorporation du texte dans la Constitution paraissait plus conforme à son article 89 relatif à la révision du texte fondamental. « Insérer

le texte relatif à la Nouvelle-Calédonie dans le titre XIII est, au sens propre, une révision, ce qui n'est pas précisément le cas dans l'hypothèse où l'on vote une loi constitutionnelle qui côtoie simplement le texte du 4 octobre 1958 sans y prendre place »55.

Il semble néanmoins curieux de voir le constituant aussi scrupuleux sur une nuance aussi ténue, alors qu'il est sur le point, dans le même temps, d'accepter des dérogations aux principes les plus fondamentaux régissant la République française56.

Le second argument soulevé était d'éviter de « disloquer le bloc de

constitutionnalité en faisant coexister des textes de valeur normative égale »57.

Cet argument ne paraît pas pertinent. En effet, c'est l'essence même du bloc de constitutionnalité que d'être composé de textes de sources différentes

53 C'est au demeurant la solution qui a prévalu pour intégrer la Charte de l'environnement dans l'ordre constitutionnel français. Loi constitutionnelle n° 2005-205 du 1er mars 2005 relative à la Charte de l'environnement, J.O.R.F. du 2 mars 2005, p. 3697.

54 Ceci n'aurait en effet pas constitué une innovation en la matière puisque la Constitution de 1958 a, dès son origine, contenu des dispositions transitoires. 55 Catherine TASCA, Rapport Assemblée nationale, n° 972, op. cit., p. 80. 56

Il est d’ailleurs saisissant de noter que lors des débats sur la loi constitutionnelle, aucun parlementaire ne s’est attardé sur l’introduction dans l’ordre juridique interne de ce nouvel instrument normatif qu'est la loi du pays.

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bien que de valeur normative égale. Si toutes les règles de valeur constitutionnelle étaient comprises dans le corps même de la Constitution, le

Doyen Favoreu58 n'aurait eu nul besoin de systématiser un tel concept

juridique. Le bloc de constitutionnalité trouve justement son origine dans l'hétérogénéité des normes utilisées par le Conseil constitutionnel pour effectuer son contrôle de constitutionnalité.

En tout état de cause, la solution préconisée par le constituant, à savoir incorporer les règles dérogatoires accordées à la Nouvelle-Calédonie dans le corps même de la Constitution paraissait préférable. Ne serait-ce que pour l'aspect politique qui en découle : ces dispositions acquièrent une plus grande force en étant incorporées dans la Constitution. Au cas contraire, certains auteurs, intrigués par cette construction novatrice et son contenu, auraient toujours pu arguer du fait que si le constituant n'avait pas voulu inclure ces dispositions dans la Constitution, c'est parce qu'il considérait les dispositions relatives à la Nouvelle-Calédonie comme étant, en réalité, inférieures. Ainsi, leur inclusion dans la Constitution permet de rendre leur nature constitutionnelle incontestable et d'exclure une hiérarchie matérielle entre normes de rang constitutionnel.

Dès lors, la place des dispositions relatives au statut dérogatoire de la Nouvelle-Calédonie était toute trouvée : un nouveau Titre XIII de la Constitution intitulé « Dispositions transitoires relatives à la

Nouvelle-Calédonie », composé des articles 76 et 77. L'article 76 est relatif à la

consultation de la population sur l'Accord de Nouméa et l'article 77 fixe le cadre de la loi organique statutaire en autorisant, le plus souvent tacitement, les dérogations constitutionnelles nécessaires à la mise en œuvre de l'Accord de Nouméa.

L'étude des travaux préparatoires à la révision constitutionnelle du 20 juillet 1998 fait apparaître peu de réserves et d'hésitations de la part de la représentation nationale quant à la remise en cause de certains grands principes constitutionnels français, même si certains d'entre eux les ont évoqués. Ainsi, par exemple, le député José Rossi59 a simplement souligné que cette révision entraîne des dérogations à cinq articles de la Constitution

de 195860 et au principe constitutionnel d'égalité, ainsi qu'à certaines règles

58

Louis FAVOREU, « Le principe de constitutionnalité. Essai de définition d'après la jurisprudence du Conseil constitutionnel », in Mélanges C. Eisenmann, éd. Cujas, 1975, p. 33 et s.

59 Débats parlementaires, Congrès du Parlement, compte-rendu intégral, séance du lundi 6 juillet 1998, p. 9.

60 Article 2 (lois du pays), article 3 (corps électoral restreint), article 74 (statut de la Nouvelle-Calédonie), article 75 (statut coutumier), article 11 (référendum local) et au principe d'égalité (préférence locale pour l'emploi).

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édictées dans la Déclaration des droits de l'Homme de 1789 et dans le

Préambule de la Constitution de 194661.

Toutefois, les parlementaires ont estimé que la paix civile méritait bien une adaptation du droit et la priorité étant de préserver l'ordre en Nouvelle-Calédonie, le consensus trouvé par les représentants des deux principales composantes de la société calédonienne devait prévaloir. Pour résumer l'état d'esprit des parlementaires lors de cette révision constitutionnelle, et reprenant Catherine Tasca, on citera Jean-Jacques Rousseau lorsqu'il estime que « la loi d'aujourd'hui ne doit pas être un acte de la volonté générale

d'hier mais celle d'aujourd'hui, et nous nous sommes engagés à faire, non pas ce que tous ont voulu, mais ce que tous veulent »62. Dès lors, bien que les dispositions contenues dans l'Accord de Nouméa heurtent la culture républicaine et les traditions jacobines françaises, il convenait de considérer que « la réalité historique, humaine, politique » ne devait pas s'arrêter,

« pour se figer, devant les bornes juridiques, fussent elles

constitutionnelles » et de réaffirmer « la prééminence de l'humanisme sur le juridisme »63. Il s'agit là tout simplement d'une victoire du réalisme politique sur le juridisme.

Il est toutefois intéressant de noter l'absence de référence expresse à la notion de loi du pays et à sa nature juridique dans le texte constitutionnel, comme témoin de la gêne du constituant à l'égard de ce partage du pouvoir législatif. Néanmoins, sans être nommément désignée et de manière implicite, la loi du pays acquiert une valeur législative constitutionnellement protégée et son contrôle ressortit à la compétence du Conseil constitutionnel, en témoigne l'article 107 de la loi organique du 19 mars 1999 qui constate la « force de loi » des lois du pays.

La solution du partage du pouvoir législatif apparaît donc comme un choix rationnel et réfléchi. Pour autant, nul ne peut s'empêcher de s'interroger sur la relation de la loi du pays avec le droit constitutionnel français et particulièrement de sa compatibilité, et donc de sa portée, sur la nature unitaire de l'Etat français (Deuxième Partie).

Répondre à une telle question impose tout d'abord nécessairement de procéder à une étude intrinsèque du nouvel instrument normatif. En effet, mesurer l'impact de la loi du pays sur le droit constitutionnel national

61 On peut également évoquer les interrogations soulevées par Charles PASQUA lors de la séance du Sénat du 30 juin 1998.

62

Débats parlementaires, Congrès du Parlement, compte-rendu intégral, séance du lundi 6 juillet 1998, p. 14.

63 Guy ALLOUCHE, Débats parlementaires, Congrès du Parlement, compte-rendu intégral, séance du lundi 6 juillet 1998, p. 11.

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implique de connaître toutes les caractéristiques de la loi du pays : garanties procédurales, importance du domaine matériel, modalités de son contrôle (Première Partie). Tous ces éléments doivent être déterminés dans la mesure où ils sont nécessaires pour mesurer la liberté normative réelle permise par la détention du pouvoir législatif local mais également et surtout déterminer la nature véritablement législative de la loi du pays.

Alors que Monsieur Pierre Lampué a utilisé en 1958 la notion "d'Etat-pluri-législatif", du fait de l'intrusion des territoires d'outre-mer dans les domaines énumérés à l'article 34 de la Constitution, il convient en effet de s'interroger sur la nature de la loi du pays. L'auteur a expliqué que « la

République française apparaît comme un Etat unitaire pluri-législatif, c'est-à-dire un Etat comprenant plusieurs fractions dotées de législations particulières »64. A la lumière du nouvel instrument normatif que constitue la loi du pays, il convient de se demander s'il ne faut pas faire évoluer le signifié de la notion. En effet, l'auteur a qualifié la République française d'Etat unitaire pluri-législatif parce qu'il existait des portions du territoire sur lesquelles les législations applicables étaient différentes. Il s'est donc attaché au contenu de la norme et non au contenant : il a considéré la pluralité de législations. Avec la loi du pays, ce n'est plus seulement la pluralité de législations mais également la pluralité de législateurs qui doit être appréhendée.

Cela change-t-il pour autant quelque chose ? En réalité, la question fondamentale est la suivante : la loi du pays entraîne-t-elle la remise en cause de la nature unitaire de l'Etat français ? Pour répondre à une telle problématique, il convient de se positionner par rapport aux deux écueils reprochés à la loi du pays : l'instrument législatif local aurait pour conséquence un partage de la souveraineté et entraînerait un risque considérable d'atteinte au principe d'égalité, en ce que les libertés publiques ne seraient pas garanties pour tous de la même manière sur l'ensemble du territoire national.

En tout état de cause, la loi du pays introduit indéniablement un élément de fédéralisme dans l'organisation constitutionnelle française. Est-ce concevable dans le cadre d'un Etat unitaire ? Cette évolution démontre-t-elle une mutation organisationnelle de l'Etat français, qui sans renier sa nature unitaire, se tourne vers un modèle plus à même de prendre en compte les demandes de prises de décision au niveau local ? Reflète-t-elle une amorce de transformation de l'Etat français en Etat fédéral ? Si l'on opte pour la première solution, il faut bien admettre que ce n'est qu'au prix d'une évolution de la perception de l'Etat unitaire par rapport aux préceptes édictés en 1789. Alors, comment positionner la loi du pays dans le cadre de ce

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renouveau de l'Etat, symbolisé par la révision constitutionnelle de 2003 sur l'organisation décentralisée de la République65 ?

A cet égard, une autre question se pose. En effet, alors que l'on aurait pu penser qu'une fois introduite dans l'ordre juridique français, la loi du pays serait étendue à d'autres collectivités d'outre-mer, tel n'est pas le cas aujourd'hui. Pourtant, le projet de loi constitutionnelle relatif à la Polynésie

française66 visait notamment à attribuer à cette collectivité, alors devenu un

pays d'outre-mer (P.O.M.), le pouvoir d'adopter des lois du pays67. Cette réforme aurait permis selon le député Dominique Bussereau d'inscrire l'Etat « dans la logique de l'évolution institutionnelle de l'outre-mer, qui vise à

mieux prendre en compte les spécificités locales »68. Mieux, le pas que n'avaient pas franchi les parlementaires nationaux lors du vote de la loi constitutionnelle relative à la Nouvelle-Calédonie, à savoir la référence, dans