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Un Gouvernement original élu à la représentation proportionnelle

§ 3 – Des pratiques similaires à la procédure législative nationale

1/ Un Gouvernement original élu à la représentation proportionnelle

Le caractère collégial du Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie est souvent présenté comme une spécificité. Or, il s'agit en fait d'un abus de langage. En effet, il n'y a rien de très original dans une telle caractéristique puisque tout gouvernement est collégial. C'est en réalité le mode de désignation du Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie qui constitue sa singularité.

Elu par le Congrès de la Nouvelle-Calédonie au scrutin de liste à la représentation proportionnelle, l'exécutif local reflète donc les tendances politiques de l'assemblée. Majorité et minorités parlementaires se côtoient au sein du Gouvernement. Imposée par l'Accord de Nouméa et conforme à une logique consociative, cette composition hétérogène reflète la nécessité de construire un destin commun pour les différentes composantes de la société

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calédonienne. En imposant à la majorité de discuter avec les représentants des tendances minoritaires, la structure du Gouvernement est donc véritablement originale.

Toutefois, si la collégialité à la calédonienne « implique dialogue, travail

en commun et information réciproque »266, la décision finale est le plus souvent prise à la majorité. Ce mode de fonctionnement s'est imposé même si le F.L.N.K.S. a longtemps estimé que toute décision devait être prise sur la base d'un consensus. En effet, l'article 128 de la loi organique dispose que « le Gouvernement est chargé collégialement et solidairement des affaires

de sa compétence. Ses décisions sont prises à la majorité de ses membres. En cas de partage égal des voix, celle du Président est prépondérante.

Le Gouvernement arrête les projets de délibérations et projets de lois du pays qui sont soumis au Congrès.

Les arrêtés du Gouvernement sont signés par le Président et contresignés par les membres du Gouvernement chargés d'en contrôler l'exécution. »

Conformément à l'esprit de l'Accord de Nouméa, c'est bel et bien collégialement que le Gouvernement détient le pouvoir d'initiative des lois du pays. Cela distingue la loi locale de la loi nationale tant il est vrai que la logique étatique est différente de la dialectique calédonienne. Alors que la Constitution dispose que la volonté gouvernementale est exprimée par le

Premier ministre267, dans le but d'asseoir la prééminence du chef du

Gouvernement sur son équipe, la loi organique privilégie le consensus au sein de l'exécutif local.

Un avis du Conseil d'Etat268 précise les conséquences du consensualisme

devant régner au sein de l'exécutif. Il estime en effet que « la décision par

laquelle un membre du Gouvernement refuse d'apposer son contreseing sur un acte assujetti à cette formalité en vertu de l'article 128 précité de la loi organique du 19 mars 1999, n'est pas détachable de l'acte pour lequel le contreseing est requis". En conséquence, "le refus d'un membre du Gouvernement d'apposer sur un acte dont il est chargé de contrôler l'exécution le contreseing requis par l'article 128 de la loi organique du 19 mars 1999 entache ledit acte d'un vice de forme de nature à entraîner son annulation. » En d'autres termes, chaque membre du Gouvernement dispose

dans son secteur d'un droit de veto.

266 Jeanne PAGE, "Gouvernement", in "101 mots pour comprendre les institutions de la Nouvelle-Calédonie"; J.-Y. FABERON et F. GARDE (Dir.), Ed. Ile de Lumière, Nouméa, 2002.

267

Même si le Premier ministre agit au nom du Gouvernement et qu'en période normale, il est le "prête-nom" du Président de la République.

268 CE, avis, 27 juillet 2001, n° 233.446, Président du Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, J.O.R.F. du 31 août 2001, p. 13982.

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Appliqué au droit d'initiative, cela signifie que le refus, par le membre du Gouvernement chargé du secteur, de contresigner le projet de loi du pays condamne ce dernier en empêchant son dépôt valable sur le bureau de l'assemblée. Il est important de noter cette spécificité même si ce refus peut être détourné par le dépôt d'une proposition de loi du pays reprenant le contenu du projet controversé.

A cet égard, il y a lieu de s'interroger sur la légalité des modalités de transmission des projets de loi du pays au Congrès de la Nouvelle-Calédonie. En effet, depuis la mise en place des institutions en 1999, le projet de loi du pays fait l'objet d'une simple lettre de transmission, signée uniquement par le Président du Gouvernement. Le projet de loi du pays, même s'il est adopté en réunion de Gouvernement, ne fait pas l'objet d'un arrêté. Ainsi, le paraphe du membre du Gouvernement chargé du secteur n'est pas nécessaire. En conséquence, le droit de veto reconnu par le Conseil d'Etat à chaque membre du Gouvernement dans son secteur d'intervention est remis en cause par ce procédé. En effet, les projets de loi du pays sont, en cas de désaccord, adoptés à la majorité. Dès lors, un projet de loi du pays peut tout à fait être transmis au Congrès de la Nouvelle-Calédonie, sans que le membre du Gouvernement intéressé ait donné son assentiment.

Le fait de ne pas formaliser le projet adopté par le Gouvernement dans un arrêté et de ne pas requérir la signature du membre du Gouvernement concerné au bas de la lettre de transmission n'est pas conforme à l'article 128 de la loi organique qui dispose que « le Gouvernement arrête les projets de

délibérations et projets de lois du pays qui sont soumis au Congrès » et que

« les arrêtés du Gouvernement sont signés par le Président et contresignés

par les membres du Gouvernement chargés d'en contrôler l'exécution ». En

réalité, cette rédaction signifie que la procédure de transmission des projets de loi du pays aurait certainement dû être calquée sur la pratique nationale. En effet, le projet de loi est assorti d'un décret de présentation269, signé par le Premier ministre et contresigné par les ministres intéressés.

Cela signifie sans doute que toutes les transmissions de projets de loi du pays opérés à ce jour l'ont été de manière illégale.

269 Ce décret de présentation indique les organes qui ont délibéré, détermine l'assemblée devant laquelle le texte sera déposé en premier lieu et désigne le ou les ministres qui en soutiendront la discussion devant les assemblées.

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2/ La force d'initiative du Gouvernement de la