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Quels rapports langagiers entre le discours historique et ses sourceshistorique et ses sources

LINGUISTIQUE DE L'ÉCRITURE HISTORIENNE Parmi les rapports de l'histoire et du langagier compte celui de son rapport

I.1.4.2. Quels rapports langagiers entre le discours historique et ses sourceshistorique et ses sources

Le travail de l'historien repose sur le cheminement qui se fait entre la microhistoire et la macrohistoire : le paradigme indiciaire donne accès à un niveau supérieur. Ce cheminement n'est pas à sens unique : il oscille entre indices et conceptualisations, entre une approche qualitative des premiers et une approche quantitative qui permet la généralisation. L'histoire, en effet, ne peut pas se contenter d'être l'histoire du particulier.

I.1.4.2.1. Une histoire « locale » : la

microhistoire

L'histoire est construite par l'historien sur la base des indices laissés par le passé. L'interdiscours existant entre les sources et l'histoire racontée est un

champ ouvert à l'analyse. Le concept de microhistoire repose sur le terreau des micro indices.

I.1.4.2.1.1. Laisser l'histoire quantitative

L'histoire des annales, et plus largement l'histoire quantitative, part du postulat que l'histoire doit s'intéresser aux masses, aux classes, aux grands groupes pour dégager des régularités stables. Les grands mouvements de l'histoire des hommes sont appréhendés au travers des masses et des grands ensembles.

I.1.4.2.1.2. Microhistoire et paradigme indiciaire

La microhistoire culturelle, par la voix de Carlo Ginzburg, prône une réduction de l'échelle historienne. Alors que l'histoire universelle jouait de l'imbrication et du tissage de tous les événements pertinents en histoire ; alors que Braudel pensait la longue, voire la très longue durée, la microhistoire invite quant à elle à repenser l'échelle pertinente dans le travail de l'historien. Ainsi, c'est au cœur de l'individu que siégeraient les éléments d'un paradigme indiciaire à exploiter. Souhaitant le retour aux individualités perçues comme représentatives de l'état de leur époque, les historiens de cette microstoria pensent l'histoire à échelle humaine.

Les individus sont de ce point de vue le reflet de leur univers, et, en étudiant ces individualités, l'historien accède à un niveau supérieur et global : le monde où ont évolué ces individus. En étudiant et en recoupant ces indices (opposés aux grandes régularités d'une histoire pensée globalement), l'historien constitue un paradigme contenant les indices laissés par son temps dans la vie des petites gens.

Si le paradigme historique pose les bornes des possibles et des pertinences, invitant à se rapprocher d'un réel historique, il repose en linguistique sur le rassemblement de formes en relation motivée par le fait de leur énonciation en contexte (au sens large), en relation par leur coexistence discursive et interdiscursive. Certes, paradigme historique et paradigme linguistique sont deux choses différentes et bien identifiées dans des univers distincts, mais ils en appellent tous deux à une cohérence qui justifie leur coexistence.

Si le paradigme indiciaire, isolable dans le cadre d'une approche microhistorienne, est incontournable pour la complétude de l'approche historienne, dont les sources se doivent d'être variées, cette science ne peut pourtant s'en contenter. Elle le peut encore moins dans le cadre d'une analyse du discours qui s'abstrait du particulier pour atteindre les niveaux d'existence discursive supérieurs.

I.1.4.2.2. « Quantitatif et qualitatif, macro

et micro, global et local

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En empruntant ce titre à Damon Mayaffre , nous avançons le parallèle possible entre deux rapports binaires : macro et micro, global et local. Le niveau macro contient tous les sous-niveaux micro : l'intérêt porté au local, par le biais de l'indice, de l'individu et des traces de bas niveau, s'en trouve validé. Damon Mayaffre, historien de formation devenu analyste du discours90 le réaffirme lorsqu'il rappelle que le local est déterminé par le global (Mayaffre, 2010). En conséquence, le niveau de l'écrit historien compte parmi les paramètres qui contraignent ses sources, elles-mêmes porteuses de leur énonciation. Ces contraintes en chaîne expliquent précisément notre orientation de recherche.

Les approches quantitative et qualitative sont inter-dépendantes, car, « si le texte et la textualité peuvent encore être considérés comme des objets micro réclamant l'approche qualitative, le corpus et la corporalité, en tant qu'objets macro, semblent exiger une approche quantitative » (Mayaffre, 2010: 16)  . Les niveaux micro et macro sont bien distincts, mais ils ne manquent pas pour autant de fonctionner ensemble. Le niveau macro contraint le niveau micro, porteur alors des traces de ces contraintes. L'historien manipule donc simultanément, parfois à son insu, deux objets : d'une part, son corpus archivistique pour ce qu'il représente par rapport à ses exigences de constitution ; d'autres part, les traces de son moule contextuel contenues dans ce corpus.

L'analyse linguistique devient dès lors inévitable, au minimum par le biais de « la co-occurrence comme la forme minimale du contexte (forme minimale et calculable) nécessaire (et parfois suffisante) à l'interprétation (...) » (Mayaffre, 2010: 18)  . L'approche co-occurrencielle impose au passage le choix d'une perspective quantitative : les analyses reposant sur des paramètres supérieurs à deux sont humainement impossibles du fait de leur coût cognitif.

Finalement, la logométrie, basée sur le traitement informatique de grands corpus, rend perceptible ce lien unissant les niveaux macro et micro, par le biais d'une lecture « révolutionnaire mais non destructrice qui cherche à adjoindre à la lecture naturelle, linéaire, qualitative, traditionnelle du texte (si ce n'est que cette lecture se passe sur écran et non sur papyrus, sur parchemin ou papier), une lecture hypertextuelle, quantitative, tabulaire, réticulaire que seul autorise le numérique » (Mayaffre, 2010: 23)  . Par voie

89Nous reprenons un des titres de Damon Mayaffre (Mayaffre, 2005 : 34).

90A ce sujet, Damon Mayaffre écrit dans une note que, « après un cursus complet en histoire (…) si [sa] thèse a su convaincre [un jury d'historiens], elle apparaît au détour de certaines phrases bien innocente linguistiquement. […] [Ses] lacunes en linguistiques restent à ce jour évidentes, mais apparaissent chaque année un peu moins importantes jusqu'à prétendre aujourd'hui soutenir [son]HDR en Science du langage » (note 30 dans Mayaffre, 2010 : 23-24)  .

de conséquence, il devient possible de croiser différents niveaux d'analyse, et les corpus peuvent se complexifier en étant constitués d'un véritable réseau tridimensionnel.

I.1.4.3. Evaluer l'importance de l'interdiscours