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Des pratiques historiographiques aux pratiques quantitativesquantitatives

scientificité comme moteur de l'analyse du discours ?

I.1.1.3. Des pratiques historiographiques aux pratiques quantitativesquantitatives

Dans cette petite rétrospection, nous exploitons principalement l'ouvrage dirigé par Charles-Olivier Carbonell et Jean Walch : Les sciences historiques

de l'antiquité à nos jours (1994), afin d'analyser les fondements du discours

historique.

I.1.1.3.1. Retour sur « les praticiens de

l'histoire »

17

De l'antiquité à l'époque moderne, la science historiographique a évolué, reflétant à chaque fois une conception toujours renouvelée de cette discipline en construction.

I.1.1.3.1.1. De l'Antiquité au Moyen-Âge

Les périodes traditionnellement identifiées de l'Antiquité au Moyen-âge se caractérisent souvent par des variations dans leur conception du travail et de l'oeuvre de l'historien.

16Le numéro est intitulé « Langue et groupes sociaux ».

17Ce titre est une expression empruntée à l'introduction de Les sciences historiques de l'antiquité à

nos jours (Carbonell et Walch, 1997 : 13). Dans ce chapitre, nous exploitons majoritairement cet ouvrage dirigé par Carbonell et Walch et paru en 1994.

I.1.1.3.1.1.1. L'antiquité

Le travail historiographique comprend deux grandes étapes : d'une part, la phase d'enquête historique, et, d'autre part, celle de l'écriture proprement dite. Ces deux phases sont toutes les deux nécessaires à l'œuvre historique : sans enquête préalable, le récit, alors sans lien à la réalité, tombe dans la fiction ; l'enquête, seule, ne saurait dire l'histoire, ni la propager. Revenons sur ces deux étapes.

L'antiquité grecque est le berceau de l'histoire occidentale, dont la naissance « est une des composantes du miracle grec. (…) deux œuvres fondent l'histoire comme genre : l'enquête d'Hérodote et la Guerre du Péloponnèse de Thucydide » (Carbonell et Walch, 1997: 19)  .

Avec Hérodote d'Halicarnasse (v. 485-425), historien Grec, le mot enquête est utilisé et le dessein de ce « père de l'histoire », comme on le nomme parfois, était proche des prétentions des historiens plus contemporains : retracer les exploits militaires, actuels ou récents, de tous les hommes, aussi bien grecs que barbares, afin de les garder vivants à la mémoire. Hérodote qualifie son travail d'« enquête », comme le souligne Jacqueline de Romilly, qui rappelle que l'œuvre d''Hérodote « s'appelle ’Ιστορ́ιη (Historiè) ce qui veut dire enquête » (De Romilly, 2001), précisant « qu'il n'est pas très facile de lui donner un titre qui soit plus précis » (Ibid., 2001).

Les travaux d'Hérodote retracent les guerres médiques qui opposent Grecs et Perses de -499 à -479 et ne manquent pas de soulever les questions essentielles pour l'historien, qui d'ailleurs feront souvent débat : l'historien peut-il être objectif ? Quel est l'événement, exploit ou simple action des hommes, auquel il devrait s'intéresser ? Quelle place doit-il accorder au travail de mémoire ? Comment doit-il conduire son travail d'enquêteur. Pourtant, malgré le travail d'historien mené par Hérodote, méthodique et consciencieux, même si « la tentative d'Hérodote est scientifique dans son intention » chercher les causes de la guerre, dire ce que l'on sait, chercher à savoir qui a raison, « oser une réflexion critique contre l'opinion des siens » (Carbonell et Walch, 1997: 20-21)  , c'est plutôt Thucydide qui jouira de la réputation d'avoir été le premier historien scientifique et rigoureux. En effet, Hérodote, « grand amateur des mœurs exotiques et des contrées lointaines, grand amateur de légendes et de fantastique », « multiplie dans son œuvre les digressions (les logoi) géographiques, ethnographiques, biographiques. Sa méthode (…) est celle d'un reporter » (Carbonell et Walch, 1997: 19)  . Thucydide, même s'il eut lui aussi recours à l'enquête, « perçoit les contradictions entre les témoignages et tente de les résoudre » (Carbonell et Walch, 1997: 25)  : son travail d'enquêteur devient « une science positive,

rationnelle, qui vise à l'intelligence des faits » (Carbonell et Walch, 1997:  25).

L'idée d'« enquête » renvoie à deux étapes qui seront de tous temps reprises par les historiens :

1/ celle de la collecte des données (nous dirions aujourd'hui « constitution de l'archive ») ;

2/ celle de la critique de celles-ci (la critique et le recul par rapport aux archives garantissent la validité du travail d'enquête). Il faudra, nous le verrons, y ajouter une troisième : celle de l'écriture18.

Hérodote et Thucydide fondent par leur œuvre un genre qui « fleurit dans le monde méditerranéen pendant 8 siècles » (ibid. : 25). Il connaîtra des évolutions, mais « plus sur la forme que dans le fond » : l'essence de ce qui sera plus tard l'histoire reste la même, et « tant que la civilisation demeure païenne, l'histoire conserve les mêmes caractères qui viennent des rapports qu'elle entretient avec la rhétorique, l'éthique et la politique » (Carbonell et Walch, 1997: 25)  , rapports qui expliqueront, sans doute, les héritages de l'historiographie moderne.

Si le fond reste le même, selon Carbonell et Walch, ils ne précisent pas de quoi il relève ; au point qu'il semble parfois délicat de trouver une réelle unité dans les formes que prennent ces nombreuses variantes. On passe des

Commentaires19 militaires de César20 (-101 à -44), alliant « concision des portraits, rareté des discours rapportés souvent au style indirect, technicité du langage » (Carbonell et Walch, 1997: 20)  où « l'historien n'est qu'un

narrator qui se moque des ornements rhétoriques » à Sallustre21, pour qui « l'effort de style compte plus que l'effort de vérité », sans doute parce qu'il cherchait la gloire littéraire. D'autres semblent être réellement rigoureux, comme Suétone22. Le genre dans lequel excellent les Grecs est celui des annales, « œuvres rigoureusement chronologiques, comme son nom l'indique, et d'une certaine ampleur », avec celles de Tite-Live23 par exemple.

18Voir les travaux d'Antoine Prost, qui est historien (1996, 2000) ou de Paul Ricœur, philosophe (2000).

19On entend alors par commentarii « un exposé précis de faits vécus dont on veut garder la mémoire » (Carbonell et Walch, 1997 : 20)  .

20Jules César nous a légué les Commentaires sur la guerre des Gaules et les Commentaires sur la

guerre civile. L'œuvre complète comprend 11 livres.

21Sallustre est un historien et un homme politique romain (-86 av. J.-C., -35 av. J.-C.).

22Suétone (70 ap. J.-C.-140 ap. J.-C.) est un biographe romain, qui a, entre autres, rédigé une biographie de Jules César. Il ne « toucha à l'histoire que dans la mesure où les personnages dont il trace les portraits et raconte la vie appartiennent à l'histoire générale » (Grimal, 2008).

Pour Cicéron24, l'histoire « est un genre littéraire (…) qui doit, captiver, émouvoir (…) ». Mais pour les romains, l'histoire doit aussi servir d'exemple et montrer la voie, ils « écrivent pour des raisons morales (…). car le patriotisme est un trait commun aux historiens romains » (Carbonell et Walch, 1997: 20)  . Atteindre cet objectif moraliste est le seul qui vaille, tout doit servir cette cause ; les règles rhétoriques sont mises à contribution : « assurer la continuité du récit, ce qui autorise l'invention, multiplier les beaux tableaux et donc recomposer les originaux, condenser pour mieux dramatiser, ce qui permet des libertés vis-à-vis de la chronologie » (Carbonell et Walch, 1997: 20)  . Si une unité est à chercher, elle prend corps dans cette volonté de rendre moraux les enseignements de l'histoire.

I.1.1.3.1.1.2. Le moyen-âge

La tradition chrétienne « bouleverse l'histoire : son cours, certes, mais aussi son interprétation et son écriture ; et cela bien avant et bien après la période appelée communément Moyen-Âge » (Carbonell et Walch, 1997: 45)  . Pour les chrétiens, « l'histoire a un sens ». (Carbonell et Walch, 1997: 46)  . Les hommes qui font œuvre d'histoire ne sont pas des historiens, « mais des théologiens, des prédicateurs, des canonistes ». Vie des Saints, annales, chroniques, miracula (recueils de miracles) : toutes ces œuvres sont imprégnées d'une forte croyance qui donne un sens à l'histoire, un sens religieux. Aux côtés de cette histoire religieuse cohabitent une histoire politique et nationale, ainsi qu'une histoire des dynasties.

Lorsque le latin recule, et que la tutelle de l'histoire n'est plus celle de l'église, les chroniques25 et les chroniqueurs se multiplient. Un autre changement vient précipiter le passage du modèle religieux à une histoire moderne proche du pouvoir : les historiographes sont ceux du roi, et ils se voient confier la charge de la conservation des archives. Ils ont alors deux fonctions : « relater les hauts faits de leur protecteur et compiler un corpus de documents relatifs aux antiquités du pays » (Carbonell et Walch, 1997:  48) : ils ont aussi à charge de fonder « les origines providentielles des dynasties qu'ils servent » (Carbonell et Walch, 1997: 48)  . L'Etat, par le biais de la religion, garde la main sur une discipline qui était déjà très politique (militaire).

24Cicéron (106 av. J.-C. - 43 av. J.-C.) est un orateur prestigieux qui, ayant étudié et formé à« la poésie, la rhétorique et le droit, et (…) ce qui moins fréquent, à la philosophie », était également rompu à la politique (Michel et Nicolet, 2008). Ses apports sont grands en philosophie politique, et il exerça une grande influence sur l'histoire de la pensée européenne, « par la place qu'il donne à la philosophie, à l'histoire, au droit : il est à l'origine de notre conception des lettres » (Michel et Nicolet, 2008)

25« Le mot chronique désigne à partir du XIIIème siècle soit la relation d'événements auxquels l'auteur a été mêlé, soit la synthèse plus ou moins élaborée de documents relatifs au passé des états qui cherchent à se doter d'une mémoire » (Carbonell et Walch, 1997 : 47). Une chronique peut être  militaire ou politique.

I.1.1.3.1.2. De la Renaissance à l'Epoque moderne

La Renaissance cherchera à se détacher de ce « passéisme dévot [qui avait marqué le Moyen-âge mais] n'était pas le chemin de la modernité » (Carbonell et Walch, 1997: 68)  . Il faut rompre avec cette pratique marquée par la religion, par la croyance et le surnaturel : les historiographes imitent certes l'art oratoire des anciens, dramatisant et multipliant les discours

exquis, et apportant ainsi un cachet parfois théâtral ; mais ils n'en mènent

pas moins des recherches sérieuses, raisonnées et rationnelles qui « inaugure[nt] une historiographie sans Providence ni miracles […] Le surnaturel est oublié, (…) la foi remplacée par la raison (…) » (Carbonell et Walch, 1997: 68)  . Au XVème siècle, celui de la Renaissance, l'historiographie est humaniste. L'histoire devient au siècle suivant rapidement une histoire savante en rupture radicale avec ce qui se faisait jusqu'alors. La numismatique sort de l'ombre, l'archivistique apparaît, et bien d'autres méthodes ou recueils sont fondés. De plus, les bibliothèques publiques sont ouvertes. L'histoire devient une science humaine, car elle étudie « les actions des hommes à travers les sociétés » (Jean Bodin cité dans Carbonell et Walch, 1997: 68-69)  . Elle est une science à part entière, car elle a ses lois (déterminisme géographique, dérive des civilisations, etc.). L'histoire permettrait une compréhension du tout.

Aux XVIIème et XVIIIème siècles, de plus en plus d'archives sont ouvertes et rendues disponibles, dans un grand mouvement de publication des sources (Carbonell et Walch, 1997: 71)  : elles se diversifient aussi, les sources rassemblant alors les archives épigraphiques, diplomatiques, politiques, religieuses. Avec le Siècle des Lumières l'historien devient philosophe. « L'histoire philosophique, c'est celle qui parvient à dégager la cause générale d'un grand événement (…). La philosophie sur l'histoire est une réflexion sur l'historiographie même, sur son utilité et sur sa façon de l'écrire » (ibid. :

73). C'est dans ce même XVIIIème siècle qu'apparaîtra l'histoire culturelle.

I.1.1.3.2. Les XIXème et XXème siècles

Les XIXème et XXème siècles voient l'histoire devenir un outil au service du pouvoir puis du peuple dans un mouvement de construction identitaire.

I.1.1.3.2.1. Le XIXème siècle

Le XIXème siècle sera « le siècle de l'histoire », voire de l'Histoire, avec une majuscule qui « s'impose puisque cette histoire ne se limite pas au seul passé connu mais au passé dans sa totalité » (Carbonell et Walch, 1997:  114). A l'histoire-connaissance succède l'histoire-réalité. « Les passions politiques alimentent les souvenirs contradictoires d'un passé que chacun

fabrique au gré de ses ambitions » (Carbonell et Walch, 1997: 110)  . Démocratisée, l'histoire s'est tournée vers les combats identitaires, avec une « historiographie provinciale résolument nationale » et une tendance à l'engagement politique et à la lutte des classes.

Malgré certains marginaux comme Michelet qui fut « davantage un poète historien qu'un historien poète » (Carbonell et Walch, 1997: 112)  , la fièvre documentaire « saisit l'Europe tout au long du siècle » (Carbonell et Walch, 1997: 114)  . A la moitié du XIXème siècle en effet, l'historien n'est plus convoqué pour chanter les louanges du roi, « il est un professionnel assuré de la stabilité de son emploi » (ibid. : 116). Ainsi se constitue un corps d'historiens de formation et de profession. L'Etat dirige la recherche et indirectement façonne l'histoire à son image. Pourvoyeur des Instituts de recherche, protecteur du patrimoine, possesseur des dépôts de documents, sa main-mise ne fait pas de doute. Mais son poids est encore accentué par d'autres paramètres tels que l'éducation, pour les cours qu'il commande et les enseignants qu'il met en fonction. Le mécénat n'est pas loin, « l'Etat est omniprésent, omnipotent. D'où une contradiction : au service de l'Etat, l'historien ne peut être qu'un patriote et un serviteur du régime, tandis que sa discipline s'affirme dotée d'une méthode qui fonde son objectivité » (Carbonell et Walch, 1997: 116-117)  . Ce lien s'est aujourd'hui détendu, mais il reste plus que d'actualité.

Langlois et Seignobos sont porteurs d'une méthode souvent qualifiée de

positiviste, ou de positive. Carbonell et Walsch, qui préfèrent ce dernier

terme, justifient leur choix en exposant les différences notables qu'ils relèvent entre le positiviste d'Auguste Comte et ce que proposent Langlois et Seignobos26. Le seul point commun entre ce positivisme historiographique et le positiviste (historique et sociologique d'Auguste Comte) est le « rejet du surnaturel, de la cause finale, du providentialisme, et leur recours à l'observation et à la vraisemblance comme critère de vérité. En fait, l'historiographie savante et érudite du XIXème siècle est non pas positiviste mais, plus prudemment, positive » (Carbonell et Walch, 1997: 118)  .

La méthode positiviste, pour « organiser en un récit chronologique (…) comment cela s'est réellement passé » (Carbonell et Walch, 1997: 117)  , « ne doit rien dire qui ne soit vérifiable ». L'historiographie positiviste se retrouve donc pauvre en explication, car, reposant sur un lien de causalité fort, elle considère que ces liens n'ont pas à être explicités : les liens de causalité, forts, logiques, doivent pouvoir se passer d'explications parce qu'ils parlent d'eux-mêmes. De plus, l'historiographie positive « se limite à un enchaînement de faits datés et localisés [duquel il résulte une] place privilégiée accordée à l'histoire politique, à celle des institutions et des états, à l'histoire diplomatique, à l'histoire militaire » (Carbonell et Walch, 1997: 117).  L'histoire positive s'est vue qualifiée, de façon péjorative, d'histoire

événementielle, d'histoire bataille, d'histoire historisante. Cette méthode qui s'est essoufflée à cause de l'exhaustivité des sources, rêve inaccessible, et de la question de cette objectivité à laquelle l'historien n'accédera jamais, sonnera la fin de l'historiographie positive. La question de l'objectivité dans les sciences humaines et sociales est générale, et elle se posera toujours, parce que les analyses portent forcément une part de subjectivité, mais elles sont malgré tout scientifiques : la question de l'objectivité naît de cette tension entre subjectivité et scientificité. L'analyse passe par une description et une explication, et c'est l'équilibre entre ces deux états qui permet de valider la scientificité de l'analyse.

I.1.1.3.2.2. Le XXème siècle

Le XXème siècle français est marqué par une histoire nouvelle, la nouvelle

histoire. Issue de l'Ecole des annales, la nouvelle histoire relève d'une histoire

économique et d'une histoire sociale, dans un mouvement de rejet de l'événementiel. Les chefs de file de cette nouvelle histoire fondèrent une école dite méthodique : elle est celle qui eut cours dans la première moitié du XIXème siècle. Son nom vient du fait qu'elle reposait sur un fort balisage du travail d'historien, ce balisage marquant le parcours de recherche scientifique par de nombreuses étapes successives.

Dans la deuxième moitié du XIXème siècle (vers 1950), Marc Bloch27 (1886-1944) et Lucien Febvre28 (1878-1956) succèdent à ce courant méthodique en lançant les Annales d'histoire économique et sociale29. Leur approche ne se situe plus sur le terrain chaotique et hétérogène de l'événementiel, mais sur celui de l'homogénéité créée par les répétitions, la fréquence et la statistique : cette nouvelle, quantitative, sera dite sérielle. Fixant pour objectif l'écriture d'une histoire globale qui dépasserait largement les champs politiques et militaires, privilégiés jusqu'alors, ils ont pour ambition d'écrire l'Histoire. Cette histoire des Annales sera celle du XXème siècle.

La seconde génération de cette école, portée par Fernand Braudel30 (1902-1985) et Ernest Labrousse31 (1895-1988), s'oriente un peu plus vers l'histoire quantifiée : faisant la part belle aux aspects quantitatifs laissés jusqu'alors de côté (et ce peut être simplement à cause des techniques limitées), elle s'en tient à une science voulue comme non interprétative, en exploitant des informations chiffrées et des outils logiciels nouveaux qui doivent, croit-on alors, la faire accéder au rang des disciplines scientifiques.

La troisième génération est qualifiée d'« histoire des mentalités », de « Nouvelle histoire »qui opère un autre changement de paradigme. Elle

27Voir Bloch 1620, 1924, 1946, 1949, 1999, 2011 ; la liste de ses publications n'est pas exhaustive.

28Voir Febvre 1911, 1930, 1952, 2011 ; la liste de ses publications n'est pas exhaustive.

29Revue fondée en 1929.

30Voir Braudel 1922, 1958, 1969, 1984 ; la liste de ses publications n'est bien entendue pas exhaustive.

émerge dans les années 1970 et s'intéresse aux représentations collectives, aux « mentalités » et à toutes les structures qui en résultent. Autour de Jacques Le Goff (né en 1924) et Pierre Nora32 (né en 1931), cette vision de l'histoire n'est plus globale, mais individuelle et presque atomique. Cette troisième génération est quantitative dans le traitement des données qui s'insèrent dans des séries de données similaires.

La nouvelle histoire ne cesse, en réalité, de se renouveler, comme le soulignent Carbonell et Walch (1997 : 193) :

« les techniques de l'historien se sont multipliées et surtout ont multiplié leur efficacité de façon prodigieuse. Les mots, comme signes, sont dénombrés, corrélés par la linguistique, la lexicométrie, la sémantique. La mémoire infaillible de l'ordinateur stocke les données par milliers, et s'il le faut par millions, puis les restitue ou les traite avec une fantastique rapidité. L'historien et la machine, ce pourrait être le dernier chapitre d'une histoire de l'historiographie ».

L'histoire se replie sur elle-même et laisse les promesses du structuralisme pour se tourner vers l'informatique et les nouvelles perspectives qu'elle offre.

I.1.1.4. « L'HISTOIRE ET LA MACHINE »

33

L'histoire s'est emparée des potentialités offertes par la machine depuis de nombreuses années. Ainsi outillée, cette science pouvait mettre à profit les possibilités de calculs pour asseoir sa scientificité. Aujourd'hui, alors que l'outil informatique a infiltré tous les domaines, la collaboration reste de mise, et le traitement automatique de la langue intéresse toujours l'histoire.

I.1.1.4.1. « Histoire et mesure »

Histoire et mesure est le titre d'une revue déjà ancienne. Le premier numéro

datant de 1986, elle voit le jour, comme décrit dans sa présentation, à un moment où « l'histoire quantitative avait cessé d'être à la mode » 34: la revue prétendait alors représenter un « espace d'échange d'expériences, en particulier autour des nouvelles méthodes de travail induites par l'informatique (...) » 35. Cette revue, depuis sa création, a « maintenu un équilibre entre deux approches complémentaires : d'un côté l'histoire de la mesure, de ses instruments, de ses unités, de ses statistiques » (ibid.), invitant à une réflexion sur la pertinence des contenus et des représentations de données, et de l'autre côté, la « mesure de l'histoire » (ibid.), posant la question des outils de traitement statistique de l'information, « de faire usage du chiffre pour mesurer des phénomènes historiques de tous ordres (…) et

32Voir Nora 1961, 1962, 2011 ; la liste de ses publications n'est bien entendu pas exhaustive.

33 Nous empruntons le titre à Carbonell qui écrit :« L'historien et la machine, ce pourrait être le dernier chapitre d'une histoire de l'historiographie » (Carbonell et Walch, 1997 : 193) 

34Revue disponible en ligne : http://histoiremesure.revues.org.

35Voir la présentation de la revue disponible à l'adresse suivante : http://histoiremesure.revues.org/1059.

analyser des processus » (ibid.). La nécessité qu'il y a à conserver en dialogue ces deux dimensions afin d'éviter deux périls, celui d'« un usage purement instrumental, sans distance, ou au contraire une critique totalement relativiste des techniques quantitatives et des données statistiques » (ibid.) justifie le choix de cette double perspective. Il faut mesurer la subjectivité pour pouvoir commencer à être objectif.

Un point de vue intermédiaire émerge d'une prise de conscience de ces deux extrêmes : la relativité des données statistiques, stabilisée par une contextualisation précise, permet un regard éclairé sur les données collectées. Restent alors les phases d'analyse et d'interprétation : si la complémentarité des approches quantitatives et des approches qualitatives ne fait pas de doute, les étapes délicates n'en sont pas moins nombreuses.

I.1.1.4.2. Une problématique toujours

d'actualité: le Traitement Automatique