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La planification traditionnelle subit les contrecoups sociaux et économiques des évolutions de la société, dans les années 1970-1980. Un processus différent, où la conjoncture pèse davantage, est alors à l’œuvre en aménagement spatial et en urbanisme : la fugacité des marchés, l’état fluctuant de l’économie engendrent de nouveaux problèmes auxquels doit faire face la planification. L’aménagement se retrouve à travailler sur des horizons temporels courts car la durée trop longue d’élaboration d’un projet ou d’une opération a une répercussion en terme de coûts. Nous allons, dans cette partie, décrire et expliquer les dérèglements hérités de la planification traditionnelle, évoquer la situation ressentie par les professionnels de l’aménagement et de l’urbanisme, avant d’aborder les limites des outils issus de la planification traditionnelle.

i) Dérèglements dans les mécanismes hérités de la planification traditionnelle

Des dérèglements dans les mécanismes liés à la planification traditionnelle ont amené à sa crise. Ces dérèglements peuvent aboutir à des situations de blocage ou provoquer des dysfonctionnements dans la mécanique de l’aménagement opérationnel. Ces décalages sont provoqués par les évolutions de la société alors que la base de l’aménagement urbain (c’est-à-dire ce qui est constitutif du champ de l’aménagement urbain, les outils et les concepts) n’a pas été renouvelée en profondeur (JANVIER, 1995). S’il peut y avoir une évolution des outils opérationnels, surtout dans leur pratique, face à des situations qui l’imposent, les concepts et

33 Cette omniscience du maître d’ouvrage n’est pas sans rappeler la toute puissance du sujet rationnel. Cf. IV. A. a. pp. 159 – 164.

34 Le terme de crise est entendu ici comme une phase de l’évolution de la planification significative de dysfonctionnements ou de dérèglements dans ses mécanismes, amenant à sa remise en cause.

les notions de ce champ sont restés les mêmes depuis une trentaine d’années (Ibid.). Dans la liste des décalages et des effets constatés par Yves Janvier, que nous synthétisons dans le tableau 2, trois champs ressortent, celui des rapports sociaux et institutionnels, des valeurs et des idéologies et le champ des mécanismes économiques.

Constat Effet Décalage provoqué

Une vie sociale éclatée (prédominance des valeurs individuelles, perte de cohésion, processus de marginalisation). Une valorisation de la diversité et des particularités plutôt que la recherche d’un modèle « souhaitable » pour tous (territoires porteurs d’identités, nouvelle logique concurrentielle entre territoires).

Un consensus social improbable (confrontation d’idéologies différentes, conflits d’intérêts multiples).

Des projets qui s’inscrivent chacun dans un cadre particulier, difficiles à hiérarchiser entre eux.

Des dispositifs réglementaires moins adaptés, primat du principe d’équité au principe d’égalité, logique de

planification plus fondée sur la négociation contractuelle que la répartition.

Dialogue social présent en

aménagement souvent sous les formes du recours contentieux et par la manifestation événementielle, et qui provoque les retards, les blocages des projets.

Déformation de la nature des rapports entre planification et action : la planification devient une « combinatoire de projets ». Une analyse fonctionnaliste sur laquelle s’appuie la conception rationnelle des projets incertaine devant ce parti de l’hétérogénéité. Foisonnement des pouvoirs

depuis la décentralisation, multiplication des centres de décision et des partenaires des négociations en matière d’intervention publique.

Entrée en jeu d’interlocuteurs non institutionnels qui pèsent sur l’élaboration et l’exécution des projets.

Importance de plus en plus grande des opérateurs privés dans la conduite des projets, en contrepoids de la volonté publique planificatrice.

Une action publique placée au cœur d’une imbrication de pouvoirs divers, situés à des échelles territoriales différentes et aux finalités différentes. Des intérêts particuliers qui pèsent au même niveau que les intérêts généraux.

Des manifestations actuelles de contre-pouvoir tournées sur le court-terme plutôt que vers les intérêts du futur.

Contraction du temps dans les rythmes opérationnels.

Des cadres offerts aux organisations partenariales conçus pour exécuter des projets et non pour en assurer la co-responsabilité, mal adaptés à l’association de l’intention publique et des intérêts privés.

Nécessité d’une prise de décision à court terme dans le projet et décalage avec l’essence même de toute planification, c’est-à-dire la prise en compte du long terme.

Transformation des termes de la négociation dans le projet : effacement de l’intérêt général auparavant s’imposant à l’ensemble des partenaires. Une reconnaissance partagée de l’intérêt supérieur mise à mal du fait de l’effacement de l’autorité de l’Etat.

Nouvelles conditions de la négociation (négociation directe, jeu des rapports de force, perte d’efficacité des mécanismes de régulation et d’arbitrage)

Conduite technique de la préparation des projets ne s’appuyant plus sur une démarche d’optimisation, c’est-à-dire une démarche qui se basait d’après la formalisation des critères caractérisant l’intérêt général et dont le

perfectionnement, après le constat d’un dysfonctionnement, se faisait par la recherche de critères

supplémentaires.

Rapports sociaux et institutionnels

Non prise en compte de la notion de « système » (social, humain et économique) dans les milieux de l’aménagement.

Pas de réelles modifications des structures ni des outils de

l’aménagement urbain en profondeur. Transformation de la demande sociale au niveau des enjeux mais aussi au niveau de sa formulation (de

Une gestion réglementaire dominante et un champ de l’aménagement qui, même sous la préconisation d’une prise en compte des interactions et des ramifications entre les éléments du système socio-économique, reste dans une certaine rigidité mentale (zonage,

la demande d’équipements ou de services supplémentaires à la formulation directe des problèmes vécus à l’ensemble des

responsables).

principe de répartition uni-fonctionnelle de l’espace).

Sensibilité accrue vis-à-vis du patrimoine.

Modification du contexte : l’intervention sur du tissu urbain existant plus que sur l’extension périphérique.

La logique des opérations d’aménagement reste encore une logique de création de flux plus qu’une politique de gestion patrimoniale.

Valeurs et idéologies

Rencontre entre un courant idéologique d’économie de la consommation des ressources et les contraintes dues à la situation économique (limitation des dépenses).

Recherche de réduction des coûts au niveau de l’économie interne des opérations.

La réduction des coûts : aspect superficiel de la conduite économe (manque d’une prise en compte des coûts beaucoup plus en amont).

Un mécanisme opérationnel soumis aux conditions du marché. Dans une première période, suite à l’arrivée d’une période de tarissement des flux de création du logement social : report sur le marché privé, recours au moteur de la spéculation en immobilier en aménagement opérationnel (le ressort financier de la mise en place de l’aménagement opérationnel constitué surtout par le logement social laisse place à une gestion « marketing », rentrant dans le jeu de la promotion immobilière). Dans une seconde période, grippe du moteur de la spéculation.

Contraction de la temporalité des opérations au profit de celles des promoteurs immobiliers, sur le court terme.

Substitution de la notion de besoins en logements par la notion de demande solvable du marché.

Illusion selon laquelle le marché peut structurellement financer

l’aménagement urbain (c’est-à-dire à long terme) : problématique de la mise en place de nouvelles ressources financières à long terme pour l’aménagement urbain.

Un monde de plus en plus interconnecté (incidence du global sur le local) et rapide (évolution des valeurs de la société et des comportements des acteurs).

Capacité prédictive des opérateurs réduite au court terme.

Remise en cause des capacités de programmation et de conception de la configuration finale d’une opération d’aménagement s’étalant sur 10 ou 20 ans.

Jeu entre le court terme et le long terme, avec l’exigence de souplesse au cœur de l’opération : changement de la façon de concevoir l’opération.

Mécanismes économiques

Les coûts de maintenance et d’entretien, des critères devenus essentiels pour les acquéreurs et les collectivités locales. Une demande sociale liée à la qualité de l’usage et de la pratique de l’aménagement conçu.

Importance déterminante des conditions de fonctionnements des opérations.

Des outils de l’aménageur tournés vers le programme, le contenu des opérations mais déconnectés du langage de l’usager.

Des outils insuffisants pour réguler le fonctionnement et les usages de l’espace urbain.

Tableau 2 : Récapitulatif des décalages importants provoqués par les évolutions de société pour l’aménagement opérationnel

Le constat est fait d’un aménagement qui ne « (…) peut plus résulter seulement d’un accord restreint entre une autorité publique et un opérateur réalisateur (…)35 » (JANVIER, 1995, p. 6). L’acte d’aménager « (…) se situe nécessairement dans le cadre de négociations généralisées, dont certains partenaires se révèlent au fur et à mesure du déroulement du projet » (Ibid., p. 6). Cette évolution dans la pratique de l’aménagement urbain introduit une nouvelle forme de planification36. La nouveauté ne tient pas à ce que l’aménagement serait par nature un processus négocié mais dans le fait que cette négociation fait dorénavant intervenir de multiples partenaires et de nouveaux interlocuteurs non institutionnels (dont les riverains) (JANVIER, 1995). Cette évolution, notamment, avec l’intervention d’opérateurs privés nécessaire pour concrétiser l’aménagement, ces derniers prenant un poids significatif de ce fait dans la conduite de projets (en amenant leurs propres objectifs et contraintes, en contrepoids à l’intention significatrice), produit une « contraction du temps dans les rythmes opérationnels » (JANVIER, 1995, p. 6). Ce court terme est aussi favorisé par le fait que, dans le cadre de négociations généralisées, certains partenaires ne se révèlent qu’au fur et à mesure de l’avancement du projet.

Enfin, ces nouvelles conditions de négociation conjuguées à la disparition de l’intérêt général, c’est-à-dire d’un intérêt supérieur clairement représenté auparavant par l’Etat mais aujourd’hui dispersé face à la multiplication des interlocuteurs, et servant autrefois de base de consensus, de référence commune à tous les partenaires, remettent aussi en cause ce qu’Yves Janvier (1995) appelle la démarche d’optimisation. Cette dernière consiste en une volonté d’amélioration des critères caractérisant cet intérêt, suite au constat d’un dysfonctionnement :

« (…) lorsque la notion de l’intérêt général pouvait être considérée comme s’imposant à tous les partenaires, il était possible de se référer à des démarches d’optimisation, pour autant qu’on sache formaliser les critères caractérisant l’intérêt général. Le constat d’un dysfonctionnement conduisait alors à perfectionner l’analyse pour ajouter un critère supplémentaire (…) » (JANVIER, 1995, p. 7).

L’exemple des préoccupations environnementales est donné pour illustrer cette démarche : elles ont été initialement incluses dans l’aménagement par la forme des études d’impact et des mesures compensatoires (JANVIER, 1995).

Yves Janvier remarque aussi un changement dans la formulation de la demande sociale : « (…) elle ne s’exprime plus aujourd’hui en termes d’équipements catégoriels ou de services spécialisés supplémentaires, mais sous la forme directe des problèmes vécus (…) », c’est-à-dire, par exemple, « l’emploi, la qualité de vie, la qualité de l’environnement, l’accès aux connaissances, la sécurité, la réduction du stress urbain » (JANVIER, 1995, p. 8). Gilles Novarina précise que la transformation de la façon d’appréhender cette demande sociale change dans les années soixante-dix :

« Les demandes sociales apparaissent de plus en plus difficiles à satisfaire d’où la nécessité de corriger au fur et à mesure de leur avancement les programmes d’action » (NOVARINA, 2000, p. 54).

35 Cet accord restreint rappelle le modèle hiérarchique, dans le cadre de la conduite de projet, c’est-à-dire un modèle fondé sur une stricte séparation des tâches entre maître d’ouvrage et maître d’œuvre (NOVARINA, 2000). Cf. II. B. a. iii) pp. 68 - 71.

36

La demande sociale n’est plus une donnée a priori mais une construction progressive. L’action urbanistique s’inscrit ainsi dans un contexte particulier, celui d’une société de minorités où cette demande sociale se fait plurielle : les groupes sociaux, et même l’individu, vont exprimer des demandes particulières, relatives aux formes d’exclusion qu’ils subissent, qui ne sont pas nécessairement l’apanage d’une appartenance sociale clairement identifiée (NOVARINA, 2000).

Mais ce type d’évolution est aussi celui d’un changement d’objet de la part de la politique publique : en effet, le passage s’est opéré d’une politique autrefois centrée sur une demande uniformisée vers une politique de l’offre, notamment dédiée aux entreprises (PINSON, 2005). Les pouvoirs publics ne suivraient plus l’objectif d’un confort matériel standardisé et accessible pour tous, promu dans les grands récits des politiques urbaines des années soixante et soixante-dix et épuisés par la suite, mais ils doivent maintenant assurer les conditions de compétitivité des entreprises et répondre à une demande sociale qui cherche à se distinguer par la consommation différenciée de produits urbains. L’objectif de redistribution est alors abandonné au profit d’une gestion différenciée des territoires.

L’aménagement opérationnel a aussi été confronté à l’émergence de nouvelles valeurs dans la Société. La prise en compte de ces valeurs et des problématiques qu’elles sous-entendent dans l’aménagement opérationnel s’effectue surtout comme une nouvelle contrainte à respecter, susceptible de provoquer des blocages d’opérations : cette prise en compte ne suit donc pas la logique d’une véritable intégration dans le processus de conception et de réalisation (JANVIER, 1995). Cette situation produit des décalages encore plus grands entre les institutions et les citoyens, et une multiplication des réactions négatives a posteriori allant jusqu’au domaine contentieux.

Ces nouvelles valeurs sont d’abord celles relatives à la question du patrimoine et à sa transmission. Le contexte s’est modifié en aménagement parce qu’il s’agit d’intervenir davantage sur le tissu urbain existant qu’en extension périphérique. Cela est à rapprocher du ralentissement de la croissance urbaine et les conséquences d’une crise économique. L’aménagement se trouve ainsi confronté à des questions de gestion patrimoniale (parmi lesquelles, celles des friches) sans pour autant avoir trouvé de réelles solutions dans les mécanismes opérationnels actuels. Ces mécanismes, selon Yves Janvier, restent encore grandement liés à l’ancienne logique de création de flux, c’est-à-dire d’extension urbaine. Enfin, ces mécanismes opérationnels s’appuient sur une logique financière devenue difficile à cause de la situation des marchés. La politique régulière d’investissement par l’entremise du logement social laisse place à un ressort financier tourné de plus en plus vers le marché privé, et rentrant dans le jeu de la spéculation immobilière. L’arrivée d’une période où cette spéculation s’enraye met fin à l’idée illusoire selon laquelle le marché peut structurellement financer l’aménagement urbain (JANVIER, 1995). Il s’agit dès lors de diversifier les ressources soit par l’impôt soit par le paiement du coût de l’opération par l’usager actuel et futur. Ce mécanisme opérationnel, soumis aux conditions variables du marché, combiné à des facteurs aussi divers que l’évolution du comportement des acteurs, des valeurs de la société, l’interconnexion de plus en plus grande du monde, est confronté aussi au problème de l’incertitude : la capacité prédictive des opérateurs étant réduite au court terme, la souplesse et le degré de réactivité face à des conditions extérieurs variables deviennent déterminantes dans les actes d’aménager.

« (…) il apparaît nettement que les processus d’aménagement sont – et seront de plus en plus – confrontés à un environnement fluide, mobile, multiple, et que la maîtrise des systèmes combinatoires (dans l’espace, dans l’environnement relationnel, dans la durée) va devenir essentielle dans la conception et la conduite des opérations » (JANVIER, 1995, p. 7).

L’hypothèse avancée est celle-ci : la société souhaite dépasser l’ancien modèle tayloriste et cherche des formes d’organisation tournées vers le développement des interactions et des interrelations. Yves Janvier fait le constat d’une évolution de la pratique en aménagement, face à ce nouveau contexte d’une société post-tayloriste, mais aussi celui d’une certaine permanence tayloriste dans les dispositifs réglant les processus de l’aménagement urbain (zonage, notions d’opération et d’aménageur, conception technocratique des projets), et donc en décalage par rapport à une société différente.

Mais un autre paramètre est à prendre en compte dans le décryptage de ces nouvelles valeurs et idées à l’œuvre dans une société post-tayloriste : il s’agit de la baisse de crédibilité des représentations fondatrices de la modernité telles que « la croyance (…) en une orientation historique nécessaire et/ou souhaitable » ou encore « l’Histoire comme grand œuvre, c’est-à-dire comme tâche collective unifiée et unificatrice » (GENESTIER, 2001, pp. 108 - 109). L’avenir n’est plus pensé comme un chemin tracé à l’avance, ou discernable par un effort de la raison. Cette vision partagée de l’avenir s’efface au profit d’une connotation plus subjective : « l’action humaine est alors perçue comme radicalement autonome (c’est-à-dire dotée de ses propres normes, sans attestations supérieures) » (GENESTIER, 2001, p. 109). Philippe Genestier en conclut :

« En effet, nous sommes aujourd’hui loin de cet ère où régnait une vision optimiste du futur, telle que le vocable plan l’énonçait. Le terme actuel de projet est beaucoup plus sur la défensive. Il semble valoir parce qu’il permettrait de conserver quelque chose de cet idéal futuriste, tout en y injectant de la pragmatique et de l’implication personnelle » (GENESTIER, 2001, p. 109).

Cette baisse de crédibilité rejaillit sur une acceptation du projet compris comme outil de planification. Cette ancienne acceptation repose sur un mode de pensée particulier d’appréhension de l’espace et du temps, celui d’un imaginaire temporel linéaire, consistant à se projeter par rapport à un futur désiré à partir duquel découlent les objectifs visés, tout en évitant les obstacles envisagés, imaginaire basé sur un réel simplifié conçu comme matériau brut à façonner (GENESTIER, 2001). Ce façonnement du réel est à mettre en perspective avec le mouvement de l’histoire, assuré par une puissance censée guider le social dans son devenir (comme la puissance étatique), dans une démarche s’apparentant à une quête de l’optimum, c’est-à-dire tournée vers le perfectionnement du réel, au nom de l’intérêt général (GENESTIER, 2001). Actuellement, cette vision de l’avenir comme référence commune et figure idéale partagée, s’appuyant sur un devenir prévisible, s’efface au profit d’un brouillage des représentations du futur, résultant d’une méfiance et d’un scepticisme marqué envers la projection collective, d’une perte de crédibilité dans l’action politique, dans un contexte de changement des modes de faire de l’action publique (tournés vers la négociation, le partenariat, la prise en compte de divers intérêts qu’ils soient privés ou publics.) (GENESTIER, 2001).

ii) L’aménagement opérationnel face à une nouvelle situation

Les professionnels de l’aménagement sont en premier lieu confrontés à cette nouvelle situation que connaît l’aménagement opérationnel.

Un premier constat est celui du blocage des opérations engagées suite à une dégradation des marchés immobiliers, ce qui conduit à des reprogrammations d’opération (JANVIER, 1995). L’écart se creusant entre le rythme de commercialisation et le rythme d’acquisition foncière pousse à redéfinir le programme de l’opération en cours de route. Ces modifications de programmes d’opération, de leur contenu, sont délicates à réaliser car elles se heurtent souvent à la rigidité et la lourdeur du pilotage politique, des procédures de révision (une transformation du programme entraîne une révision du PAZ) et de réglementation (JANVIER, 1995). Les aménageurs accordent donc une nouvelle importance aux nouveaux projets qui incluent dès le départ des critères d’adaptabilité et de réversibilité dans la programmation.

L’aménagement urbain est aussi confronté aux difficultés liées à la reconversion de grands sites industriels en friche, provoquées par les divergences d’intérêts pouvant avoir lieu entre l’industriel, propriétaire de la friche, et la collectivité locale dans le cadre d’un partenariat. Les situations de blocage interviennent surtout dans le partenariat opérationnel (et moins dans le partenariat d’études) entre le propriétaire, l’entreprise privée, et la collectivité locale (JANVIER, 1995). Sans la garantie d’une prise en charge du risque par la collectivité locale sur le long terme, sans avoir une participation majoritaire dans la structure d’économie mixte jouant le rôle d’aménageur, et sans une commercialisation rapide à court terme du site concerné, l’industriel, propriétaire, se met en position de recul par rapport au montage opérationnel (JANVIER, 1995).

Les trois principaux ressorts des processus d’aménagement ont changé et se sont modifiés : ils concernent le marché immobilier, le mécanisme foncier et l’adéquation des financements. Des évolutions qualitatives s’observent pour le marché de l’immobilier d’entreprise, marché qui constitue un moteur essentiel à la réalisation des opérations, en termes de coûts plus bas et en termes de production de stocks qui risquent de plus en plus