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Le rôle essentiel des avocats au sein d’un système contradictoire

sans quoi une inégalité est susceptible de survenir. En effet, dans un système contradictoire, l’option de la non représentation par avocat risque de causer une injustice.

Le principe de contradiction est explicitement énoncé dans la plus récente mouture du C.p.c.135. De plus, les règles de preuve prévues au Code civil du Québec (ci-après, le

« C.c.Q. ») établissent qu’il appartient à la partie qui veut faire valoir un droit de prouver les faits au soutien de sa prétention, de même qu’à celui qui prétend qu’un droit est nul, modifié ou éteint136.

Ce principe de contradiction et son impact sur le rôle des parties ont tous deux été explicités et détaillés par les tribunaux. La Cour d’appel a établi que dans notre système de justice, l’initiative de choisir une position et des arguments, ainsi que d’administrer la preuve, revient aux parties137. Ce faisant, un tribunal ne peut se pencher d’office sur une question qui n’a

pas été soulevée par l’une d’elles138. La Cour suprême a récemment précisé le rôle des

parties dans le contexte du procès civil, dont l’objectif ultime doit être la recherche et la découverte de la vérité :

134 Voir Emmanuelle Bernheim et Richard-Alexandre Laniel, « Le droit à l’avocat, une histoire d’argent « (2015) 93 R. du B. Can. 251 aux pp 274 et 275 [Bernheim et Laniel].

135 À l’article 17 : « Le tribunal ne peut se prononcer sur une demande ou, s’il agit d’office, prendre une mesure qui touche les droits d’une partie sans que celle-ci ait été entendue ou dûment appelée.

Dans toute affaire contentieuse, les tribunaux doivent, même d’office, respecter le principe de la contradiction et veiller à le faire observer jusqu’à jugement et pendant l’exécution. Ils ne peuvent fonder leur décision sur des moyens que les parties n’ont pas été à même de débattre. » (nos soulignés)

136 Article 2803 C.c.Q.

137 Apple Canada inc. c. St-Germain, 2010 QCCA 1376, au para 138 : « Our judicial system is an adversarial one and the initiative of adopting a position, leading evidence and choosing arguments rest on the parties ». 138 Ibid. Sauf exception, telles que les questions d’ordre public de protection ou de prescription.

[25] Même si les pouvoirs d’intervention du juge dans la conduite de l’instance civile sont devenus de plus en plus importants, en règle générale, ce dernier ne participe pas activement à la recherche de la vérité. En effet, dans un système accusatoire et contradictoire, la délicate tâche de faire apparaître la vérité revient d’abord et avant tout aux parties (voir art. 2803 C.c.Q.; art. 76 et 77 C.p.c.). Dans ce contexte, où l’objectif de recherche de vérité continue de primer, le législateur québécois a instauré un régime général de preuve destiné à encadrer et à faciliter la mise en œuvre de ce processus dont les parties demeurent les maitres139.

(nos soulignés)

L’ancienne juge de la Cour d’appel Louise Otis résume les principes à la base du système contradictoire :

Plusieurs facteurs contributoires ont assuré le succès et la pérennité du système de justice contradictoire et accusatoire qui demeure la première mission du juge. Par l’application d’un code procédural uniforme et neutre, la neutralité des décideurs, le respect de la règle de droit et la stabilité des précédents judiciaires, la justice traditionnelle fondée sur le mode du procès, a acquis ses lettres de noblesse. Toutefois, l’ordre juridique d’autorité que représente le système classique repose sur trois grands principes: la polarisation des rôles, l’opposition des représentants légaux et l’exacerbation de l’antagonisme qui est à l’origine même du conflit140.

(nos soulignés)

Ainsi, il appartient aux parties d’administrer leur preuve. Or, une telle administration demande une grande connaissance à la fois de la procédure et du droit. Le C.p.c. prévoit la possibilité pour les personnes physiques « d’agir pour elles-mêmes devant les tribunaux sans être représentées » mais il mentionne également qu’« elles doivent le faire dans le respect de la procédure établie par le Code et les règlements pris en son application141 ».

La seule rédaction d’un acte de procédure impose des conditions de fond et de forme bien précises, auxquelles devra se conformer un justiciable sans représentation ; la nature, l’objet et les faits qui fondent sa prétention doivent être exposés, de même que les conclusions qui sont recherchées142. Dès le début du processus, le justiciable est normalement confronté à

la complétion d’un protocole de l’instance dans lequel il doit prévoir les étapes que suivra la

139 Pétrolière Impériale c. Jacques, 2014 CSC 66, [2014] 3 SCR 287, au para 25.

140 Louise Otis, La transformation de notre rapport au droit par la médiation judiciaire, Montréal, Éditions Thémis, 2005 à la p 12.

141 À l’art 23.

demande. Il doit notamment déterminer les questions en litige, se positionner sur la formulation de moyens préliminaires, d’incidents ou de mesures de sauvegarde, déterminer la durée des interrogatoires préalables et l’identité des personnes qui seront interrogées, se prononcer sur la nécessité de produire des expertises et sur les délais de communication de la preuve143. Tous ces concepts, qui semblent explicites et intuitifs pour un juriste,

peuvent être tout à fait incompréhensibles, intimidants et démoralisants pour un citoyen sans connaissances juridiques particulières.

En plus de devoir composer avec la complexité de la procédure civile, les justiciables doivent connaître l’état du droit afin de remplir leur fardeau de preuve. Plusieurs obstacles se posent également à ce stade. Tout d’abord, l’accès à la justice suppose l’accès au droit. Or, il existe actuellement un grave problème de lisibilité des lois et donc, d’accessibilité au droit pour les citoyens; 86 % d’entre eux trouveraient les textes juridiques difficiles ou très difficiles à lire144.

Il est ainsi laborieux pour la vaste majorité des justiciables de comprendre les principes établis par les lois. De plus, le système judiciaire repose en grande partie sur les précédents, ce qui commande une compétence juridique encore plus grande, soit celle de rechercher des autorités jurisprudentielles145.

Afin d’ultimement plaider sa cause de manière persuasive devant le tribunal, un justiciable devra élaborer une théorie de la cause, possiblement mener des interrogatoires préalables, connaître les règles de preuve et de procédure, rechercher les lois et les décisions judiciaires pertinentes et plaider de manière persuasive devant le tribunal146. Dans les faits,

[TRADUCTION] « l’accès au système judiciaire requiert actuellement de posséder la capacité de parler la langue du système, de traduire son histoire en termes juridiques, de connaître l’étendue de ses propres droits, de même que celle des droits des autres147 ». Il

143 Voir : Cour supérieure du Québec – division de Québec, Protocole de l’instance en matière civile, en ligne : < http://www.tribunaux.qc.ca/c-superieure/avis/index_modeles_avis.html> et Protocole de l’instance (Chambre

civile), Cour du Québec, en ligne : < http://www.tribunaux.qc.ca/c- quebec/MatCivileAdmin/fs_reglesMatCivileAdmin.html>.

144 Statistique tirée de Accès au droit et à la justice (ADAJ), « Présentation – Chantier 4 », en ligne : <http://chantier4adaj.openum.ca>.

145 Right to counsel in civil litigation, supra note 36 à la p 1331.

146 Voir Sylvette Guillemard et Séverine Meteney, Comprendre la procédure civile québécoise, Collection CÉDÉ, Centre d’études en droit économique, 2e édition, 2017, au para 209 : « Même si elles ont de plus en plus tendance à le faire, les parties n'accomplissent que rarement, elles-mêmes, les actes de la procédure, car les formalités procédurales, nombreuses et complexes, requièrent des connaissances particulières. Aussi les parties se font-elles habituellement représenter par un avocat dans cette tâche. »

147 « Access to the legal system currently requires having the ability to speak the language of the system, to translate one’s story into legal language, to know the extent of one’s own rights and the extent of the rights of

s’agit de compétences qui sont développées et perfectionnées par les avocats après plusieurs années de formation et de pratique professionnelle.

En bref, une personne non représentée ne peut posséder les habiletés nécessaires afin d’exposer ses arguments et elle risque ainsi de subir un désavantage évident face à son opposant représenté, ou tout simplement mieux outillé. De l’avis de l’ancienne juge en chef de la Cour suprême, « [l]a présentation des faits et du droit peut constituer pour [la personne non représentée] une difficulté insurmontable148». Ceux qui ont les moyens de défrayer les

coûts d’une représentation par avocat possèdent un avantage indu. Notre système de justice permet ainsi la possibilité que l’issue d’un procès soit tributaire des moyens financiers des parties, plutôt que strictement basée sur l’état du droit et le bien-fondé de la réclamation.

Ce déséquilibre est d’ailleurs illustré par les résultats de plusieurs études réalisées au cours des dernières décennies. Entre autres, 83 % des gens avouent ne pas être à l’aise devant les tribunaux et 61 % des répondants ne comprennent pas ce qui se passe au tribunal de manière générale149. De plus, près de 50% de la population québécoise est analphabète ou

analphabète fonctionnelle150, c’est-à-dire qu’elle ne possède pas la capacité d’identifier une

information identique ou similaire à celle donnée dans une directive au sein d’un texte relativement court. Cette considération est susceptible de compliquer considérablement le parcours judiciaire de citoyens avec de telles limitations. Comment des personnes éprouvant ces difficultés peuvent-elles structurer leur pensée sous forme d’arguments juridiques afin de rencontrer tous les éléments d’un fardeau de preuve?

others. »: Patrica Hughes, « Changes to Legal Aid: New Brunswick’s Domestic Legal Aid System: New Brunswick (Minister of Heatlh and Community Services) v. J.G. « (1998) 16 Windsor Y.B. Access Just. 240 à la p 249.

148 Allocution de Beverly McLachlin, supra note 6. Selon celle-ci, des considérations économiques sont également à tenir en compte. Les JNR alourdissent la tâche des tribunaux; puisqu’ils ne savent pas manœuvrer au sein d’un processus complexe, la procédure s’éternise, augmentant ainsi les coûts de l’administration des tribunaux. Cela peut également occasionner un préjudice pour l’autre partie représentée par avocat, puisque la multiplication de procédures inutiles et la complexification du processus entraîne des coûts supplémentaires. 149 Voir notamment Lafond, supra note 5 à la p 28 et Révolutionner la justice, supra note 86 à la p 27.

150 Ce qui correspond au niveau trois de l’échelle de compréhension des textes établie par les enquêtes internationales : Program for the International Assessment of Adult Competencies, Littératie – Description sommaire des niveaux de compétence, en ligne : < http://piaac.netedit.info/docs/PIAACTableaux/Litteratie.pdf>. Voir également : Statistique Canada, Littératie et numératie, scores moyens et répartitions des niveaux de compétence, selon le sexe et le groupe d’âge, population de 16 à 65 ans, Tableau CANSIM 477-0079, 2012, en ligne : < http://www5.statcan.gc.ca/cansim/a26;jsessionid=EC4576011C3A7A53542C68F65C8B1ABC>.

Tous ces chiffres montrent bien que le simple fait d’avoir la possibilité d’obtenir une audience devant les tribunaux est insuffisante pour assurer un accès en toute égalité, en raison de la complexité du processus151.

En 2013, la professeure Julie Macfarlane a réalisé l’une des études les plus complètes sur le phénomène des JNR auprès de 259 répondants dans trois provinces, soit l’Alberta, la Colombie-Britannique et l’Ontario152. Tout d’abord, celle-ci a établi que ce phénomène est

bien réel, puisque 53 % des répondants – tous des JNR – avaient retenu les services d’un avocat préalablement dans le processus mais n’étaient pas représentés depuis que leurs finances ne leur permettaient plus d’en défrayer les coûts153. Le déséquilibre auquel nous

faisons référence est également bien réel; 75 % des répondants ont affirmé que l’autre partie était représentée par un avocat154.

L’enquête a démontré que la non représentation a souvent des effets défavorables sur l’issue du litige. Les JNR prétendent régulièrement devant les tribunaux d’appel que leur non représentation par avocat a eu un effet négatif sur la décision judiciaire en première instance155. Les tribunaux ont d’ailleurs déjà reconnu l’importance de l’assistance des

avocats devant les tribunaux, puisqu’ils maîtrisent les secrets du droit et de la procédure156.

La professeure Julie Macfarlane a également réalisé une étude sur l’utilisation de demandes interlocutoires contre les JNR. Celle-ci a démontré que les requêtes en rejet préliminaires par des parties représentées contre des JNR avaient un taux de succès de 96 %157. En bref,

les JNR sont défavorisés devant les tribunaux et ont moins de chance de remporter leur cause, ce qui pose un problème clair sur le plan de l’accès à la justice. Les auteurs Berheim et Laniel en arrivent au même constat158 :

151 Louis LeBel, « L’accès à la justice et son impact sur le droit à l’égalité réelle », dans Tribunal des droits de la personne et Barreau du Québec, L’accès direct à un tribunal spécialisé en matière de droit à l’égalité : l’urgence d’agir au Québec ?, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2008 à la p 36.

152 NSRLP, supra note 125. 153 Ibid à la p 31.

154 Ibid.

155 Bernheim et Laniel, supra note 134 à la p 254, faisant référence à Droit de la famille 123479, 2012 QCCA 2201 au para 11; Michalakapoulos c. Jamal, 2009 QCCA 1959 au para 5, Masson c. Jolivet, 2011 QCCA 1965 au para 5.

156 Voir notamment : Fortin c. Chrétien, 2001 CSC 45, [2001] 2 RCS 500 aux paras 17, 49 et 51; Colombie-

Britannique (Procureur général) c. Christie, 2007 CSC 21, [2007] 1 RCS 873 au para 22 [Christie]; Andrews c. Law Society of Bristish Columbia, [1989] 1 RCS 143 à la p 187 [Andrews]; Law Society of British Columbia c. Mangat, 2001 CSC 67, [2001] 3 RCS 113 au para 43.

157 The Use of Summary Judgements, supra note 132 à la p 8. 158 Bernheim et Laniel, supra note 134 aux pp 255 et 256.

Le fait de ne pas être représenté impliquerait donc un risque pour un justiciable profane, sans compétences juridiques159. La consultation de la

jurisprudence de la Cour d’appel concernant des JNR permet d’ailleurs de constater qu’en plus d’un certain nombre de difficultés d’ordre procédural – délais non respectés, dossiers incomplets, incompréhension de la fonction juridique de l’appel, etc160 – leurs arguments sont le plus souvent rejetés161.

Ainsi, « les personnes qui font appel aux services d’un avocat obtiennent des résultats meilleurs et plus équitables que les personnes non-représentées162 ».

Toutes ces considérations techniques s’ajoutent au fait que la charge émotive, financière ou psychologique peut être élevée et qu’un facteur de stress entre souvent en ligne de compte. Les JNR éprouvent plusieurs difficultés subjectives dans leur navigation au sein du système de justice. Dès les premières étapes du processus judiciaire, la plupart des JNR éprouvent de la peur et de l’angoisse quant à ce qui les attend163. Avant même de se

présenter devant les tribunaux, le niveau de stress des JNR est déjà très élevé164. Ceux-ci

sont souvent dépassés par la complexité du processus, et plus particulièrement lors de la complétion et la signification des formulaires, de la constitution de la preuve avant l’instruction et de la présentation de la preuve lors du procès lui-même165. On mesure par

ailleurs l’impact personnel et social important sur la vie de plusieurs JNR, dont les problèmes de santé, les conséquences financières, l’isolement social et la perte de confiance envers le système judiciaire166.

159 Ménard c. Gardner, 2012 QCCA 1546 au para 58 : « Celui qui choisi d’agir sans avocat doit en assumer les inconvénients et ne peut ordinairement pas se plaindre des conséquences de sa méconnaissance du droit, incluant les règles de preuve et de procédure du moins lorsqu’il a reçu l’aide que le tribunal doit lui accorder. » Voir aussi Guenette c. R, 2002 CanLII 7883 (QC CA), EYB 2002-28362; Ville de Verdun c Sureau, 2001 CanLII 39617 (QC CA), EYB 2001-22284. Soulignons que, dans de rares circonstances, le tribunal prend la peine de mentionner que, même représentés, les JNR n’auraient pu avoir gain de cause : Martinez c. Péris Construction

inc, 2013 QCCA 1008 au para 14.

160 Certains sont littéralement perdus dans les dédales de la justice. Voir par ex Mitri c. Lafleur, 2010 QCCA 1254 au para 2 ; Golzarian c. Association des policiers provinciaux du Québec, 2011 QCCA 1250.

161 Ronald W. Staudt et Paula L. Hannaford, « Access to justice for the self-represented litigant: an interdisciplinary investigation by designers and lawyers » (2002) 52 Syracuse L Rev 1017; Rory K. Schneider, « Illiberal Construction of Pro Se Pleadings « (2011) 159 U Pa L Rev 585 à la p 589.

162 Solutions de rechange, supra note 133 à la p 6, faisant référence à Middle Income Access to Civil Justice,

supra note 22 à la p 21.

163 NSRLP supra note 125 à la p 52. 164 Ibid à la p 53.

165 Ibid à la p 54. 166 Ibid aux pp 108 et ss.

Cette procédure complexe a fait l’objet de nombreuses réformes dans le but de la simplifier. Peu importe le bilan que l’on tire de ces réformes, il faut considérer qu’une telle voie d’action ne tient pas compte de la réalité de l’exclusion de tout un pan de la population du forum judiciaire. En effet, malgré les prétentions de simplification de la procédure civile, celle-ci demeure compliquée et difficile à naviguer, ce qui dissuade plusieurs citoyens de même tenter de s’y retrouver. Les récentes réformes n’ont pas permis de rendre le langage et le processus accessibles au justiciable moyen. Le langage juridique n’est souvent accessible qu’à une élite de professionnels du domaine. Une procédure compliquée favorise donc les personnes ayant le plus de moyens financiers qui ont la capacité de défrayer les coûts engendrés par les services d’un avocat167. Les règles de procédure sont, par définition,

techniques et se prêtent à un éventail d’applications qui le sont tout autant. Ainsi, les personnes qui peuvent obtenir des conseils tôt dans le processus se voient accorder un avantage considérable.

Non seulement une procédure complexe favorise les plus riches, mais elle désavantage inévitablement les plus pauvres qui parviennent à accéder au forum judiciaire. Le problème est donc beaucoup plus vaste, et dans les faits :

L’injustice ne découle pas des difficultés pour accéder aux tribunaux, mais des inégalités de pouvoir social. […] [A]u fur et à mesure qu’une personne grimpe dans l’échelle économique, l’accès à la justice semble s’améliorer de façon correspondante. Mise à part, bien sûr, les personnes admissibles à l’aide juridique qui ont un bien meilleur accès aux services d’un avocat et aux tribunaux que la classe moyenne. Le pouvoir économique accompagne le pouvoir sur le droit168.

Le professeur Guillaume Rousseau salue les diverses réformes procédurales, qu’il considère comme bénéfiques à l’accès à la justice, mais remarque que les mesures mises en place ne parviennent pas à résoudre l’enjeu d’inégalité des armes :

La principale lacune du nouveau code découle toutefois du fait que, comme le code actuel et ses prédécesseurs, il repose sur la fiction selon laquelle les parties à un litige sont égales. […] [L]es règles et surtout les principes vagues du Code de procédure civile, même lorsqu’ils sont a priori

167 Grey et al., supra note 29 à la p 729.

168 Lafond, supra note 5 à la p 254, faisant référence à: La justice avant l’accès, supra note 101 à la p 50; Laura Nader, « Alternatives to the American judicial System » dans Laura Nader (dir), No Access no Law, New York, Academic Press, 1980, 3 aux pp 30 et 48; et Harry Arthurs, « Plus de litiges, plus de justice? » dans Julia Bass, William A. Bogart et Frederick H. Zemans (dir), L’accès à la justice pour le nouveau siècle : les voies du progrès, Toronto, Barreau du Haut-Canada, 2005, 293 à la p 296.

favorables à l’accès à la justice, risquent de se retourner contre les parties défavorisées.

[…]

Car il ne sert à rien pour une partie défavorisée d’avoir accès au système de justice si c’est pour se faire écraser par les procédures d’une partie favorisée et ne pas obtenir une justice substantielle169.

La complexité de ce processus a pour effet d’exclure tout un pan de la population et de créer un système de justice à deux vitesses, ce qui est problématique sur le plan du droit à l’égalité, sur lequel nous reviendrons ultérieurement170.

De surcroît, ce modèle contradictoire ne peut fonctionner efficacement et équitablement que si les deux parties sont représentées. Le fait qu’une seule partie soit représentée par un avocat crée inévitablement un déséquilibre entre les forces des parties171. Plusieurs types

de rapports de force peuvent intervenir dans un procès civil; un déséquilibre entre les