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Le principe constitutionnel de la primauté du droit

La plus récente mouture d’une étude annuelle mondiale sur la primauté du droit372 place le

Canada au neuvièmerang du classement des pays de l’Union européenne et de l’Amérique du Nord. Cette étude s’attarde sur huit catégories afin de déterminer l’état de réalisation de la primauté du droit dans divers pays, soit (1) la limitation des pouvoirs gouvernementaux; (2) l’absence de corruption; (3) la transparence du gouvernement; (4) les droits fondamentaux; (5) le maintien de l’ordre et de la sécurité; (6) l’application règlementaire; (7) la justice criminelle; et finalement (8) la justice civile373. Systématiquement, le Canada

enregistre ses résultats les plus faibles en matière d’accès à la justice civile, principalement en raison de l’inaccessibilité financière du système, de la discrimination – fondée notamment sur la condition sociale – qu’on y retrouve et des délais déraisonnables374. L’une des

versions précédentes de cet index, où le Canada enregistrait des résultats similaires, avait d’ailleurs été citée par la Cour suprême dans Hryniak, qui expliquait ce résultat par « les failles relevées dans l’accessibilité économique des conseils juridiques et des services de représentation […]375 ».

371 Andrea A. Cole et Michelle Flaherty, « Access for Justice Looking for a Constitutional Home: Implications for the Administrative Legal System” (2016) 94 R. du B. Can. 13 à la p 15 [Cole et Flaherty].

372 Mike David Agrast, Juan Carlos Botero et Joel Martinez, The World Justice Project Rule of Law Index 2017-

2018, Washington D.C., 2018.

373 Ibid aux pp 9 à 13. 374 Ibid à la pp 62.

Le principe de la primauté du droit est implicitement reconnu par le préambule de la Loi constitutionnelle de 1867 qui mentionne que le Canada a « une constitution reposant sur les mêmes principes que celle du Royaume-Uni ». Il est également établi de manière explicite dans le préambule de la Loi constitutionnelle de 1982376.

L’importance de la primauté du droit à titre de principe constitutionnel fondamental de notre société démocratique est aujourd’hui consacrée377. Bien que le contenu du concept de

primauté du droit n’ait jamais été défini précisément par la Cour suprême, son statut de principe constitutionnel est bien établi378. Toutefois, le contenu de ce concept demeure

vague et ne fait pas l’objet d’un consensus379, ce qui a des conséquences concrètes quant

à la détermination de son impact sur l’accès à la justice.

De manière générale, quatre grands principes de droit constitutionnel sont les corollaires de la primauté du droit, soit :

(1) la primauté du droit implique l’existence du droit; (2) ce droit doit être raisonnablement clair;

(3) il doit être appliqué sans discrimination;

(4) sa sanction requiert la présence de tribunaux indépendants380.

La jurisprudence canadienne a utilisé le principe de la primauté du droit à titre de fondement théorique du droit d’accéder à la justice. Un lien entre la primauté du droit et l’accès physique aux tribunaux a été reconnu par la Cour suprême dans l’arrêt B.C.G.E.U381. Cette affaire

posait la question de la possibilité de bloquer l’accès à un palais de justice par une ligne de

376 Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, c. 11 [Loi constituionnelle de 1982]. 377 Cole et Flaherty, supra note 371 à la p 18.

378 Ibid à la p 19. La Cour a notamment qualifié ce principe de « fundamental postulate of our constitutional

structure » : Roncarelli c. Duplessis, [1959] RCS 121 à la p 142 [Roncarelli]; et que « le principe est nettement

implicite de la nature même d’une constitution » : Renvoi relatif aux droits linguistiques au Manitoba, [1985] 1 RCS 721 à la p 750 [Renvoi Manitoba]

379 Dans Roncarelli, supra note 378, la Cour suprême a établi que ce principe impliquait que le pouvoir exécutif soit soumis aux lois. Avec le Renvoi Manitoba, supra note 378, aux pp 748-749, la Cour suprême établit deux composantes essentielles de la primauté du droit, soit : (1) « le droit est au-dessus des autorités gouvernementales aussi bien que du simple citoyen […] » et (2) « la primauté du droit exige la création et le maintien d’un ordre réel de droit positif qui préserve et incorpore le principe plus général de l’ordre normatif ». Dans le Renvoi relatif à la sécession du Québec, [1988] 2 RCS 217, au para 71, elle a formulé une troisième composante, soit que « l’exercice de tout pouvoir public doit en bout de ligne tirer sa source d’une règle de droit » et donc, que « les rapports entre l’État et les individus doivent être régis par le droit ». Sur ce troisième critère, voir également : Renvoi relatif aux juges de la Cour provinciale, [1997] 3 RCS 3 au para 10.

380 Brun, Tremblay et Brouillet, supra note 94 au para IX. 32. 381 B.C.G.E.U., supra note 213.

piquetage dans le cadre d’un conflit de travail. Le juge en chef Dickson considère que le principe de primauté du droit – qui se retrouve au préambule de la Charte et constitue le fondement même de celle-ci – fait obstacle à quiconque voudrait retarder, refuser ou empêcher l’accès aux cours de justice du pays382. Il établit ainsi clairement qu’« [i]l ne peut

y avoir de primauté du droit sans accès aux tribunaux, autrement la primauté du droit sera remplacée par la primauté d’hommes et de femmes qui décident qui peut avoir accès à la justice383 ». Dans un arrêt subséquent mettant en cause des faits similaires, le juge Dickson

conclut à nouveau que « [t]out ce qui entrave, empêche ou gêne l’accès aux tribunaux va à l’encontre de la primauté du droit et constitue un outrage criminel. La primauté du droit, enchâssée dans notre Constitution, ne peut être maintenue que si les gens ont un accès totalement libre aux tribunaux de ce pays384 ».

Le lien entre la primauté du droit et les barrières physiques à l’accès aux tribunaux est donc très clairement établi. Il y a toutefois lieu de se demander si ce principe peut être étendu à d’autres types de barrières, qu’elles soient financières, procédurales ou temporelles, par exemple. À l’heure actuelle, il y a certainement plus de personnes dont l’accès est empêché de manière permanente pour ces derniers motifs qu’un empêchement temporaire dû à un conflit de travail ou toute autre manifestation385.

Dans l’arrêt B.C.G.E.U., le juge Dickson mentionne que toute entrave va à l’encontre de la primauté du droit. Selon le professeur Lorne Sossin, il semblait donc clair que « interference "from whatever source" falls into the same category as an infringement of access386 ». Toutefois, dans l’arrêt Christie387 – où l’enjeu était la validité constitutionnelle

d’une taxe imposée sur les services juridiques – la Cour suprême a conclu que le principe de la primauté du droit, bien que relié à la notion d’accès à la justice, ne comprenait pas l’accès à des conseils juridiques388 :

[23] [L]a question qu’il nous faut trancher est celle de savoir si l’accès général à des services juridiques lors de procédures de tribunaux judiciaires et administratifs portant sur des droits et des obligations constitue un aspect

382 Ibid aux pp 228 et 229. 383 Ibid à la p 230.

384 Terre-Neuve (Procureur général) c. N.A.P.E., [1988] 2 RCS 204.

385 Lorne Sossin, « Special Issue: Civil Justice and Civil Justice Reform, Constitutional Accommodation and the Rule(s) of the Courts » (2005) 42 Alta. L. Rev. 607 à la p 617.

386 Lorne Sossin, « Constitutional Accommodation and the Rule(s) of the Courts » (2005) 42 Alta. L. Rev. 607 au para 40.

fondamental de la primauté du droit. Selon nous, ce n’est pas le cas. Certes, l’accès à des services juridiques revêt une importance fondamentale dans toute société libre et démocratique. Dans certains cas, cet accès a été jugé essentiel à l’application régulière de la loi et à un procès équitable. Mais ni le texte de la Constitution, ni la jurisprudence, ni l’histoire du concept n’étayent la thèse de l’intimé selon laquelle il existe un droit général à l’assistance d’un avocat qui constituerait un aspect ou une condition préalable de la primauté du droit.

(nos soulignés)

La Cour a donc refusé d’invalider l’imposition de la taxe puisqu’elle avait été adoptée de manière conforme à la Constitution. Malgré la reconnaissance de l’importance de l’accès à la justice dans une société démocratique, la Cour refuse d’utiliser un principe non-écrit afin d’invalider une loi389. Cette position est paradoxale en regard de celle adoptée dans l’arrêt

B.C.G.E.U., qui avait établi que l’accès aux tribunaux est indispensable à la primauté du droit. Notons cependant que la décision B.C.G.E.U. précise que des parties privées ne peuvent bloquer l’accès aux tribunaux, mais elle n’impose pas d’obligation positive à l’État de promouvoir l’accès à la justice ou de s’abstenir de restreindre l’accès au système judiciaire390. Cette distinction semble fondamentale dans la prise de position de la Cour

suprême. Celle-ci formule volontiers des principes généraux mais se montre hésitante à les appliquer lorsqu’il s’agit d’imposer une obligation ou de sanctionner une action de l’État. L’arrêt Christie laisse entrevoir que le principe de primauté du droit ne serait donc qu’un principe vidé de sens puisque non contraignant pour l’État.

Le refus d’invalider une loi sur la base de ce principe constitutionnel est conforme aux enseignements de la Cour suprême dans l’arrêt Imperial Tobacco391. Commentant la force

des principes constitutionnels non-écrits, les auteurs Brun, Tremblay et Brouillet précisent : En revanche les dispositions législatives qui directement énoncent une

norme particulière et précise relèvent de la suprématie législative et elles ne peuvent être contestées au nom de la primauté du droit si elles ne mettent en cause aucun droit constitutionnel. Dans l’arrêt Colombie- Britannique c. Imperial Tobacco, [2005] 2 R.C.S. 473, la Cour suprême a en effet précisé que le principe de la primauté du droit limite les actes législatifs en ce qui a trait au respect des conditions légales de manière et de forme (procédure d’adoption, de modification, etc.), mais qu’il pourrait difficilement permettre d’invalider une loi en raison de son contenu. […]

389 Cole et Flaherty, supra note 371 à la p 23. 390 Ibid à la p 24.

Ainsi, de façon générale, la primauté du droit « exige des tribunaux qu’ils donnent effet au texte constitutionnel, et qu’ils appliquent, quels qu’en soient les termes, les lois qui s’y conforment » […]392.

(nos soulignés)

En l’occurrence, il semble donc peu probable qu’un régime d’aide juridique soit entièrement invalidé sur la seule base de la primauté du droit.

La Cour suprême a eu l’opportunité de se pencher à nouveau sur la question ultérieurement. Malgré sa prise de position précédente, elle a récemment reconnu que toute entrave à l’accès aux tribunaux portait également atteinte à la primauté du droit dans Hryniak393, arrêt

unanime récent rendu sous la plume de la juge Karakatsanis :

[1] De nos jours, garantir l’accès à la justice constitue le plus grand défi à relever pour assurer la primauté du droit au Canada. Les procès sont de plus en plus coûteux et longs. La plupart des Canadiens n’ont pas les moyens d’intenter une action en justice lorsqu’ils subissent un préjudice ou de se défendre lorsqu’ils sont poursuivis; ils n’ont pas les moyens d’aller en procès. À défaut de moyens efficaces et accessibles de faire respecter les droits, la primauté du droit est compromise. L’évolution de la common law ne peut se poursuivre si les affaires civiles ne sont pas tranchées en public.

Dans cet arrêt, la question de la validité d’une requête en jugement sommaire, empêchant la tenue d’un procès, était soulevée. Se penchant sur les valeurs qui sous-tendent l’accès à la justice au Canada, la juge constate :

[24] […] La tenue d’un procès est devenue largement illusoire parce que, sans une contribution financière de l’État, les Canadiens ordinaires n’ont pas les moyens d’avoir accès au règlement judiciaire les litiges civils. […] [25] Le règlement expéditif des litiges par les tribunaux permet aux personnes concernées d’aller de l’avant. Toutefois, lorsque les coûts et les délais judiciaires deviennent excessifs, les gens cherchent d’autres solutions ou renoncent tout simplement à obtenir justice. Ils décident parfois de se représenter eux-mêmes, ce qui entraîne souvent d’autres difficultés en raison de leur méconnaissance du droit.

[26] Dans certains milieux, l’arbitrage privé est de plus en plus considéré comme une solution de rechange à un processus judiciaire lent. Or, ce n’est pas la solution : en l’absence d’un forum public accessible pour faire trancher les litiges, la primauté du droit est compromise et l’évolution de la common law, freinée.

(nos soulignés)

Ce jugement met explicitement en évidence la corrélation entre le manque d’accès au règlement judiciaire des litiges et la compromission du principe constitutionnel de la primauté du droit. Ce lien a été confirmé peu de temps après de manière encore plus précise dans l’affaire Trial Lawyers394. Comme exposé précédemment, cette décison met en cause

la constitutionnalité de frais d’audience imposés par le gouvernement. Nous l’avons vu, l’argument principal au soutien de l’invalidation de ces frais est la préservation de la compétence des cours supérieures. Or, ce principe est supporté par celui de la primauté du droit. Citant les propos du juge Dickson dans B.C.G.E.U., la Cour réitère que « l’accès aux tribunaux est essentiel à la primauté du droit395 ». Ce faisant, il est possible de se

questionner si l’arrêt Trial Lawyers vient renverser l’arrêt Christie ou s’il s’agit plutôt d’un paradoxe. La Cour suprême aborde de front cette question :

[41] L’arrêt Christie de notre Cour n’affaiblit pas la proposition voulant que l’accès aux tribunaux constitue un aspect fondamental de nos arrangements constitutionnels. Dans cet arrêt — qui concernait une surtaxe de 7 pour 100 imposée sur les services juridiques — la Cour est partie du principe qu’il existe un droit fondamental à l’accès aux tribunaux, mais elle a conclu que « [les] limite[s] à l’accès aux tribunaux [ne sont pas toutes] automatiquement inconstitutionnelle[s] » (par. 17). En l’espèce, l’obligation de payer les frais d’audience risque d’empêcher des plaideurs dont les réclamations sont légitimes d’avoir accès aux tribunaux. Au vu de la preuve et des arguments présentés dans Christie, il n’a pas été démontré que la taxe en cause dans cette affaire produisait le même effet.

Selon certains auteurs, la Cour suprême tempère ainsi la position adoptée précédemment dans l’arrêt Christie396.

Au vu des principes exposés précédemment concernant l’accès aux tribunaux, il est possible de conclure que la primauté du droit prohibe certaines limites monétaires à l’accès aux tribunaux. Mais peut-on aller jusqu’à d’affirmer que la primauté du droit devrait comprendre l’accès à des conseils juridiques et l’imposition d’une obligation positive à l’État en ce sens? Certains auteurs ont prétendu que si les conseils juridiques sont nécessaires en vue d’un accès significatif aux tribunaux, les impératifs de protection de la primauté du

394 Supra note 222.

395 B.C.G.E.U., supra note 213 au para 38.

396 Voir notamment Paul Vayda, « Chipping away at Cost Barriers: A Comment on the Supreme Court of Canada’s Trial Lawyers Decision » (2015) 36 Windsor Rev. Legal & Soc. Issues 207 à la p 212 [Vayda].

droit établis par B.C.G.E.U. pourraient trouver application397. Le professeur Jean-François

Gaudreault-Desbiens est de cet avis :

Dans la mesure où la problématique de l’existence d’un droit constitutionnel à l’aide juridique est celle de l’accès à la justice, et plus particulièrement celle d’un accès concret à la justice, elle intéresse également la question de la primauté du droit. De fait, ce principe constitutionnel, selon l’acceptation donnée à ce concept dans le Renvoi relatif à la sécession du Québec, est directement lié à la problématique de l’accès à la justice, en ce que l’absence (ou l’insuffisance) d’un accès concret et suffisant à la justice est de nature à miner la primauté du droit. Il suffit, pour s’en convaincre, d’imaginer comment les justiciables non représentés par avocat pourraient en venir à percevoir le système juridique. Ainsi, de tels justiciables seront plus susceptibles d’être déçus du résultat d’un procès que d’autres qui auraient été représentés, puisque leur évaluation de ce résultat se fera toujours à l’aune d’une insatisfaction initiale quant au déséquilibre non corrigé qui marquait le rapport de forces entre les parties. Ceci, à n’en pas douter, pourrait contribuer à instaurer un climat de méfiance face au système judiciaire et à l’administration de la justice en général, sapant dès lors l’effectivité, voire la légitimité, du principe de la primauté du droit. […] Enfin, un tel justiciable pourrait être tenté de « décrocher » du système juridique étatique en raison de sa perception, plus ou moins bien fondée, qu’il n’a plus aucune prise sur un système qui ne répond plus à ses attentes, si minimales soient-elles.

[…]

Bien que ces propos de la Cour suprême [dans B.C.G.E.U.] aient été formulés dans un arrêt qui s’intéressait à la question de l’accès physique à un Palais de justice, ce qui, sur le plan technique, le rend aisément distinguable par rapport à l’hypothèse principale examinée dans la présente opinion, il reste que, sur le plan des principes, et surtout compte tenu de l’approche « substantielle » qui inspire de plus en plus l’interprétation des droits constitutionnels, on voit mal en quoi le non-accès pour des raisons physiques serait pire, du point de vue de la primauté du droit, que le non- accès en raison d’un manque de moyens financiers. C’est en effet le lot d’un nombre croissant de justiciables que de se retrouver dans l’incapacité de revendiquer ou de défendre leurs droits constitutionnels en raison de leur non-admissibilité à l’aide juridique et d’un manque de moyens financiers. Aussi, afin de véritablement concrétiser l’idéal d’un accès maximal et concret au système de justice, il convient de se demander si les tribunaux ne devront pas tôt ou tard accepter d’élargir encore plus le droit « relatif » à l’aide juridique dont ils ont déjà reconnu l’existence dans

397 Voir notamment Joseph J. Arvay, « Constitutional Right to Legal Aid” dans Vicki Schmolka (dir), Le droit à

une représentation juridique rémunérée par l’État au Canada : une cause justifiée, Ottawa, Association du

certaines circonstances. N’y va-t-il pas, en bout de ligne, de l’effectivité du principe constitutionnel de la primauté du droit398?

(nos soulignés)

Une ligne de pensée similaire avait été adopté par la Cour d’appel de la Colombie- Britannique dans John Carten399. Cette affaire mettait en cause la validité constitutionnelle

de l’imposition d’une taxe sur les services juridiques, tout comme dans l’arrêt Christie. La majorité de la Cour d’appel a reconnu l’existence du droit à l’avocat et du droit à une audition équitable en matière civile sur la base du préambule de la Charte canadienne et a établi :

[9] I consider that everyone in Canada has a right to come to court and seek the help of the court in obtaining a resolution of the legal issues that have given rise to that person's problem. Everyone in Canada has a right to seek the protection of the court from any perceived oppression by the state. Everyone being prosecuted in our courts has the right to counsel and the right to make full answer and defence. And I consider that our social system and our system of government depend not only on our rights relating to dispute resolution, in courts and otherwise, but also on our rights relating to dispute prevention through a legal system which regulates succession to property, family law, and other areas of potential disharmony.

(nos soulignés)

La Cour s’était d’ailleurs montrée tellement convaincue de l’existence de ces droits fondamentaux qu’elle a indiqué aux procureurs qu’il n’était pas nécessaire de présenter les arguments relatifs au droit anglais, dont notamment la Magna Carta de 1215400. Toutefois,

les juges de la majorité ont refusé de se pencher sur le fond de l’affaire, jugeant qu’aucune preuve n’existait à l’effet que la taxe portait atteinte au droit d’accéder aux tribunaux ou à des services juridiques401.

Le juge McEachern, dissident, aurait plutôt déclaré cette taxe invalide. Les juges de la majorité ne se sont pas explicitement prononcés en désaccord avec son analyse; ils ont plutôt refusé de se pencher sur la question. Le juge McEachern était de l’avis que la

398 Jean-François Gaudreault-Desbiens, « Droit constitutionnel à l’aide juridique » dans Vicki Schmolka (dir), Le

droit à une représentation juridique rémunérée par l’État au Canada : une cause justifiée, Ottawa, Association