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Révélation et Transcendant : le défi de la désacralisation

2 Entre liberté et nécessité : le cadre de l’analyse

2.2 Révélation et Transcendant : le défi de la désacralisation

Mais si l’appel à la recherche du Sens est important, dans le cadre de la réflexion sur l’espérance, nous ne pouvons pas garder de côté un autre binôme, avec la tâche que celui-ci implique. Nous nous référons au couple « Révélation-Transcendant » et à un défi fondamental lancé par la réflexion sur ce binôme : celui de la désacralisation. Une fois de plus, nous ne voulons pas franchir la frontière de l’éthique : la question de la désacralisation, avant de devenir quelque chose de concret et d’inséré dans l’histoire, plonge des racines assez profondes dans la sémantique et

1 Jacques Ellul, L’espérance oubliée, op. cit., pp. 265 – 272.

135 dans ce qui précède l’action : ce qu’Ellul appelle « prise de conscience », et que nous pourrions simplement appeler « lecture critique » de la réalité dans laquelle on plonge.

Dans ce paragraphe, notre premier but sera donc d’approfondir les concepts de révélation et de transcendant ainsi que la manière dont Jacques Ellul en parle. La deuxième étape sera de rappeler quelques idées sur ce qu’il entend par « sacré ». Par la suite, nous aimerions procéder à mieux mettre en évidence les liens entre ces trois mots, pour définir plus en détail le processus de désacralisation auquel notre auteur appelle les êtres humains.

2.2.1 Le Transcendant révélé

Nous pourrions peut-être commencer cet approfondissement par une remarque : le maître de la dialectique nous laisse ici un peu désorientés, car, si dans ses œuvres Jacques Ellul parle beaucoup et de façon très approfondie de « transcendant », ce mot n’est jamais mis à côté de son compagnon, « immanent ». Absence singulière, et par conséquent intéressante. Est-ce qu’il y a un autre « pôle », face à celui du Transcendant, dans le discours ellulien ? Certainement oui. Le discours est récurrent, et nous l’avons déjà présenté : le Transcendant est l’accroche extérieure, la seule possibilité de sortie, de libération, hors du labyrinthe de la société technicienne. Seul le Transcendant peut franchir les frontières et les schémas de la Technique.

Une caractéristique nous intéresse tout particulièrement dans cette partie de notre discours : le fait qu’Ellul plaide pour une « révélation » du Transcendant. Dans ce mouvement est contenu le point d’appui du discours et des enjeux qui connectent entre eux vérité, réalité, croyance, foi – et par conséquent les deux questions de la quête de Sens et de ce que nous allons voir de suite, la question du Sacré et de la désacralisation. Nous avons déjà rencontré la citation de La foi au prix du doute dans laquelle une formule étonnante est utilisée, à savoir « la réalité d’un transcendant objectif »1. Est-ce une sorte de paraphrase pour parler d’immanence ? En partie seulement, à notre avis. Car par cette formule, Ellul met un accent très fort sur la relation entre Dieu et les êtres humains : le Transcendant n’est pas, simplement, présent parmi les hommes. Il y arrive à travers un mouvement de révélation qui implique plusieurs facteurs : la Parole et son écoute, la liberté de choisir de se révéler de la part de Dieu ainsi que la liberté de choisir d’écouter de la part de l’être humain. Surtout,

1 Jacques Ellul, La foi au prix du doute, op. cit., p. 233. Par commodité, nous répétons ici la citation : « Ce n’est pas de foi, encore moins de croyance, qu’il est question ici, mais de la réalité d’un transcendant objectif (que l’homme y croit ou non) qui se situe en dehors des possibilités d’absorption, d’assimilation, d’utilisation de la croissance des moyens. Je dis bien : réalité. Et ni quelque sorte d’objectivation de croyance effectuée par l’homme, ni la seule vérité. Il faut que ‘vérité – réalité’ soient unies, conjointes. C’est-à-dire que la vérité ne reste pas dans une transcendance inaccessible ».

136 ce mouvement laisse entendre une ouverture à ce qui est aléatoire, qui se situe en juxtaposition totale par rapport à la Technique et à ses dynamiques. Ce qui est révélé est en tant que tel révélé dans un contexte : dans une époque, à un individu défini. Par conséquent, le révélé ne peut qu’être relatif. Objectif, car venant d’Ailleurs, mais réel, et donc contingent. Preuve en est le fait qu’Ellul affirme que Dieu, jamais saisissable car à la fois Tout Autre et en relation personnelle avec chaque individu, « se révèle dans le hic et nunc tel qu’il est nécessaire qu’il se révèle par rapport à telle situation de l’homme. Il n’y a par conséquent jamais aucun dévoilement métaphysique (nous ne saisissons jamais l’Etre de Dieu) et il n’y a pas davantage une possibilité d’addition de fragments que Dieu aurait révélés à tel, puis à tel autre, que nous pourrions recueillir en tentant de constituer un puzzle »1. Deux attributs sont fondamentaux ici : le fait que le Transcendant se révèle à travers la Parole – le Verbe/Dabar, et donc à travers une révélation qui est en même temps parole et acte, intervention dans l’histoire et dans le vécu ; deuxièmement, il est important de remarquer le rôle et la finalité de critique assumée par la révélation. C’est justement pour cette raison qu’il faut, affirme Ellul, « un Transcendant qui soit réellement transcendant et non pas seulement cru comme tel par l’homme »2.

Pour cadrer le discours dans les coordonnées d’une théologie plus classique, Jacob Van Vleet rappelle dans sa recherche que, suivant Kierkegaard, Ellul aussi laisse de côté l’analogia entis pour s’approcher de l’analogia fidei : la première « reduces and restricts God to the realm of human logic, which is always limited by space and time », et parce qu’elle peut conduire à des « problematic ideological interpretation of God »3. Pour ces raisons, Ellul aussi pencherait plutôt du côté de la deuxième, soulignant plutôt la totale altérité de Dieu – et par conséquent l’importance radicale de la révélation divine reçue par la foi dans son lien avec les fondements de l’éthique4. L’analogia fidei est plus utile, à l’avis de Jacques Ellul, pour établir les fondements d’une éthique chrétienne, à partir par exemple du fait que « ce terme est employé par Saint Paul dans son épître aux Romains

1 Jacques Ellul, « Dieu », Etudes Théologiques et Religieuses, n° 4, 1977, pp. 471-487. Nous rencontrons dans cet article des concepts-clés qu’on retrouve, plus tard, dans au moins deux textes d’importance fondamentale : La foi au prix du

doute et Théologie et Technique (op. cit.).

2 Ibid., p. 484.

3 Jacob Van Vleet, Dialectical theology and Jacques Ellul, op. cit., pp. 46-49.

4 Un exemple : Jacques Ellul, Les sources de l’éthique chrétienne, op. cit., pp. 281-300. Allant vers la conclusion de l’œuvre sur les fondements de l’éthique, notre auteur procède à une critique de l’analogia entis telle que Karl Barth l’appliquerait « dans son essai analogique sur la Communauté civile » (p. 282). Cette méthode paraît trop arbitraire à Ellul qui en suggère des possibles dérivations « douteuses », en soulignant entre autre le fait que cette argumentation de la part de Karl Barth « rappelle beaucoup celle des scholastiques du Moyen-Âge » (p. 282). Face à tout cela, la critique est radicale : « Cela montre en définitive qu’avec l’analogia entis on peut à peu près tirer ce que l’on désire de principes, ou de données théologiques, et qu’il n’y a aucune protection contre l’arbitraire et les présuppositions subjectives » (p. 285).

137 exactement à la charnière entre la partie dogmatique et la partie parénétique ». Rom 12 : 6 « s’adresse au prophète et, certainement, elle domine l’enseignement parénétique des derniers chapitres de cette Epître, et se rapporte évidemment à la vie de l’ensemble de l’Eglise, à l’édification de cette Eglise »1.

2.2.2 Qu’est-ce que le Sacré ?

Nous avons déjà parlé de Sacré lorsque l’on a approfondi les enjeux entre réel et vrai, mais il est possible d’avancer davantage encore dans le discours. Le livre dans lequel Jacques Ellul analyse plus en profondeur le concept de sacré est sans doute Les nouveaux possédés2. Certes, bien d’autres auteurs, parfois bien plus qualifiés qu’Ellul, ont étudié le phénomène du sacré et de la sacralisation ; à part son interlocuteur d’une certaine manière habituel, Paul Ricœur, Ellul rappelle plusieurs sources : par exemple, Lévi-Strauss et Baudrillard, Jean Brun et René Girard. Le sacré, selon Ellul, est donc quelque chose qui organise et oriente l’espace et le temps, agissant par cela sur l’individu en lui offrant une appartenance et une identité. Inversement, l’individu, en groupe avec d’autres, procède à une action de sacralisation de son propre milieu et de certains parmi ses éléments et ses dynamiques.

Nous avons remarqué deux caractéristiques particulières du sacré telles que Jacques Ellul en parle dans cette œuvre : l’ambiguïté – ambivalence et le fait qu’il suit une sorte de cyclicité. Le sacré est ambivalent, et par conséquent ambigu : « Il est la concentration de tout ce qui menace et sauve l’homme. Or, il faut qu’il soit cela s’il est ordre, limite, sens et justification »3. Une caractéristique fondamentale, pour un auteur attentif à la dialectique comme l’est le professeur bordelais. Ellul cite une très bonne définition donnée par Roger Caillois : le sacré est « condition de la vie et porte de la mort »4. Le sacré contient en soi, forcément, le positif et le négatif, l’extase et la terreur, la liberté et la soumission.

De plus, l’ambivalence du sacré est à l’origine du fait qu’il est, pouvons-nous dire, cyclique. Suivant un modèle très proche des thèses de René Girard, Ellul met en évidence le fait qu’une sorte de « cycle du sacré » existe : « Est devenu sacré ce qui avait été l’instrument de la désacralisation. … le

1 Ibid., p. 287.

2 Jacques Ellul, Les nouveaux possédés, op. cit., notamment le chapitre 3, pp. 79-138.

3 Ibid., p. 88.

4 Ibid., p. 92, cit. Roger Caillois, L’homme et le sacré, Paris, Gallimard, 1963 (3e édition). Le chapitre V est intitulé justement « Le sacré, condition de la vie et porte de la mort », et Caillois en parle de manière tout à fait dialectique. Aucune surprise que notre auteur l’ait apprécié.

138 sacré est tel qu’il absorbe nécessairement ce qui le désacralise »1. Nous voici entrés dans la dynamique, dans le déroulement : on ne parle plus simplement de sacré, mais de sacralisé et de désacralisé. Un processus est en jeu. De plus, un processus qui trouve en soi-même son renouvellement. Ce qui a désacralisé le sacré prend sa place peu à peu, ou brutalement : le désacralisateur se sacralise. « Ce domaine intouchable, lorsqu’il est profané, devient alors le domaine de son contraire. La pureté parfaite désacralisée devient le lieu même de la prostitution. L’expérience vitale secrète amenée au jour devient le fait de l’utilisation la plus banale et vulgarisée »2. A partir de cette profanation un nouveau sacré s’établit : il s’agit justement de ce qu’a été le sujet de la profanation précédente. Tel est le cas, notamment, de la Technique par rapport à la Nature.

D’ailleurs, les études de notre auteur sur l’idée de sacré remontent bien plus loin dans le temps : « Le sacré se rapporte obligatoirement à ce qui est la condition nécessaire de l’homme, l’inévitable, ce qui lui est imposé, ce qu’il vit sans rémission possible. Il faut qu’il assigne à cette condition un caractère dernier parce qu’elle est inévitable. Il faut qu’il lui impose une valeur parce qu’elle lui est imposée. Il faut qu’il la mue dans l’ordre du sacré parce que lui-même ne peut se concevoir hors de cet ordre-là. C’est la vocation désespérée d’une prétention à la maîtrise de ce qui lui échappe, à la liberté dans la nécessité. Et plus l’ordre nécessaire est rigoureux, plus l’homme prétendra le dominer par le délire du sacré »3. Dès le début de sa réflexion sur ce sujet, Ellul soulignait donc le caractère tragiquement nécessaire de cette dynamique. L’être humain est le créateur de ses propres idoles, auxquels il se sacrifie lui-même, et sacrifie son identité, sa liberté.

Mais Ellul remarque que deux autres caractéristiques spécifiques à la sacralisation de la Technique existent. Le chemin de la sacralisation commence dans le milieu propre de l’individu, dans son quotidien. D’ici la première remarque : la Technique étant le milieu de l’être humain de la modernité, bien évidemment elle sera le destinataire et l’objectif du processus de sacralisation. Les deux chemins prioritaires qui aident ce processus sont la manière dont on vit et dont on interprète le travail ainsi que le lieu topique de la société technicienne : la ville4. La deuxième remarque concerne l’immédiateté des rapports entre l’individu et l’objet (sacré) technicien : la distance est

1 Ibid., p. 94.

2 Ibid., p. 99.

3 Jacques Ellul, « Le sacré dans le monde moderne », art. cit., p. 34-35. Pour rappel, cet article date de 1963.

4 Nous avons déjà parlé des études de Jacques Ellul sur la Ville et sa signification biblique et sociologique. Par rapport au discours sur le travail, deux œuvres nous paraissent incontournables : L’homme et l’argent (1953), in Le défi et le

nouveau, op. cit., et Pour qui, pourquoi travaillons-nous ?, Paris, La Table Ronde, 2013 (éd. M. Hourcade, J.P. Jézéquel,

139 supprimée entre le sujet et l’objet. « Mais ce n’est pas à cause d’une insertion dans la sphère du sacré, c’est par une insertion dans les mécanismes sociaux »1 : la société technicienne, affirme Ellul, a totalement pris possession de l’être humain2 ; nous sommes dans une impasse de laquelle on ne peut sortir que par une intervention du Transcendant.

2.2.3 Désacralisation, le parcours de la foi

Nous rencontrons plusieurs formulations de la thèse de la sacralisation de la Technique dans le corpus ellulien. Dans Théologie et Technique, inédit jusqu’en 2014, Ellul fait à ce propos un rappel de la conférence de Paul Ricœur sur l’herméneutique du sacré3. Les cinq caractères du sacré illustrés par Ricoeur4 peuvent être parfaitement appliqués à la Technique : celle-ci est la preuve du fait que, comme Ellul l’affirmait déjà dans Les nouveaux possédés, « la Technique est un aspect du nouveau sacré dans notre société »5. La version de cette thèse que nous rencontrons ici est particulièrement intéressante car elle est insérée à la fin du chapitre servant de lien entre la lecture critique et la mise en pratique : soit, parmi ce que nous avons appelé les fondements de l’éthique ellulienne. L’affirmation argumentée du fait qu’un processus de sacralisation de la Technique a bien eu lieu dans l’époque moderne représente une partie fondamentale du parcours de la « prise de conscience ». Ce travail d’acquisition d’informations et d’interprétation concerne à la fois « l’esprit de mensonge » et « l’esprit de puissance », et représente une étape cruciale sur le chemin qui amène du constat à la pratique.

1 Jacques Ellul, Les nouveaux possédés, op. cit., p. 108.

2 Ibid. : « Cette société ne peut plus vivre, se mouvoir et s’accroître sans avoir d’âme. Elle ne peut avoir d’autre âme que celle de l’homme. Elle l’exige, et comment la refuserait-on à ce grand corps puissant qui contient toutes les promesses et toutes les menaces ? Elle ne peut s’accomplir qu’en accédant au sacré, mais celui-ci n’existe que dans l’immédiateté à l’homme, et dans le sacrifice de l’homme ».

3 La conférence dont parle Ellul serait celle qui porte le titre « Manifestation et proclamation », publiée par Enrico Castelli (dir), Le sacré. Etudes et recherches. Actes du Colloque organisé par le Centre international d’études humanistes

et par l’Institut d’études philosophiques de Rome. Rome, 4-9 Janvier 1974, Paris, Aubier-Montaigne, 1974, pp. 57-76.

4 « - Le sacré se manifestant est puissance, pouvoir, force.

- La hiérophanie montre la manifestation d’une structure, elle a un caractère articulé non verbal. - Il existe un lien étroit entre le symbolisme du sacré et le rite.

- Le symbolisme sacré est un symbolisme lié, adhérent, c’est une adhésion au réel qui se montre. - Enfin il y a une logique du sens dans l’Univers sacré.

Or, il m’est apparu clairement que les cinq thèmes retenus pour expliciter la manifestation du Sacré expliciteraient actuellement parfaitement la manifestation de la Technique : manifestation de la puissance, d’une structure articulée, ritualisée, adhésion au réel, logique du sens…Tout cela donne la phénoménologie de la Technique ». Jacques Ellul,

Théologie et Technique, Genève, Labor et Fides, 2014, p. 290. Cette œuvre, posthume, peut être datée du troisième

tiers des années 1970 (introduction, p. 9).

140 De plus, ce parcours est un enjeu fondamental dans le rapport entre la Théologie et l’Ethique : à partir du verset 2 de Romains 12, « Ne vous conformez pas au siècle présent », Ellul affirme : « Il y a une médiation entre le Théologique et l’Ethique, une suture par rapport à une ‘béance’ (il y a un monde de différence entre la Révélation et le Comportement), une réconciliation (à la vérité, l’Ethique est l’inverse de l’Evangile !). Mais nous sommes généralement si assoiffés d’action, si soucieux de réalités immédiates que nous laissons aisément de côté ce chaînon intermédiaire, si bien que nous élaborons une éthique sans rapport avec la compréhension théologique de la Révélation »1.

Or, c’est justement sur ce « chaînon intermédiaire » que nous voulons centrer notre attention : il faut prendre le temps de lire le sens des actions et leur origine, rappelle Ellul. La prise de conscience assume justement ce rôle intermédiaire, construisant un pont entre la théorie et l’herméneutique théologique d’un côté et la pratique de l’éthique chrétienne de l’autre. Voici pourquoi Jacques Ellul parle d’un rôle critique de la théologie adressé à la Technique : celle-ci doit pouvoir être analysée avec du recul que la théologie seulement, à l’avis d’Ellul, peut donner à l’être humain2. « La seule indépendance que l’homme ait envers la Technique doit être une indépendance critique, jouant à l’intérieur du système technicien, mais enracinée dans ce qui lui est extérieur »3 : la théologie, justement.

Une lecture critique de la Technique implique un processus de de-construction, dont nous pouvons reconnaître deux moments : premièrement, nous l’avons vu, l’individuation de l’esprit de puissance et de l’esprit de mensonge - c’est-à-dire des limites de l’action et de la parole. Ce premier résultat atteint, il est possible de procéder à une « action iconoclaste de la foi ». Ellul rejoint ici un autre de ses interlocuteurs prioritaires, Gabriel Vahanian4. L’œuvre d’iconoclasme, de mise en discussion de la sacralité de la Technique, présente deux aspects : la désillusion et la désacralisation. Il s’agit, justement, d’un travail de mise à distance, de prise de recul par rapport aux phénomènes de la Technique, avec la fin de les libérer de leur voile sacré. « L’iconoclasme doit faire apparaître que la

1 Ibid., p. 262.

2 Ibid., p. 271 : « C’est pourquoi je puis affirmer que la théologie critique de la Technique est le chemin de l’affirmation valable de l’homme par la critique de ses œuvres. Non pas, bien entendu, que j’oppose Technique et homme, ni que je récuse le fait que la Technique soit bien l’œuvre majeure de l’homme, ni que je dise par là que la Technique met l’homme en danger. Pour que l’homme acquière une conscience suffisante, il faut qu’il puisse se distancier du fait en tant que tel ; pour acquérir une maîtrise, il faut qu’il ait le moyen de s’établir lui-même en confrontation et tension par rapport à la Technique ; pour acquérir une rationalité supérieure (et non déterminée par la Technique elle-même), il faut qu’il puisse procéder à une critique du fait ».

3 Ibid.