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CHAPITRE 7 ANALYSE DES PRATIQUES DECLAREES DANS L’ENQUETE EN LIGNE

7.4 Résultats pour les pratiques d’enseignement

La première question sur les pratiques d’enseignants a été posée au tout début du questionnaire : « Vous arrive-t-il de comparer explicitement l’occitan et le français avec vos élèves ? » (Q2). Tous les enseignants répondent « oui ». Cette réponse, unanime, n’est pas sans nous interpeler si on la compare avec les réponses obtenues sur les représentations en Q20 et Q23. La situation est la suivante : tous les répondants trouvent très pertinent de comparer l’occitan et le français (Q20) et tous les répondants déclarent le faire (Q2)… tout en émettant, pour un tiers d’entre eux, des réserves à Q23 (« Etes-vous intéressés par l’idée de comparer l’occitan et le français avec vos élèves ? »). Que nous apprennent ces apparentes contradictions dans le discours des répondants ? Loin de remettre en question la sincérité et la fiabilité des réponses obtenues, nous pensons que ces contradictions révèlent des failles d’ordre épistémologique, tenant à l’objet d’étude lui-même, la comparaison des langues. N’ayant nous-même posé à aucun moment, dans le questionnaire, de définition personnelle de ce concept, notre démarche d’investigation repose sur un contenu définitoire implicite, ainsi qu’un accord, tacite, selon lequel la comparaison des langues signifie la même chose des deux côtés, pour l’enquêteur et pour les enquêtés. Les réponses fournies par les répondants sur leur pratique en Q2, c’est-à-dire au tout début du questionnaire, correspond à un moment où la spontanéité est encore possible. Or, nous pensons qu’au fur et à mesure qu’ils progressaient dans le questionnaire, les enseignants ont été confrontés à une complexification des données. La sollicitation progressive sur des questions de plus en plus denses et touchant à des aspects très divers de leurs pratiques et de leurs représentations les a peut-être amenés à douter d’eux-mêmes et à se mettre en retrait en Q23. La prise en compte de ce phénomène « d’intimidation », de « recul », est pour nous essentielle. Nous y voyons, d’une part, la confirmation ce que nous avons cherché à mettre en évidence dans le cadre théorique (cf. chapitre 3), à savoir que la comparaison des langues est un concept large, à multiples facettes. D’autre part, ce phénomène démontre l’intérêt de travailler avec les enseignants sur leurs représentations vis-à-vis de cette notion et sur sa mise en pratique afin d’en dépasser les contenus consensuels et de l’aborder dans toute sa complexité.

Cette première question sur les pratiques se poursuit par un questionnement permettant de les cerner avec plus de précision.

7.4.1 Quelle fréquence et quelle organisation des activités de comparaison des langues?

La question Q4 (« Diriez-vous que vous comparez l’occitan et le français : très souvent/souvent/occasionnellement / rarement ?) avait pour objectif d’appréhender la fréquence à laquelle les enseignants estiment faire comparer les deux langues aux élèves. Pour plus de la moitié des enseignants il s’agit d’une habitude soit quotidienne (9

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enseignants) soit hebdomadaire (14 enseignants). A minima, les répondants déclarent comparer les langues au moins quelques fois par mois (7 répondants) ou rarement (1 répondant).

La question Q6 « Quelle est votre organisation ? », organisée en quatre sous-questions, portait sur l’organisation des enseignants en termes d’intégration dans l’emploi du temps des élèves, de progression et de préparation des séances. (1) Les enseignants ont-ils un calendrier de séances consacrées à la comparaison de l’occitan et du français ? (2) Etablissent-ils une progression de séance en séance ? (3) Prévoient-ils des moments spécifiques dans la journée pour la comparaison de l’occitan et du français ? (4) Préparent-ils les séquences de façon détaillée ?

Non Non, pas

vraiment

Oui NSP

Calendrier 12 10 8 1

Progression 12 12 6 1

Moments spécifiques 15 8 7 1

Préparation détaillée des

séquences 13 13 4 1

Tableau 43 Résultats pour Q6 « Quelle est votre organisation ? »

On peut constater que pour toutes les sous-questions, les réponses sont réparties majoritairement entre « pas vraiment » et « non ». Comment comprendre ces données ? Loin de les interpréter en termes de « manque », en particulier en termes de manque d’organisation, nous faisons plutôt l’hypothèse que les enseignants interrogés organisent le travail autour de la comparaison de l’occitan et du français de façon spontanée, « à la demande », selon les besoins qui émergent sur le moment (remédiation orthographique sur le français notamment). Il faut, également, prendre en compte les recommandations institutionnelles (centre de formation APRENE) concernant l’utilisation avec les élèves du fichier Palancas, qui préconisent de ne pas figer de moment « Palancas » dans l’emploi du

temps.

7.4.2 Quels contenus linguistiques mobilisés ?

La question Q3 « Sur quoi portent les activités de comparaison des langues exactement ? », est la première question que nous avons posée aux enseignants concernant les contenus linguistiques. Comme pour la question Q12 sur les représentations, nous avons été confrontés à un manque de clarté de certaines réponses. En effet, des catégories très générales issues de la terminologie scolaire comme « vocabulaire » et « orthographe » (4 occurrences respectives) ne nous permettent pas de comprendre quel est le niveau d’analyse de la langue mobilisé par la réflexion. De la même façon, « mots » et « mots entre eux » (7 occurrences) ne nous dit pas de quels types mots il s’agit (verbes, noms…) ni quelle est l’opération effectuée sur ces mots : découpage de type morphologique, étude des correspondances graphie-sons, discrimination auditive, etc. ? Ces réponses ont été écartées. Plusieurs explications possibles à ce phénomène. La première implique la façon dont nous avons formulé la question puisque les exemples que nous avons donnés entre parenthèses ne sont autres que… « des mots entre eux » et « construction de phrase ». Nous voulions

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fournir une amorce de réponse aux enseignants, en pensant qu’ils la détailleraient et en feraient quelque chose de personnel mais malheureusement ces éléments, donnés en exemple, ont été repris tels quels par les répondants.

Pour le traitement des réponses, nous avons utilisé les mêmes critères qu’en Q12 (sur les représentations).

Niveau d’analyse de la langue Nombre de réponses

Phonologie 2 Rapport graphie-phonie 2 Orthographe lexicale 15 Morphologie lexicale 5 Morphologie flexionnelle 13 Morpho-syntaxe 3 Syntaxe 12 Acquisition lexicale 1 Sémantique 5 Textuel 0

Tableau 44 Résultats pour Q3 «Sur quoi portent les activités de comparaison exactement ?» Répartition des réponses par niveau d’analyse de la langue

Les résultats montrent une répartition très inégale des réponses. Certaines tendances quantitatives se dégagent au premier coup d’œil (sur-représentation de l’orthographe lexicale et de la morphologie flexionnelle, bonne représentation de la syntaxe), mais elles ne peuvent être comprises en dehors d’une réflexion d’ordre qualitative, déterminante pour comprendre les données chiffrées. De quoi sont constituées les réponses ? En orthographe lexicale, les enseignants ont la plupart du temps pris la peine de donner des exemples précis sur les éléments travaillés (telle ou telle terminaison en français /occitan), issus du fichier

Palancas. En morphologie flexionnelle, les réponses restent vagues (le terme « conjugaison »

est cité 5 fois). La syntaxe, assez bien dotée en termes de réponses, est elle aussi dépourvue d’exemples précis, les réponses étant souvent constituées de termes récurrents comme « constructions » ou « structure » (complétés par « de phrase » ou «syntaxique »), sans qu’on sache précisément ce qui est travaillé. En comparaison avec les réponses fournies en Q8, sur les représentations, plus fines, les contenus qualitatifs fournis en Q3 permettent de penser que cette question doit être considérée comme question de mise en route, dans laquelle nous avons, comme on l’a vu, sans doute orienté les réponses. Quoiqu’il en soit, indépendamment des aspects qualitatifs, on ne peut que constater en croisant Q12 et Q3 que l’attention des enseignants est centrée principalement sur les contenus linguistiques issus de la ressource Palancas, et sur l’acquisition de compétences en orthographe

grammaticale et lexicale.

7.4.3 Avec quels supports comparer les langues?

La question Q5 « Avec quels supports ? » n’était pas dépourvue d’ambiguïté... Par « support », nous n’entendions pas forcément « outil pédagogique » car nous réservions cela pour les questions Q17 et la Q19 (connaissances). L’incompréhension des répondants a généré 5 réponses de type « pas de support », que nous interprétons comme « pas d’outil pédagogique ». Le reste des réponses se répartit entre la mention de ressources publiées :

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Palancas, exclusivement (13 occurrences), les écrits d’élèves (10) et la mention d’un mode de

communication en particulier (« écrit » ou « oral », 7 occurrences). En dehors de Palancas,

dont on a compris qu’il occupe une place importante dans la pratique des enseignants, les réponses montrent que les enseignants travaillent beaucoup à partir de la langue écrite, en particulier des productions d’élèves, ce qui laisse supposer une dimension de remédiation importante, comme le résume le répondant n°16 : « les phrases et les mots en fonction des erreurs et des besoins des élèves ». Ceci est à mettre en relation avec la pratique courante, à Calandreta, de travailler sur les écrits d’élèves pour donner du sens aux apprentissages (dans le cadre de la pédagogie Freinet).

7.4.4 Quelles perspectives ?

Les questions Q7 « Avez-vous envie d’aller plus loin dans la comparaison de l’occitan et du français ? » et Q28 « Si vous n’avez pas l’habitude de comparer l’occitan et le français, pensez-vous être intéressé(e) pour travailler cela avec vos élèves ? » avaient pour rôle de projeter les enseignants dans l’avenir : souhaitent-ils approfondir leur pratique (Q7) ? S’ils ne le font pas encore, ont-ils envie de comparer les deux langues ? (Q28). A la question Q7, 17 enseignants déclarent avoir envie d’aller plus loin dans leurs pratiques comparatives, tandis que presque autant (14) se montrent plus réservés (7 répondent « non » et 7 ne répondent pas). Ces résultats mitigés peuvent s’expliquer par les freins décrits en 8.5, mais on peut également s’interroger sur le rôle potentiellement dissuasif de la question précédente concernant l’organisation : nous pensons que les enseignants ont, peut-être, fait un lien entre le fait d’ « aller plus loin » et la description d’un travail structuré comme nous la faisons à la question Q6.

La question Q28, destinée aux enseignants n’ayant pas l’habitude de comparer l’occitan et le français s’est révélée caduque, dans la mesure où, à la question Q2, tous les enseignants ont affirmé pratiquer la comparaison de ces deux langues.