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l’Union européenne, la Chine et les États-Unis

2.5.1. Résultats de IAM dans l’AR5

Pour introduire les estimations des coûts dans les travaux de l’AR5, nous reprenons la présentation synthétique des scénarios RCP tels que recueillis dans le WG I (Figure 2.26) et, par la suite, la présentation des scénarios socioéconomiques qui alimentent ces trajectoires.

Figure 2.26 Relation entre hausse des temp. et émissions de CO2 dans les scénarios RCP

La zone en couleur représente la dispersion des différents modèles pour les quatre scénarios RCP et s’estompe à mesure que le nombre de modèles disponibles diminue pour RCP8,5. La moyenne et la plage multimodèles simulées par les modèles CMIP5, forcés par une augmentation de CO2 de 1% par an (simulations pour 1% CO2 an-1), sont indiquées par la fine ligne noire et la zone en gris. Les valeurs de la température sont données par rapport à la période de référence 1861-1880 et les émissions, par rapport à 1870.

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La figure ci-dessus restitue, sans aucune ambiguïté, la relation quasi linaire entre l’augmentation des températures et l’accumulation des émissions : pour chaque niveau de réchauffement il y a une correspondance en termes de CO2 cumulé. Précisons rapidement la méthode adoptée pour la construction de ces scénarios. Pour les RCP (ang. Radiative concentration pathways), à la différence des SRES, le point de départ est l’établissement ex ante des évolutions des concentrations de GES. Une fois ces profils établis, les climatologues et les économistes travaillent en parallèle, ces derniers élaborant des scénarios qui débouchent sur les projections climatiques correspondants aux RCP39. Il s’agit d’évaluer les coûts d’adaptation et d’atténuation du changement climatique selon les évolutions présupposées des sociétés (corrigés par rapport aux précédents), en fonction des quatre scénarios de référence (Moss et al. 2010).

Tableau 2.8. Paramètres des profils représentatifs d’évolution de concentration (RCP)

Source : Moss et al. 2010.

À partir de ces évolutions, pour gagner en rapidité et en réactivité, les équipes travaillent simultanément et en parallèle. D’un côté, les climatologues produisent des projections climatiques utilisant les RCP comme entrée et les économistes élaborent des scénarios socioéconomiques (SPP) compatibles avec les émissions escomptés dans les RCP (pour une présentation des scénarios SPP voir l’Annexe 6).

De manière générale, dans les rapports du GIEC, les coûts macroéconomiques sont souvent exprimés selon la perte dans la consommation finale des ménages, entre un scénario de politique climatique et le scénario de référence. Nous reprenons ci-dessous les dernières estimations rendues à travers le cinquième rapport du GIEC (Tableau 2.9).

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Tableau 2.9. Estimation des coûts macroéconomiques de l'atténuation dans l'AR5 (ACE)

Note : Les scénarios coût-efficacité assument que les mesures d’atténuation sont mises en œuvre de suite et dans tous les pays, qu’il y a un prix du carbone unique et qu’elles n’imposent pas de limitations additionnelles concernant les technologies. Pour la prise en compte de ces aspects il faut considérer la totalité du tableau SPM 2.

Source : WGIII, AR5 2014. Ce que montre le tableau ci-dessus, c’est que les coûts d’atténuation augmentent avec la rigueur des objectifs de stabilisation : pour des niveaux élevés de concentration40 de CO2 dans l’atmosphère, ces coûts sont plutôt faibles, alors qu’ils sont importants pour des niveaux compatibles avec le 2°C. Par exemple, pour une stabilisation entre 580 et 650 ppm41 CO2-eq. en 2050 (correspondant à une hausse de température d’environ 3°C), les coûts sont de 1,3% du Pib (valeur médiane). Notons que dans l’AR4 (2007), pour ces mêmes concentrations, les coûts étaient estimés entre -1 et 2% du Pib. La différence est importante, puisque la possibilité que le changement climatique amène éventuellement un gain n’y est plus.

A contrario, une stabilisation autour de 450 ppm CO2-eq. couterait jusqu’à 3,4 % du Pib mondial (valeur médiane) à la même année (ce qui correspond à une croissance annuelle moyenne globale diminuée de moins de 0,06 points). Par rapport à l’AR4, ces coûts sont similaires, s’établissant dans le précédent à moins de 5,5% du Pib (<0.12%/an) (voir le Tableau 5.2, RID, AR4, 2007). Précisons également qu’il s’agit des estimations actualisées à 5%/an. Les coûts présentés peuvent laisser l’impression que ceux-ci sont faibles, ou du moins qu’en les relativisant ils peuvent l’être. Par exemple, dans un scénario 2°C, les coûts se situeraient entre 1,7 en 2030 et 3,4% en 2050, ce qui se traduirait par une réduction dans la croissance de

40Le facteur de conversion entre dioxyde de carbone et carbone est égal à 12/44 : une tonne de CO2 correspond à 12/44 tonnes de carbone.

41 La mesure en ppm, partie par million, représente la proportion de molécules d’un gaz donné rapportée à un million de molécules de l’atmosphère. Les différents GES sont mesurés à travers l’unité CO2 équivalente, en multipliant les concentrations de chaque gaz (méthane, protoxyde deazote, hexachlorure de soufre, halocarbures) par leurs forçages radiatifs relatifs au CO2. La concentration en ppm CO2 eq. correspond ainsi à la concentration de CO2 seul qui impliquerait le même niveau de forçage radiatif que le mélange de GES considéré.

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la consommation de 0,06% par an (valeur médiane). Les hypothèses sous-jacentes de ce scénario requièrent une disponibilité immédiate de toutes les technologies et une coordination internationale efficace. Or, étant donné la situation actuelle, on sait à quel point ces hypothèses sont conditionnelles. Par exemple, la non disponibilité de la CCS peut augmenter ces coûts de 138% (entre 2015-2100), et une limitation de la biomasse augmenterait les coûts de 64% (colonnes gris dans le tableau). Pareillement, si l’atténuation est retardée jusqu’en 2030, ces mêmes coûts peuvent être majorés de 28 à 37% (colonnes orange).

L’analyse de ces estimations au niveau mondial nous inspire à faire trois remarques. La première est que la stabilisation des émissions à un niveau compatible avec la limitation de la hausse de température à 2°C (450 ppm) est possible, les coûts associés étant plutôt faibles jusqu’en 2030. Ces coûts progressent rapidement jusqu’au milieu du siècle, mais cette progression diminue en intensité par la suite. La deuxième remarque consiste en la disponibilité et la dissémination des technologies, élément clé pour la stabilisation des émissions. Au-delà des investissements que cela implique, nous faisons remarquer que dans le cadre de la CCNUCC le récent mécanisme de transfert de technologie ne produit pas encore de résultat concret, alors qu’une grande partie des réductions des émissions est attendue dans les pays n’ayant pas accès à ces technologies. Enfin, la troisième remarque concerne l’avantage d’une action précoce. Comme nous l’avons fait noter, le report des actions climatiques augmenterait significativement les coûts de stabilisation des émissions.

De manière générale, l’importante variation des coûts estimés par le GIEC ne doit pas être prise sous un angle « rhétorique » en proie aux manipulations cherchant à les minorer, ou, contrairement, à les majorer. Cette large fourchette de coûts appelle un jugement compréhensif, qui, de par ses implications, dépasse le cadre économique stricto sensu. Ces résultats doivent être considérés, explique O. Edenhofer, comme « des cartes vivantes, tracées par des scientifiques à partir des plus récentes évidences, afin d’aider les politiques à naviguer surement dans un paysage largement inconnu»42.