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et paramètres clés

2.1.3. La question du choix du taux d’actualisation

Les dommages dus au changement climatique sont susceptibles de se concrétiser à très long terme. Cela pose la question (éthique) du poids relatif qu’il faut accorder aux générations présentes et futures. Dans un contexte qui de plus est marqué par l’incertitude, le choix du taux d’actualisation devient une question centrale. Sans reprendre forcement tous les détails de l’actualisation et sans rentrer plus que nécessaire dans le débat, nous allons présenter les principaux choix des paramètres (de l’équation de Ramsey), insistant sur les points qui nous paraissent importants. L’opérationnalisation de la formule de Ramsey revient à faire des choix sur deux paramètres et à considérer un taux de croissance à plus ou moins long terme. Le taux d’actualisation est ainsi déterminé selon la formule :

ρt=δ+ ηg

ρt représente le taux d'actualisation social à l'instant t, (aujourd’hui), δ est le taux de préférence pure pour le présent (tppp), η est l'élasticité de l'utilité marginale et g le taux de croissance de la consommation par tête.

Le paramètre δ exprime la préférence pure pour le présent et traduit en principe, au niveau collectif, une valorisation supérieure en bien-être immédiat par rapport au bien-être futur. Le rapport Lebèque (2005) note que l’on s’accorde généralement pour situer ce taux autour de 1 à 2% par an. Il s’agit, pour le dire autrement, du « prix » concédé par les agents au temps, ou encore la « probabilité de mourir » (la probabilité que la collectivité n’existe plus dans le futur), comme chez Stern (δ=0.1%). Le débat sur la valeur de δ se donne entre ceux qui considèrent que toutes les générations pèsent pareillement dans le temps (δ=0) et ceux qui s’inspirent de comportements (d’épargne) observables. Dietz (2008), faisant référence à Arrow et al. (1996), distingue ainsi entre une approche prescriptive (disons à la Stern) et une autre descriptive (disons à la Nordhaus) (voir l’Encadré 2.1).

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L’élasticité de l'utilité marginale η peut être interprétée en tant que mesure de l’aversion à l’inégalité de consommation entre les générations (i.e. Lebèque 2005 ; Quinet 2008 ; Hardelin et Marical 2011). En effet, l’utilité marginale diminue avec l’augmentation du niveau de consommation (plus on est riche, moins compte une unité monétaire supplémentaire), d’où l’intérêt à opérer un équilibrage de la consommation entre les générations. Dans une économie en croissance, le sens du transfert est évident, allant des générations futures vers les générations présentes, l’utilité marginale dépendant donc de g. Dans la littérature, ce paramètre varie entre 1 et 3 (Lebèque 2005). Plus η est élevé, plus il est difficile de demander à la société de faire des efforts aujourd’hui en vue d’une amélioration future.

Les hypothèses faites sur le taux de croissance tournent autour de 2% (1,3 pour Stern et 2% pour Nordhaus). Hardelin et Marical (2011) notent que la présence du terme g peut justifier en lui-même la décroissance du taux d’actualisation dans le temps. Au-delà de l’hypothèse que les ressources naturelles sont limitées et difficilement substituables, on peut considérer les travaux récents de Piketty, qui soutient que la croissance sera, dans un scénario optimiste, de 2,5% jusqu’en 2030, autour de 2% en 2050 et autour de 1% vers la fin du siècle (Piketty 2014). De son côté, le rapport Lebèque (2005) fait référence à cette même fourchette, considérant la croissance comme étant comprise entre 1 et 3%.

86 Encadré 2.1. Approche prescriptive ou descriptive

L’approche prescriptive, défendue par Stern, considère que les paramètres du taux d’actualisation devraient être établis sur des principes éthiques. Suivant la prescription originale de Ramsay, qui considérait que le poids des générations futures devait être le même que celui des générations présentes, Stern établit que δ=0,1%: « si une génération future serait présente, nous supposons que celle-ci a le même droit que la génération présente » (Stern, 2006 : 31). Cela étant, selon Stern, δ ne représente pas la pondération de bien-être intergénérationnelle en tant que telle, mais la probabilité de l’occurrence d’une catastrophe éliminant l’humanité (voir le chapitre 6 du rapport Stern). En effet, les prescriptions varient beaucoup compte tenu de ce paramètre7.

L’approche descriptive, défendue par Nordhaus, considère que les choix des paramètres devraient être faits à partir des préférences réelles, observées chez les agents, donc à partir des taux d’épargne pratiqués sur les marchés. Hardelin et Marical (2011) relèvent quelques limites par rapport à cette approche. Notons deux d’entre elles. Pour la première, il s’agit du fait que les courbes des taux d’intérêt ne dépassent pas les 30 ans, alors que les projets ayant trait au développement durable peuvent facilement dépasser cet horizon de temps. Secondement, il s’agit du « sens » des paramètres : la propension à épargner concerne un comportement individuel alors qu’en réalité il s’agit de décrire des comportements collectifs et des générations différentes. Dans le tableau ci-dessous, on présente la multiplicité des choix de paramètres qui rentre en compte lorsqu’on considère le calcul de taux d’actualisation (selon Ramsey).

Taux d’actualisation et choix de paramètres

Source : Hardelin et Marical (2011).

Les deux « jeux » de paramètres qui nous intéressent sont ceux de Nordhaus et de Stern. Il s’agit, au premier abord, de deux options contrastées : là où Nordhaus suit une approche descriptive, Stern choisit une approche prescriptive. En effet, Nordhaus considère ces choix s’inspirant des comportements des marchés, sur lesquelles « les taux de rentabilité sont autour de 5% pour la plupart des secteurs » (Nordhaus 2008 : 58). De son côté, Stern considère qu’il est difficile d’établir cette valeur selon une approche descriptive du moment où les marchés reflètent les préférences individuelles sur l’horizon d’une vie et non pas des préoccupations intergénérationnelles. Cela étant, les solutions ne sont toujours pas tranchées et les discussions actuelles avancent en essayant d’intégrer des aspects complémentaires (e.g. effet des prix relatifs, risques).

7 À ce titre, Tol (2007) montre, dans une analyse concernant l’évaluation des coûts sociaux du carbone, que la moyenne de ce coût passe de 24$/tC si l’on utilise un taux de préférence de 3%, à 80$/tC si ce taux est de 1% et à 317$/tC si le taux est à 0% (à la Stern).

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2.2. Un scénario énergétique mondial en ACE.

Scénarios Référence, Muddling Through et Global