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Dynamique des idées et visions communes du problème du changement climatique

changement climatique entre visions communes et intérêts nationaux

1.1.1. Dynamique des idées et visions communes du problème du changement climatique

Les auteurs qui ont étudié le développement du régime climatique, comme Bodanski (1994), mais aussi Bert Bolin7 (2007), mobilisent une analyse par séquences et distinguent plusieurs phases dans ce processus de construction de la problématique climat. Communément, sont admises une phase scientifique, par laquelle émerge le constat du problème, une phase politique, centrée plutôt sur les actions nécessaires, suivie par une troisième phase, consacrée à la coopération internationale. Formellement, Bodanski identifie cinq phases (entre les années 1960 et 1990) par lesquelles serait passé ce processus. Cette linéarité de la construction de la problématique climatique, remarque Aykut (2012), fait écho au discours dominant chez les

7 Bert Bolin fut le premier directeur du GIEC (1988-1997). Il a publié peu de temps avant sa mort un ouvrage de référence, partiellement autobiographique : A History of the Science and Politics of Climate Change: The Role of the Intergovernmental Panel on Climate Change. Pour un bref aperçu de sa carrière, voir : http://www.theguardian.com/environment/2008/jan/09/climatechange.mainsection. Consulté le 08.01.2014.

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acteurs concernés (responsables et décideurs politiques) qui raisonnent, de manière générale, selon une heuristique des étapes, reproduisant un modèle de causalité entre science, politique et moyens (économiques).

Dans les années 1980, la manière la plus commune de concevoir l’action publique était constituée par l’approche séquentielle (Jacquot 2010). Pour ce qui concerne le changement climatique, ce raisonnement aurait dû, en théorie, mener à un résultat proche de l’idéal. Cette méthode (de séquençage) a été, selon Paul Sabatier8 (2007), le cadre le plus influent pour analyser le processus de construction des politiques. Un des avantages de cette approche est donné par son caractère ordonné qui présente presque automatiquement les étapes successives d’un problème à résoudre. Dans l’approche séquentielle les politiques sont analysées en fonction des découpages qui s’étalent, selon un modèle développé par Charles O. Jones (1970), en cinq séquences : i) l’identification du problème, où la question est portée à l’attention d’un gouvernement, processus qui comprend, à la fois, la définition du problème et l’agrégation des intérêts ; cette phase concerne l’étape d’émergence d’une problématique et son inscription sur l’agenda ; ii) le développement du programme, phase dans laquelle la problématique se constitue en politique; iii) la mise en œuvre du programme/de la politique, qui concerne l’implémentation proprement dite ; iv) l’évaluation du programme et v) l’achèvement du programme, qui consiste naturellement en la phase d’arrêt de l’action (Jacquot 2010).

Pour ce qui est du changement climatique, ce modèle (causal) de pensée présuppose deux hypothèses. D’abord, il faut qu’il y ait préalablement un consensus robuste autour de la thèse du réchauffement du climat, et ensuite il faut que l’expertise scientifique soit indépendante du processus politique, afin que le problème soit légitimé. Nous reproduisons par la suite (Tableau 1.1) les étapes identifiées par Bodanski, à l’exception de la première, qui concerne l’émergence du consensus scientifique et qui remonte aux années 1960.

8 Paul Sabatier a été chercheur et enseignant à l’Université Davis en Californie (Department of Environmental Science and Policy), où il a travaillé sur des thèmes liés aux politiques publiques et à l’environnement.

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Tableau 1.1. Développement du régime climatique selon Bodanski.

Phases Conférences Date Organisateur Statut Conclusions et principales recommandations

II – Mise sur agenda (1985-1988)

Villach 1985 OMM & PNUE Scientifique

Le changement climatique est important. Les États

devraient initier une Convention globale pour le

climat. Toronto 1988 Canada gouvernemental Non

Les émissions de CO2 devraient être réduites, au niveau mondial, de 20% en

2005. III –

Pré-négociation (1988-1990)

Nations unies 1988 Nations unies gouvernemental Inter devient « une préoccupation Le changement climatique commune de l’humanité ». Noordwijk 1989 Pays-Bas Ministériel

Les pays industrialisés devraient stabiliser leurs émissions de GES au plutôt

possible. IV– Négociations inter-gouv (1990-1992) IPCC, Premier

rapport 1990 WMO & EP Scientifique

La température moyenne mondiale s’accroit de 0.3°C

par décennie sous un scénario BaU. PNUE,

Conférence de

Rio 1992 PNUE Sommet Signature de la CCNUCC

V– Post accord

(1992-1997)

COP 1 1995 CCNUCC COP Mandat de Berlin

Source : d’après Bodanski 2001.

Observons la colonne « Statut » du tableau (cinquième colonne). La construction du problème du climat apparait clairement entre une étape scientifique et une autre étape, ministérielle ou gouvernementale. On passe de l’identification du problème (phase un chez Jones) à la constitution en politique (phase deux chez Jones). La mécanique des étapes est rendue par Bodanski même, qui remarque l’importance de la relation entre science et politique, lorsqu’il affirme que la croissance des connaissances scientifiques a été déterminante pour l’établissement et l’évolution de l’intérêt public et politique (Bodanski 2001 : 26).

Le moment charnière du passage d’un problème scientifique à un problème politique a été, selon l’auteur, entre la Conférence de Villach en 1985 et celle de Toronto en 1988. À Villach fut établi le consensus scientifique, le changement climatique étant désigné comme un problème politique, alors qu’à Toronto fut posé le problème de la coordination de ces politiques (Bodanski 2001 : 37). De son côté, Bert Bolin en arrive à un constat similaire, notant que c’est la communauté scientifique qui a inscrit le problème sur l’agenda politique, avec le soutien du PNUE et de l’OMM (Bolin 2007: 40). Bien qu’il ne s’agisse pas du même type de

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séquences, entre celui de Jones (1970) et celui de Bodanski9, on ne peut s’empêcher de remarquer une heuristique similaire (celle de l’esprit du temps).

L’approche séquentielle offrait le grand avantage de pouvoir justement « découper des processus complexes en phases identifiables permettant de généraliser des mécanismes, de repérer des caractéristiques communes, des généralités, et donc de comparer ces processus » (Jacquot 2010 : 88). Sa simplicité, son caractère d’idéal-type et l’identification claire des étapes peuvent avoir, dans la coopération internationale, un rôle fédérateur (ou d’émulation).

Par exemple, si l’on considère une phase précise, disons la troisième, dans laquelle il faut implémenter la politique, disons un marché carbone, alors la coordination de plusieurs pays pourrait mener à une dissémination, voire un rapprochement de ces marchés (ce qui est le cas actuellement entre l’UE et la Suisse, ou de la Californie et du Québec). Mais le fait que cela se produise, le fait qu’il y ait de nombreux pays où cela se met en place, ne présuppose pas que les étapes précédentes ont eu lieu ou que les prochaines suivront, ce qui rend difficile le raisonnement séquentiel (tel que décrit par la théorie). L’enchainement ou la succession des étapes pose un problème de fond, puisque les processus politiques sont souvent dynamiques. Une politique, note Jacquot (2010 : 87), « peut se terminer sans avoir été précédée par une phase d’évaluation, une mesure être mise en œuvre avant que la décision soit formellement prise ou une décision arrêtée sans qu’elle ne réponde à des demandes précises ou à l’indentification d’un problème à traiter ».

Suivant ce principe d’action (causal, mécanique), on arrive à une première vision commune, qui impliquerait que le changement climatique peut être traité en s’appuyant sur des mécanismes (ou des politiques) qui ont pu être efficaces dans des circonstances similaires antérieures. On essaie, pour ainsi dire, de réitérer une solution qui s’est montrée fonctionnelle auparavant. Mais, comme il s’est avéré par la suite, le climat allait manifester de nombreuses particularités le différenciant des autres problématiques du même type (e.g. Protocole de Montréal, Protocole d’Helsinki sur la réduction du soufre). La problématique du climat allait se montrer foncièrement nouvelle par rapport à ce que les États ont pu connaître jusqu’alors. Cela apparait évident aujourd’hui, mais il nous semble que ce ne fut pas le cas initialement.

Une deuxième vision commune concerne la séparation nette supposée entre les disciplines scientifiques qui documentent le changement climatique. Prenons, de manière non anodine, les développements de la science, des processus décisionnels politiques et de la préconisation économique. Les sciences du climat et de l’économie sont (souvent) vues comme étant indépendantes des décisions politiques (Demeritt 2001), alors que cette séparation n’est pas évidente (le fonctionnement du GIEC peut illustrer ce point et nous y reviendrons plus loin). Cette différenciation, pour faire simple, entre faits (la science) et valeurs (la politique), ou encore entre descriptif et normatif, a été souvent posée par rapport au climat.

À titre d’exemple, Schneider et Lane (2007), de l’Université de Stanford, affirment que ce n’est pas à la communauté scientifique de définir ce que « dangereux » signifie ; c’est plutôt une question politique, puisqu’il s’agit d’un jugement de valeur (Encadré 1.1). Similairement, Bert Bolin (1994 : 27) défendait l’idée que le rôle des scientifiques était de présenter l’état des

9 Nous faisons remarquer que le récit de Bodanski n’est pas seulement une énumération de faits ; ceux-ci sont souvent explicités au travers des conjonctures ou des facteurs d’influence, qui apportent davantage de lumière sur les circonstances accompagnant le processus.

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connaissances d’une manière objective et que le rôle des politiques était de prendre des décisions sur la base des informations scientifiques factuelles, telles que fournies par le GIEC et leurs propres jugements de valeur. Cela fait remarquer à Demeritt (2001 : 308) que la science fut perçue comme indépendante du politique, ce qui a pour première conséquence le fait qu’on s’est très peu interrogé sur le rôle fondamental de la culture politique et scientifique dans la contextualisation et la construction du problème climatique.

Encadré 1.1. Jugements factuels et jugements de valeur.

Sans remonter l’histoire de cette dichotomie à David Hume, qui la posa probablement pour la première fois en 1740, notons simplement que cette idée est contestée par certains auteurs qui ne se retrouvent pas dans ce courant. Précisons davantage ce point puisque nous y adhérons. Carlo et Julia Jaeger (Potsdam-Institut für Klimafolgenforschung, 2010) attirent l’attention sur le fait que, pour ce qui concerne le changement climatique, les sciences ont toujours été incrustées dans un contexte normatif. Les auteurs plaident ouvertement pour l’abandon de cette séparation (entre faits et valeurs), qui n’a jamais vraiment fonctionné, en faveur d’une culture du débat pluraliste.

À ce titre, les auteurs notent que les interrogations sur un jugement de valeur ne diffèrent pas fondamentalement des celles concernant un jugement factuel ou d’autres jugements normaux ayant des connotations tant descriptives que normatives. Tout jugement pertinent est exprimé dans un langage donné et ce langage consiste en des affirmations que personne ne remet en cause.

Abandonner l’exercice de vouloir séparer rigoureusement entre ces deux aspects peut favoriser l’interaction entre les divers corps de métier en la dirigeant davantage sur un chemin de nature coopérative. Dans un domaine hautement complexe comme le climat, l’échange des connaissances et des idées est capital ; qu’importe si cela vienne des scientifiques ou des économistes, et qu’il y ait de portée politique ? Après tout, un certain nombre d’éléments dans le climat ne peuvent être que difficilement identifiés comme venant d’un côté ou d’un autre. Par exemple, la cible de 2°C a été vue tantôt comme une proposition scientifique, tantôt comme une proposition politique (Cointe 2011). Pour le dire autrement, il n’est pas du tout sûr que ce qui est dangereux soit mieux saisi par les élites politiques que par les scientifiques, ni que l’optimalité du niveau des émissions soit mieux définie par des scientifiques que par les économistes.

La séparation nette de la problématique climatique, de manière disciplinaire ou fonctionnelle, ne marche pas. Le philosophe des sciences Frédéric Bouchard (2013) estime que les failles des analyses ou des préconisations, qui conduiraient à des manipulations, sont improbables lorsque celles-ci sont validées par les communautés épistémiques. Quand ces communautés épistémiques fonctionnent – et nous pensons que pour ce qui est du climat, c’est le cas –, elles font preuve de suffisamment de scepticisme et de sens critique, en termes académiques, pour prévenir ce type de problème. On peut prendre à titre d’exemple le fonctionnement du GIEC et plus particulièrement son analyse de l’augmentation des températures, qui est toujours donnée en termes de probabilités et non en termes complaisants ni catastrophiques (Encadré 1.2).

23 Encadré 1.2. Le rôle du GIEC

Étant donnée l’étendue et l’importance des intérêts en jeu la communauté internationale10 (plus précisément le G7) décide la création du GIEC « pour minimiser les risques de manipulation stratégique de connaissances instables » (Hourcade et al. 2010 : 21). Sans reprendre les nombres impressionants – augmentant avec chaque nouveau rapport – d’auteurs et de recherches passés en revue, nous allons reproduire, toujours selon Hourcade (2009), quelques-unes de ses règles de travail. Il s’agit d’un bref éclairage qui apporte des nuances quant à la mission affichée11 et son fonctionnement :

– ses rapports ne doivent pas comporter de message prescriptif, afin de laisser aux politiques la responsabilité des choix ;

– les auteurs sont choisis sur la base d’une liste de scientifiques acceptée par les gouvernements ; – l’ensemble des travaux est envoyé aux spécialistes de chaque domaine, aux gouvernements et aux ONG qui font part de leurs contre-propositions par écrit ; les auteurs doivent les incorporer et, en cas de refus, s’en expliquer par écrit ;

– le texte amendé est discuté par l’assemblée générale du GIEC, où sont représentés les pays membres de la Convention Climat ; celle-ci peut demander des modifications que les auteurs peuvent refuser, mais elle reste libre de rejeter des chapitres litigieux ;

– le résumé pour décideurs est discuté de la même façon, mais il est adopté ligne à ligne.

À la lumière de ces règles, Hourcade en arrive à un double constat, qui caractérise pertinemment le GIEC. Celui-ci porte sur une tension bien dosée entre scientifiques et politiques, concernant la causalité entre les deux. Son fonctionnement (à travers ses règles) garantit que le GIEC n’est pas « un groupe de pression écolo déguisé en scientifiques ». Aussi fait-il remarquer qu’« il fallut attendre le troisième rapport du GIEC pour que soit proclamée quasi certaine l’origine anthropique du réchauffement » (Hourcade 2009 : 45).

Depuis sa création, le GIEC est le diapason et le métronome des discussions climatiques, en donnant la tonalité et le tempo. La fréquence de ses rapports, cinq à ce jour, cadence les grands moments dans les négociations climat. Le premier rapport a conduit à la Convention de Rio, le deuxième au Protocole de Kyoto, le troisième aux accords de Marrakech, pendant que le quatrième a mené (ou il aurait dû mener) à l’accord de Copenhague. En ce point, on ne peut échapper à la question de savoir si le cinquième rapport (2014) conduira à la conclusion de l’ADP (Ad-hoc Working Group on Durban Platform on Enhanced Action) en 2015.

Une troisième vision commune puise dans le contexte idéologique de la fin des années 1980 (Hourcade 1992, Bodanski 2001). Au-delà des mouvements écologistes, suite à la publication du rapport Brundtland en 1987, et mis à part le contexte géopolitique particulier qui correspond à la fin de la séparation dichotomique entre les deux grandes idéologies du moment, l’« écologie offre alors opportunément une définition mobilisatrice du bien commun » (Hourcade 1992).

10 On utilise ce syntagme en vertu des deux organismes qui ont été mandatés pour la création du GIEC : l’OMM et le PNUE.

11 « Le GIEC a pour mission d’évaluer, sans parti pris et de façon méthodique, claire et objective, les informations d’ordre scientifique, technique et socioéconomique qui nous sont nécessaires pour mieux comprendre les fondements scientifiques des risques liés au changement climatique d’origine humaine, cerner plus précisément les conséquences possibles de ce changement et envisager d’éventuelles stratégies d’adaptation et d’atténuation. Il n’a pas pour mandat d’entreprendre des travaux de recherche ni de suivre l’évolution des variables climatologiques ou d’autres paramètres pertinents. Ses évaluations sont principalement fondées sur les publications scientifiques et techniques dont la valeur scientifique est largement reconnue ». Source : http://www.ipcc.ch/.

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Ce qui amplifie la difficulté est évidement la question de l’équité, qui accompagnera ce processus tout au long, ce qui fait remarquer à l’auteur la bipolarité du caractère du climat entre rationalité (économique, stratégique) et justice, exprimée par la « confrontation entre responsabilité historique des pays industrialisés et celle à venir des pays en développement » (Hourcade 1992). Le changement climatique est reconnu comme étant « une préoccupation commune de l’humanité », problème qui devrait être résolu « dans un cadre global » (Résolution de l’UN 1988). Cette reconnaissance consacre le climat comme appartenant à un champ de recherche à la fois international et intergénérationnel.

Au-delà de l’aspect idéel de cette préoccupation commune de l’humanité, en pratique celle-ci devra être abordée dans une perspective du développement, durable certes, mais développement avant tout, ce qui est bien inscrit dans la Convention-cadre qui a suivi en 1992. Cette manière de formuler la problématique du changement climatique devrait orienter les négociations vers « la façon de trancher le nœud gordien climat/développement » (Hourcade et al. 2010). Or, ce problème tout de même central au débat s’est trouvé rapidement évacué des discussions, en raison de l’interprétation donnée à la « responsabilité commune mais différenciée » (article 2 de la CCNUCC). L’idée que les pays historiquement responsables devraient prendre les devants en faisant émerger un prix du carbone, a « marginalisé de facto les questions de développement » (Hourcade et al. 2010). La question ne fut pas pour autant réglée, celle-ci allant surgir quelques années après et tenant encore une place centrale dans les débats.

Dans ce qui suit, nous allons poursuivre notre présentation sur un autre angle, en observant le processus d’institutionnalisation des rapports entre les grands acteurs qui ont participé aux débats et à la coopération climatique.

Rio et Kyoto : les prémices de la négociation du premier régime climatique

Pour revenir au découpage de Bodanski, la période Rio – Kyoto correspond à la cinquième étape de la construction de la problématique climatique. Cette période culmine avec la signature du Protocole de Kyoto, qui demeure à ce jour le principal et unique instrument légal au niveau international. Cela étant, comme le note de Perthuis (2010), c’est bien la Convention qui pose les fondements de la coopération internationale. Ces fondements, qui renvoient aux principes, règles, normes et procédures, pour emprunter le langage à la théorie des régimes, allaient s’avérer constants dans le processus de construction du régime climat. Son objectif et ses principes n’ayant pas beaucoup évolué, la Convention demeure la base inaltérable des discussions climatiques. Pour ce qui est des prémices de la négociation du premier régime climat, notons les implications de ce que de Perthuis (2010) appelle les « trois piliers » de la Convention : la reconnaissance du rôle des émissions anthropiques sur l’effet de serre, l’objectif de plafonner ces émissions et le principe de responsabilité commune mais différenciée.

Le contexte de la fin des années 1980, comme nous l’avons dit, est marqué par les questions d’équité et la rationalité des “global commons” (Hourcade 1992). Ces deux grands préceptes, note l’auteur, enclenchent un cercle vertueux qui se trouve à la base de toute

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légitimité d’action internationale. Si la rationalité renvoie à l’intérêt de ceux qui coopèrent, l’équité renvoie à la manière dont ceux-ci raisonnent ou à la manière dont les acteurs conçoivent cette coopération. Du point de vue formel, la Convention marque la mise en place, pour la première fois, d’une structure de gouvernance climat. Son fonctionnement est assuré par un organe exécutif, la Conférence des Parties, ses décisions étant reconnues dans le droit international. Le processus de construction du régime climat s’enclenche, alors que toutes les modalités concernant sa mise en pratique doivent être négociées.

Pour ce qui est des deux premiers « piliers » évoqués par de Perthuis (2010), la ratification de la Convention fait reconnaitre aux États l’existence de l’impact des GES sur le réchauffement du climat et l’impératif de stabiliser les émissions. Pour atteindre cet objectif, les discussions tournent autour de deux solutions envisageables : l’approche par les taxes et celle par les quotas. Avant Rio, l’Union européenne (plus précisément certains pays européens) soutient la première, alors que les USA s’y opposent, avant de se pencher sur la deuxième solution (Criqui et Bureau 2009 ; Hourcade et al. 2010). La Chine, avec ses quelques 10% émissions de GES (1990) et bénéficiant du statut de PED, n’est pas vraiment concernée par ce