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2.1.2. Le coût du changement climatique (ACA et ACE)

Dans cette sous-section nous allons présenter la démarche générale sur laquelle s’appuie l’estimation des coûts de réduction et des dommages climatiques. Nous allons mobiliser principalement les travaux de recherche de Guivarch (2010), Crassous (2008), ainsi que le rapport Quinet (2008). Avant de procéder à la présentation des cadres analytiques pour l’estimation des coûts d’atténuation, nous allons préciser la démarche prospective, approche essentielle dans la modélisation des évolutions socioéconomiques. Nous empruntons la définition à Guivarch (2010 : 20), qui précise que :

L'approche prospective consiste à explorer l’éventail des états futurs concevables du système économie-énergie-environnement (E3) par la projection de scénarios contrastés sur la base de la formulation de visions qualitatives du futur, via des récits mettant en cohérence des évolutions économiques, techniques, des styles de développement, etc., et de leurs traductions quantitatives dans des modèles numériques.

Le but de la prospective, précise l’auteur, n’est donc pas de prédire au plus près l’avenir, mais, bien au contraire, d’élargir l’éventail des possibles, y compris aux cas extrêmes.

Cette approche est largement mobilisée dans les entreprises de modélisation concernent le climat, étant donné qu’elle est instituée assez tôt par le GIEC, notamment dans les exercices SRES (Nakicenovic et al. 2000)3. La modélisation prospective s’appuie sur la comparaison de scénarios. Généralement, l’estimation des coûts de l’atténuation est faite par la comparaison d’un scénario « de stabilisation » (pour les concentrations de CO2) à une « référence ». À ce titre, Guivarch (2010) note que, du point de vue méthodologique, la référence est importante notamment pour le paramétrage des modèles, puisque ses hypothèses portent sur les déterminants des émissions, sur les élasticités, ou encore sur d’autres facteurs structurels (i.e. réserves d’hydrocarbures, marchés internationaux). Dès lors, la référence permet d’identifier les déterminants responsables de l’emballement des émissions et, de manière corolaire, les zones où il faut instituer des instruments afin de réduire ces émissions (similairement à Kaya, mais évidemment de manière plus élaborée). C’est à partir de ces éléments que l’on procède à la construction des scénarios tendanciels dans un premier temps et « avec politique climatique », par la suite.

Cependant, il faut préciser que ces scénarios prospectifs, qu’il s’agisse d’un « BaU » ou d’un scénario de stabilisation, sont soumis à des incertitudes. Guivarch (2010) évoque deux types d’incertitudes, liées à la sensibilité climatique et aux impacts et dommages causés par le changement climatique, ou à climat donné. Ces incertitudes sont mises en exergue constamment par le GIEC. Dans son dernier rapport par exemple, dans un scénario de 500 ppm CO2eq. (donc proche de RCP4.5), la probabilité de dépasser le 2°C d’augmentation est de moins de 50%, alors que pour le 3°C la probabilité est de plus de 66%

3 La même démarche prospective a été mobilisée dans les années 1990 avec les premiers scénarios du GIEC (IS92).

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(Tableau SPM 1, AR5, 2014)4. Ces différences sont dues à la manière dont les dommages sont modélisés, d’une part, et au jeu d’hypothèses utilisées, de l’autre (e.g. sensibilité de climat)5. Enfin, notons que la démarche prospective est commune aux deux types d’outils de modélisation utilisés dans le climat (top-down et bottom-up), modélisations qui se distinguent par nature et structure et dont les résultats reflètent des réalités distinctes6.

L’approche coût-avantage

L’économie de l’environnement considère le climat et plus précisément les émissions de CO2 sous l’angle des externalités négatives qu’il faut par conséquent internaliser (d’une manière ou d’une autre) aux marchés. Cela étant, le coût du changement climatique doit être minimisé, processus qui doit s’accompagner d’une trajectoire optimale pour l’évolution des émissions. Dans l’idéal, l’approche coût-avantages impliquerait l’égalité permanente entre le coût marginal des dommages associé à l’émission d’une tonne supplémentaire de CO2 dans l’atmosphère et le coût marginal de réduction des émissions de CO2. Comme le note le rapport Quinet (2008), « [c]e principe constitue le socle de l’analyse coûts-avantages » (Figure 2.3).

Figure 2.3. L’approche coût-avantage

Source : Quinet 2008. Suivant la courbe des dommages, plus la concentration de CO2 s’amplifie, plus le coût des dommages résultant d’une émission supplémentaire augmente. Le coût des dommages dépend donc de l’accumulation des émissions. Dès lors, le coût social du carbone est tributaire de la trajectoire de ces émissions, sa valeur étant augmentée par l’effet d’accumulation. Le

4 Pour un deuxième exemple, nous pouvons reprendre les estimations des coûts du GIEC (Tableau 2.9 dans la dernière section du chapitre), où l’on remarque la variation importante des pertes de consommation des ménages : par exemple, en 2100 celles-ci fluctuent, pour un même scénario de 500 ppm CO2eq., entre 2,4 et 10,6% du Pib par rapport à la baseline.

5 Pour une discussion approfondie, voir Meinshausen M. et al. (2009). Greenhouse gas emission targets for limiting global warming to 2°C. Nature, 458 (7242), pp.1158–1162.

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coût le plus important sera évidemment dans un BaU, alors qu’il diminuerait avec l’ambition des trajectoires de stabilisation. Concernant la courbe d’abattement, plus on diminue la concentration de CO2, plus le coût marginal d’abattement augmente. L’égalisation des coûts marginaux permet de dégager une quantité optimale d’émission Q* pour un prix optimal P*.

Le rapport Quinet (2008) attire l’attention sur deux limites de l’approche coût-avantage dans l’estimation des coûts et des dommages. Pour ce qui concerne les coûts, c’est l’approche même qui serait mise en cause, puisque les coûts sont évalués en supposant qu’une politique climatique n’a pas un effet important sur les prix (mais un effet marginal). Or, une valeur carbone croissante sur les prochaines années modifiera de façon non marginale le système des prix et les investissements, donc les prix d’équilibre, donc les avantages et les coûts d’abattement. Ceci dit, cela ne devrait pas poser de problèmes aux modèles d’équilibre général qui prennent en compte l’impact de la valeur du carbone sur les prix et sur les autres secteurs de l’économie. La deuxième limite tient aux positions et aux pentes des courbes des dommages qui demeurent évidemment difficiles à estimer. Le juste niveau de réduction et le bon niveau de prix, conclut le rapport sur ce point, sont soumis à l’incertitude.

L’approche coût-efficacité

La deuxième approche est indiquée dans la Convention-cadre et retenue dans le Protocole de Kyoto. Elle consiste en la définition ex ante de l’objectif de réduction et dans l’investigation du volet coût-efficacité (Figure 2.4).

Figure 2.4. L’approche coût-efficacité

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En général, la valeur de l’équilibre dépend du niveau des objectifs de réduction retenu (cas 1). Dans la figure ci-dessus, le rapport Quinet met en évidence une deuxième variable dont dépend la valeur d’équilibre, constituée par la disponibilité de la technologie (cas 2). À la lecture des courbes, on remarque que moins l’objectif est ambitieux, plus la valeur du carbone est faible (cas 1). Dans le deuxième cas, plus les technologies sont performantes, plus les coûts marginaux d’abattement et la valeur de carbone sont faibles.

Le rapport Quinet précise la complémentarité des deux approches. Si l’approche coût-avantage vise à établir un niveau optimal de concentration de GES dans l’atmosphère, l’approche coût-efficacité vise à associer une valeur carbone à un effort donné, effort qui correspond à un objectif de réduction. Le rapport conclut que, lorsque le niveau de réduction est fixé au niveau optimal, alors les valeurs du carbone estimées par les deux approches doivent converger.