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LES INSUFFISANCES DU SYSTÈME D’ENCADREMENT JURIDIQUE DES CONFLITS ASYMÉTRIQUES EN IRAK, SYRIE

SECTION 1. Le Jus ad Bellum dans le cadre des conflits asymétriques en Irak, Syrie et Libye

A. Résolutions 687 à 986, de l’invasion au programme « Pétrole contre nourriture »

58. Initialement, la résolution 687 (1991)189 vise à rétablir la souveraineté, l’indépendance

et l’intégrité territoriale du Koweït contre l’invasion irakienne. Elle vise en outre à l’inspection du pays par des inspecteurs de l’ONU au sujet d’armes de destruction massive. La menace déclaratoire de l’Irak de faire usage de « gaz asphyxiants, toxiques ou

similaires, ou moyens bactériologiques » constitue une violation du Protocole de Genève de

1925190 concernant la prohibition de l’emploi en temps de guerre des éléments chimiques

et bactériologiques énoncés. L’Irak fut également État partie de la Convention relative à l’interdiction de la mise au point, fabrication et stockage d’armes bactériologiques (biologiques) ou à toxines en 1972191.

Enfin, l’Irak fut également souscripteur à la Conférence de Paris de 1989 de la déclaration qui fixe l’objectif de l’élimination universelle des armes chimiques et biologiques192.

Nous pouvons rappeler que l’Irak est signataire du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires193, fait qui va à l’encontre des accusations relatives à la constitution d’un

arsenal nucléaire. Pour conclure, l’Irak a signé en 1980 la convention internationale contre la prise d’otages194.

59. Se référant aux textes officiels tels que la résolution 687 (1991) du Conseil de Sécurité, de nombreux éléments viennent accuser l’Irak d’un comportement belliqueux et en pleine violation des principes de droit international. Compte tenu du fait qu’il est reproché à l’Irak d’avoir violé l’intégrité territoriale du Koweït, d’autres éléments évoqués dans la susmentionnée résolution accréditent la qualification des actes irakiens comme menace contre la paix et la sécurité internationales :

§ L’Irak a menacé de faire usage d’armes chimique et bactériologique (biologique).

189 Résolution du Conseil de Sécurité 687, 1991.

190 Protocole concernant la prohibition d’emploi à la guerre de gaz asphyxiants, toxiques ou similaires et de

moyens bactériologiques – Genève – 1925. L’Irak est État Partie au protocole depuis le 08 septembre 1931.

191 Convention sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication et du stockage des armes bactériologiques

(biologique) ou à toxines et sur leur destruction. Ouvert à la signature à Londres, Moscou et Washington, le 10 avril 1972. L’Irak est État Partie à la Convention depuis le 11.05.1972.

192 Conférence de Paris sur l’Élimination des Armes chimique, déclaration du 7 janvier 1989.

http://discours.vie-publique.fr/notices/892001200.html

193 Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires TNP, 1968. L’Agence Internationale de l’Énergie

§ Le CSNU s’est dit « préoccupé par les informations dont disposent des États membres, selon

lesquelles l’Irak a cherché à acquérir des matériaux en vue d’un programme d’armement nucléaire »195.

§ Le CSNU déplore que « l’Irak ait au cours du récent conflit, menacé de recourir au terrorisme

contre des objectifs situés en dehors du pays et qu’il ait pris des otages »196.

Ces accusations vont mener le Conseil de Sécurité à imposer des conditions nombreuses à l’Irak concernant à la fois « l’inviolabilité des frontières internationales » ou l’exigence que « l’Irak

honore scrupuleusement toutes ses obligations au titre du service et du remboursement de sa dette extérieure »197 ouvrant la porte à un embargo dont les effets et interdictions sont énoncés

dans la résolution 661 (1990)198.

60. Parallèlement au vote des délégations présentes au Conseil de Sécurité devant approuver la résolution 687 (1991), S. Hussein engagea une action contre les Kurdes dans le nord du pays199. En vertu du non-respect des droits de l’Homme et du droit

international humanitaire, le Conseil de Sécurité vote la résolution 688 (1991)200 censée

assurer le respect des droits de l’Homme et des droits politiques des Irakiens201. Ce « pied

dans la porte » humanitaire sous mandat onusien va inférer sur la géographie du pays. Le Royaume-Uni, la France et les États-Unis vont par l’instauration d’une zone d’exclusion aérienne (nord du 38e parallèle), créer une zone, une région kurde semi-autonome202.

61. Le rôle de la France dans la mise en place novatrice du « devoir d’ingérence »203 va être

central. En effet, la résolution 688 (1991) du Conseil de Sécurité introduit deux éléments fondamentaux et concomitants. D’une part, celui de la « répression des population civiles

195 Résolution du Conseil de Sécurité 687, 1991. 196 Ibidem.,

197 Idem., (§17).

198 Résolution du Conseil de Sécurité 661, 1990.

199 J.M DE LA SABLIÈRE & K. ANNAN, Le Conseil de Sécurité des Nations Unies, Ambitions et limites, op.cit.,

p.203.

200 Résolution du Conseil de Sécurité 688, 1991, Relative à l’attaque orchestrée par le gouvernement centrale

contre le peuple kurde : « Condamnation de la répression contre les Kurdes ».

201 J.M DE LA SABLIÈRE & K. ANNAN, Le Conseil de Sécurité des Nations Unies, Ambitions et limites, op.cit.,

p.206.

202Ibidem.,

irakiennes (…) y compris très récemment dans les zones de peuplement kurde », puis d’autre part, à

tenir compte du « flux massif de réfugiés vers des frontières internationales et à travers celles-ci, et à des

violations de frontière, qui menacent la paix et la sécurité international dans la région ».

Cette contextualisation des faits use de termes juridiques centraux, ceux-ci ouvriront la voie à l’engagement du Conseil de Sécurité qui, au-delà de condamner la répression, insistera sur la conséquence inhérente de « menace à la paix et la sécurité internationales »204 . En filigrane, ce sont non seulement les actes de répression qui sont

condamnés mais également leurs externalités internationales (nous retrouverons cette dialectique dans l’étude des cas récents du terrorisme en Irak, Syrie et Libye sans circonscription territoriale).

Ainsi, les éléments sémantiques, juridiques et normatifs apportés par cette résolution qui permettront d’énoncer une innovation s’appuieront sur le §3 : « Insiste pour que l’Irak

permette un accès immédiat des organisations humanitaires internationales (…) et qu’il mette à leur disposition tous les moyens nécessaires à leur action », le §4 : « Prie le Secrétaire général de poursuivre ses efforts humanitaires en Irak (…) et en particulier la population kurde, affectée par la répression sous toutes ses formes exercées par les autorités irakiennes », le §5 : « Prie également le Secrétaire général d’utiliser tous les moyens à sa disposition, y compris ceux des institutions spécialisées pertinentes des Nations Unies, pour faire face d’urgence aux besoins fondamentaux des réfugiés et de populations irakiennes déplacées », enfin, le §6 inclusif « lance un appel à tous les États membres et à toutes les organisations humanitaires pour qu’ils participent à ces efforts d’assistance humanitaire »205. Cette résolution plante le germe d’un modèle interventionniste, ancrage d’un futur argumentaire en Syrie et en Libye. D’autres résolutions viendront élargir le champ des critiques, notamment la résolution 986 (1995) du Conseil de Sécurité.

62. Le programme communément nommé « Pétrole contre nourriture » fut instauré au travers de la résolution 986 (1995)206 donnant naissance à un bureau onusien en charge de

la question207. L’application de la susmentionnée résolution ne prendra effet qu’en

204 Résolution du Conseil de Sécurité 688, 1991, (§1). 205 Idem., (§3-§4-§5-§6).

206 Résolution du Conseil de Sécurité 986, 1995, Programme « Pétrole contre nourriture ».

décembre 1996 suite à la signature d’un Mémorandum d’Accord entre l’Irak et les Nations Unies208.

L’objectif fut d’instaurer un système de procédures permettant la vente d’hydrocarbures en quantités déterminées (2,8 millions barils/j), en contrepartie de biens humanitaires. Ces quantités se décomposent officiellement de 25 % destinées à indemniser les dommages causés au Koweït, 13% pour le nord de l’Irak (Provinces Kurdes), 59% aux provinces du centre et du sud, 3% pour les agences onusiennes209.

Les limites d’un tel programme furent évidentes, provoquant même une certaine contre- productivité. En effet, l’Organisation des Nations Unies n’étant pas compétente pour assumer un programme générant plus de 60 milliards de dollars de revenus, nombres d’effets vinrent ternir l’efficacité des sanctions. Il fut constaté le développement de la contrebande régionale, pour certains experts, ce programme a « donné à la dictature de S. Hussein un levier d’action supplémentaire sur son peuple »210, engendrant une perte de

confiance du peuple irakien à l’égard des Nations Unies, du Secrétariat, mais plus encore des États-Unis.

Au sein du Conseil de Sécurité, cette crise provoqua de profondes divergences entre les membres permanents face à la gestion de la crise211, certains prônant une souplesse des

sanctions économiques en pleine conscience que l’unique victime du programme « Pétrole contre nourriture » était le peuple irakien.

Malgré l’affirmation du Conseil de Sécurité d’être « préoccupé par la gravité de la situation

alimentaire et sanitaire de la population iraquienne et par le risque de voir s’aggraver encore cette situation »212, la dimension humanitaire paraît conditionnée par l’impératif pétrolier. Malgré

l’asphyxie apparente du gouvernement central irakien, la doctrine américaine et

conformément aux procédures établies par le Conseil de sécurité et le Comité créé par la résolution 661 (1990) du Conseil, ainsi qu'au Mémorandum d'accord signé par l'ONU et le Gouvernement iraquien (mai 1996).

208 Mémorandum d’accord signé le 20 mai 1996, S/1996/356.

209 Les ECHOS, Résolution 986 : une mécanique complexe, Protocole de Genève - Prohibition d’emploi à la

guerre de gaz asphyxiant, toxiques ou similaires et de moyens bactériologiques – 17 juin 2015, 19/03/2003. https://www.lesechos.fr/19/03/2003/LesEchos/18869-160-ECH_resolution-986---une-mecanique-

complexe.htm

210 J.M DE LA SABLIÈRE & K. ANNAN, Le Conseil de Sécurité des Nations Unies, Ambitions et limites, op.cit.,

p.207.

211 Ibidem.,

britannique, ferme et belligérante, défendant l’application stricte et totale de la résolution 687 (1991)213 va conduire ces deux États à une opération illégale en 1998.

63. L’intervention conjointe vise à détruire des prétendues armes de destructions massives, et obliger l’Irak à coopérer. Durant quatre jours de bombardements intensifs, de violation de l’intégrité territoriale, d’usage de la force armée dans l’objectif annoncé de nuire aux capacités de S. Hussein, selon les archives du Secrétariat d’État à la Défense américaine, l’objectif fut : « Degrade Saddam Husseuin’s ability to make and to use weapons of mass

destruction. To diminish Saddam Hussein’s ability to wage war against his neighbors. To demonstrate to Saddam Hussein the consequences of violating international obligation”214.

L’ironie à laquelle se livre ces deux États intervenants est paroxystique au sens qu’il est question de montrer à S. Hussein les conséquences de ses actes commis en violation du droit international, mais cette intervention est elle-même une violation des principes de droit international. En effet, ces bombardements aériens se sont faits sans l’accord du Conseil de Sécurité sur une base juridique jugée très contestable par la plupart de États215 .

L’Irak refusa le retour des inspecteurs de l’ONU partis avant les bombardements, pour ensuite mettre un terme à toute coopération avec l’ONU. L’une des conséquences majeures de cette décision fut d’empêcher aux Nations Unies la présence d’inspecteurs pouvant suivre et vérifier la question du désarmement.

Sous impulsion du Canada et d’un groupe d’experts présidé par l’Ambassadeur brésilien, la résolution 1284 (1999)216 cherchera à instaurer une nouvelle commission

(COCOVINU)217 dans l’objet d’établir de nouvelles relations entre l’ONU et l’Irak,

d’obtenir d’avantage d’indépendance et des pouvoirs renforcés. La COCOVINU sera en charge « d’assumer les responsabilités confiées à la commission spéciale par le Conseil pour ce qui est de

la vérification du respect par l’Irak des obligations qui lui incombent en vertu des paragraphe 8, 9 et 10

213 Résolution du Conseil de Sécurité 687, 1991.

214 Archive du Secrétariat d’État à la Défense américaine, http://archive.defense.gov/specials/desert_fox/ 215 J.M DE LA SABLIÈRE & K. ANNAN, Le Conseil de Sécurité des Nations Unies, Ambitions et limites, op.cit.,

p.208. « Les États-Unis considéraient que le cessez-le-feu était subordonné à l’application de la Résolution 687 que l’Irak avait formellement acceptée et que la violation de ce texte remettait en vigueur la Résolution 678 qui avait autorisé la force le 30 novembre 1990 et qui avait été seulement suspendue ». Cf. S. SUR, Le Conseil de

sécurité dans l’après 11 septembre, L.G.D.J (Global understanding series), 2005, p.64.

de la résolution 687 (1991) (…), un régime renforcé de contrôle et de vérification continue (…) et traitera des questions de désarmement non réglée »218. Demeurant lacunaire et flou, le texte rencontrera l’abstention de la France, Russie et Chine, et le refus d’application par l’Irak.

Le changement d’administration américain de janvier 2000 va conduire à l’élaboration d’une stratégie de « smart sanctions » (sanctions « intelligentes ») visant à taire le régime de sanctions générales pour un régime de sanctions « ciblées », « seuls les produits pouvant être

éventuellement utilisés dans la fabrication d’ADM »219 peuvent être concernés.

La résolution 1382 (2001)220 ainsi que la résolution 1409 (2002)221 viendront limiter le

contrôle du comité des sanctions aux produits à double usage. La résolution 1382 (2001) traite dans ses annexes les différents articles sujets à examen avec précision, la seconde résolution évoquée adoptera d’une part, une liste « révisée d’articles sujets à examen » présent dans la résolution (S/2002/515) autorisant la vente ou la fourniture « de matières premières et produits militaires (…)222 », d’autre part, détaillera les procédures des

échanges avec l’Irak.

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