• Aucun résultat trouvé

LES INSUFFISANCES DU SYSTÈME D’ENCADREMENT JURIDIQUE DES CONFLITS ASYMÉTRIQUES EN IRAK, SYRIE

SECTION 1. Le Jus ad Bellum dans le cadre des conflits asymétriques en Irak, Syrie et Libye

B. L’absence de Jus ad Bellum en conflit armé interne

33. Se référant aux lacunes des textes de droit, le Jus ad Bellum révèle une potentielle application pratique aux conflits armés internes. D. Cumin nous rappelle que :

§ « Si la guerre étrangère est en principe interdite, la guerre civile est libre. Le droit international

prohibe le recours à la force armée entre États, il ne le prohibe pas au sein des États.

§ Si la guerre étrangère oppose à priori des combattants légaux de part et d’autre, la guerre civile

oppose à priori des combattants légaux (gouvernementaux) et non-légaux (non-gouvernementaux) de part et d’autre. »112

L’opposition juridique appliquée distingue l’acteur titulaire du Jus Belli, à un ou plusieurs acteurs non-titulaires du Jus Belli.

Si une majorité d’experts considère qu’il n’existe pas de Jus ad Bellum dans les conflits recensés au Moyen-Orient, force est d’admettre que cette conclusion suscite une difficulté liée à la reconnaissance des membres des entités non-étatiques. Cette problématique est d’autant plus accentuée que les membres de Daech, Jabbat al Nosra ou autres n’intègrent pas la qualification du belligérant.

Cette prétendue reconnaissance peut dans un premier temps prendre effet si l’on se réfère aux éléments invoqués dans le Protocole additionnel II (groupes armés organisés, commandement responsable, exerce un contrôle sur une partie du territoire…)113, mais la

111 D. CUMIN, Manuel de droit de la guerre, op.cit., p.320. 112 Idem., p.288.

prise en compte des conditions évoquées dans le Protocole I article 43 et 44114 annihile la

potentielle attribution de la qualification de belligérance. Ces derniers positionnent leurs quartiers généraux dans des zones civiles (écoles et hôpitaux), attaquent des zones sans caractère militaire ou pouvant donner l’avantage stratégique (musée ou site archéologique) ou encore, ne portent pas ouvertement les armes.

Si le droit international reconnait un éventuel « droit d’insurrection » en conflit international selon les conditions suivantes, levée en masse face à l’invasion, résistance à l’occupation, lutte de libération nationale contre le colonialisme115, les motivations des

groupes terroristes présents au Moyen-Orient ne peuvent être reconnues par le droit international. La seule liaison entre le droit international et l’insurrection concerne les violences qui peuvent être corrélées. De fait, le droit international humanitaire ou les droits de l’Homme pourront être croisés à l’analyse du fait.

34. Néanmoins, l’étude des réseaux financiers des entités non-étatiques, leurs capacités à s’armer, à émerger, ou à développer des stratégies d’attractivité sont autant d’éléments qui démontrent la présence occulte d’États tiers dans le jeu djihadiste, dont la finalité politique est d’influer sur le régime en place. Une seconde partie de la recherche comblera les lacunes juridiques par l’illustration et la démonstration des modalités d’emploi de la force armée à l’intérieur d’un État en cas d’insurrection sur la base de principes bafoués tels que le principe d’égale souveraineté, d’indépendance politique et de non-ingérence. Plus encore, l’analyse du soutien affirmé ou non des États étrangers aux différentes organisations « rebelles » viendra contredire les trois principes évoqués ci-dessus116.

Enfin, une reconnaissance des opposants, des djihadistes, des rebelles ou autres angles didactiques et non-juridiques implique la reconnaissance collective, ce qui ne semble pas être le cas pour toutes les entités présentes en Irak, Syrie ou Libye. Cette ambiguïté transperce la règle primordiale du droit de recourir à la force.

114 Protocole I Additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des

conflits armés internationaux, du 8 juin 1977, Section II Statut de combattant et de prisonnier de Guerre, Article 43 (Forces armées) et 44 (Combattants et prisonniers de guerre).

115 D. CUMIN, Manuel de droit de la guerre, op.cit., p.289.

II. Le droit de recourir à la force armée

35. L’objectif même des principes de droit des conflits armés était d’imposer à des acteurs étatiques des droits et des devoirs. Au travers d’une coévolution, les organisations intergouvernementales furent pour certaines, compétentes à user de la force. Pour D. Cumin, « l’une des révolutions juridiques du 20e siècle a été l’avènement d’autres titulaires du droit de

belligérance que les États, soit une désétatisation partielle et relative (…) »117.

Il semble dès lors essentiel de dresser une grille de lecture des quatre grandes entités destinées à recourir à la force armée en théâtre orientale tels que les trois États de notre recherche (A), l’ONU (B), les MLN (C) et les entités armées non-étatiques (D).

A. « États » irakien, syrien et libyen

36. Fondé et défini selon des éléments westphaliens (territoire, population, gouvernement…), le principe même de l’État est la reconnaissance de la souveraineté et de la personnalité morale de droit public. Cette compétence lui attribue le « monopole de la violence légitime » au sens wébérien118.

Cette érosion du monopole est intimement liée à l’érosion de sa compétence régalienne. En Irak, l’État fut incapable d’assurer la sécurité à des citoyens et des biens, incapable de remplir ses obligations de souverain. Ces incapacités ont participé à la naissance de l’insurrection, ou dans nos cas d’étude, elles offrent aux entités non-étatiques djihadistes un terreau pour s’installer, s’affranchir des règles en place, et se constituer en « État » à l’instar de Daech dans le nord de l’Irak et de la Syrie.

M. Couston rappelle alors que la fonction primaire de l’État est « d’assurer la sécurité de sa

population, sa tranquillité. Pour cela les États disposent de deux séries d’outils régaliens : la police et la justice d’une part, d’autre part, les forces armées et la diplomatie »119. Nous pouvons sans détour affirmer que ni l’Irak, ni la Syrie ni la Libye sont en capacité de fournir ce droit à leurs populations respectives.

117 D. CUMIN, Manuel de droit de la guerre, op.cit., p.38.

118 M. EABRASU, Les états de la définition wébérienne de l’État, op.cit., 2012, pp. 187-209. 119 M. COUSTON, Droit de la sécurité internationale, op.cit., p.20.

Outline

Documents relatifs