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LES INSUFFISANCES DU SYSTÈME D’ENCADREMENT JURIDIQUE DES CONFLITS ASYMÉTRIQUES EN IRAK, SYRIE

SECTION 1. La redéfinition de la souveraineté

III. Le lien évident avec l’Irak et la Libye

161. Au travers d’une temporalité différée, ces trois États ont subi des bouleversements endogènes, et exogènes. Cependant, chacune des situations est différente. Concernant l’Irak et la Libye, le Conseil de Sécurité s’est saisi de la question en agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, pour le cas syrien, le jeu géopolitique et géostratégique des puissances régionales et des puissances permanentes du CSNU ont permis des interventions militaires sous couvert de la Coalition Internationale contre Daech, ou, sous la clause de sollicitation pour la Russie.

Nous sommes contraints de nous interroger sur la portée de l’objectif démocratique lors des interventions militaires.

Dans le cas syrien, de nombreux États invoquent une violation du droit international en raison de l’usage d’armes chimiques, la Coalition Internationale mise en place lutte contre les cellules djihadistes, puis, le Président F. Hollande déclara en juillet 2006 « Nous devons

encourager le CSNU à prendre le plus vite possible ses responsabilités pour mieux soutenir le plan de sortie de crise présentée par l’envoyé spécial K. Hannan (…). L’enjeu est de hâter le moment de la transition car une chose est certaine : c’est que le régime de Bachar el Assad ne tiendra pas, sa chute est inéluctable et l’avènement de force démocratique en Syrie sera ce que nous pourrons en décider ensemble et le plus tôt sera le mieux »570.

Le discours du président F. Hollande repose sur une sémantique politique et moraliste, mais non juridique. Cette position assumée s’appuie sur les valeurs libérales571 exposées

précédemment. Selon la Cour Internationale de Justice : « L’adhésion d’un État à une doctrine

particulière ne constitue pas une violation du droit international coutumier ; conclure autrement reviendrait à priver de son sens le principe fondamental de la souveraineté des États sur lequel repose tout le droit international, et la liberté qu’un État a de choisir son système politique, social, économique, culturel (…). La cour ne saurait concevoir la création d’une règle nouvelle faisant droit à une intervention d’un État

570 F. HOLLANDE, Discours lors de la « réunion des Amis de la Syrie », AFP, vendredi 6 juillet 2012.

571 L’approche libérale que nous croisons au Discours de F. Hollande diffère de l’approche libérale

néoconservatrice assumée par l’administration Bush. En effet, le libéralisme s’entend ici comme un ensemble de valeurs morales, de dignité humaine ou encore de liberté. L’approche précédemment évoquée se distingue par son cadre rigoriste qui rend la mise en place de l’approche paradoxalement non rigoriste en ce sens que le cadre idéologique ne distingue pas de cadre pratique. En d’autres termes, les idées néoconservatrices ont permis l’avènement de l’unilatéralisme, de la violation même du droit international, des droits de l’homme, et de la manipulation des opinions publiques.

contre un autre pour le motif que celui-ci aurait opté pour une idéologie ou un système particulier »572.

L’avis de la CIJ semble non-seulement bafoué, mais plus adapté aux enjeux et aux pratiques du monde contemporain. La résolution 34/103 (1979) de l’AGNU ira également en ce sens en condamnant fermement les violations du principe de souveraineté, de l’égalité souveraine et de l’indépendance nationale des États573.

Cependant, dans le cas de l’intervention en Irak, le spectre de l’hégémonie libérale occidentale était présent. M. Dubuy, dénote néanmoins deux attitudes différentes à l’égard du principe de non-ingérence, quand les « États-Unis exprimaient ouvertement leur intention de

renverser le régime de Saddam Hussein, le Royaume-Uni tenait une ligne de conduite presque constante admettant qu’il accueillerait favorablement le renversement du régime si c’était une conséquence de l’intervention mais que ce renversement n’était pas un objectif poursuivi par l’opération qui visait à appliquer les résolutions du CSNU »574.

En outre, il est fondamental d’analyser le lien entre le régime voyou et le lien avec la menace à la paix et à la sécurité internationales. En Libye, la résolution 1973 (2011) précédemment évoquée permettra une intervention militaire au vertu du Chapitre VII, mais sans objectif affiché de renverser le régime du Colonel M. Kadhafi.575 Pourtant,

l’intervention pour des motifs sécuritaires renvoie selon l’analyse critique de M. Dubuy et M. Reisman à l’idée d’un droit de légitime défense car au travers de l’administration de preuves, il s’agira de démontrer que l’intervention contre ledit État voyou s’inscrit dans un

572 CIJ, Affaire Nicaragua, Rec. 1986, p.133, §26. L.-A. SICILIANOS, Les réactions décentralisées à l’illicite, des

contre-mesures à la légitime défense, op.cit., Commentaire note bas de page M. Dubuy : « La cour confirme ainsi que des facteurs tels que la composition d’un État, son idéologie, son alignement politique, ou ses relations extérieures ne saurait être invoqués pour légitimer une action extérieure ». p.582.

573 Résolution de l’Assemblée Générale 34/103, 1979. Inadmissibilité de la politique d’hégémonie dans les

relations internationales. « Rappelant le devoir qu’ont les États de s’abstenir, dans leurs relations internationales, d’user de contrainte d’ordre militaire, politique et économique ou autre, dirigée contre la souveraineté, l’indépendance politique ou l’intégrité territoriale de tout État ; Notant que la politique d’hégémonie est une manifestation de la volonté d’un État ou d’un groupe d’État de contrôler, dominer et assujettir, politiquement, économique, idéologiquement ou militairement, d’autres États, peuples ou région du monde ; (…) ; Préoccupée par le fait que la politique d’hégémonie mondiale aussi bien que régionale, menée dans le contexte de la politique de division du monde en blocs ou suivie par un État, se manifeste par le recours ou la menace du recours à la force, la domination et l’intervention étrangères ; (…) 1. Condamne la politique d’hégémonie sous toutes ses manifestations, y compris celle qui est menée au niveau mondial, régional ou sous-régional (…). »

574 M. DUBUY, La « guerre préventive » et l’évolution du droit international public, op.cit., p. 588. Issu de la

droit naturel de légitime défense car représentant une menace. Or cette approche compromet l’exigence fondamentale de la nécessité et de la proportionnalité576.

§4. Le processus inachevé en Libye

162. Nous avons pu analyser les arcanes de l’idéologie politique libérale, ses conséquences sur la gouvernance internationale, et ses impacts sur la pratique et le respect du droit international. La mise en exergue d’une approche militaire « démocratisante » démontre la limite fondamentale du droit, celle de politique moraliste. Outre l’usage de ces termes et notions dispendieuses pour une réflexion rationnelle et juridique, il convient d’étudier avec précision le rôle du droit et des résolutions du Conseil de Sécurité des Nations Unies dans le jeu de la politique étrangère des puissances permanentes.

Ainsi, nous constatons que l’entremêlement d’une communication politique basée sur l’émotion et les valeurs morales aux instruments juridiques onusiens devient un faire- valoir interventionniste légitimant. De fait, tout désaccord politique, idéologique ou géostratégique à l’égard d’une puissance ou d’un régime étranger devient source d’interrogation internationale dès lors qu’une habile manipulation sémantique et normative est opérée. Voilà pourquoi ces instruments sont selon nos constatations des éléments de justification, et moins de protection.

Dans le cas libyen que nous avons eu de cesse de mettre en lumière, l’Ambassadeur D. Bauchard nous confirme que l’intervention en Libye est « le seul cas à ce jour – et sans doute le

dernier – d’une révolution qui a réussi grâce à une intervention militaire extérieure décidée à la suite d’une résolution du Conseil de Sécurité »577. Ainsi, cette intervention sous mandat onusien et

conduite par une coalition des pays de l’OTAN, de pays arabes et de la Ligue Arabe pour le soutien politique a eu pour cause, ou conséquence, de renverser le régime politique en place. Rappelons que selon l’OTAN, l’organisation a « répondu à l’appel des Nations Unies

576 M. REISMAN, Assessing claims to revise the law of war, Cambridge : American Journal of International Law,

2003, p.87 et M. DUBUY, La « guerre préventive » et l’évolution du droit international public, op.cit., p.593.

577 D. BAUCHARD, Le nouveau monde arabe. Enjeux et instabilités, Bruxelles, André Versaille Éditeur, 2012,

p.35. L’auteur fut Attaché financier pour les pays du Proche et Moyen-Orient, Ministre conseiller chargé des questions économiques à la mission permanente de la France auprès des Nations Unies, Ambassadeur en Jordanie puis directeur d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient au Ministère des Affaires étrangères. Il a été président de l'Institut du Monde Arabe.

demandant à la communauté internationale de protéger le peuple libyen »578. Même sous couvert de la

Responsabilité de protéger, les actions menées n’ont pas respecté le mandat attribué.

163. Un détour historique nous permet d’apprendre que la rébellion est venue de la Cyrénaïque, qui selon D. Bauchard, « a toujours été une source de contestation et qui a repris à son

compte les aspirations à la démocratie »579. Nous pouvons d’une part établir un croisement

analytique entre l’impulsion de la démocratie comme source légitimante et les propos énoncés relatifs à l’interventions pro-démocratique basés sur le néo-conservatisme américain. Mais nous pouvons poursuivre notre enquête en attribuant à l’instar des États- Unis en Irak, ou du discours de F. Hollande à l’égard de B. al Assad, la volonté de renverser le régime.

Avant même la mort du colonel M. Kadhafi, le vendredi 15 juillet 2011 à Istanbul, se réunissaient près de 15 Ministres des Affaires Étrangères dont A. Juppé et H. Clinton, pour affirmer dans leur déclaration finale que « le dirigeant libyen doit partir »580. Pour

autant, une transition politique devrait être apportée, et c’est le Conseil National de Transition, « autorité gouvernementale légitime » selon Washington qui devra former ou participer à la refonte d’un gouvernement intérimaire581. Cette reconnaissance mais plus

encore, le soutien logistique et financier aux rebelles est un autre élément prouvant la violation des principes de droits.

En surface, il semblerait que la question de la morale internationale triomphe, ceci ouvrant la voie à l’importance des considérations humanitaires, ou tout du moins, du traitement de l’approche humanitaire dans les conflits évoqués.

578 OTAN (site web), L’OTAN et la Libye, 4 avril 2012. « En mars 2011, une coalition de pays de l’OTAN et de

pays partenaires a entamé, dans le cadre de l’opération Unified Protector (OUP), des opérations visant à faire respecter un embargo sur les armes, à imposer une zone d’exclusion aérienne, et à assurer la protection des populations et des zones civiles confrontées à des attaques ou à des menaces d’attaque en Libye. L’OUP s’est conclue avec succès le 31 octobre 2011 ».

https://www.nato.int/cps/fr/natohq/topics_71652.htm

579 D. BAUCHARD, Le nouveau monde arabe. Enjeux et instabilités, Bruxelles, op.cit., p.35. 580 A. BARLUET, Le Conseil de Transition libyen légitimé, Le Figaro, 15.07.2011.

http://www.lefigaro.fr/international/2011/07/15/01003-20110715ARTFIG00429-le-conseilde-transitionlibyen- legitime.php

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