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LES INSUFFISANCES DU SYSTÈME D’ENCADREMENT JURIDIQUE DES CONFLITS ASYMÉTRIQUES EN IRAK, SYRIE

SECTION 1. L’approche préventive

B. La nécessité et la proportionnalité

129. S’il est question de reconnaître en ces termes les principes fondamentaux de droit des conflits armés, il nous semble que la pratique « invasionniste » américaine portée par la doctrine de la légitime défense préventive ne tient en aucun compte cas de ces deux postulats. Entendu que le principe de proportionnalité vise à « s’abstenir de lancer une attaque

dont on peut penser qu’elle va causer des pertes en vies humaines civiles et des dommages aux biens de caractère civil, excessifs par rapport à l’avantage militaire concret et direct attendu », invoquer la mort

de près d’un demi-million de civils répond-il à la question relative du respect effectif de la proportionnalité ?

Dans l’affaires des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua de 1986, la CIJ cite :

« la légitime défense ne justifierait que des mesures proportionnées à l’agression subie (…) établie en droit international coutumier »466. Rappelons selon M. Couston que ces deux principes

fondamentaux peuvent être analysés selon trois enseignements tirés de la jurisprudence de la CIJ : « proportionnalité et nécessité sont indissolublement liées ; proportionnalité et nécessité sont des

modalités examinées subsidiairement ; proportionnalité et nécessité sont des critères objectifs »467.

Or, dans les faits, l’évaluation et l’appréciation sont purement subjectives, cela est démontré dans le cas irakien et suscite ainsi la question de la nécessité et la proportionnalité dans le cadre d’une intervention en « légitime défense préventive », dès lors que l’attaque n’a pas (encore) eu lieu. Ainsi cette doctrine répond au principe de disproportion et de nécessité relative, tel est le fondement d’une intervention américaine

465 M. COUSTON, Droit de la sécurité internationale, op.cit., p.280. 466 CIJ, Affaire Nicaragua, 1986, §103.

ayant conclu à l’embrasement de l’Irak, la Syrie et la Libye dont le corolaire a mené à la faillite de l’État, puis, à l’apparition de Daech.

II. Le droit d’intervention en zones grises à des fins humanitaires

130. Régulièrement présenté à des fins humanitaire, le recours à la force en « zones grises » à titre préventif constitue la continuité des sections évoquées précédemment en ce sens que les trois États, déstructurés, représentent une menace pour la sécurité et la paix internationales de par les conséquences humanitaires qui découlent des zones de non- droit. Pour autant, le droit d’intervention humanitaire ne fait pas l’objet d’une reconnaissance affirmée de le Charte, cependant, les approches libérales déjà évoquées faisaient acte d’une interprétation « ouverte ».

Convenu que nos trois cas d’analyse furent préalablement stables468, la notion de zones

grises est née de l’intervention étrangère. Cette thèse trouve consistance dans l’étude de l’Irak avant et post-régime S. Hussein, mais également en Libye. L’intervention irakienne faite au nom d’une légitime défense préventive, l’intervention libyenne au nom d’un devoir humanitaire, il se peut, qu’un recours à la force soit établi en raison d’un risque issu des zones grises, délitement provoqué par les interventions antérieures. Ainsi, d’« État voyous », nous assistons à des « États faillis », permettant à la sémantique interventionniste d’évoluer et de muter vers davantage de légitimité publique – non nécessairement juridique.

§2. Le trouble interprétatif

131. Le flou analytique issu de la « catégorisation » évolutive des États soumis à notre étude conduit le Secrétariat Général des Nations Unies et le Conseil de Sécurité à développer la prévention des conflits (I). Si d’inspiration libérale l’approche préventive entend réduire le risque de menace, alors coexiste la vision d’une légitime défense préventive (II).

468 Par la notion de stabilité, nous intégrons la dimension politique et sécuritaire intérieure. Les trois régimes

autoritaires avaient au minimum la vertu d’appliquer la laïcité, et, de maintenir l’ordre. Les dérives de ce maintien sont strictement critiquables, mais notre analyse fondée sur des entretiens avec les populations

I. La prévention des conflits par l’Organisation des Nations Unies

132. L’approche préventive n’est en réalité pas née de la doctrine américaine issue de NSS (2002), mais d’une relation étroite entre le Conseil de Sécurité des Nations Unies et la Secrétariat Général. Dès les années 1990, le terme de « prévention des conflits » mais aussi de « diplomatie préventive »469 sera intégré dans l’Agenda pour la Paix de B.B. Ghali de

1992, défini par le SGNU de la manière suivante, « a) la diplomatie préventive avait pour objet

d’éviter que les différends ne surgissent entre les parties, d’empêcher qu’un différend existant ne se transforme en conflit ouvert et, si un conflit éclatait, de faire en sorte qu’il s’étende le moins possible »470. Pour autant, la mise en application de cette approche fut mise en échec par les conflits asymétriques survenus durant la décennie 1990 (Rwanda, Ex-Yougoslavie) et plus récemment avec nos cas d’étude. Le 10 janvier 2017, A. Guetteres prononcera dans son discours devant le Conseil de Sécurité que « la prévention des conflits n’est pas simplement une

priorité, elle est la priorité »471. Il est essentiel de rappeler que l’approche préventive

originellement défendue concerne la diplomatie, pas le recours à la force armée.

II. Une vision libérale de la légitime défense préventive

133. Si l’État de nature défini par Hobbes472 a longtemps permis, et, continue d’expliquer

les comportements étatiques, la vision unilatérale de la protection répond alors à l’absence d’abandon du devoir et du droit d’autoprotection. Comme le rappelle M. Dubuy, « plusieurs auteurs ont pu développer la thèse selon laquelle l’article 51 dépendrait de l’efficacité du système

de sécurité collective »473. Pour autant, les interprétations pouvant continuer de causer des

maux au Moyen-Orient sont nombreuses et non-nécessairement liées à l’idée d’une sécurité collective inefficace. Si pour beaucoup de libéraux tels que M. Glennon, la Charte est archaïque, il convient de comprendre leur positionnement comme fondé sur l’idée que « la désuétude de la charte a laissé une grande place vide, un vide juridique dans lequel se sont engouffrés

469 J.M DE LA SABLIÈRE & K. ANNAN, Le Conseil de Sécurité des Nations Unies, Ambitions et limites, op.cit.,

p.120.

470 Agenda pour la paix : diplomatie préventive, rétablissement de la paix, maintien de la paix, In, Chapitre VIII.

Examen des questions relevant de la responsabilité du Conseil de sécurité à l’égard du maintien de la paix et de la sécurité internationale – Débats initiaux, p.766.

471 Déclaration du Secrétaire général, SG/SM/18494-SC/12674, 10 janvier 2017. 472 T. HOBBES, Léviathan, II, Traduction F. Tricaud, Paris, Sirey, 1971.

les États pour fonder un recours à la force obéissant aux impératifs de la sécurité nationale et ne rencontrant aucune limite »474.

Plus anciennement en Irak, le cas de la destruction du réacteur nucléaire « Osirak » par l’armée israélienne constitue un recours à la légitime défense préventive, ce cas démontre d’une part l’importance de la perception de l’impératif de sécurité nationale, mais également l’absence de lien entre l’imminence d’une menace et la dominante temporelle (la menace n’était pas imminente en ce sens que le réacteur n’était en aucun cas opérationnel lors des frappes aériennes).

SECTION 2. La légitime défense et l’unilatéralisme en territoires étudiés

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