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Cette thèse fondée sur la méthode de la politique juridique s’appuiera sur une analyse pluridisciplinaire afin de donner des éléments de démonstration précis et complémentaires.

Le choix de notre méthode s’inspire des travaux développés par G. de Lacharrière qui a su conceptualiser au travers de la « politique juridique extérieure », le lien entre les intérêts de la cause nationale et « l’instrumentalisme juridique »88. Ce choix méthodologique

permet d’obtenir une vision élargie des conflits intestinaux au Moyen-Orient par l’incorporation d’éléments politiques pouvant mener à une prise de position juridique par un État présent dans le cadre d’interventions irakienne, syrienne ou libyenne.

Ensuite, cette approche permettra de construire une démonstration structurelle pour la compréhension de facteurs conjoncturels. En support des éléments scientifiques fournis par la bibliographie choisie, deux séries d’entretiens furent menées en Irak auprès d’autorités et des populations irakiennes (2018 et 2019), mais également auprès de réfugiés syriens ayant fui les crimes de Daech et la répression du régime.

Afin de renforcer les positions admises pour cette thèse, nous prendrons appui sur l’approche normative et juridique des conflits en Irak, Syrie et Libye (i) dans l’objectif de mettre en lumière les caractéristiques inhérentes à la lutte par procuration (ii).

Enfin, l’examen de la dynamique belliqueuse qui anime le Moyen-Orient et le Conseil de Sécurité doit intégrer une approche géostratégique (iii) et géopolitique (iv) afin de parvenir à administrer la preuve des violations de règles de droit international.

i. Les approches normatives et juridiques des conflits infra-étatiques

21. Il sera ici question de s’appuyer sur les fondamentaux du droit international public pour prouver que la pratique asymétrique constitue une nouvelle norme non-identifiée par la coutume. Nous mettrons en lumière les lacunes du droit international et celle du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Nous ferons également une analyse précise des résolutions de l’organe afin d’étudier sa capacité de réaction mais également le champ juridique utilisé. Intrinsèquement, nous analyserons l’état des votes et l’usage du veto

88 G. de LACHARRIÈRE, La politique juridique extérieure, par V. COUSSIRAT-COUSTÈRE, in, Politique étrangère,

selon les conséquences envisagées par la résolution. Il sera question d’analyser les Conventions et Protocoles applicables à cette conflictualité, puis le cas échéant, dénoncer les textes inapplicables. À titre indicatif, D. Cumin évoque la notion de « conflit armé transnational » pour qualifier les conflits internes et parallèlement internationaux « rendant

applicable soit le droit des CANI et le droit des CAI »89.

Notre raisonnement sera poursuivi à partir de cas théoriques et pratiques. Les travaux d’A. Blin pour le CICR90 nous serviront à cadrer la genèse de cette pratique au travers

d’un cheminement issu d’inégalités économiques et politiques où la lumière est mise sur « l’érosion de l’État-nation et des soubresauts géopolitiques issus de l’héritage postcolonial ». Ces biais cognitifs nous permettront de cerner avec acuité et historicité les enjeux macro- économiques et macro-politiques qui ont donné naissance à cette pratique guerrière. ii. L’approche cognitive de la guerre par procuration

22. Défendant la thèse selon laquelle les conflits asymétriques constituent une lutte par procuration entre blocs régionaux, nous conduirons une analyse critique des éléments de puissance, d’influence et de menace auxquels les États de la région sont soumis. Nous allons tenter de construire un modèle d’analyse prédictif basé autour d’un minimum de trois entités, deux États s’opposant idéologiquement ou politiquement et au moins une entité non-étatique sujette à pression d’un des acteurs. En effet, peu de travaux scientifiques démontrent qu’il existe une guerre par procuration au Moyen-Orient. En revanche, des éléments d’actualité nous permettent de tenir une telle position. L’administration de la preuve se fera par le biais de la pratique, entretiens, et non uniquement par l’analyse de la littérature. L’enjeu majeur de cette approche consiste d’une part à s’administrer la preuve que des entités non-gouvernementales bénéficient d’un soutien étranger, d’autre part, de prouver l’évolution de la pratique guerrière comme étant le jeu de plusieurs acteurs.

Dans un entretien accordé au journal suisse « Le Temps », le professeur de droit international public A. Clapham atteste que « c’est une violation de la Charte des Nations unies de

fournir des armes à un groupe non-étatique qui est en train de se battre contre un gouvernement. Fournir des armes à l’EI, c’est violer les Conventions de Genève » 91. Pourtant, certaines sources, dont le

degré de véracité est élevé, affirment que, « la plupart du temps, celles-ci arrivent jusqu’aux

frontières des zones de guerre à la faveur de contrats signés entre les entreprises des Balkans et des représentants de l’Arabie Saoudite, pour la majorité d’entre eux, mais aussi, dans une moindre mesure, d’intermédiaires venus du Qatar »92. Portée par l’école de pensée de R. Aron, si les États se

sentent en insécurité permanente, il se peut que l’analyse des fondamentaux de relations internationales viennent apporter des éléments de réponse relatifs au comportement étatique régional. Tout l’intérêt de notre thèse consistera à démontrer la prise de connaissance de ces situations belliqueuses par le Conseil de Sécurité.

iii. L’approche géostratégique

23. Il est question de situer l’idéologie et l’intérêt national des États, puis par manière déductive et inductive, l’intérêt de l’existence des entités non-étatiques. À partir de données officielles (publications, déclarations, comptes rendus de déplacements...), il sera question de déceler quelles sont les raisons qui guident la pratique étrangère des puissances qui ont leurs mots à dire telles que l’Arabie Séoudite ou l’Iran. D’aspect factuel, cette approche est censée, mettre en évidence l’usage du droit de veto de la Russie ou des États-Unis. Autrement dit : la manière dont les États impliqués vont user de l’instrument juridique à des fins politiques.

Pour exemple, l’usage récurrent du veto russe contre la prolongation du mécanisme d’enquête conjoint en charge des attaques chimiques en Syrie. S. Tadros, responsable du bureau d’Amnesty International auprès de l’ONU déclarera, « Pour la neuvième fois, la Russie

a utilisé son droit de veto pour protéger son allié, le gouvernement syrien, des sanctions qu’il pourrait se voir infliger pour des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité commis depuis le début du conflit, il y a plus de six ans »93. Ne tenant compte des résultats de l’enquête et de la preuve que le

91 Entretien A. CLAPHAM par L. LEMA, La guerre en Syrie ? Un casse-tête juridique incroyable, op.cit.,

10.12.2015.

92 G. DASQUIÉ, Sur la piste des armes de Daech, Le JDD, 14 juillet 2017.

http://www.lejdd.fr/international/moyen-orient/sur-la-piste-des-armes-de-daech-3388985

93 AMNESTY INTERNATIONAL, Nations unies. Le veto de la Russie équivaut à un « feu vert pour les crimes de

guerre, 24.11.2017.

régime de Damas a bien effectué ces agissements contraires au droit international, nous pouvons entrevoir une série de messages et de symboles dans l’usage de ce droit de veto. Implicitement, nous pouvons entrevoir une volonté russe de bloquer un système d’enquête international décidé au Conseil de Sécurité, chose qui marque une capacité de nuisance, mais également, une capacité de blocage à des fins stratégique : la protection d’un allié - dans le cas où si le régime syrien est impliqué.

iv. L’approche géopolitique

24. Nous retracerons une modélisation géopolitique selon la méthodologie suivante, (i) principe de substitution d’autorité par l’État ; (ii) principe de dérégulation sociale ; (iii) principe de privatisation du territoire. Il sera ensuite question de porter notre analyse autour de ces grands principes et d’utiliser ces différents cadres pour comprendre juridiquement les conflits asymétriques au Moyen-Orient. Par cela, nous construirons un schéma basé sur l’histoire, la sociologie et la géographie afin de saisir la manière dont le Conseil de Sécurité agit face à cette déliquescence. Agit-il par anticipation (pro-activement ou préventivement) avant que le cancer ne se répande, ou dans un souci de respect des règles de droit, intervient-il via ses organes d’assistance lorsque le cancer est implanté ? En outre, la notion de « zones grises » issue du cadrage géopolitique permet d’envisager l’existence d’une zone grise du droit international.

À titre indicatif, la résolution 2043 (2012) visant à contrôler la cessation de la violence armée en Syrie pour une durée initiale de 90 jours, sera suspendue en raison de l’intensification de la violence armée94. La mission MISNUS prendra fin le 19 août 2012

sans avoir fourni le moindre résultat. Enfin, les différents cadres de cette recherche portent une attention très particulière aux groupes rebelles qui constituent une partie intégrante des conflits asymétriques. Nous suivrons l’approche de B. El Khouryet F. Balanche95 qui nous semble la plus pragmatique.

Cette approche consiste à décomposer l’opposition armée en trois groupes distincts, «

ceux qui combattent de façon autonome, ceux qui fusionnent entre eux et ceux qui coordonnent leurs assauts à travers une chambre d’opérations ».

Les éléments méthodologiques engagés devront répondre à une démonstration conjuguant les différents cadres exposés. L’objectif central étant de répondre avec assiduité et pertinence au libellé de la problématique de la thèse.

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