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La Commission Internationale de l’Intervention et de la Souveraineté des États (CIISE), aux origines de la Responsabilité de protéger

LES INSUFFISANCES DU SYSTÈME D’ENCADREMENT JURIDIQUE DES CONFLITS ASYMÉTRIQUES EN IRAK, SYRIE

SECTION 2. L’ingérence humanitaire au Moyen-Orient

I. La Commission Internationale de l’Intervention et de la Souveraineté des États (CIISE), aux origines de la Responsabilité de protéger

170. En 2001, le rapport co-présidé par G. Evans et M. Sahnoun introduit la R2P, en se basant sur deux facteurs, la doctrine Annan, et l’initiative canadienne607. La sécurité

humaine, comme évoquée dans l’approche défendue par M. Bettati et B. Kouchner est l’axe central des réflexions de la CIISE. Ainsi à l’initiative d’Ottawa et dans l’objectif de faire taire toute idée néfaste d’ingérence humanitaire, la sécurité humaine sera définie au Symposium du 18 juin 1999 comme relevant d’une « responsabilité collective devant mettre

l’accent sur la notion plus inclusive de protection de la vie et des moyens de subsistance des populations »608. Dans son préambule, le rapport affiche son ambition et donc le cadre

inhérent en traitant de la question du « droit d’intervention humanitaire » et non d’un

606 J. ZYLBERBERG, L’illusion juridique, in, M. BETTATI & B. KOUCHNER, Le devoir d’ingérence, op.cit., p.161. 606 Ibidem.,

607 J.B. JEANGÈNE VILMER, La responsabilité de protéger, op.cit., 2015, p.31.

608 B. ARNEIL et alii, Le Changement de paradigme de la sécurité humaine : un nouveau regard sur la politique

étrangère du Canada ?, Rapport du Symposium de l’UBC sur la sécurité humaine, 18 juin 1999, pp.6-14. Note

« droit d’ingérence humanitaire ». Cependant, les deux principes fondamentaux évoqués dans le rapport susmentionné énoncent que « a. La souveraineté des États implique une

responsabilité, et c’est à l’État lui-même qu’incombe, au premier chef, la responsabilité de protéger son peuple. ; b. Quand une population souffre gravement des conséquences d’une guerre civile, d’une insurrection, de la répression exercée par l’État ou de l’échec de ses politiques, et lorsque l’État en question n’est pas disposé ou apte à mettre un terme à ces souffrances ou à les éviter, la responsabilité internationale de protéger prend le pas sur le principe de non-intervention »609.

Cette introduction démontre avec clarté le rôle et l’ambition défendue par le CIISE, mais plus encore, le droit qu’elle attribue en application au manquement à la responsabilité engagée par l’État en question.

Tenant alors compte des obligations inhérentes à la notion de souveraineté et à l’article 24 de la Charte des Nations Unies610, le rapport rappelle et insiste sur le fait que

l’intervention militaire à finalité de protection humanitaire « doit être considérée comme une

mesure exceptionnelle et extraordinaire » se conditionnant ainsi à « de pertes considérables en vies humaines effectives ou présumées (…) et à un nettoyage ethnique à grande échelle effective ou présumée611 ».

Ainsi conditionné à l’autorisation du Conseil de Sécurité devant être sollicité avant toute intervention militaire, le point 2.a inscrit dans les principes pour l’intervention militaire est celui qui nous interroge sur l’effectivité et le respect de ladite clause. Il est en effet évoqué dans les principes de précaution - le principe de bonne intention612, or, les interventions

609 CIISE, La responsabilité de protéger, Rapport de la Commission internationale de l’intervention et de la

souveraineté des États, Décembre 2001, p. XI.

610 Charte des Nations Unies, Chapitre V Fonctions et Pouvoirs, Article 24 : « 1. Afin d'assurer l'action rapide et

efficace de l'Organisation, ses Membres confèrent au Conseil de sécurité la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales et reconnaissent qu'en s'acquittant des devoirs que lui impose cette responsabilité le Conseil de sécurité agit en leur nom. ; 2. Dans l'accomplissement de ces devoirs, le Conseil de sécurité agit conformément aux buts et principes des Nations Unies. Les pouvoirs spécifiques accordés au Conseil de sécurité pour lui permettre d'accomplir lesdits devoirs sont définis aux Chapitres VI, VII, VIII, XII. ; 3. Le Conseil de sécurité soumet pour examen des rapports annuels et, le cas échéant, des rapports spéciaux à l'Assemblée générale ».

611 Idem., p. XII.

612 Charte des Nations Unies, Chapitre V Fonctions et Pouvoirs, Article 24, « Bonne intention : le but primordial

de l’intervention, peu importe les autres motivations qui animent les États intervenants, doit être de faire cesser ou d’éviter des souffrances humaines. Pour satisfaire au mieux le principe de bonne intention, les

que nous prendrons soin de déconstruire et d’analyser semblent avoir joui d’une certaine considération intéressée et non-intégralement impartiale, tel fut le cas en Libye.

171. Pour ce qui est précisément le cas du Conseil de Sécurité, il demeure évident que l’organe est l’autorité centrale mais pas nécessairement la seule, l’obligation citée de réagir rapidement prend effet en cas de blocage du Conseil de Sécurité.

Croisant l’analyse de J.B. Jeangène Vilmer et de N. Hajjami, le CIISE « pratique, pour des

raisons essentiellement consensualistes, un double discours »613, en effet, ce point précis et

controversé autoriserait donc un unilatéralisme. Ainsi conclu par N. Hajjami, « Le Rapport

n’adopte aucune ligne claire et oscille, en définitive entre un multilatéralisme de façade et un unilatéralisme non-assumé »614. Il est néanmoins évident que l’approche moraliste, humaniste et même

juridique du texte ici présenté s’appuie sur des faits rationnels et non-soumis à l’interprétation philosophique telles que l’évolution ou les mutations du contexte international. La prolifération de nouveaux acteurs non-étatiques, ou l’évolution de la sécurité internationale liée aux interdépendances doivent être prises en compte afin d’adapter le système de sécurité collective.

Ainsi, le CIISE tenant compte de la souveraineté des États, appuie sa démarche selon une lecture évolutive des rapports internationaux, ainsi, on lit que « (...) pour toutes les raisons déjà

mentionnées {évolution du contexte sécuritaire, inégalité de pouvoir ressources …}, les conditions dans lesquelles la souveraineté est exercée – et l’intervention pratiquée – ont radicalement changé depuis 1945. De nombreux États nouveaux sont apparus, et leur identité est encore en voie de consolidation. L’évolution du droit international a imposé de nombreuses limites à la liberté d’action des États, et ce pas seulement dans le domaine des droits de l’homme. La notion émergente de sécurité humaine a suscité de nouvelles exigences et de nouvelles attentes concernant la manière dont les États traitent leur propre peuple. Et de nombreux acteurs nouveaux jouent sur la scène internationale des rôles qui étaient précédemment plus ou moins l’apanage exclusif des États615 ».

613 N. HAJJAMI, La responsabilité de protéger, Bruxelles, Bruylant, 2013, p.46. 614 Idem., p.54.

615 CIISE, La responsabilité de protéger, Rapport de la Commission internationale de l’intervention et de la

À défaut d’apporter des éléments de conclusion à un débat sur l’ordre politico-juridique, il serait pertinent de rappeler la complexité dudit principe au travers des mots du Secrétaire Général de l’Assemblée Générale K. Annan qui dans le Rapport du Millénaire énonça : « (...) si l’intervention humanitaire constitue effectivement une atteinte inadmissible à la souveraineté,

comment devons-nous réagir face à des situations comme celles dont nous avons été témoins au Rwanda ou à Srebrenica et devant des violations flagrantes, massives et systématiques des droits de l’homme, qui vont à l’encontre de tous les principes sur lesquels est fondée notre condition d’êtres humains? »616.

172. Si l’intervention américaine en Irak fut dans un premier temps justifiée par la présence d’armes de destruction massive, puis dans un second temps justifiée par les liens entre S. Hussein et Al Qaïda, c’est face à l’effondrement des prétextes initiaux qu’en troisième temps, est apparue l’idée d’une intervention humanitaire. Nous rappelons que l’ambiguïté alors présentée dans le rapport du CIISE fut utilisée pour justifier l’unilatéralisme et l’usage normatif d’une R2P. Or, les conditions liées à la pratique d’une intervention pour motifs humanitaires sont présentes dans le document final et, ainsi, pour qu’une intervention soit qualifiée d’humanitaire, il faut par exemple que la réaction soit liée à « des pertes considérables en vies humaines effectives ou présumées (…) et à un nettoyage

ethnique à grande échelle effectif ou présumé »617. Or, J.B. Jeangène Vilmer nous rappelle qu’à ce

moment, il n’y avait aucune pratique de ce genre sur le sol irakien.

Comme rappelée dans cette recherche, la pratique connut son couronnement en avril 2006 lorsque le CSNU fit officiellement référence à la R2P dans la résolution 1674 (2006)618 et 1706 (2006)619. Dans une application strictement étatique, la Libye fut ciblée

en 2011 par l’invocation de la R2P, mais également la Côte d’Ivoire, le Soudan du Sud et le Yémen dans des résolutions faisant acte aux États susmentionnés de « s’acquitter de sa

responsabilité de protéger les civils ».

616 K. ANNAN, Rapport du millénaire de 2000, exhortation relative à la faillite du Conseil de Sécurité à prendre

des mesures décisives au Rwanda et au Kosovo.

617 CIISE, La responsabilité de protéger, Rapport de la Commission internationale de l’intervention et de la

souveraineté des États, op.cit., La Responsabilité de protéger : Principes pour l’intervention militaire / (1) Le seuil de la cause juste, p. XII. De plus nous pouvons indiquer ce qui introduit des deux conditions : « L’intervention militaire à des fins de protection humaine doit être considérée comme une mesure exceptionnelle et extraordinaire. Pour qu’elle soit justifiée, il faut qu’un dommage grave et irréparable touchant des êtres humains soit en train – ou risque à tout moment – de se produire »

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