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LES INSUFFISANCES DU SYSTÈME D’ENCADREMENT JURIDIQUE DES CONFLITS ASYMÉTRIQUES EN IRAK, SYRIE

SECTION 1. Le Jus ad Bellum dans le cadre des conflits asymétriques en Irak, Syrie et Libye

B. La résolution 1441 (2002), prémices de l’unilatéralisme

64. « La guerre contre le terrorisme ne fait que commencer », désignant la Corée du Nord, l’Iran et l’Irak, ainsi que « leurs alliés terroristes », G.W. Bush pointe ces États comme étant l’« axe du Mal, armé pour menacer la paix du monde »223.

Conscient des mouvements de troupes, des déclarations récurrentes de l’administration Bush, un grand nombre d’États craignant l’unilatéralisme américain rappelèrent les compétences du Conseil de Sécurité224. Tenant compte des pressions établies par le

gouvernement américain, puis du discours de G.W. face à l’Assemblée Générale des Nations Unies le 12 septembre 2002, S. Hussein accepta le retour des inspecteurs quatre

218 Résolution du Conseil de Sécurité 1284, 1999, §2.

219 J.M DE LA SABLIÈRE & K. ANNAN, Le Conseil de Sécurité des Nations Unies, Ambitions et limites, op.cit.,

p.209.

220 Résolution du Conseil de Sécurité 1383, 2001, Relative à la situation entre l’Irak et le Koweït. 221 Ibidem.,

222 Idem., §3.

223 Déclaration du Président G.W. Bush le 29 janvier 2002 dans le discours sur l’état de l’Union.

224 J.M DE LA SABLIÈRE & K. ANNAN, Le Conseil de Sécurité des Nations Unies, Ambitions et limites, op.cit.,

jours suivants, soit le 16 septembre 2002. L’ouverture des négociations se fit au travers des chancelleries françaises et américaines dans l’objectif d’accroître le pouvoir des inspecteurs. Ces négociations trouvèrent une consistance normative au travers de la résolution 1441 (2002)225.

Ladite résolution rappelle que « la lettre datée du 16 septembre 2002 (…) constitue une première

étape nécessaire pour que l’Irak rectifie ses manquements persistants aux résolutions pertinentes du Conseil »226, et présente à l’Irak par cette dernière, une « possibilité de s’acquitter des obligations

en matière de désarmement (…) et décide d’instituer un régime d’inspection renforcé »227.

Cette résolution, telle que rédigée, laisse désormais l’Irak responsable de l’avenir de sa gouvernance et semble par l’analyse des lettres rédigées entre M. H. Blix (Président exécutif de la commission de contrôle de vérification et d’inspection de Nations Unies), M. El Baradei (Directeur Général de l’Agence Internationale pour l’Énergie Atomique AIEA) et le Général A. H. Al Saadi (conseiller et cabinet du Président S. Hussein), qu’au cours des entretiens à Vienne, il fut convenu « l’acceptation par l’Irak de tous les droits

d’inspection prévus dans toutes les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité. Il était indiqué que cette acceptation n’était assortie d’aucune condition »228.

Malgré l’intention, l’engagement et la démonstration d’approbation des autorités irakiennes, un extrait de l’explication de vote après l’adoption de la résolution 1441 (2002) de l’Ambassadeur américain J. Negroponte permet d’être sensibilisé face aux volontés actées des États-Unis, ainsi, « Si le Conseil de sécurité ne parvient pas à agir de manière décisive dans

l’éventualité d’une violation irakienne de ses obligations, rien dans la résolution n’empêche un État membre d’agir pour se défendre de la menace posée par l’Irak ou pour mettre en œuvre les résolutions pertinentes et sauvegarder la paix dans le monde »229.

Ce commentaire, non des moindres, confirme une dynamique déjà présente dans le camp conservateur américain.

225 Résolution du Conseil de Sécurité 1441, 2002, Relative à la situation en l’Irak. 226 Ibidem.,

227 Idem., §2.

228 Annexe de la Résolution du Conseil de Sécurité 1441, 2002, Lettre de M. BLIX et M. EL BARADEI à l’intention

Au terme du travail d’inspection effectué par la « Commission Blix » du 1er mars au 31

mai 2003 - suspendu en raison de l’intervention armée en Irak, les conclusions présentées dans le 13e Rapport trimestriel de la Commission mentionnent que, « la Commission n’avait

trouvé aucun élément indiquant la poursuite ou la reprise des programmes d’armes de destruction massive, ni, si ce n’est en quantité négligeable, d’articles interdits avant l’adoption de la résolution 687 (1991) »230.

C. « Iraqi Freedom » 2003, violation des principes de droit

65. Malgré toutes les résolutions prises par le Conseil de Sécurité depuis les années 1990, la crise humanitaire persistait et le régime était toujours en place.

L’alliance américano-britannique formée sous l’invocation aux Nations Unies des résolutions 678 (1990), 687 (1991) et 1441 (2002), a renforcé l’idée d’une intervention militaire. L’argumentation contextuelle et juridique s’appuie sous l’angle de la poursuite du désarmement en tant que garantie de non-répétition par cet État d’une violation de la paix ou en tant que prévention d’un acte d’agression231, soit l’invocation d’une légitime défense

préventive face à un État dont les caractéristiques prétendument belliqueuses sont énoncées dans le discours sur l’Union de G. W. Bush.

Ainsi, accusé de « soutenir le terrorisme » et de « participer à la prolifération d’armes de destructions massives », l’usage de la force armée contre l’Irak sera effectif le 20 mars 2003, sous l’égide des États-Unis et d’une coalition de quarante-neuf États (12 y participant militairement). Cette intervention, judicieusement appelée « Irak libre » jouissait d’une manipulation des règles de droit évidente mais assumée - celle de laisser entendre qu’un changement de régime permettrait d’assurer le désarmement de l’Irak, donc de parachever l’un des buts de guerre de 1990232.

66. Sans possibilité ferme d’obtenir une autorisation du Conseil de Sécurité en raison du refus ou veto des membres permanents, l’interprétation instrumentalisée des résolutions 678 (1990), 687 (1991) et 1441 (2002) a permis d’invoquer une « autorisation implicite ».

230 Les conclusions du rapport furent présentées devant le Conseil de Sécurité le 5 juin 2003 (CS/2505) lors de la

4768e Séance, Rapport (COCOVINU – S/2003/580). 231 D. CUMIN, Manuel de droit de la guerre, op.cit., p.351. 232 Idem., p.352.

Ces deux membres du Conseil de Sécurité ont considéré que la résolution 678 (1990) restait en vigueur car la résolution 687 (1991) avait mis en place un programme non entièrement réalisé du fait de « l’obstruction irakienne », notifiée dans la résolution 1441 (2002). Ainsi, considérant que l’Irak n’ait pas apporté suffisamment de garanties, ce dernier représentait une menace continuelle pour la paix et la sécurité internationale. Selon D. Cumin, « faire du renversement du gouvernement irakien la condition de la réalisation du

désarmement et du contrôle du désarmement irakien, revenait à dénaturer les résolutions 678 et 687. La résolution 1441 n’autorise pas la reprise des hostilités onze ans et demi plus tard ! »233.

La réalité permet aujourd’hui d’affirmer que la notion d’« autorisation implicite » découlant des interprétations extensives des résolutions du Conseil de Sécurité fut invoquée bien avant 2003. Selon A. Schill et M. Boumghar, cette notion fut invoquée pour « justifier les raids aériens des États-Unis et du Royaume-Uni depuis 1993 »234.

Ces situations de contournement du Conseil de Sécurité discréditent un peu plus l’organe, et finissent par « mettre en cause l’ensemble de l’édifice crée par la Charte »235.

67. Ni le Conseil de Sécurité, ni l’Assemblée Générale des Nations Unies n’ont condamné ou sanctionné l’invasion en Irak et donc l’occupation du territoire irakien.

Plusieurs mesures furent prises postérieurement, l’une au travers de la résolution 1483 (2003)236 et de la résolution 1500 (2005) visant à appeler tous les États à contribuer à

« assurer la stabilité en Irak et approuver l’établissement d’un gouvernement transitoire pour l’Irak »237.

La résolution clé est de loin la 1511 (2003)238 qui apporte l’autorisation postérieure de

l’intervention armée en Irak, en d’autres termes, de l’interprétation extensive et unilatérale des résolutions relatives à l’Irak, la notion d’autorisation implicite mue vers une autorisation explicite. Le 16 octobre, la résolution 1511 (2003) §13 mentionne que le Conseil de Sécurité : « considère que la sécurité et la stabilité conditionnent l’aboutissement du

processus politique envisagé au paragraphe 7 ci-dessus et l’aptitude de l’Organisation des Nations Unies à concourir véritablement à ce processus et à l’application de la résolution 1483 (2003), et autorise une force

233 A. SCHILL et M. BOUMGHAR, Les décisions du Conseil de Sécurité depuis 1990, in, A. NOVOSSELOFF (Dir.), Le

Conseil de sécurité des Nations Unies. Entre impuissance et toute puissance, Paris, CNRS Éditions (Coll. Biblis),

2016, p.72.

234 Idem., p.71.

235 D. CUMIN, Manuel de droit de la guerre, op.cit., p.351.

multinationale, sous commandement unifiée, à prendre toutes les mesures nécessaires pour contribuer au maintien de la sécurité et de la stabilité en Iraq, (…) et des principaux éléments de l’infrastructure humanitaire et économique ».

Enfin, le 8 juin 2004, la résolution 1546 (2004)239 établira le transfert de souveraineté de la

coalition à un gouvernement irakien « démocratiquement élu ». Dans son paragraphe 1, la résolution 1546 (2004) approuve : « la formation d’un gouvernement intérimaire souverain de l’Iraq,

tel que présenté le 1er juin 2004, qui assumera pleinement d’ici le 30 juin 2004 la responsabilité et

l’autorité de gouverner l’Iraq, tout en s’abstenant de prendre des décisions affectant le destin de l’Iraq au- delà de la période intérimaire (…) ».

Malgré ces positions démontrant l’influence, parallèlement, l’absence de crédibilité du Conseil de Sécurité des Nations Unies, la critique évidente de l’unilatéralisme américain et la violation des principes de droit international s’est faite au travers de la communauté internationale, des pays arabes, des opinons publiques, mais pour quels effets ?

II. Syrie, entre indignation et inaction

68. Au nord-ouest de Bagdad, la crise syrienne démontre un jeu d’influence régionale et internationale mettant à mal la crédibilité du système onusien dans son objectif de protéger les populations. Les différentes résolutions votées ou bloquées lors des séances du Conseil de Sécurité confirment l’inaptitude du Conseil à réguler la crise (A) sur le plan politique et juridique. Ainsi, la mise en place d’un bureau spécial en charge de la question syrienne va également démontrer ses premiers signes de faiblesse (B).

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