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LES INSUFFISANCES DU SYSTÈME D’ENCADREMENT JURIDIQUE DES CONFLITS ASYMÉTRIQUES EN IRAK, SYRIE

SECTION 1. La Compétence du Conseil de Sécurité dans le cadre des conflits asymétriques

I. L’« Humanitarisation » du Chapitre

106. L’ensemble des résolutions relatives au Proche et Moyen-Orient invoquant le Chapitre VII de la Charte se matérialise par l’usage de notions humanitaires ou relatives aux droits de l’Homme. Le cas de la Syrie conduit à adopter ce paradigme au travers des récents évènements survenus. Dans la résolution 2139 (2014)364, le Conseil de Sécurité

prend position pour l’accès humanitaire exigeant que « l’accès des Nations Unies et des acteurs

humanitaires soit facilité, à travers les routes les plus directes, y compris depuis les pays voisins ».

De manière plus démonstrative, le Conseil de Sécurité prend position en 2006 au travers de la résolution 1674 (2006)365 en exigeant que « toutes les parties concernées qu’elles se

conforment strictement aux obligations mises à leur charge par le droit international, en particulier celles découlant des Conventions de La Haye de 1899 et 1907 et des Conventions de Genève de 1949 et des Protocoles additionnels auxdites conventions de 1977, ainsi qu’aux décisions du Conseil de sécurité ».

La situation conflictuelle en Bosnie-Herzégovine permettra l’émancipation de ce qu’est « l’approche humanitaire » en « impératif humanitaire ». Considérant que l’aide humanitaire constitue un « élément important en vue de rétablir la paix et la sécurité internationales

dans la région »366, la résolution 770 (1992)367 adoptée en vertu du Chapitre VII de la Charte

exhortera les États à « prendre, à titre national ou dans le cadre d’organisation ou d’arrangements

régionaux, toutes les mesures nécessaires pour faciliter l’acheminement, par les organisations humanitaires compétentes des Nations unies et autres, de l’assistance humanitaire à Sarajevo et partout où elle est nécessaire (…) ».

364 Résolution du Conseil de Sécurité 2139, 2014, Situation relative au Moyen-Orient.

365 Résolution du Conseil de Sécurité 1674, 2006, Situation relative à la protection des civils dans les conflits

armés.

366 A. SCHILL et M. BOUMGHAR, Les décisions du Conseil de Sécurité depuis 1990, in, A. NOVOSSELOFF (Dir.), Le

Conseil de sécurité des Nations Unies. Entre impuissance et toute puissance, op.cit., p.34.

La même année, les évènements dans la corne africaine conduiront le Conseil de Sécurité à confirmer sa position relative à l’impératif humanitaire ; la résolution 794 (1992)368

venant l’étayer. En effet, dans la résolution susmentionnée, le CSNU autorise les États membres à « employer tous les moyens nécessaires pour instaurer aussitôt que possible des conditions de

sécurité pour les opérations de secours humanitaires (…) ». Demandant aux États de fournir des

forces militaires afin de conduire cette mission, en outre, la mention de « forces militaires » indique que c’est le recours à la force qui est autorisé, « sans l’accord de l’État territorial concerné – et permet d’identifier l’article 39 de la Charte comme fondement de cette décision »369. L’évolution majeure que nous retiendrons dans le cadre de cette

recherche concerne la Libye avec les résolutions 1970 (2011) et 1973 (2011). Dans la première, le Conseil de Sécurité invoque l’article 41 de la Charte (Chapitre VII)370 et saisit

la CPI en raison des attaques « systématiques et généralisées » commises contre la population, constituant un crime contre l’humanité371. Malgré l’absence de la Libye

comme État partie au Statut de Rome, la résolution 1970 (2011) défère l’autorisation à la CPI d’exercer sa compétence à l’égard des crimes visés par le Statut de Rome. L’enquête ouverte en mars 2011 conduira à l’engagement de procédure pour « crime contre l’humanité : meurtre et persécution »372. À cela, l’évolution majeure évoquée

précédemment tient compte du rappel de la Responsabilité de protéger la population.

107. Les études empiriques permettent de considérer la chute du bloc soviétique comme vecteur de reconsidération de la « préoccupation humanitaire ». Dans l’ensemble de la littérature juridique, l’approche humanitaire des conflits et la violation des droits de l’Homme n’était traitée que de manière secondaire par le Conseil de Sécurité des Nations Unies car relevant d’une appréciation propre aux affaires intérieures. Les années 1990

368 Résolution du Conseil de Sécurité 794, 1992, Situation relative à la Somalie.

369 A. SCHILL et M. BOUMGHAR, Les décisions du Conseil de Sécurité depuis 1990, in, A. NOVOSSELOFF (Dir.), Le

Conseil de sécurité des Nations Unies. Entre impuissance et toute puissance, op.cit., p.34.

370 Charte des Nations Unies - Chapitre VII Actions en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et

d’actes d’agression - Article 41 « Le Conseil de sécurité peut décider quelles mesures n'impliquant pas l'emploi

de la force armée doivent être prises pour donner effet à ses décisions, et peut inviter les Membres des Nations Unies à appliquer ces mesures. Celles-ci peuvent comprendre l'interruption complète ou partielle des relations économiques et des communications ferroviaires, maritimes, aériennes, postales, télégraphiques, radioélectriques et des autres moyens de communication, ainsi que la rupture des relations diplomatiques ».

marquées par la chute du bloc soviétique et les divers bouleversements intrinsèques373,

vont faire des questions humanitaires - initialement circonscrites, des questions centrales du débat politique, juridique, et médiatique menant alors à une relecture des stratégies de politiques étrangères.

108. Nonobstant toute considération de politique ou d’ingérence, les membres du Conseil de Sécurité tentent dans la majorité des cas de favoriser l’accès à l’aide humanitaire aux populations dans les situations de conflit374. Le cas syrien illustre ainsi la volonté de

trouver une solution en matière d’acheminement, sans pour autant assister à une convergence de positions en matière de règlement du conflit. Dans une continuité accentuée de la résolution 2139 (2014)375, la résolution 2165 (2014)376 n’agissant pas en

vertu du Chapitre VII par appréhension de l’usage du droit de veto par le membre permanent russe, invoquera l’article 25 de la Charte377. Ceci afin d’appliquer les décisions

relatives à l’utilisation de routes franchissant les lignes de conflits, ou encore, à la création d’un mécanisme de surveillance des chargements humanitaires et inspections des postes frontaliers378.

Pour autant, la situation gravissime que traverse le pays laisse à désirer sur l’efficacité de l’acheminement de l’aide humanitaire décidée sous l’égide du Conseil de Sécurité. De nombreux rapports d’ONG ou du Secrétariat Général dénoncent sans effroi la crise humanitaire que subit le pays. Ceci étant, les difficultés d’acheminements sont multiples en raison des zones de contrôle détenues par Daech, des bombardements sur les zones

373 Les Bouleversements post-guerre froide sont nombreux. Pour J.M de la Sablière (Cf. Le Conseil de Sécurité

des Nations Unies, Ambitions et limites, Bruxelles : Larcier, 2015), les facteurs intrinsèques à ces évolutions sont

relatifs au développement des conflits internes à un État, le souhait des organisations régionales d’impliquer les Nations Unies dans leur règlement, la diffusion d’idées traditionnellement défendues par les pays occidentaux dans l’ex URSS, le rôle des ONG « French Doctors », ou encore l’influence des grandes organisations puissantes dans le monde anglo-saxon, médias, pressions de la société civile sur les gouvernements etc.

374 J.M DE LA SABLIÈRE & K. ANNAN, Le Conseil de Sécurité des Nations Unies, Ambitions et limites, op.cit.,

p.232.

375 Résolution du Conseil de Sécurité 2139, 2014. Situation relative au Moyen-Orient. Cf. Thèse Partie I §3.

Résolutions du CSNU relatives à l’Irak, la Syrie et la Libye – I. Irak : « Dans la Résolution 2139 (2014), le Conseil de Sécurité prend position pour l’accès humanitaire exigeant que « l’accès des Nations Unies et des acteurs humanitaires soit facilité, à travers les routes les plus directes, y compris depuis les pays voisins ».

376 Résolution du Conseil de Sécurité 2165, 2014, Situation à l’aide humanitaire en Syrie.

377 Charte des Nations Unies, Chapitre V Conseil de Sécurité, Article 25 : « Les membres de l’Organisation

conviennent d’accepter et d’appliquer les décisions du Conseil de Sécurité conformément à la présente Charte ».

« rebelles » par l’aviation gouvernementale, ces éléments ne doivent cependant pas faire de ces zones des lieux de non-droit. Une voie parallèle sera instituée le 20 juillet 2018. En effet, un accord entre la France et la Russie portant sur l’apport d’une aide médicale à destination des populations présentes dans la Ghouta Orientale fut mis en place. Il s’agit de près de 50 tonnes d’aide médicale destinées à secourir 500 personnes gravement blessées et 15 000 autres plus légèrement blessées 379. Cependant, l’Organisation des

Nations Unies reste impliquée dans le processus au travers du Bureau de la Coordination des Affaires Humanitaires (BCAH), pas le Conseil de Sécurité.

II. Le Conseil de Sécurité, un acteur fragile de promotion des droits de

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