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LES INSUFFISANCES DU SYSTÈME D’ENCADREMENT JURIDIQUE DES CONFLITS ASYMÉTRIQUES EN IRAK, SYRIE

SECTION 2. Le Jus in Bello dans le cadre des conflits asymétriques en Irak, Syrie et Libye

I. L’article 3 Commun aux Conventions de Genève, une inadaptation ?

82. L’article 3 Commun aux CG 290 est une création normative d’un droit des conflits

armés non-internationaux, à l’intérieur d’un traité relatif aux conflits armés internationaux. En vertu de son application aux « conflits ne présentant pas un caractère international », l’article 3 énonce l’application du principe de distinction291, d’intégrité292, de dignité293,

d’humanité294 et de jugement295. Cependant, cette évocation de principes fondamentaux

relevant du Jus in Bello et du Jus Cogens semble partiellement incomplète car n’évoquant d’autres principes de droit relatifs aux méthodes et moyens de combat.

De surcroît, n’omettons pas que les « opposants, rebelles… » bénéficient du statut de combattants qu’en cas de reconnaissance de la belligérance.

De fait, si la Syrie, l’Irak ou la Libye souhaitaient contenir une révolte, ils devaient à l’égard des opposants, appliquer un minimum de droit humanitaire - non nécessairement

290 Article 3 Commun aux Conventions de Genève, 12 août 1949.

291 Idem., (1) : « Les personnes qui ne participent pas directement aux hostilités, y compris les membres de

forces armées qui ont déposé les armes et les personnes qui ont été mises hors de combat par maladie, blessure, détention, ou pour toute autre cause (…) ».

292 Idem., (1.A) « À cet effet, sont et demeurent prohibés, en tout temps et en tout lieu, à l’égard des personnes

mentionnées ci-dessus : a) Les atteintes portées à la vie et à l’intégrité corporelle (…) ».

293 Idem., (1.C) « À cet effet, sont et demeurent prohibés, en tout temps et en tout lieu, à l’égard des personnes

mentionnées ci-dessus : Les atteintes à la dignité des personnes, notamment les traitements humiliants et dégradants ».

294 Idem., (1) : « (…) seront, en toutes circonstances, traitées avec humanité (…) ».

respecté en Syrie, mais l’application stricte de l’article 3 laisse la liberté de combattre, de poursuivre et de condamner ces opposants conformément à la législation nationale296.

Force est d’admettre que la « révolte » initiale à la portée bien souvent politique n’accuse qu’une forme de protection au travers de celle des droits humains détenus par les « opposants ».

83. Convaincu que nos cas d’analyse portent sur les conflits asymétriques en Irak, Syrie et Libye, une qualification juridique appropriée demeure à ce stade de la recherche précoce. Néanmoins, nous avons convenu que dans chacun de ces conflits armés à caractère initialement interne, l’internationalisation prenait le pas au fil du temps. En outre, la qualification juridique doit être constamment évolutive afin d’être adaptée. Ce critère fondamental d’un continuum approche temporelle /approche qualificative doit être corrélé au droit applicable. En effet, la conduite des hostilités menée par une des parties au conflit s’analyse par une série de cirières, dont la montée en escalade des violences induit l’internationalisation du conflit armée interne.

En somme, l’internationalisation dépend d’éléments qu’il convient de rappeler.

84. Lors de l’étude des cas opposables à l’internationalisation, « l’intervention militaire étrangère » fait partie des éléments retenus.

Il s’agit de « l’envoi de troupes régulières ou irrégulières, y compris à titre volontaire ou de

mercenaires »297. Ne sont pas retenues la mise à disposition du territoire, l’aide humanitaire

financière ou matérielle, le transfert d’armement, il faut dans ces cas de figure que l’emploi de la force armée par les « agents de jure ou de facto »298 d’un État A sur le territoire de l’État B soit soumis à la guerre civile. L’intervention militaire étrangère est amplement évoquée en Irak au travers des interventions de la Coalition internationale, ou encore, en Syrie au travers de l’intervention militaire russe.

296 D. CUMIN, Manuel de droit de la guerre, op.cit., p.310. 297 Idem., p.151.

Le second élément à prendre en compte est celui d’une force insurgée au sens du Protocole 2 article 1 (§1) 299, présente sur le territoire d’un État A et dépendante de

l’État B, représente une internationalisation du conflit armé. Fondé sur des éléments d’enquête relatifs aux soutiens matériels et immatériels des États de la région aux entités non-étatiques terroristes (Front Al Nosra, Fatah Al Cham…) présentes en Syrie, ou dans le sud de la Libye, nous attestons que certains des États de la région moyen-orientale ont inféré auprès de ces entités. Il convient de s’accorder sur le prétendu degré de « dépendance ».

Le troisième cas est celui de « l’action d’une entité non-étatique sur le territoire d’un État B se livrant à des attaques d’une certaine gravité à l’encontre d’un État A, avec ou sans imputation à l’État B300. Le cas du terrorisme transnational s’inscrit dans cette

littérature. Considérant le bastion djihadiste de Mossoul ou Raqqa comme capitale de Daech, leurs actions dépassent la circonscription territoriale et visent des puissances internationales, fait constituant l’internationalisation. Il convient de s’accorder sur le prétendu degré de « gravité ».

Le quatrième cas est celui du mouvement sécessionniste aboutissant à la « création et/ou à la reconnaissance d’un nouvel État, le conflit armé, s’il se poursuit devient international

et non plus interne »301. Ce cas ne s’inscrit pas encore dans l’étude moyen-orientale.

Cependant, un regard porté vers le futur se doit de prévenir le potentiel risque de mouvements sécessionnistes établis par les Kurdes, au nord de l’Irak ou au nord de la Syrie.

299 Protocole additionnel aux Conventions de Genève 12 Aout 1949, Adopté le 8 juin 1977. « Le présent

Protocole, qui développe et complète l'article 3 commun aux Conventions de Genève du 12 août 1949 sans modifier ses conditions d'application actuelles, s'applique à tous les conflits armés qui ne sont pas couverts par l'article premier du Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux (Protocole I), et qui se déroulent sur le territoire d'une Haute Partie contractante entre ses forces armées et des forces armées dissidentes ou des groupes armés organisés qui,

sous la conduite d'un commandement responsable, exercent sur une partie de son territoire un contrôle tel qu'il leur permette de mener des opérations militaires continues et concertées et d'appliquer le présent

85. Ainsi, deux écoles de pensée diffèrent sur la question du droit applicable. La première soutenue par le Comité International de la Croix-Rouge (CICR) et appliquée au travers du Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) soit la thèse de « l’internationalisation objective et obligatoire »302. Cette thèse considère simplement que

toute intervention étrangère aboutit à l’internationalisation du conflit, donc, à l’application du droit des conflits armés internationaux.

La seconde école de pensée se distingue par ses subtilités et les différentes suites de configuration. D’une part l’intention ayant mené à l’intervention – se fait-elle à la demande ou à l’encontre du gouvernement (thèse de l’internationalisation subjective et facultative)303 ? Dans le premier cas, le droit des CANI s’applique aussi bien entre les

forces gouvernementales et étrangères, ainsi qu’avec les groupes insurgés.

Dans le second cas, soit le droit des CAI s’applique à tous (entités insurgées devenant belligérantes) (thèse de l’unité du conflit)304, soit le droit des CAI ne s’établit qu’entre les

forces étrangères et les forces gouvernementales, le droit des CANI continuant de s’appliquer entre les forces gouvernementales et les insurgés (thèse de la « décomposition du conflit »)305.

En cas d’intervention onusienne non-coercitive dans un conflit interne (opération de maintien de la paix / assistance humanitaire armée), on ne dénote aucune modification du conflit armé interne. Si au contraire, il s’agit d’une action militaire coercitive décidée en vertu du Chapitre VII par le Conseil de Sécurité des Nations Unies, alors « les forces mandatées deviennent parties belligérantes »306 transformant le conflit en un conflit armé

interne internationalisé.

Enfin, ce travail de qualification revêt un caractère névralgique en ce sens que les conséquences du conflit sur les personnes impliquées ne seront pas les mêmes. Comme nous le rappelle D. Cumin, en cas de CAI, le Jus in Bello s’appliquant, « les combattants légaux

détenus sont PG {prisonnier de guerre}, les combattants illégaux sont passibles de poursuites pénales »307,

en cas de CANI, les règles restent les mêmes si les combattants illégaux obtiennent le

302 D. CUMIN, Manuel de droit de la guerre, op.cit., p.151. 303Ibidem.,

304 Ibidem., 305 Ibidem., 306 Ibidem.,

statut reconnu de belligérant, dans le cas contraire, le droit des CANI s’applique et les combattants illégaux feront face à la justice pénale interne.

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