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LES INSUFFISANCES DU SYSTÈME D’ENCADREMENT JURIDIQUE DES CONFLITS ASYMÉTRIQUES EN IRAK, SYRIE

SECTION 2. La légitime défense et l’unilatéralisme en territoires étudiés Si pour un certain nombre d’observateurs, la légitime défense est marquée par

C. La légitime défense structurelle

II. L’attaque terroriste dans le cadre de la légitime défense

139. Comme nous avons pu l’illustrer tout au long de cette recherche, l’article 51 de la Charte opposable sous couvert d’une relation interétatique fut d’une part « atténué »487 par

la résolution 3314 (1974)488 et par les événements survenus depuis 2001. Tenant compte

des évolutions du contexte sécuritaire international (évolution physionomique des conflits, dimension transnationale des crises, terrorisme, pratique des entités non-étatiques etc.), l’approche de l’agression indirecte et du terrorisme complexifie le champ d’application du droit laissant place à une pratique discrétionnaire.

Si la résolution 3314 (1974) impose une relation effective entre les entités non-étatiques, bandes ou groupes armés - un degré de gravité et d’imputabilité doit être effectif. Si selon M. Couston la notion d’engagement substantiel n’est pas définie par la résolution, « sa portée vague et large » nous semble particulièrement problématique en ce sens qu’elle constitue le substrat de la pratique des États du Golfe et autres dans l’instabilité de l’Irak, la Syrie, la Libye, et dans le succès (relatif dans le temps) des entités non-étatiques.

Un autre texte fondamental peut être invoqué dans la lutte contre l’ « envoi » ou le « soutien » d’un État étranger, il s’agit de la résolution 2625 (1970)489 expressément cité

dans ce document, qui condamne également « l’envoi de bandes armées, mais aussi leur soutien

actif, mais encore le fait de tolérer sur son territoire la présence de tels éléments »490.

487 M. COUSTON, Droit de la sécurité internationale, op.cit., p.251. 488 Résolution de l’Assemblée Générale 3314, 1974.

489 Résolution de l’Assemblée Générale 2625, 1970. Déclaration relative aux principes du droit international

140. Le progressisme semble qualifier la pratique de l’AGNU car si selon l’organe, les actes terroristes sont « des actes criminels et injustifiables quels qu’en soient les auteurs et où qu’ils

soient commis (…) les actes criminels qui, à des fins politiques, sont conçus ou calculés pour provoquer la terreur dans le public ou groupe de personnes ou chez des particuliers sont injustifiables en toutes circonstances et quels que soient les motifs de nature politique, philosophique, idéologique, raciale, ethnique, religieuse ou autre que l’on puisse invoquer pour les justifier »491, la lutte contre le

terrorisme intègre le champ institutionnel par la création de comités492, le champ normatif

par le nombre important de résolutions493, elles-mêmes mentionnant le phénomène

comme une menace à la paix et la sécurité internationales.

En revanche, la CIJ se prononcera d’une manière différente à celle du Conseil de Sécurité dans son « Avis sur les conséquences juridiques d’un mur en Palestine ». Affaire dans laquelle la construction d’un mur « est conforme à l’article 51 de la Charte des Nations Unies ainsi

qu’à son droit inhérent de légitime défense et aux résolutions 1368 (2001) et 1373 (2001) du CSNU »494. Pour autant, la CIJ va dans son §139 à propos de l’article 51, mentionner qu’

« Aucune disposition de la présente Charte ne porte atteinte au droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, dans le cas où un Membre des Nations Unies est l'objet d'une agression armée, jusqu’à ce que le Conseil de sécurité ait pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales. ; L’article 51 de la Charte reconnaît ainsi l’existence d'un droit naturel de légitime défense en cas d’agression armée par un État contre un autre État. Toutefois, Israël ne prétend pas que les violences dont il est victime soient imputables à un État étranger (…). Cette situation est donc différente de celle envisagée par les résolutions 1368 (2001) et 1373 (2001) du Conseil de sécurité, et de ce fait Israël ne saurait en tout état de cause invoquer ces résolutions au soutien de sa prétention à exercer un droit de légitime défense. ; en conséquence, la Cour conclut que l'article 51 de la Charte est sans pertinence au cas particulier ».

491 Résolution de l’Assemblée Générale 49/60, 9 décembre 1994. Relative à la déclaration sur les mesures

visant à éliminer le terrorisme.

492 Comité des sanctions contre Al Qaïda et les talibans suite à la Résolution 1267 (1999), ou encore le Comité

contre le Terrorise CCT mis en place par la résolution 1373 (2001) adossé à la résolution 1535 (2004), ou le Comité 1540 créé au travers de la Résolution 1540 (2004), etc.

493 Résolution du Conseil de Sécurité 1368, 2001. Relative aux menaces à la paix et la sécurité internationales

résultant d’actes terroristes, ou, Résolution du Conseil de Sécurité 1373, 2001. Relative aux menaces à la paix et la sécurité internationales résultant d’actes terroristes ou, les Résolutions du Conseil de Sécurité 1456 (2003) ; 1450 (2004) ; 1566 (2004) ; 1624 (2005) etc.

Une conclusion de cette décision permet de repenser la notion d’agression au sens de la résolution 1374 (1974), puis, que l’agression armée ne vise pas uniquement les relations interétatiques. Sauf que cette affirmation contredit les résolutions 1368 (2001) et 1373 (2001) du Conseil de Sécurité, en effet, selon M. Couston, ce cas démontre la « divergence

entre l’analyse de la légitime défense faite par la CIJ et celle faite par le Conseil de Sécurité »495.

141. Partant du postulat central que dans nos cas présents, le terrorisme est inhérent à la pratique d’acteurs non-étatiques, l’analyse des positions étatiques permet d’avancer l’idée selon laquelle une prise en compte de l’article 51 peut être effective. La pratique américaine et israélienne a alors démontré « la confirmation du droit de légitime défense contre des

attaques terroristes et des acteurs non-étatiques, y compris par des opérations en territoire étranger, à la condition que les critères de mise en œuvre de la légitime défense soient respectés »496. D’une part la

résolution 1368 (2001) s’adresse aux États « complices » en ce sens que ladite résolution mentionne que « Ceux qui portent la responsabilité d’aider, soutenir et héberger les auteurs,

organisateurs et commanditaires de ces actes devront rendre des comptes »497. Ainsi, sur la base

prouvée d’un lien, ces États peuvent subir des actions au nom du principe de légitime défense. Cependant, la majeure et substantielle difficulté d’appliquer ce principe au nom du lien effectif réside dans la difficulté matérielle d’imputer à un État sa responsabilité. L’administration de la preuve de l’implication d’un gouvernement devient l’essence même de l’approche. Dans le cas syrien ou irakien, l’actualité foisonnante, ou encore, notre travail d’enquête mené en territoire irakien nous permet d’affirmer le soutien matériel de puissances régionales dans l’acheminement de fonds, l’achat de biens (culturel, pétrole…) ou de soins apportés aux combattants des entités non-étatiques terroristes. Ensuite, comme nous le rappelle M. Couston, l’évaluation des liens, ou des preuves est faite par un juge qui ne peut se référer à une « technique objective d’évaluation », le Conseil de Sécurité ne donnant pas plus d’information sur la question. Alors, le traitement nominatif et « au cas par cas »498 rend l’entreprise normative et pénale sans structure et donc

manipulable.

495 M. COUSTON, Droit de la sécurité internationale, op.cit., p.259. 496 Idem., p.263.

Ainsi, les travaux de la Commission du Droit International relatifs au texte portant sur la responsabilité internationale des États, permettent d’avancer que l’imputabilité ne peut être admise que « si cette personne ou ce groupe de personnes, en adoptant ce comportement, agit en fait

sur les instructions ou directives ou sous le contrôle de cet État »499. Pour autant, cette approche

semble très largement insuffisante et pas assez contraignante aux vues des enjeux liés au pouvoir d’influence que délivrent les entités non-étatiques. Si un État de la région partage une convergence avec une entité terroriste tel qu’un changement de régime500, nul ne peut

affirmer avec acuité que l’entité est l’œuvre entière d’un État étranger, ou que l’entité « agit

sur les instructions ou directives ou sous le contrôle de cet État », en revanche, la stratégie de

puissance régionale permet d’assimiler des ambitions communes telles que la chute du régime syrien. Ces considérations politiques interrogent alors sur la portée du recours à la force à travers la remise en question de leur nature réelle.

§2. Le recours à la force unilatérale en Irak

142. Apposer un regard strictement juridique sur la question du recours à la force unilatérale sclérose la profondeur du débat juridique. Voilà pourquoi l’introduction de la science politique peut selon la méthodologie employée, permettre de cerner la neutralité des interventions entreprises. L’analyse du facteur de puissance et d’influence (I) dans le schéma interventionniste conduira à la potentielle remise en cause de principe d’équilibre des puissances pouvant alors mener à l’individualisation des stratégies (II).

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