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Section III Les techniques d’aménagement des droits et libertés

A. L’effet dissuasif des peines principales

1. La réparation pécuniaire

et la difficulté de l’évaluation monétaire du dommage écologique

Avant 2016, les personnes jugées coupables des infractions relevant du droit des ressources naturelles ne payent que des amendes (a). Plusieurs modifications ont été apportées aux lois ‘Réserve forestière nationale’, ‘Préservation et protection de la faune sauvage’, etc., pour intégrer les dommages-intérêts écologiques (b).

a. L’amende – le mécanisme de réparation indirect

En droit thaïlandais, les amendes, sanctions et pénalités acquittées en application des lois spécialisées sont une recette non fiscale de l’État conformément à l’article 4 de la loi ‘Réserve de trésorerie’. Cependant, l’administration responsable de l’application d’une des lois spécialisées peut tirer une partie de ces revenus pour financer les dépenses liées à l’exécution des amendes. Conformément à l’article 2 (2) de la notification du ministère des finances ‘Types et taux du partage des revenus issus des amendes avant leur renvoi au trésor public’ du 29 janvier E.B. 2550 (2007)538, l’autorité administrative responsable peut décompter 80 pourcents des amendes acquittées dans le cadre des lois ‘Pêche’, ‘Promotion de la conservation de l’énergie’, ‘forêt, ‘Réserve forestière nationale’, ‘Préservation et protection de la faune sauvage’, ‘Protection des éléphants sauvages’, ‘Parc national’, etc.

En principe, l’amende est appliquée pour punir l’auteur de l’infraction. Elle n’est pas destinée à réparer les dommages causés aux ressources naturelles. Même si une grande partie de la recette issue des amendes va au ministère des ressources naturelles et de l’environnement, elle est destinée à financer les frais liés à la patrouille et à l’arrêt des auteurs

538 Disponible en ligne sur le site du Journal official de la Thaïlande

des infractions. Le coût de la réparation du dommage n’est pas pris en compte dans le calcul du montant de l’amende.

En application du principe de la responsabilité environnementale, un nouvel instrument a été créé en 2016 en Thaïlande. Désormais, le responsable du dommage causé à la nature doit payer des dommages et intérêts pour réparer l’intégralité du dommage.

b. Les dommages et intérêts écologiques payés à l’État

– nouveau mécanisme de réparation des dommages causés à la nature

Le législateur thaïlandais a introduit un mécanisme de réparation du dommage écologique par la loi ‘Promotion et préservation de la qualité environnementale E.B. 2535 (1992). Désormais, Toute personne qui, par action illégale ou par omission illégale, cause un dommage, une perte ou une destruction à une ressource naturelle ou à un bien public est responsable et doit payer des dommages et intérêts, à l’État, d’une somme équivalent à la valeur totale des ressources naturelles qui ont été détruites, perdues ou endommagées.

Ce mécanisme est le résultat d’une interprétation au sens large du principe pollueur-payeur. Il ne s’agit pas ici non seulement de faire payer les pollueurs, mais aussi toute personne qui cause un dommage, une perte, ou une destruction à une ressource naturelle. Il s’agit d’une responsabilité d’ordre « civil ». L’État est le bénéficiaire du montant en sa qualité de « propriétaire et/ou gestionnaire » des ressources naturelles.

En 2016, la disposition relative aux dommages-intérêts écologiques introduite dans le droit régissant la Réserve forestière nationale 539 . Ces dommages et intérêts sont demandés au juge par le ministère public en même temps que la poursuite de l’infraction540.

La difficulté réside dans l’évaluation monétaire du dommage causé aux ressources naturelles. La première tentative de l’évaluation était celle proposée par le ministère des ressources naturelles et de l’environnement. Demandeur des dommages et intérêts devant le juge, le ministère applique le mode de calcul du modèle mathématique à l’évaluation

539 Elle est reprise et intégrée par la loi ‘Réserve forestière nationale’ n°4 E.B. 2559 (2016), à l’article 26/4 de la

loi ‘Réserve forestière nationale’ E.B. 2507 (1964) : « Toute personne qui cause, par action ou par omission, un dommage, une perte ou une destruction à toute ressource naturelle dans l’enceinte d’une réserve forestière nationale, est responsable et doit payer des dommages et intérêts équivalents à la valeur totale des ressources naturelles qui ont été détruites, perdues ou endommagées »

540 Thaïlande, Loi ‘Réserve forestière nationale’ E.B. 2507 (1964), art. 26/5, introduit par la loi ‘Réserve forestière

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monétaire de différents types de dommage causés à l’état forestier des bassins versants541. L’évaluation monétaire est fondée sur l’évaluation du dommage physique composé du nombre d’arbres perdus, la diminution de la capacité de l’absorption de l’eau par le sol, la perte de la terre érodée par l’eau de pluie, la perte de la richesse biologique du sol et le changement du climat542. Le nombre d’arbres perdus est estimé par le recensement dans un espace voisin d’une superficie de 20*40 mètres. L’évaluation monétaire est réalisée par la méthode d’économie environnementale appelée « coût du remplacement ». Ce sont les coûts correspondant à toutes les dépenses nécessaires à la remise en état du site.

Cette méthode de calcul est employée pour les infractions de la loi ‘Réserve forestière nationale’, la loi ‘Parc national’, mais aussi la loi ‘Préservation et protection de la faune sauvage’ depuis 1992. Cependant, le montant issu de cette méthode de calcul n’est pas uniformément accepté par le juge qui conserve le dernier mot. Conformément à l’article 438 du code civil et commercial thaïlandais, le montant des dommages et intérêts est fixé par le juge en fonction de la gravité du préjudice. Celui-ci comprend le coût du dommage mais aussi des

541 Thaïlande, Annonce du département des parcs nationaux, faune sauvage et espèces végétales du 1er octobre E.B.

2547 (2004).

542 Les équations employées pour évaluer les dommages physiques sont les suivants :

Les équations pour évaluer la diminution de la capacité de l’absorption de l’eau par le sol et la perte de la terre érodée par l’eau de pluie sont les équations de régression multiple suivantes :

Sr = 4.97 + 0.004*Ra + 42.24*K + 0.09*LS + 0.31Ft, r2 = 0.8537

Sd = 0.62 + 0.002*Ra + 3.84*K + 0.18*LS + 0.41*Ft r2 = 0.9599

LS = 0.0056*(S*L)0.997 r2 = 0.8883

‘Sr’ est la quantité de l’eau qui érode la surface de la terre à cause de l’absence d’arbre en mm/an. ‘Sd’ est la quantité de la terre perdue par l’érosion en ton/hectare/an. ‘Ra’ est la quantité de l’eau de pluie par an en mm. ‘K’ est la qualité du sol. ‘LS’ est la qualité du paysage. ‘Ft’ est la qualité des végétations. ‘S’ est l’angle d'inclinaison. ‘L’ est la longueur de l’inclination en mètre.

Les équations pour évaluer la perte de la richesse biologique et du sol : N = 0.05*((22.32*BA) – 1.55)

P = 14.61 – 170.14*BA + 150.34*BA2

K = 9.45 + 414.43*BA

‘N’ est la qualité des nitrates perdus en pourcentage. ‘P’ et la quantité des phosphores perdus en ppm. Et ‘K’ est la qualité du potassium perdu en ppm.

L’équation pour évaluer le changement du climat de la surface du sol jusqu’au sommet moyen des arbres : Td = 0.0394*Ft + 0.0011*Ft – 1.3286 r2 = 0.9784

conséquences qu’entraine le dommage. En plus, la jurisprudence est bien établie depuis 1953 sur le fait que le lien de causalité éloigné n’est pas accepté543.

Par exemple, la Cour suprême a condamné deux occupants illégaux d’une parcelle d’une superficie de six rais (0.96 hectares) dans le parc national à verser seulement soixante mille bahts (environ mille-cinq-cent euros) de dommages-intérêts alors que le département forestier avait demandé neuf-cent mille bahts544 (environ vingt-deux mille euros) parce que les arbres abattus semblent avoir été de petite taille. La Cour suprême a accordé un montant de dommage-intérêt de un million et deux-cent mille bahts pour réparer le préjudice causé à une parcelle de quinze rais (2,4 hectares) alors que le département forestier avait demandé 2,25 millions de bahts545.

Par ailleurs, cette méthode est aussi critiquée par la doctrine pour ne pas prendre en compte certains dommages directs et indirects comme la disparition des habitats de la faune sauvage, les inondations, etc.546. Oraphan Na Bangchang et Itiphol Srisaowalak soutiennent que les ressources naturelles ont des valeurs d’usage et des valeurs de non-usage547.

Les valeurs d’usage sont directes, indirectes ou optionnelles. Dans le cas des forêts, les usages directs sont, par exemple, l’exploitation de bois, la récréation. Les usages indirects sont, par exemple, le maintien de l’équilibre du cycle de l’eau et la prévention de la sècheresse et les inondations, la prévention de l’érosion de la terre, la prévention du changement climatique, mais aussi la sauvegarde de la biodiversité et la satisfaction humaine. Les valeurs de non usage sont la valeur d’option, la valeur d’existence et la valeur de transmission. La valeur d’option maintient le choix d’usages en cas de besoins dans le futur. La valeur d’existence procure le bonheur et la satisfaction. La valeur de transmission garantie aux générations futures la réserve des ressources naturelles.

543 Thaïlande, Cour suprême, décision n°131/2496 (1953). 544 Thaïlande, Cour suprême, décision n°3883/2546 (2003). 545 Thaïlande, Cour suprême, décision n°3883/2546 (2003).

546 Voir. Chayapohn Sirboran ชัยพร ศรีโบราณ, la fixation des dommages-intérêts en fonction de la valeur des

ressources forestières dans les contentieux de l’environnement การก

าหนดค◌่าเส◌ียหายตามมูลค◌่าของทรัพยากรป◌่าไม้ในคด◌ี สิ่งแวดล้อม, rapport soutenu dans le cadre d’une formation des juges du premier degré (promotion 11), Institut du développement des fonctionnaires de la juridiction judiciaire, Office de la juridiction judiciaire, 2013, pp. 10-16.

547 Voir. Oraphan Na Bangchang อรพรรณ ณ บางช้าง et Itiphol Srisaowalak อิทธิพล ศรีเสาวลักษณ์, Les méthodes

d’évaluation monétaire des conséquences écologiques dans la procédure judiciaire แนวทางการประเมินมูลค่าทาง

เศรษฐก◌ิจจากผลกระทบทางด◌้านสิ◌่งแวดล้อมเพ◌ื◌่อสนับสนุนกระบวนการย◌ุต◌ิธรรม, Bangkok, Centre de recherche de Rabhibhadanasadi, Office de la juridiction judiciaire, 2009, pp. 3-6 à 3-8.

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En droit français, une disposition comparable est prévue à l’article L.162-9 du code de l’environnement548 qui vise à réparer des dommages affectant les eaux et les espèces et habitats. Cependant une compensation financière n’est pas la voie privilégiée. C’est une mesure additionnelle si la réparation primaire ou complémentaire, à savoir la remise effective en l’état initial, n’a pas produit son effet.

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