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Section préliminaire : L’introduction au droit thaïlandais

B. Le juge administratif

Le contrôle de l’administration était absent dans l’ancien droit de Siam. Avant 1932, la Thaïlande était sous la monarchie absolue. Le roi détenait seul le pouvoir souverain. Les organes de l’État exerçaient leurs pouvoirs au nom du roi. L’État n’était pas responsable de ses actions sauf si l’organe acceptait au cas par cas de devenir une partie au conflit 159. En cas de refus, le demandeur disposait d’une possibilité de pétitionner le roi160.

Peu de changement intervient pendant les grandes réformes juridiques et administratives du XIXème siècle. Malgré la création par le Roi Chulālongkorn (Rama V) du « Council of State » (Conseil d’État) en 1874, celui-ci n’avait qu’une vocation consultative. Cependant, le principe de l’ancien régime selon lequel l’administration a la prérogative de ne pas comparaître devant les tribunaux continuait à s’appliquer. Ce principe s’étendait aussi au juge, aux agents d’exécution et aux agents dont les compétences étaient liées par la loi. Les personnes de droit privé qui assuraient une mission de service public étaient aussi protégées161. A partir de 1932, le pouvoir souverain appartient désormais au peuple. La Constitution reconnaît l’égalité de toute personne devant la loi162, supprimant ainsi le privilège de l’administration. La pétition au roi n’est plus une condition de recours contre les agents de l’État devant le juge judiciaire. La Constitution E.B. 2492 (1949) 163 et les Constitutions promulguées par la suite ont expressément reconnu le droit de recours à la justice contre les personnes publiques qui engageraient leur responsabilité à la place de leurs agents.

Il fallut attendre la Révolution démocratique de 1932 pour que le Conseil d’État soit doté d’un pouvoir juridictionnel, inspiré du modèle français, en 1933. Cette compétence restait caduque car aucune loi d’application ne fut adoptée. La nouvelle loi sur le Conseil d’État de 1979 créa le Conseil du contentieux administratif au sein du Conseil d’État en lui conférant un pouvoir de statuer sur certains recours contre l’administration tel que le recours pour excès

159 Le principe était que le roi et le gouvernement ne pouvaient pas être attaqués en justice pour l’infraction civile,

sauf si l’organe en cause acceptait au cas par cas de devenir le défenseur du litige. Voir. Bounchauy Vanikkul

บ◌ุญ

ช่วย วณิกก◌ุล, Principe du droit de l’infraction civil หลักกฎหมายประท◌ุษร้ายทางแพ◌่ง Eèr de Rattanakosin 129 (1911), Pranakon, 3e édi. 1920, pp. 27-29.

160 Thaïlande, la Charte de la Cour de justice R.E. 127 (1909), art. 5. 161 Thaïlande, Cour suprême, décision n°520/121 (1903).

162 Thaïlande, Constitution E.B. 2497 (1932), art. 12 : « Toute personne sont égaux en droit. Les rangs de noblesse,

par la naissance ou par nomination, ne peuvent créer aucun privilège à quiconque ».

163 Thaïlande, Constitution E.B. 2492 (1949), art. 55 : « Est garanti à toute personne le droit de recours à la justice

à l’encontre de l’Etat, les entreprises publiques, les collectivités territoriales et toutes autres personnes publiques afin de leur tenir responsable des actions ou d’une carence de leurs agents ».

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de pouvoir. Cependant, sa décision n’avait pas d’autorité de chose jugée. Elle devait être transférée au Premier ministre pour son consentement, donc selon une forme de justice retenue. Des débats sur la création d’une véritable juridiction administrative continuèrent de 1988 à 1997 et furent clôturés par le choix fait par les Constituants de 1997 : la création d’une juridiction administrative séparée de la juridiction judiciaire.

La juridiction administrative fut instituée par la loi sur l’établissement des tribunaux administratifs et de la procédure administrative de 1999 (B.E. 2542). Elle est opérationnelle depuis 2001, remplaçant la Cour du contentieux administratif au sein du Conseil d’État. Elle se compose de deux échelons de juridictions : la Cour administrative suprême et les tribunaux administratifs de première instance. La Cour administrative suprême est compétente en appel pour les recours contre les jugements des tribunaux administratifs et en premier et dernier ressort pour les litiges concernant les actes adoptés par le Conseil des ministres.

La juridiction administrative française tente d’éviter le gouvernement des juges. Au contraire, l’institution de la juridiction administrative thaïlandaise tente de garantir son indépendance par rapport à l’exécutif164.

La répartition des compétences entre les deux ordres trouve sa source dans la loi sur l’établissement de la juridiction administration. Celle-ci traite les litiges concernant le contrôle de la légalité des règlements et actes administratifs, l’engagement de la responsabilité de l’administration, les entreprises publiques, l’administration locale, les agents de l’État et les litiges concernant les contrats administratifs. Ces litiges peuvent être entre administrations ou entre l’administration et un individu. Une loi prise ultérieurement à l’établissement de la juridiction administrative peut intervenir dans cette répartition de compétences.

164 Cette volonté se manifeste à travers le système organisationnel de la juridiction. Tout d’abord, le secrétariat de

la juridiction est assuré par un organe indépendant de l’administration de l’État. Ensuite, une commission judiciaire de la juridiction administrative est responsable de la discipline et de la promotion. Puis, les magistrats sont recrutés par un concours national parmi les personnes qualifiées, à savoir les juristes de droit public ayant acquis une expérience dans la fonction publique. Pourtant, le Président de la Cour administrative suprême, nommé par la Commission judiciaire de la juridiction administrative, doit être approuvé par le Sénat, le Premier ministre et par le Roi.

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Partie I

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