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L’intervention en amont de l’application des normes à travers l’avis consultatif

Section II Le contrôle de la limitation des droits et libertés

2. L’intervention en amont de l’application des normes à travers l’avis consultatif

Le Conseil d’État rend l’avis juridique à la demande de l’administration et d’autres personnes publiques, mais aussi sur l’ordre du Premier ministre ou du Conseil des ministres456. Les avis émis par le Conseil d’État n’ont pas d’autorité de chose jugée. Ils lient les personnes publiques demandeurs en vertu de la Résolution du Conseil des ministres du 28 février E.B. 2482 (1939). Conformément aux règlements internes, le Conseil d’État ne peut pas statuer si l’affaire est déjà en contentieux devant une des juridictions.

Le Conseil d’État peut être amené à statuer sur l’interprétation d’une disposition législative ou réglementaire par l’autorité compétente avant l’exécution de celle-ci ou l’adoption d’un acte administratif d’application. Par exemple, le ministère de l’industrie a saisi le Conseil d’État pour avis sur les démarches à suivre en l’absence de disposition législative d’application du deuxième alinéa de l’article 67 de la Constitution de 2009 sur l’obligation de soumettre les projets ou activités susceptibles de produire des effets graves sur l’environnement les études d’impact et la consultation préalable du public. Le Conseil d’État considère que

455 Thaïlande, Office du Conseil d’Etat, Guide de légistique, 2008, disponible en ligne

sur http://web.krisdika.go.th/data/legalform/lawSubform/pdf-kidsadeeka.pdf .

La limitation des droits et libertés dans le but de la durabilité des ressources naturelles | 163

l’article 67 est immédiatement applicable dès l’entrée en vigueur de la Constitution, et que, en l’absence de loi d’application, le ministère peut délivrer les permis d’exploitation en appliquant les dispositions existantes sur les études d’impact et la consultation du public 457 . Les dispositions existantes sont celles prévues dans la loi ‘Promotion et préservation de la qualité environnementale’ E.B. 2535 (1992) et la Résolution du Conseil des ministres sur les procédures de consultation du public.

Un autre exemple intéressant serait l’avis du Conseil d’État rendue suite à la saisine par les Aéroports de la Thaïlande, une entreprise publique, dans le cadre du projet de l’expropriation des terrains aux alentours de l’aéroport de Suvannibhumi dans l’objectif de résoudre des problèmes liés aux pollutions sonores458. Le projet a été abandonné suite à l’avis du Conseil d’État sur la non-conformité du projet à la garantie du droit de propriété.

En dehors de notre sujet, le Conseil d’État était saisi par le ministère de l’éducation sur la conformité, avec la garantie d’un droit égal à l’éducation prévue à l’article 49 de la Constitution de 2007, de la proposition, par les écoles publiques, des formations payantes, en plus de la formation de base. Le Conseil a été d’avis que le caractère payant des formations complémentaires de la formation initiale (les excursions pendant les vacances scolaires, les cours de langues étrangères par les instructeurs de langue maternelle, les cours de musique le soir, etc.) n’est pas attentatoire au droit égal à l’éducation, compte tenu de son caractère spécial et du coût important de l’organisation de ces formations459.

Le contrôle a posteriori de la limitation des droits et libertés

assuré par le juge et les autorités constitutionnelles indépendantes

Comme l’explique Dimitri Löhrer, l’effectivité de la garantie des droits fondamentaux est généralement associée au contrôle assuré par les organes juridictionnels, dont la spécificité est de prononcer des décisions revêtues de l’autorité de chose jugée s’imposant à leurs destinataires. Cependant, la garantie juridictionnelle, marquée de souplesse, ne permet pas de garantir une protection optimale des droits. Les instances de garantie non juridictionnelle proposent la garantie des droits par la voie du dialogue et de la persuasion460.

457 Thaïlande, Conseil d’Etat, avis n° 491 – 493/2552 (2009). 458 Thaïlande, Conseil d’Etat, avis n°409/2551 (2008). 459 Thaïlande, Conseil d’Etat, avis n°463/2551 (2008).

460 Dimitri Löhrer, La protection non-juridictionnelle des droits fondamentaux dans le droit constitutionnel

En Thaïlande, le contrôle juridictionnel est accompagné par le contrôle non- juridictionnel pour mieux garantir l’efficacité de la protection des droits et libertés. Sera examiné tout d’abord, le contrôle juridictionnel enchanté par l’invocabilité et l’applicabilité directe (A) et le contrôle a posteriori de limitation des droits et libertés assuré par les autorités constitutionnelles indépendantes (B).

A. Le contrôle juridictionnel entraîné par l’applicabilité et l’invocabilité directe

Les règles de droit n’acquièrent leur véritable force qu’à l’instant où elles trouvent à leur disposition un organe juridictionnel habilité à sanctionner leur violation. Le contrôle juridictionnel est appréhendé comme le mode de contrôle le plus abouti et le plus efficace des droits fondamentaux, eu égard à l’indépendance, l’impartialité du juge, mais aussi à sa capacité de prononcer l’annulation des actes portant atteinte aux droits fondamentaux461.

Depuis 1997, la Constitution thaïlandaise reconnaît à toute personne dont les droits et libertés constitutionnellement garantis sont violés le droit d’invoquer les dispositions de la Constitution pour intenter une action en justice ou se défendre devant les juridictions462. S’il existe une loi qui prévoit les conditions d’exercice d’un droit ou d’une liberté garanti par la Constitution, l’exercice dudit droit ou de ladite liberté doit se conformer aux dispositions législatives.

C’est un principe reçu du droit allemand, à savoir la Rechtswegsgarantie, mais aussi le cœur du Rechtsstaat (État de droit) puisqu’il garantit le contrôle juridictionnel des actions des autorités publiques et, par conséquent, l’effectivité de la garantie constitutionnelle des droits et libertés463.

461 Dimitri Löhrer, op. cit., pp. 62-63.

462 Constitution du Royaume de la Thaïlande E.B. 2540 (1997), art. 28 :

« Toute personne peut se réclamer de la dignité de l’être humain et exercer ses droits et libertés sauf en violation des droits et libertés d’autrui ou en contravention avec la présente Constitution ou les bonnes mœurs.

Toute personne dont les droits et libertés reconnus par la présente Constitution sont violés peut invoquer les dispositions de la Constitution pour intenter une action en justice ou se défendre devant les juridictions ».

Les mêmes dispositions sont retrouvées à l’article 25 de la Constitution du Royaume de la Thaïlande E.B. 2560 (2017). Il est intéressant de noter que, dans la version de la Constitution du Royaume de la Thaïlande E.B. 2550 (2007), il est prévu en plus que « toute personne peut mener une action en justice pour contraindre les pouvoirs publics à procéder conformément aux dispositions de la présente section (droits et libertés du peuple thaïlandais). Si une loi détermine les conditions d’exercice d’un droit ou d’une liberté reconnus par la Constitution, l’exercice dudit droit ou de ladite liberté doit se conformer à la loi. »

463 Banjerd Singkaneti, Les principes fondamentaux des droits et libertés et de la dignité humaine, Bangkok,

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Par ailleurs, l’applicabilité directe des dispositions constitutionnelles garantissant les droits et libertés, c’est-à-dire la possibilité pour les judiciables de les invoquer devant le juge même en l’absence de loi d’application, est confirmée par la Cour constitutionnelle et par la Cour administrative suprême et aussi par le Conseil d’État464.

La Cour constitutionnelle465 a considéré qu’il va de l’esprit de la Constitution que la garantie des droits et libertés produise un effet juridique dès l’entrée en vigueur de la Constitution sans qu’une loi soit adoptée pour l’appliquer. Au cas où une autorité publique ne respecte pas cette disposition constitutionnelle, les personnes et communautés peuvent exercer leur droit de l’assigner en justice devant la juridiction administrative compétente pour la contraindre à exercer ses fonctions conformément à la Constitution.

La Cour administrative suprême, en se référant à la décision numéro 3/2552 (1999) de la Cour constitutionnelle sur l’interprétation de cet article, a émis une ordonnance pour suspendre soixante-sept activités et projets de développement industriel dans le district de Mabtapud, province de Rayong, confirmant ainsi l’applicabilité directe du deuxième alinéa de l’article 67 de la Constitution E.B. 2550 (2007)466.

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