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Section préliminaire : L’introduction au droit thaïlandais

2. Le développement d’un droit plus structuré

à partir de la seconde moitié du XIVème siècle

Le roi Ramathibodi Ier (Uthong) a fait de la ville d’Ayutthaya la capitale de son royaume en 1351, et a annexé Sukhothai l'ancienne capitale plus tard en 1376. Le développement d’un droit plus structuré est intervenu sous le Roi Baromrajadiraj II d’Ayutthaya (1424 – 1448) après avoir conquis l’Angor Thom, la capitale du Royaume de

Khmer. Les conseillers khmers apportèrent avec eux le concept hindouiste de la théocratie ou de la monarchie de droit divin qui conférât une autorité absolue au roi. Le Siam a été souvent en guerre avec la Birmanie.

129 G. COEDES, les Etats hindouisés d’Indochine et d’Indonésie, Paris, E. de Boccard, 1948, p. 346, cité par

PONGSUWAN, Prasat, VENEZIA, Jean-Claude, le contentieux administratif en droit thailandais entre son passé et son avenir, thèse de doctorat. Droit public. Paris 2, 1998, p. 17.

130 Thaïlande, le Stèle gravé n°1 Face 1 : « Ceux qui désirent vendre des éléphants, des chevaux, vendent. Ceux

qui désirent vendre des maisons, de l’or, vendent » ; « Lors du décès de toute personne, sa maison, ses vêtements, ses éléphants, (…), ou bien ses plantations passent à ses enfants ». Le Stèle gravé n°1 Face 2: « Les plantations de cocotiers, les manguiers, les tamariniers, appartiennent à ceux qui les plantent ».

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L’Ayutthaya était ouverte aux commerçants étrangers, y compris les Chinois, les Indiens, les Japonais et les Persans. Plus tard les Portugais, les Espagnols, les Hollandais, les Britanniques et les Français ont eu la permission d’installer des villages en dehors des murs de la ville. La cour du roi Narai (1656-1688) a tissé des liens très forts avec celle du roi Louis XIV de France, dont les ambassadeurs ont comparé la ville à Paris, par sa taille et sa richesse.

Les Birmans pillèrent Ayutthaya en 1569 et la détruisirent en 1767. Le roi Taksin déclara l’indépendance et déménagea sa capitale plus au sud, à Thonburi, et la dynastie Chakri la transporta à Bangkok.

Sous Ayutthaya (1351-1767), le droit devint progressivement plus structuré. Selon les historiens, l’ancien droit de Siam fut le droit pratiqué à cette époque. La connaissance de l’ancien droit siamois n’est pas étrangère au monde académique français. Robert LINGAT, docteur en droit et Conseiller auprès des tribunaux thaïlandais entre 1924 - 1940 publia de nombreux articles sur l’histoire du droit siamois.

Les anciennes lois qui s’échelonnent sur toute la durée du royaume d’Ayutthaya, depuis sa fondation en 1350 furent compilées en 1805. Il s’agit des codes de trois Sceaux (

กฎหมายตราสามดวง

, Kot-mai-tra-sam-duang). Ce code permet de saisir notamment l’état du droit à la fin de la période d’Ayutthaya, et, pour certaines parties, remontent aux débuts du royaume siamois131.

L’ancien droit siamois porte des traces manifestant l’influence indoue. A côté de la coutume, il exista une autre source de droit, qui n’est rien d’autre que le dharmaçāstra,

apport spécifique de la civilisation hindoue132. Ce dharmaçāstra indou regroupe les principes dont les hommes doivent s’inspirer dans leur conduite afin de vivre une vie méritoire et ne pas troubler l’ordre social. Ils sont analogues à la théorie occidentale du droit naturel, droit préformé et supérieur aux sociétés humaines.

Tandis que les théoriciens occidentaux du droit naturel se préoccupent avant tout d’expliquer le fondement de la règle juridique, les Indous ont tiré de ces conceptions un ensemble de règles assez précises et détaillées pour que le droit positif soit relégué au second plan. Pourtant, leur fondement était peu expliqué. Les dharmaçāstras sont représentés comme

l’œuvre de personnages divinisés qui, grâce à leur communication avec les dieux, ont obtenu la révélation des lois qui doivent maintenir l’harmonie entre les hommes.

131 Robert LINGAT, « L’influence indoue dans l’ancien droit siamois », Conférences 1936 par Robert LINGAT

et Denise PAUL ME, Paris, Les éditions Domat-Montchrestien, F. Loviton et Cie, 1937, p. 1.

Les dharmaçāstras, expression du droit naturel, réglementent toute l’activité juridique des hommes. Le caractère précis et détaillé du dharmaçāstra aurait pour effet une minimisation de la fonction législative du roi. La mission essentielle fut réduite au maintien de la paix entre ses sujets. Il dut veiller à la bonne administration de la justice et remplit le rôle de juge suprême dans les contestations entre eux. Il put et dut édicter des châtiments contre ceux qui troublaient l’ordre ou encore fixer des règles de procédure devant les tribunaux et la marche à suivre devant eux. Le roi n’édicta que l’enveloppe externe du droit. Le fond du droit était contenu dans la coutume immémoriale et dans le Dharmaçāstra. Ces édictions royales forment

ce qu’on appelle au Siam et en Birmanie le Rājaçāstra. Le Dharmaçāstra est supérieur au Rājaçāstra et lui confère une autorité transcendante. Lorsque ces décisions Rājaçāstra n’étaient

pas conformes au Dharmaçāstra, elles ne faisaient pas autorité. Seules les décisions royales

conformes à l’équité, Dharmaçāstra, se confondaient avec lui et furent investies de la même

autorité.

Sur ce point, nous pouvons constater une certaine ressemblance au niveau fonctionnel entre les dharmaçāstras et la conception de la primauté de la constitution qui

domine le paysage juridique mondial à ce jour. Ils fixent tous deux des limites au contenu des règles édictées par le souverain. La différence intervient au niveau substantiel. En effet, la conception indoue se concentre sur les « devoirs » et non sur les « droits ».

La fonction d’encadrement du pouvoir des dharmaçāstras s’étendit à d’autres

prérogatives souveraines. Les règles qu’ils renferment s’imposent, non seulement aux personnes chargées de rendre la justice, mais aussi aux rois. Le devoir du roi de maintenir l’ordre entre les sujets ne serait atteint qu’en s’inspirant des principes formulés dans les

dharmaçāstras133. Ils seraient comparables, à ce titre, au concept occidental de l’Etat de droit. Il faudrait préciser que les dharmaçāstras en ancien droit siamois ne

correspondraient pas complètement aux dharmaçāstras indoues. Ils avaient peu à peu perdu

leur caractère brahmique et s’étaient transformés en dharmasattham bouddhiques134.

Quant au contenu des règles juridiques, il existait, dans l’ancien droit d’Ayutthaya, des règles qui seraient analogues à la garantie du droit à la vie et à l’interdiction des traitements inhumains d’aujourd’hui. La loi sur les esclaves leur garantit certains intérêts et interdît des traitements inhumains. Le travail des esclaves était considéré comme le remboursement d’un prêt. Les esclaves n’appartenaient donc pas à leurs maîtres. La punition à

133 Ibid.

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mort et le viol des esclaves femmes étaient interdits135. Ils avaient le droit au procès136. Ce droit au procès leur permettait de se libérer lorsqu’ils avaient rempli leurs obligations découlant d’un prêt. Ils avaient aussi le droit de propriété et le droit à une succession. De même, il est aussi interdit d’agresser les réfugiés politiques et de prendre leurs biens par la force137. Cela garantit le droit à la vie et le droit de propriété. La protection des droits et libertés dans l’ancien droit de

Rattanakosin (1782 – nos jours) est en continuité avec le droit d’Ayutthaya.

Il paraît que les rois de siam ne se sont pas mis véritablement à légiférer avant la seconde moitié du XIXème siècle lorsque le Dharmaçāstra a cédé sa place aux conceptions modernes qui étaient reçues de l’occident.

B. La modernisation du droit à partir de la fin de XVIIIème siècle

Le processus de modernisation du droit privé et de l’organisation juridictionnelle débuta dès les années 1890 sous le règne du Roi Chulālongkorn – Chula-Chom-Klao (Rama V)

(

จุลจอมเกลา

; 1853–1910) (1). La modernisation du droit public n’intervînt que plus tard, après la révolution siamoise de 1932 (2).

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