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Section préliminaire : L’introduction au droit thaïlandais

B. Les principes fondamentaux et les structures du droit

Nous constatons parmi les principes juridiques les plus importants en droit thaïlandais, ceux qui s’appliquent également en droit français. Il convient d’abord d’examiner les principes relatifs à l’application de la règle de droit dans l’espace et dans le temps (1) puis les grandes structures du droit (2).

1. L’application de la règle de droit dans l’espace et dans le temps

Tout d’abord, conformément au principe de territorialité, le droit thaïlandais s’applique à toute personne se trouvant sur le territoire du royaume, citoyen du pays ou non,

152 Ibid., p. 31.

ainsi qu’à tout acte ou tout fait survenus sur le territoire. Les exceptions n’existent que si elles sont prévues par la loi ou par le droit international.

Ensuite, il est indispensable de préciser que des principes universels de non

rétroactivité des lois et d’effet immédiat de la loi nouvelle s’appliquent aussi en droit

thaïlandais. Le jour de son entrée en vigueur est inscrit dans le texte même. Il est en général fixé au jour suivant le jour de la publication de la loi dans le journal officiel, dans le but d’informer le citoyen au préalable. En cas d’urgence, il est possible de prévoir l’entrée en vigueur le jour même de la publication dans le journal officiel. Mais elle peut également être fixée à une date ultérieure, laissant ainsi le temps à l’administration d’adopter les modalités de son application. Finalement, il est aussi possible de renvoyer la fixation de la date par un décret d’application sur tout le territoire, ou pour certaines parties du territoire.

La dérogation au principe de non rétroactivité des lois est possible si la loi le précise et si la dérogation n’est pas contraire à la Constitution. La Constitution de 2017 reprend la disposition des Constitutions antérieures sur le principe de légalité des délits et des peines et le principe de non rétroactivité de la loi pénale plus sévère. En effet, nul ne sera condamné pour des actions ou omissions qui, au moment où elles ont été commises, ne constituaient pas un acte délictueux154 d'après une loi. De même, il ne sera infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'acte délictueux a été commis.

En cas de conflits des normes dans le temps, comme en droit français, la loi nouvelle abroge la loi antérieure contraire. Et la loi spéciale déroge à la loi générale. La loi nouvelle générale ne déroge pas à la loi spéciale antérieure.

2. Les grandes structures du droit

Le droit thaïlandais est assez complexe et régit presque tous les angles de la société. A l’heure actuelle, il existe sept codes, plus de huit cents lois et d’innombrables règlements. La doctrine thaïlandaise a repris la division du droit romano-germanique en divisant le droit en deux branches principales : le droit public et le droit privé.

a. Le droit public

Le droit public thaïlandais se définit comme le droit qui régit les relations entre l’État ou les organes de l’État et les citoyens en tant qu’administrateur. Il comprend le droit

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constitutionnel (i), le droit administratif (ii), et contrairement au droit français, le droit pénal (iii) et le droit de la procédure civile et administrative.

La seule différence majeure entre le droit français et le droit thaïlandais est que l’État thaïlandais n’a pas de personnalité juridique. Ce sont les ministères qui l’ont.

i. Le droit constitutionnel

Il convient tout d’abord de préciser les grands principes de la souveraineté, la séparation des pouvoirs et l’organisation des pouvoirs. En premier lieu, la Thaïlande est un État unitaire indivisible. Le régime politique est celui de la monarchie constitutionnelle et de la démocratie parlementaire.

En vertu de l’article 3 de la Constitution, « la souveraineté appartient au peuple.

Le Roi, chef de l’État, l’exerce à travers le Parlement, le Conseil des ministres et les juridictions en conformité avec les dispositions de la présente Constitution». Cette disposition est l’héritage d’un compromis. Le Roi n’exerce pas réellement ce pouvoir souverain. Si la Constitution lui confère certains pouvoirs, ceux-ci ne sont que des formalités pures et simples. En outre, « la

souveraineté appartient au peuple » doit être néanmoins nuancée car la démocratie

représentative prime sur la participation directe du public. Le Parlement détient le pouvoir législatif. Le Conseil des ministres exerce le pouvoir exécutif, donc il est le chef de l’administration.

L’État thaïlandais est marqué par une forte centralisation lorsqu’il s’émergea en tant qu’État moderne au cours du XIXème siècle. L’organisation centralisée de l’État est un héritage de l’effort de l’unification de la nation sous le Roi Chulālongkorn et de la résistance à

l’ambition coloniale des États européens. La décentralisation et la démocratie participative acquièrent une place de plus en plus importante dans les Constitutions de 1997 et de 2007. La dernière décennie est marquée par le mouvement de décentralisation des pouvoirs et par la création de ressources fiscales propres aux collectivités. La participation directe du public s’exerce par la voie traditionnelle du référendum, par l’initiative des lois proposées par des citoyens et par une pétition réclamant la destitution pour le motif de corruption.

ii. Le droit administratif

Par l’adoption de la loi sur la procédure administrative de 1996, le droit administratif thaïlandais a franchi une étape. Cette loi a pour l’objectif de donner au citoyen le droit de contredire l’administration, de prévenir l’abus de pouvoir et d’améliorer la qualité de l’administration de l’État.

En vertu de cette loi, la définition de l’acte administration correspond à l’acte administratif individuel en droit français. L’acte administratif réglementaire du droit français n’entre pas dans cette définition. Cette loi prévoit certains principes qui, en France, sont créés par la jurisprudence : le principe de légalité des actes administratifs, le principe d’impartialité, le droit de l’administré d’être entendu et le droit à la défense de celui-ci et l’obligation de l’administration de motiver l’acte. La loi sur la procédure administrative ne mentionne pas le contrat administratif, laissant le soin de le définir au juge. Il n’en reste pas moins que des autres lois qualifient certains contrats de contrats administratifs.

La loi sur la responsabilité de l’administration de 1996 (B.E. 2539) prévoit que l’administration est responsable de ses actes. Les victimes doivent agir contre l’administration. Les agents de l’État n’engagent pas leur responsabilité personnelle pour des actes commis dans leur fonction.

iii. Le droit pénal

Le droit pénal thaïlandais comporte la garantie des droits de l’homme et des principes fondamentaux assez comparables au droit français, en dehors de l’existence de la peine de mort et du crime de lèse-majesté. Le principe de légalité exige que, pour qu’il y ait une infraction, il faut que le comportement soit incriminé par le droit pénal. L’incrimination doit être claire et précise. Elle doit indiquer les éléments constitutifs des infractions. Le principe d’individualisation de la peine qui donne au juge le pouvoir de prononcer des peines inférieures au maximum encouru, le principe de l'interprétation stricte de la loi pénale et la non rétroactivité de la loi pénale plus sévère sont bien prévus par la loi.

b. Le droit privé

Le Code civil thaïlandais est marqué par l’influence du Code civil napoléonien. Même si le créateur du Code s’est inspiré du Code civil japonais, en l’adaptant à la tradition juridique propre au pays et aux caractéristiques de la société thaïlandaise. Celui-ci est influencé à son tour par le Code civil allemand, qui est lui-même influencé par le Code civil français.

Comme en droit français, la personnalité juridique est attribuée aux personnes physiques et morales155. Par ailleurs, une disposition équivalente se trouve en droit thaïlandais : la personnalité juridique d’une personne physique apparaît à la naissance et disparaît à la mort

155 Les personnes morales de droit privé sont régies par l’article 65 du Code civil et commercial. Il existe aussi des

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de l’individu. La spécificité du droit thaïlandais consiste en ce que les droits subjectifs n’existent pas sans l’existence de la personne qui les détient. L’existence d’un droit subjectif est donc conditionnée par l’existence de la personnalité juridique.

L’organisation juridictionnelle

Tout d’abord, en droit thaïlandais, la garantie de l’indépendance du juge découle du principe de séparation des pouvoirs. Ce principe a été consacré dès 1932 156 . La garantie de l’indépendance est renforcée au fils du temps, au niveau de la sanction disciplinaire des magistrats157 et au niveau du système de rémunérations indépendantes158.

L’actuelle Constitution fait référence aux juridictions judiciaire, administrative, constitutionnelle et militaire. Une partie de la doctrine thaïlandaise divise ces juridictions en trois ordres distincts : judiciaire, administratif et militaire. D’autres soutiennent qu’il n’existe que deux ordres de juridictions : judiciaire et administratif. Nous n’allons examiner ici que les juridictions judiciaire (A) et administrative (B), puisque le domaine de compétence de la juridiction militaire n’est pas dans le champ de notre recherche.

A. Le juge judiciaire

L’organisation juridictionnelle contemporaine est l’œuvre de la loi sur l’organisation des Cours de justice du 1er octobre 1935. Cette loi a été révisée plusieurs fois depuis son entrée en vigueur. Le principe du double degré de juridiction s’applique aussi en Thaïlande. Les juridictions judiciaires de première instance se composent des juges de droit commun et des juges spécialisés dont le juge des enfants, le juge du travail et le juge fiscal. Les juges de droit commun sont divisés en juge pénal et juge civil. La Cour d’appel est le juge de droit et le juge de fait. Elle connaît les litiges de toute nature. La Cour suprême est, à la différence de la Cour de cassation française, le juge de droit et le juge de fait.

156 Constitution du Royaume de la Thaïlande, E.B. 2475 (1932), art. 60 : « Les juges sont indépendants dans

l’exercice de la fonction judiciaire, conformément à la loi ».

157 Constitution du Royaume de la Thaïlande B.E. 2489 (1946), art. 84 « la nomination, l’avancement, soit de

grade, soit d’échelon, le déplacement, la destitution des juges doivent être conformes à l’avis de la Commission des juges judiciaires, conformément à la loi sur le statut des juges ». Cette disposition constitutionnelle apparaît aussi dans les Constitutions suivantes.

158 L’indépendance atteint son apogée en 1997 (B.E.2540) lorsque le secrétariat de la Juridiction judiciaire n’est

plus placé sous l’autorité du ministère de la Justice. L’Office de la juridiction judiciaire acquiert un statut d’autorité indépendante et doté de l’autonomie administrative et financière conformément à la loi. La Constitution de 2007 instaure un système de rémunérations indépendantes.

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