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L’intérêt général comme exigence constitutionnelle imposée au pouvoir public

Section I L’objectif de la durabilité des ressources naturelles,

B. L’intérêt général comme exigence constitutionnelle imposée au pouvoir public

L’« intérêt général » revêt une importance primordiale en droit constitutionnel thaïlandais pour deux raisons. La première, c’est qu’il constitue l’un des motifs de limitation des droits et libertés. La seconde, c’est qu’il est une exigence générale de valeur constitutionnelle imposée à toutes les autorités publiques.

Celui-ci ne correspond pas tout à fait à l’intérêt général en droit français, d’où la nécessité d’examiner, de prime abord, le concept et le contenu de

ประโยชน์สาธารณะ

(pra-yoch- sa-tha-ra-na) (intérêt public ou intérêt général) d’un point de vue comparatif (1). Ensuite, nous examinerons les fonctions de l’intérêt général (2). Il a été avéré que, même si l’intérêt général est, en principe, un instrument d’encadrement du pouvoir, en réalité il sert aussi à légitimer l’exercice du pouvoir.

limiter un droit ou une liberté d’un degré disproportionné à l’objectif poursuivi, et ne doit pas préjudicier à la dignité humaine de la personne. Le motif reposant sur une nécessité doit y être spécifié.

La loi visée au premier paragraphe du présent Article est d’application générale et ne doit pas viser un cas ou une personne en particulier ».

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1. Le concept et le contenu de ประโยชน์สาธารณะ

(intérêt public ou intérêt général) en droit thaïlandais

Pour mieux saisir le concept de l’intérêt général en droit thaïlandais, il est d’abord indispensable d’expliquer l’étymologie de la notion. La notion citée le plus souvent dans les constitutions et les lois est la notion de «

ประโยชน์สาธารณะ

» (pra-yoch-sa-tha-ra-na). Le

ประโยชน์สาธารณะ

est un mot composé de deux mots d’origine Sanskrit : «

ประโยชน์

» (pra- yoch) (฀฀฀฀฀฀฀ en Sanskrit), qui signifie « utilité », « intérêt », « avantage », et «

สาธารณะ

» (sa- tha-ra-na) (฀฀฀฀฀฀ en Sanskrit) qui signifie « public ».

La traduction littérale du terme de «

ประโยชน์สาธารณะ » (pra-yoch-sa-tha-ra-na)

serait : « l’intérêt public ». La question se pose, néanmoins, de savoir si la notion qui ferait une traduction la plus adéquate serait « intérêt public » ou « intérêt général ». Les deux notions sont employées par le juge administratif français et elles sont admises comme des synonymes par les dictionnaires juridiques198. Une tentative de distinction a été opérée par le professeur Maryse Deguergue199. En effet, l’intérêt public est employé par le juge administratif pour désigner l’intérêt des personnes publiques par opposition aux intérêts privés que poursuivent les individus. L’intérêt général, au contraire, est censé traduire la volonté générale de la nation. C’est l’intérêt de l’ensemble des « nécessités humaines » 200. Cette conception est connue en tant qu’approche « volontariste » qui prédomine en France201.

Dans la doctrine occidentale, il y a deux représentations de l’intérêt général : la conception utilitariste et la conception volontariste. Pour les défenseurs de la conception

198 V. Gérard Cornu et Association Henri Capitant, Vocabulaire juridique, Paris, PUF, 2000, p. 472

199 Dans la jurisprudence du Conseil d’État, les intérêts publics renvoient soit à un intérêt public local ou à un

intérêt public national. L’intérêt public local est défendu par une collectivité locale conformément au principe de la libre administration des collectivités territoriales, au nom de leur identité. Alors que l’intérêt public national renvoie à l’intérêt des personnes publiques par opposition aux intérêts privés que poursuivent les individus. L’intérêt général, au contraire, est censé traduire la volonté générale de la nation. Cet intérêt général n’est pas perçu comme une composante des intérêts particuliers ni l’intérêt de la communauté en tant qu’entité distincte, mais un intérêt commun qui dépasse et transcende les intérêts particuliers des membres. Maryse Deguergue, « Intérêt général et intérêt public : tentative de distinction », L’intérêt général : Mélanges en l’honneur de Didier Truchet, Dalloz, 2015, p.139.

200 Jean Waline, Droit administratif, Paris, Dalloz, 2016, p. 11.

201 Véronique Coq, Nouvelles recherches sur les fonctions de l’intérêt général dans la jurisprudence

administrative, Paris, l’Harmattan 2015, p. 19. Voir aussi Réflexions sur l’intérêt général - Rapport public du Conseil d'État (1999).

utilitariste, l’intérêt général émerge de la poursuite des intérêts particuliers202. Les philosophes des Lumières, défenseurs de la conception volontariste, quant à eux, distinguent les intérêts privés de l’intérêt général. Selon Jean-Jacques Rousseau, les premiers concernent la satisfaction des désirs personnels alors que le second concerne le bien de la société en son entier203. Dans le même ordre d’idées, l’intérêt général est conçu comme une composante de la République (Res Publica) par Cicéron204, et aujourd’hui comme le fondement du droit public205.

La doctrine thaïlandaise reprend plutôt la conception volontariste. A titre d’illustration, le professeur Vorapot Visrutpit 206 soutient que l’intérêt commun ou l’intérêt général n’est rien d’autre que les intérêts que les citoyens ont en commun. Cette explication doctrinale est pertinente au regard du droit positif. Les intérêts généraux cités par les constitutions du Royaume sont formulés de façon à désigner les intérêts supérieurs du pays. Ce sont, parmi d’autres, la sécurité et la sûreté de l’État ou de l’économie nationale 207.

Pour conclure, nous soutenons que la notion de «

ประโยชน์สาธารณะ »

(pra-yoch- sa-tha-ra-na) qui apparaît dans la Constitution thaïlandaise correspondrait mieux à celui de la

202 Ils fondent leur raisonnement sur la théorie de la « convergence des intérêts ». La somme des intérêts

particuliers réalise l’intérêt général. Adam Smith, par exemple, à travers la métaphore de la « main invisible », soutient que lorsque chacun agit selon ses propres intérêts privés, il réalise involontairement l’intérêt général. Voir G. Burdeau, Le libéralisme, Paris, Ed. du Seuil, 1979, p. 103.

203 Dans la perspective marxiste, l’intérêt général n’est qu’une illusion parce que les intérêts de groupes sociaux

antagonistes sont contradictoires, excluant toute possibilité de parvenir à la définition d’un intérêt commun. Voir Jacques Chevallier, « Déclin ou permanence du mythe de l’intérêt général », in L’intérêt général : Mélanges en l’honneur de Didier Truchet, Dalloz, 2015, p.87-88.

204 La République suppose la Réunion de trois choses : le consentement des individus qui forment le peuple, les

lois en tant que garantie et l’utilité commune comme finalité. V. Ciceron, De Republica I, XXV, 39.

205 L’intérêt général est, à ce titre, considéré comme un fondement du droit public. Contrairement aux règles de

droit privé ayant pour but d’assurer une coexistence harmonieuse entre les intérêts particuliers, les règles de droit public répondent à l’exigence de l’intérêt général. Voir Guillaume Merland, l’intérêt général dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, Paris, L.G.D.J., 2004, p.1.

206 Il a soutenu, par ailleurs, que chaque personne souhaite normalement la sécurité de sa personne et de ses

propriétés et la qualité de vie. Cela est conditionné par la sûreté du pays, l’ordre public intérieur, la richesse économique et la prospérité scientifique et artistique. En outre, cet intérêt général ne correspond pas toujours à l’addition des besoins et souhaits de chaque citoyen car nous pouvons souvent constater des actes privés qui compromettent l’intérêt général du public. Il n’est pas assimilable non plus à la politique publique définie par chaque gouvernement. D’ailleurs, cet intérêt peut être perçu comme étant radicalement différent d’une société à une autre et selon les époques. Voir Vorapot Visrutpit, Droits et libertés constitutionnels : étude sur la limitation des droits et libertés constitutionnellement garantis, Bangkok, Thailand’s research Fund, 1995, p.83.

207 D’autres intérêts expresséments prévus dans les dispositions constitutionnelles sont la protection du public en

rapport avec les services publics, l’ordre public et des bonnes mœurs, les services d’utilité publique, la réglementation de l’exercice des professions, la protection du consommateur, la planification urbaine et rurale, la préservation des ressources naturelles et environnementales, la protection sociale, la prévention des monopoles, ou encore l’élimination de la concurrence déloyale.

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notion d’ « intérêt général » en droit français208. En effet, ils correspondent tous les deux à l’intérêt commun de la société toute entière.

A ce titre, la préservation des ressources naturelles et environnementales, intérêt général de valeur constitutionnelle en Thaïlande, ou bien la préservation de l’environnement, intérêt général selon la Charte de l’environnement française, renverraient tous deux à l’intérêt supérieur de la nation toute entière.

2. L’exigence de l’intérêt général imposée aux pouvoirs publics :

l’instrument d’encadrement et de légitimation du pouvoir

L’intérêt général est le principe fondamental qui légitime le pouvoir de l’État. Dans la perspective tracée par Hegel, l’État est conçu comme le « dépositaire d’un intérêt

général commun à l’ensemble de la société » et il est censé « réaliser la synthèse des volontés

individuelles et incarner l’intérêt général, surmontant et dépassant les égoïsmes catégoriels »209 afin de ramener la société à l’unité.

L’intérêt général, en droit thaïlandais, n’est pas une norme en elle-même en n’imposant aucune obligation. L’intérêt général est un motif de limitation des droits garantis au citoyen depuis l’entrée en vigueur de la constitution E.B. 2492 (1949)210.

Afin de comprendre de manière approfondie cette fonction limitative des droits de l’intérêt général, il est nécessaire d’aller plus loin, en cherchant la philosophie de base. Dès lors, l’intérêt général est-il exigé, dans l’entreprise de limitation des droits et libertés, pour encadrer l’exercice du pouvoir, ou a contrario, pour légitimer l’exercice du pouvoir ?

208 Autre terme qui est aussi fréquemment employé, notamment dans le droit foncier, est « สาธารณะประโยชน์ » (sa-

tha-ra-na-pra-yoch). L’usage de ce terme correspondrait plus à celui de l’usage du public en droit français. Dans la Constitution, nous pouvons constater aussi l’usage des autres notions comme « ประโยชน์ส่วนรวม » (pra-yoch-suan- raum) qui serait traduit par l’« intérêt collectif » et aussi « intérêt commun », ou encore « ประโยชน์ของชาติ » (pra- yoch-khong-chat) qui serait traduit par l’« intérêt national ».

209 Jacques Chevallier, « Déclin ou permanence du mythe de l’intérêt général », L’intérêt général : Mélanges en

l’honneur de Didier Truchet, Dalloz, 2015, p.84.

210 Par exemple, la Constitution de 1949 prévoit la sûreté du pays et de l’économie nationale, la salubrité de la

population et la paix familiale comme des motifs de limitation de la liberté de choisir le domicile et la liberté de profession et l’expropriation est autorisée par le biais d’une loi ayant pour objectif la défense nationale, les services d’utilité publique, ou encore l’exploitation des ressources naturelles. Voir Constitution du Royaume de la Thaïlande E.B. 2492 (1949), art. 34 et 41.

En vertu du texte de la Constitution, l’exigence constitutionnelle de l’article 3 de l’actuelle Constitution thaïlandaise211 fait de l’intérêt général l’instrument d’encadrement

de l’exercice du pouvoir par les autorités publiques. Cette disposition n’est pas une

nouveauté de la Constitution de 2017. Elle date de la Constitution E.B. 2489 (1946) dont l’article 36 indique que les membres du Parlement doivent exercer leur devoir dans l’intérêt collectif du peuple thaïlandais. L’exigence d’exercer la fonction dans l’intérêt du pays est reprise et étendue au pouvoir exécutif dans la Constitution de 1949, de 1968212 et de 1974213. Nous la retrouvons également toutes les autres constitutions du royaume promulguées sous le régime démocratique de la monarchie constitutionnelle214.

Il nous semble que le texte a été validé par la pratique. Au niveau de l’adoption

des lois, il est de tradition en Thaïlande pour le législateur de préciser l’objectif d’intérêt général des lois. En remontant l’histoire du droit, les ordonnances royales, sous l’ancien régime

monarchique, précisaient le motif pour chacune des mesures prescrites. Dans les années 1920, avant la Révolution siamoise et l’avènement du régime démocratique, l’objectif de chacune des ordonnances et des lois royales était énoncé en préambule215. Cela s’inscrit dans la suite logique selon laquelle la relation entre le législateur et l’intérêt général est ambivalente. En tant qu’institution publique, il doit orienter son action vers l’intérêt du peuple. En tant qu’auteur de la loi et représentant élu de la nation, il est de sa légitimité de définir le contenu de cette notion.

Aujourd’hui, cet objectif est écrit dans l’exposé des motifs qui est en note en bas de chacune des lois. De cet objectif est déduit le contenu de l’intérêt général. Par exemple, la loi ‘forêt’ E.B. 2507 (1964) est adoptée dans le but de « conserver les ressources naturelles de

211 En effet, la Constitution du Royaume de la Thaïlande de 2017 précise, à l’article 3, que le Parlement, le Conseil

des ministres, le juge, les autorités indépendantes et l’administration, doivent exercer leurs devoirs conformément à la Constitution, la loi et au principe de Nitidham pour l’intérêt collectif du pays et de la Nation [«ประโยชนส◌์

◌่วนรวม

ของประเทศชาติ » (pra-yoch-suan-ruam-khong-pra-thed-chat) et pour le bonheur du peuple dans son ensemble. Le principe de Nitidharm est un principe correspondant au principe de Rule of Law anglo-saxon. Voir Partie I, Titre I, Chapitre II, Section II, I, A, 3.

212 Constitution du Royaume de la Thaïlande E.B. 2511 (1968), art. 97. 213 Constitution du Royaume de la Thaïlande E.B. 2517 (1974), art. 128. 214 Aujourd’hui, prévue à l’article 117 de la Constitution E.B. 2560 (2017).

215 Par exemple, il est exposé dans le préambule de la loi royale sur la sauvegarde des éléphants sauvages E.B.

2464 (1921) que « (…) conformément à la tradition royale et l’ancien droit, les éléphants sauvages trouvés sur le territoire du royaume appartiennent à l’Etat. La capture est soumise à l’autorisation du gouvernement qui conserve le droit de confisquer une partie des éléphants capturés pour l’usage de l’administration. (…) A l’heure actuelle, il n’y a plus de demandes d’autorisation. Certains demandeurs n’ont pas de moyen ni de capacité apte à l’élevage des éléphants. Les chasseurs illégaux mettent en danger les éléphants pour s’approprier les défenses d’éléphant. Ces causes ont entrainé une baisse importante du nombre d’éléphants sauvages. Il est donc nécessaire de modifier la loi afin de mieux protéger les éléphants sauvages contre le danger ainsi que de préserver des espèces d’éléphants sauvages du royaume ».

La limitation des droits et libertés dans le but de la durabilité des ressources naturelles | 79 valeur de la nation » et de « prévenir des effets négatifs de la déforestation sur le métier

d’agriculteur de la majorité de la population et donc l’économie du pays ». La loi ‘Promotion de la gestion des ressources maritimes et côtières’ E.B. 2559 a pour objectif « la définition des

règles de gestion, restauration, conservation des ressources maritimes et côtières et la prévention de l’érosion des côtes, ainsi que la promotion de la participation du public et des communautés locales à la gestion durable et équilibrée des ressources maritimes et côtières ».

Dans les textes les plus récents, l’objectif est parfois précisé au sein même de la loi ou du règlement. A titre d’exemple, l’article 55 de l’Ordonnance ‘Pêche’ E.B. 2558 (2015) précise que « les dispositions du présent livre ont pour objectif la conservation et la gestion

durable et équilibrée des ressources halieutiques et de l’écosystème conformément au principe de prévention ».

Au niveau du pouvoir réglementaire, le professeur Vorajet Bhakirat considère

que l’intérêt général est à la fois l’objectif de l’administration et le principe qui s’impose à elle lors de l’exercice de son pouvoir d’exécution des lois216. L’administration ne peut prendre une mesure pour satisfaire le besoin d’une personne en particulier217.

Cette fonction de l’intérêt générale avancée dans les textes et par la doctrine ne correspond pas tout à fait à la vérité dans la pratique. En réalité, l’intérêt général sert à la

légitimation du pouvoir dans la société moderne. La fonction de « légitimation » doit ici être

soulignée pour ne pas oublier que l’intérêt général est tout d’abord une création idéologique218. Il convient de préciser, en outre que, tant en France qu’en Thaïlande, l’intérêt général a un contenu évolutif. Il se prête mal à une définition précise car l’intérêt général, de nature contingente, renvoie aux besoins de la population qui dépendent des circonstances de temps, de lieu et de choix politique219. Par cette flexibilité inhérente au contenu large et imprécis comme

216 Vorajet Phakirat, le droit administratif général, Bangkok, Nitirat, 2011, pp. 67-68.

217 L’intérêt général n’est pas l’intérêt de tous les citoyens. Une loi ou une décision administrative satisfaisant à

l’intérêt d’un groupe d’agriculteurs peut être d’intérêt général pour l’orientation de la politique économique, par exemple.

218 Comme l’explique le professeur Chevallier, « tout pouvoir quel qu’il soit est tenu d’apparaître comme porteur

d’un intérêt qui dépasse et transcende les intérêts particuliers des membres. Cette représentation permet d’ancrer la croyance dans son bien-fondé et de créer le consensus indispensable à son exercice » ; et cela pour « montrer que ceux qui détiennent le pouvoir ne l’exercent pas en leur nom propre mais au nom de l’institution dont ils sont les représentants et pour le plus grand bien des membres du groupe ; la référence à l’intérêt général implique un processus de dépersonnalisation du pouvoir, par les vertus de l’institutionnalisation » Voir Jacques Chevallier, « Déclin ou permanence du mythe de l’intérêt général », L’intérêt général : Mélanges en l’honneur de Didier Truchet, Dalloz, 2015, p.83.

un « puits sans fond » 220 ou encore « floue et contingent » 221 , l’intérêt général est indéniablement un outil de maniement idéal pour les juristes et politiques, d’où le danger d’instrumentalisation de la notion.

En droit public thaïlandais, la fonction de légitimation du pouvoir de l’intérêt général était plus apparente dans les premières constitutions du Royaume. Par exemple, l’article 31 de la Constitution du Royaume de la Thaïlande E.B. 2475 (1932) 222 donne au roi la prérogative de convoquer une session extraordinaire de l’Assemblée nationale si « la nécessité

d’intérêt de la nation » l’exige. L’article 40 de la même Constitution accorde au ministre le droit de ne pas répondre aux questions parlementaires s’il est dans l’ « intérêt important de la

nation » de conserver le secret de l’information223. La Constitution E.B. 2489 (1946) donne à l’exécutif la possibilité d’adopter, par une procédure secrète et rapide, les ordonnances de valeur législative sur les questions des impôts et finances, si une nécessité d’intérêt étatique l’exige224. Ces dispositions ne sont plus d’actualité.

Néanmoins, dans les démarches analytiques suivantes, il faut garder à l’esprit que l’intérêt général sert parfois à légitimer le pouvoir, parfois de manière abusive. C’est la raison pour laquelle l’intérêt supérieur de durabilité des ressources naturelles ne saurait être un motif légitime de limitation de tous les droits de l’homme. La Constitution thaïlandaise en fait le motif de limitation du droit de propriété et de la liberté d’entreprendre, tous deux ayant un contenu substantiel en rapport direct avec le motif de la conservation des ressources naturelles.

Hormis la limitation pour un motif d’intérêt général de la durabilité des ressources naturelles, les droits fondamentaux sont également susceptibles d’être limités par la nécessité d’épargner d’autres droits garantis par la Constitution. Il conviendra donc d’examiner si la durabilité des ressources naturelles est déductible d’autres droits de l’homme.

220 Maryse Deguergue, « Intérêt général et intérêt public : tentative de distinction », », L’intérêt général : Mélanges

en l’honneur de Didier Truchet, Dalloz, 2015, p.132.

221 Guillaume Merland, l’intérêt général dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, Paris, L.G.D.J., 2004,

p.1.

222 Ce dispositif est repris à l’article 47 de la Constitution E.B. 2489 (1946), à l’article 111 de Constitution E.B.

2511 (1968).

223 Ce dispositif est repris à l’article 57 de la Constitution E.B. 2489 (1946), à l’article 126 Constitution E.B. 2511

(1968),

224 Constitution du Royaume de la Thaïlande E.B. 2489 (1946), art 73. Cet article est repris à l’article 147 de la

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La durabilité des ressources naturelles :

l’objectif à déduire des droits reconnus par la Constitution

Les droits en matière d’environnement qui sont explicitement reconnus dans la Constitution thaïlandaise actuelle ou bien ceux qui seront identifiés ultérieurement par le juge sont aussi un des motifs de limitation des autres droits et libertés (A).

Lorsque deux sujets de droit disposent de droits non compatibles, il y a ce qui est appelé en droit allemand « la collision des droits fondamentaux »225, ou « la conciliation

des droits » en France, car il n’y a pas de hiérarchie entre les droits fondamentaux reconnus par la Constitution, ni dans le système thaïlandais ni dans le système français (B).

A. Les droits en matière environnementale reconnus

expressément par la Constitution thaïlandaise

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