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Vers une rénovation de la distinction pour une application en matière d’environnement dans les travaux publics

Section II : Une application insuffisante de la norme environnementale par le secteur des travaux publics : diagnostic et propositions

B. Les conséquences de ces insuffisances : l’anéantissement de l’obligation de résultat au profit d’une obligation de moyens

1. Vers une rénovation de la distinction pour une application en matière d’environnement dans les travaux publics

La distinction entre obligation de résultat et de moyens est ancienne, et génère de longue date des critiques363. Classiquement, la distinction utilisée est celle consacrée

362Flexible droit, LGDJ 1969, page 28.

363Voir André PLANCQUEEL, Contribution à l’étude des actions directes, thèse Lille 1935. Pour certains

auteurs, cette théorie a ensuite été exploitée au-delà de toutes les espérances de DEMOGUE. Voir à ce sujet : Joseph FROSSARD, La distinction des obligations de moyens et de résultat, thèse Paris 1965.

par le Code civil des obligations de faire, de ne pas faire et de donner364. Mais cette

distinction est purement descriptive. La doctrine du XXème siècle y a superposé une

nouvelle distinction, celle des obligations de résultat et de moyens. C’est DEMOGUE

qui a systématisé cette distinction365. Malgré quelques oppositions originaires, la

doctrine dominante retint cette distinction comme un acquis et celle-ci fut ensuite appliquée en jurisprudence.

Cette distinction est jugée déformante366, car la poursuite d’une obligation de moyens

vise toujours à l’obtention d’un résultat, tandis que toute obligation de résultat nécessite la mise en œuvre de moyens. Elle tient à la diversité des situations juridiques, et à la nécessité d’adapter le traitement à infliger au débiteur, en fonction de ce que l'on estime pouvoir raisonnablement exiger de lui. Dans certains cas, il paraîtra excessif de se montrer rigoureux : l'absence de résultat ne suffira pas à engager la responsabilité du débiteur. C’est ce qui se produit en matière de non- respect des obligations environnementales, celles-ci étant le plus souvent considérées comme difficiles à mettre en œuvre.

La distinction reste cependant actuelle. C’est ainsi que Pascal TROUILLY, premier conseiller à la Cour administrative d’appel de Paris, s’interrogeant sur la portée de la charte de l’environnement, se pose la question de savoir si le respect de l’environnement est une obligation morale ou juridique, une obligation d’objectif ou de réalisation367.

Si la distinction fut appliquée en ce qui concerne les obligations contractuelles, il est intéressant de l’élargir au domaine extracontractuel, tout particulièrement aux obligations résultant directement de la loi. C’est ainsi que Henri MAZEAUD rejetait la distinction entre obligations contractuelles et non contractuelles concernant le

364Article 1101 du Code civil.

365In Traité des obligations en général, Rousseau, 1925, t. V, n° 1237.

Le droit anglais connaît une distinction similaire, peut-être même plus parlante que la distinction opérée en droit français. L’obligation absolue y est distinguée de l’obligation raisonnable, par laquelle la personne engagée doit faire de son mieux pour parvenir à la bonne fin du contrat. Le mécanisme appliqué est donc comparable, tout en ayant une portée plus grande qu’en droit français.

366 Philippe LE TOURNEAU, Jurisclasseur civil, contrats et obligations Fasc. 20 : Classification des

obligations, n° 14.

367 Pascal TROUILLY, « Le devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de

contenu de l’obligation d’exécution368. Il peut cependant être objecté que dans le cas

d’une mise en œuvre insuffisante de la loi, le débiteur ne s’est personnellement engagé à rien, puisque l’obligation de résultat lui est imposée de manière unilatérale. Pourtant, si l’origine et la nature de l’obligation diffèrent, l’existence d’une obligation n’en est pas moins certaine369.

Se pose alors la question de savoir si l’obligation née de l’édiction d’une règle environnementale est une obligation de résultat. En effet, cela ne découle pas expressément de la lettre des textes. Pourtant, la nécessité de mettre en œuvre systématiquement et complètement les normes abonde en ce sens. Mais cette distinction est-elle adaptée aux spécificités du droit de l’environnement ?

En présence d’une obligation de résultat, le créancier est dispensé de prouver la faute du débiteur. La cause de l’inexécution n’a pas à être recherchée. La seule faute du débiteur réside dans le fait que le résultat n’a pas été atteint. Le débiteur de l’obligation ne peut être libéré que s’il prouve l’existence d’une cause étrangère, soit un cas de force majeure, soit le fait d’un tiers. En matière de non-respect de la réglementation environnementale, le fait du tiers ne saurait être invoqué, puisqu’aucun tiers n’est susceptible d’empêcher le respect d’une obligation légale. Ainsi, un acteur des travaux publics qui ne respecte pas une règle environnementale manque à une obligation de résultat et sa responsabilité devrait pouvoir être retenue de ce chef.

L’obligation de moyens fait quant à elle référence à une conduite à tenir. C’est le comportement général du débiteur qui est visé : celui-ci ne s’engage pas à atteindre un but déterminé, il s’engage à essayer d’y parvenir. Le débiteur de l’obligation doit donc de bonne foi accomplir toutes les diligences nécessaires à l’accomplissement de l’obligation de moyens visée. Si l’on se place sur le terrain de l’obligation de moyens concernant le respect de la réglementation environnementale, il n’y aurait inexécution fautive de la part des maîtres d’ouvrages publics ou des entrepreneurs

368« Essai de classification des obligations », Revue trimestrielle de droit civil 1936, pages 1 et suivantes. 369En ce sens, voir FROSSARD, La distinction des obligations de moyens et des obligations de résultat, thèse

de travaux publics que si toutes les diligences nécessaires n’ont pas été accomplies pour respecter la réglementation. On se contente le plus souvent d’une telle interprétation, parce que la réglementation est foisonnante, et parce que les acteurs des travaux publics n’ont pas toujours la volonté réelle de s’y conformer.

L’obligation de moyens peut concerner le maître de l’ouvrage, qui est astreint à une obligation de surveillance des chantiers qu’il prescrit et finance. Ces chantiers doivent être respectueux de la réglementation, et le fait pour le maître de l’ouvrage de n’avoir pas prescrit le respect strict de la réglementation environnementale applicable ou de ne pas avoir agi en cas d’inexécutions grossières de l’entrepreneur est constitutif d’une faute.

La nature de l’obligation qui s’applique modifie la charge de la preuve, ce qui n’est pas anodin. En effet, en matière d’obligations de moyens, il revient au créancier de prouver que l’inexécution est liée à une faute, ou à une absence de diligence du débiteur. Ce type de preuve est difficile à apporter en matière d’exécution de mesures législatives ou réglementaires. Il faudra pratiquement prouver la volonté de l’acteur des travaux publics de ne pas mettre en œuvre la réglementation. Et trouver quel représentant de l’Etat pourrait poursuivre les inexécutions fautives. Le Préfet de département semble le mieux placé s’agissant de chantiers de faible envergure, mais il manque de moyens humains et financiers pour opérer de tels contrôles.

En matière d’obligations de résultat, le débiteur qui n’a pas accompli l’obligation a laquelle il était engagé doit prouver que l’inexécution n’est pas de son fait. Or, il semble difficile de mettre à la charge de l’entrepreneur de travaux publics le fait de devoir prouver que toutes les obligations normatives applicables ont été respectées. Les règles qui s’appliquent dans le cadre de l’obligation de moyens paraissent donc plus adaptées à la matière environnementale. Et de fait, le respect de la réglementation environnementale ne semble exigé que dans la limite de l’obligation de moyens.

2. La dépréciation de la norme environnementale : vers une obligation de moyens

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