• Aucun résultat trouvé

Les limites à la prise en considération de l’environnement dans les travaux publics en droit français

Section I : Des normes environnementales trop peu rigoureuses dans les travaux publics

A. Les exceptions aux impératifs de protection de l’environnement accordées aux travaux publics

2. Les limites à la prise en considération de l’environnement dans les travaux publics en droit français

En l’absence de pression du droit communautaire sur le droit français des travaux publics, le régime applicable reste protecteur des pratiques des acteurs. Ainsi, les contraintes environnementales sont moins nombreuses dans le domaine des travaux publics que dans n’importe quel autre domaine de l’économie. Cela s’explique de plusieurs manières.

184Voir infra.

D’abord, l’adoption de normes contraignantes est souvent freinée ou annihilée par le fait que les organismes professionnels sont associés dès l’origine au processus normatif. Par exemple, un groupe d’étude sur l’industrie du BTP existe depuis 2002

au Sénat186, présidé par Francis GRIGNON, sénateur et ancien ingénieur du

bâtiment. Il est consulté à l’occasion de tous les projets et propositions de lois susceptibles d’avoir des répercussions sur l’activité du bâtiment. Ainsi, si les normes édictées présentent plus fréquemment l’avantage du réalisme, il s’agit d’obligations moins ambitieuses que si elles avaient fait l’objet d’une adoption sans consultation préalable. Cette association en amont des parties concernées n’est pas systématique en France, sauf dans le domaine de l’environnement, ce qui est symptomatique. La liberté de proposition et de contre-proposition dont disposent les parties consultées sur une réglementation est importante.

En matière de travaux publics, les consultations requises par la réglementation sont assez rares. En revanche, les échanges de vues réalisés dans le cadre de commissions, de comités ou d’autres groupes constitués pour l’occasion sont

fréquents187. L’Etat n’est pas contraint par la réglementation à associer les

organismes professionnels représentatifs des entreprises de travaux publics au processus normatif. Ce faisant, il opère un choix. L’avis rendu par la commission ou le comité formé(e) est, du point de vue juridique, un avis simple, que les autorités normatives ne sont pas tenues de prendre en compte. Dans les faits, le poids financier et humain du secteur des travaux publics contraint l’Etat à tenir compte des propositions formulées par la FNTP. Dès lors, on se rapproche d’une forme d’avis conforme, sans toutefois pouvoir systématiser une telle qualification.

Les exemples de règles de droit français introduisant des exceptions aux obligations de protection de l’environnement en faveur des travaux publics sont nombreuses,

186 Ces groupes d’études sont considérés comme des institutions de défense des prérogatives des

industriels. Voir par exemple : « Les groupes d’études, faux nez des lobbys », L’Express du 28 septembre 2006, pages 52 et suivantes.

187C’est ainsi que la Fédération nationale des travaux publics a été associée au processus d’élaboration

du Code de la propriété des personnes publiques adopté par l’ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006 ou encore à l’adoption de la loi sur l’eau.

tant dans le cadre de la participation des citoyens au processus décisionnel (a) que dans celui de la réalisation des travaux publics (b).

a. Les entraves à la participation lors de projets de travaux publics

On a pu assister récemment à une certaine régression de la participation citoyenne en matière de travaux publics. La loi du 2 juillet 2003188a en effet autorisé, en son article

9, le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures de simplification des procédures de concertation relatives aux travaux d’aménagement de l’Etat, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics respectifs.

Une ordonnance du 19 septembre 2003189a été adoptée sur le fondement de cette loi

d’habilitation. Elle a abrogé les dispositions de la loi du 27 février 2002190, qui avaient

été substituées à la procédure dite d’instruction mixte. Dès lors, concernant les projets de travaux des collectivités et de leurs établissements publics – dont la majorité sont des travaux publics -, la concertation entre les différents acteurs publics concernés n’est plus encadrée par le règlement. Si cela présente l’avantage d’une plus grande souplesse, cela génère une perte de transparence dans le déroulement des opérations susceptibles de nuire à l’environnement. La disparition de la procédure instituée par la loi du 27 février 2002 aboutit en fait à ce que la concertation ne pourra qu’être moins structurée.

La restriction, opérée à cette occasion, du champ d’application des dispositifs de participation du public, concernant certaines opérations de travaux publics, est symbolique d’une volonté de favoriser les pratiques de travaux publics, celles-ci étant le vecteur de l’intérêt général. Cette volonté se retrouve dans les limitations apportées à la protection de certains espaces naturels menacés par des travaux publics.

188Loi n° 2003-591 habilitant le gouvernement à simplifier le droit.

189 Ordonnance n° 2003-902 portant suppression des procédures administratives de concertation

applicables à certains projets de travaux, d’aménagements et d’ouvrages de l’Etat et de ses établissements publics ainsi que des collectivités territoriales, de leurs groupements et des établissements publics en relevant. La loi du 9 décembre 2004189, en son article 78-II a donné valeur

législative aux dispositions prises par l’ordonnance du 19 septembre 2003.

b. La protection limitée de certains espaces naturels

La loi du 9 janvier 1985191 a pour vocation la protection des espaces montagneux.

Certaines de ses dispositions sont cependant ambiguës quant au parti à prendre pour privilégier les impératifs soit de protection, soit de développement. C’est ainsi qu’en vertu de l’actuel article L 145-5 du Code de l’urbanisme, « les parties naturelles des rives

des plans d’eau naturels ou artificiels […] sont protégées sur une distance de 300 mètres à compter de la rive ; y sont interdits toutes constructions, installations et routes nouvelles ainsi que toutes extractions et tous affouillements». Pourtant, la protection accordée reste imparfaite, puisqu’il est considéré que des travaux d’intérêt général, tels qu’un terrassement destiné à l’aménagement d’une remontée mécanique, d’un parking et d’une route, non accompagné de constructions, n’affecte pas le caractère naturel du site lequel, sauvage, n’a jamais été habité auparavant192.

En zone littorale, l’article L 146-4 du Code de l’urbanisme interdit hors des espaces urbanisés toute construction dans la zone des 100 mètres, sauf les « constructions et

installations nécessaires à des services publics ou à des activités économiques exigeant la proximité immédiate de l’eau». L’article L 146-7 du Code de l’urbanisme traite des routes littorales nouvelles, qui ne peuvent être implantées qu’à une distance minimale de 2000 mètres du rivage. Toute création de voies routières sur les plages, cordons lagunaires, dunes et en corniche est interdite. La desserte locale ne peut avoir lieu ni sur le rivage, ni en le longeant. En revanche, les routes existantes peuvent faire l’objet d’élargissements et de travaux.

Enfin, tout défrichement de forêt doit faire l’objet d’une autorisation préalable. Mais il existe deux exceptions à cette règle : pour les opérations entreprises en vertu d’une

servitude d’utilité publique193 et lorsqu’un déboisement est rendu nécessaire par

l’installation d’une ligne électrique194.

191Loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, JORF

du 10 janvier 1985.

192CE, 4 avril 1990, SIVOM du canton d’Accous, parc national des Pyrénées-Occidentales, Les Petites

affichesn° 74, 20 juin 1990, page 20.

193Article 311-2 du Code forestier.

Les travaux publics sont donc soumis à un régime exorbitant du droit commun. Si certaines réglementations environnementales instaurent des traitements de faveur en matière de travaux publics, d’autres sont directement applicables à ces travaux, notamment celles qui concernent les contrats ayant pour objet des travaux publics.

B. Une prise en compte de l’environnement spécifique dans les travaux publics :

Outline

Documents relatifs