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Les procédures d’urgence classiques : un bilan défavorable à l’environnement dans le cadre des contentieux de travaux publics

Une jurisprudence peu mobilisée pour la protection de l’environnement lors de

B. Des procédures d’urgence insuffisantes au vu des spécificités des travaux publics

2. Les procédures d’urgence classiques : un bilan défavorable à l’environnement dans le cadre des contentieux de travaux publics

Divers outils procéduraux existent afin de contraindre l’action de l’administration, mais aucun n’est entièrement efficace dans son utilisation à l’encontre de travaux publics. Le problème commun à toutes les procédures contentieuses est le délai de jugement des affaires présentées devant le juge administratif dans le cadre de l’urgence. Deux solutions ont été apportées à ce problème dans deux cas particuliers : d’abord en matière de projets d’aménagements. Si la requête est fondée sur l’absence

d’étude d’impact, la suspension de l’acte contesté est automatique et immédiate71. Il

en est de même si le recours est introduit contre un projet dont l’enquête publique a

donné lieu à un avis négatif72. Ces deux règles protectrices peuvent trouver

application en matière de travaux publics, et sont susceptibles d’empêcher la mise en œuvre de travaux dont la légalité est contestée. Le juge administratif rattache ces

deux procédures au référé-suspension de droit commun73. Les hypothèses couvertes

par ces deux dispositifs ne couvrent cependant qu’une minorité des causes d’illégalité invocables en matière de travaux publics. L’existence de ces deux procédures prouve une évolution du contentieux favorable à l’environnement. Mais elles restent insuffisantes.

Une seconde difficulté inhérente aux procédures de référé concerne l’exécution des ordonnances rendues. En effet, les ordonnances du juge des référés ont un caractère provisoire et ne sont pas revêtues au principal de l’autorité de la chose jugée74, mais

elles n’en sont pas moins exécutoires. Pourtant l’administration reste prompte à engager des travaux publics sans autorisation définitive, sachant qu’une fois lesdits

71Article L 554-11 du Code de justice administrative.

72Article L 554-12 du même code : si un moyen propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de

l’opération existe.

73 CE, 21 novembre 2001, Syndicat départemental d’ordures ménagères de l’Aude et ministre de

l’aménagement du territoire et de l’environnement, recueil tables pages 1054 et 1093.

travaux exécutés, ils ne pourront être remis en cause par le juge administratif, et ce en vertu du principe75 selon lequel « ouvrage public mal planté ne se détruit pas »76. Une

décision jurisprudentielle récente a heureusement conclu qu’un acte administratif qui a eu pour mobile de faire échec aux effets d’un sursis à exécution juridictionnel est

entaché de détournement de pouvoir77. Ainsi acquièrent une nouvelle force les deux

procédures permettant la suspension de travaux publics : le référé-suspension (a) et

le référé-liberté (b).

a. Le référé-suspension, une procédure peu protectrice de l’environnement dans le cadre des travaux publics

Les dispositions qui régissent l’actuelle procédure figurent à l’article L 521-1 du Code de justice administrative. C'est au titre de ce référé que le juge administratif est le

plus fréquemment saisi78. Ce n'est guère surprenant si l'on songe à l'importance

pratique que revêt la possibilité de faire échec au privilège de la décision exécutoire. Le délai moyen dans lequel il est statué sur les requêtes en suspension est d’une semaine à dix jours environ.

Cette procédure peut jouer en matière de travaux publics, puisqu’elle s’applique aux actes unilatéraux de l'administration et aux agissements matériels qui en découlent directement, incluant l'exécution de travaux publics.

Si le référé-suspension permet de faire obstacle au caractère exécutoire des actes administratifs, il ne constitue pas pour autant une protection systématique de

l’environnement79 (1). En effet, la mise en œuvre d’une forme de bilan, adoptée dans

le cadre de la nouvelle procédure, est plutôt défavorable à l’environnement (2).

75Ce principe a été partiellement remis en cause par la jurisprudence récente. Voir présent chapitre,

section II, I.

76 Les notions d’ouvrage public et de travail public se recouvrent en grande partie. La protection

accordée à l’ouvrage public bénéficie donc le plus souvent au travail public.

77CE, 11 décembre 1991, Association Fouras environnement écologie, recueil page 686.

787110 demandes de suspension devant les tribunaux administratifs entre 2000 et fin 2002, contre 741

demandes au titre du référé-liberté, selon les chiffres produits par Roland VANDERMEEREN, in « Le référé-suspension », Revue française de droit administratif mars-avril 2002, page 254.

79 Voir par exemple : Pascal TROUILLY, « L’environnement et les nouvelles procédures d’urgence

1. Une possibilité limitée de prise en compte de l’environnement dans les référés formés contre des opérations de travaux publics

Deux conditions sont posées pour que soit prononcée la suspension : l’urgence et un doute quant à la légalité de la mesure contestée. Si la seconde condition laisse peu d’assise à l’évocation des principes de prévention et de précaution par les requérants, la condition d’urgence pourrait s’avérer un fondement intéressant de prise en compte de ces deux principes. Il pourrait ainsi être considéré que le risque d’atteinte grave, voire irréversible à l’environnement suffit à caractériser l’urgence. Cette interprétation présenterait l’avantage de faire du référé-suspension un « point

névralgique» de la protection de l’environnement80, mais pourrait avoir pour effet la

systématisation de la suspension en matière de protection de l’environnement.

Nonobstant le fait que certains auteurs appelaient cette mesure de leurs vœux81, une

telle automaticité n’est pas dans l’esprit de l’article L 521-1 du Code de justice administrative. Ainsi, si certains tribunaux administratifs avaient créé une présomption de dommage difficilement réparable justifiant le prononcé du sursis dès

lors que la condition tenant au moyen sérieux de légalité est remplie82, le Conseil

d’Etat a rejeté cette interprétation83. Le groupe de travail du Conseil d’Etat sur les

procédures d’urgence a de plus considéré que la généralisation de la suspension des mesures contestées constituant de potentielles menaces pour l’environnement n’était « ni praticable ni souhaitable »84.

80Expression empruntée à René HANICOTTE, in « Le sursis à exécution : un point névralgique de la

protection de l’environnement », Revue du droit public 1995, page 1581.

81 Voir par exemple Simon CHARBONNEAU, La gestion de l’impossible, la protection contre les risques

techniques majeurs, Economica 1992 page 142.

82TA Clermont-Ferrand 11 avril 1991, Association pour l’environnement en Allier et Association SOS

Environnement contre Préfet de l’Allier, Revue juridique de l’environnement 1998 n° spécial, page 138 ; TA Pau 5 novembre 1991, Association unimate contre Préfet des Hautes-Pyrénées, Cahiers juridiques de

l'électricité et du gaz1992, page 359.

83CE 15 juin 1992, Syndicat départemental d’équipement de l’Ardèche, Cahiers juridiques de l'électricité

et du gaz1992, page 426.

84« Rapport du groupe de travail du Conseil d’Etat sur les procédures d’urgence », Revue française de

En matière de référé-suspension, la simple modification de l’état des lieux ne suffit pas à caractériser l’urgence. Le plus souvent, le juge exige que soit apportée la

preuve d’un risque d’atteinte grave à l’environnement85, suffisamment grave pour

que passent au second plan les autres intérêts généraux poursuivis dans le cadre du projet. Une telle preuve est souvent difficile à apporter. Ainsi, devoir prouver la survenance d’un risque environnemental certain réduit la possibilité du recours à une argumentation fondée sur le principe de précaution. Ce que de nombreux auteurs déplorent86.

Le juge peut, du fait de son pouvoir discrétionnaire, apprécier les intérêts en présence, en comparant les inconvénients et avantages d’une mesure de suspension, sur le même modèle qu’un bilan coût/avantages.

2. L’intérêt environnemental en retrait dans le cadre du référé-suspension

Le juge, dans le cadre du référé-suspension, apprécie en opportunité, ce qui lui permet le cas échéant d’intégrer la prise en compte de l’environnement lors de l’évaluation des conséquences de la suspension, ou de l’absence de suspension. C’est dans cette voie qu’a semblé s’engager dans un premier temps le Conseil d’Etat. Il a ainsi considéré que la condition d’urgence était remplie dès lors que « la décision

administrative contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre»87.

Le juge des référés se livre donc à une forme de contrôle de proportionnalité entre les conséquences dommageables de la décision contestée et celles de sa suspension, appréciation dans laquelle entrent en considération l’intérêt du requérant, mais aussi

85TA Strasbourg, 23 mai 2001, Alsace-Nature, n° 011551. Ce jugement n’a pas été suivi d’une requête

d’appel.

86Voir par exemple : Xavier BRAUD, in « Les impacts négatifs du référé-suspension sur la protection

de l’environnement », Revue juridique de l’environnement 2/2003, page 199, ou encore Cécile CASTAING, in « La mise en œuvre du principe de précaution dans le cadre du référé-suspension »,

Actualité juridique droit administratif15 décembre 2003, page 2294.

87 CE 19 janvier 2001, Confédération nationale des radios libres, Actualité juridique droit administratif

celui du défendeur, des tiers concernés, ainsi que l’intérêt général. Toute requête est « appréciée objectivement et compte tenu de l’ensemble des circonstances de chaque espèce »88.

Les critères actuels liés à l’urgence – condition de gravité et d’immédiateté -, qui sont une novation du législateur de 2000, peuvent être de nature à faire obstacle à la prise en compte par le juge des principes de précaution et de prévention. En effet, la jurisprudence précise de manière non équivoque que l’exécution immédiate de l’acte contesté au contentieux n’est pas suffisante : il faut que cette exécution soit susceptible d’entraîner immédiatement des effets préjudiciables.

Ainsi, le requérant souhaitant obtenir la suspension d’un acte administratif prescriptif de travaux devra d’abord apporter la preuve de l’intention du bénéficiaire

d’engager immédiatement les travaux89. La condition d’urgence n’est remplie que

lorsque les travaux ont débuté90 ou« sont susceptibles de commencer immédiatement »91.

Il a ainsi été considéré que l’imminence des travaux était une raison valable pour accueillir la demande de suspension d’une déclaration d’utilité publique de la construction d’une infrastructure routière92. Et encore le juge conserve-t-il la faculté

de refuser de reconnaître l’urgence93. Certains juges considèrent ainsi qu’il n’y a

urgence que lorsque les travaux de terrassement ont débuté94, voire lorsque la

construction est en cours95.

Si les délais de traitement du référé-suspension permettent d’éviter que les travaux soient achevés lorsque le juge statue au fond, lorsque les travaux de construction sont avancés, le juge des référés les assimile à des travaux achevés ne justifiant plus la

88 CE 28 février 2001, Préfet des Alpes-Maritimes contre Société Sud-Est Assainissement, Actualité

juridique droit administratif2001, page 461.

89 Il existe toutefois une exception en matière de permis de construire où existe une présomption

d’urgence. CE ord, 31 août 2001, Fédération CFTC Santé-sociaux et autres, requête n° 236637.

90TA Limoges, 5 août 2002, Association Sources et rivières du Limousin, n° 02519 : CE ord, 12 février

2001, Association France nature environnement et autres, requêtes n° 229797, 229876 et 230026.

91CE, 6 mars 2002, Besombes, n° 238478.

92 CE, 3 mai 2004, Département de la Dordogne, Actualité juridique droit administratif 5 juillet 2004,

pages 1374-1377. Dans cette espèce, une première décision du juge des référés avait rejeté la demande de suspension car aucun des motifs de légalité avancés ne paraissait sérieux.

93TA Nantes, 26 avril 2002, FNAUT Pays de Loire contre RFF, n° 02974. 94TA Rennes, 24 janvier 2002, Marziou, n° 013849.

suspension96. De même, si la décision contestée est ancienne, l’urgence ne semble

plus avérée, quand bien même les travaux viendraient de débuter.

Dans certains cas pourtant, la prise en compte de l’environnement est réelle. Le Conseil d’Etat a ainsi considéré qu’il y avait urgence à suspendre un arrêté préfectoral approuvant le tracé d’une canalisation de transport de produits dangereux. Cet arbitrage établi entre l’intérêt des riverains et l’intérêt général est fondé sur des considérations d’ordre public plus que sur les considérations environnementales stricto sensu. Dans une autre espèce, le juge avait prononcé la suspension d’une décision autorisant une société d’autoroute à exécuter les travaux de construction d’une nouvelle section97.

Mais en sens inverse, une jurisprudence récente marque un recul en matière de protection de l’environnement contre l’édification d’ouvrages. Dans cette espèce du

28 avril 200498, le Conseil d’Etat a accepté de suspendre la décision d’un maire

constatant la caducité d’un permis de construire, eu égard aux conséquences économiques de l’interruption du chantier pour la société bénéficiaire du permis et aux risques encourus par les bâtiments situés sur et à proximité du terrain concerné. La décision rendue par la juridiction administrative était motivée par les risques pour la sécurité publique liés à l’interruption du chantier, mais également par les effets de la décision de suspension des travaux sur la viabilité de l’entreprise, alors même que les travaux, pour une raison indéterminée, étaient interrompus depuis plus d’un an. Plus récemment, le juge administratif a également considéré qu’aucune urgence ne s’attache à la suspension d’un arrêté déclaratif d’utilité publique d’une ligne électrique, et ce dès lors que l’installation desdites lignes suppose l’intervention d’un

acte ultérieur, l’arrêté de cessibilité99. Enfin, le référé-suspension ne permet plus

d’empêcher des opérations de défrichement, la condition liée à l’imminence du préjudice n’étant plus considérée comme remplie, alors même que des sursis à des

96CE, 26 juin 2002, n° 240487.

97 CE, 3 juillet 2002, Commune de Beauregard-de-Terrasson et autres, Revue française de droit

administratif2002, page 1012.

98CE, 28 avril 2004, SAIC La Gauloise, requête n° 263806.

99 CE ord, 8 mars 2001, Association pour la protection de la population et de l’environnement des

opérations de défrichement étaient régulièrement prononcés par le juge sous

l’empire de l’ancienne législation100. Le maître d’ouvrage public peut donc continuer

à profiter des failles de l’appareil juridictionnel et édifier un ouvrage public qui se révèlera inévitablement irrégulier.

Comme cela était déjà affirmé par la jurisprudence antérieure101, le juge administratif

de l'urgence peut, de manière exceptionnelle et pour des motifs d'intérêt général, ne pas prononcer la suspension quand bien même les conditions requises se trouveraient réunies. Ce principe de liberté d'appréciation est consacré par l'article L 521-1 du code de justice administrative, et le Conseil d'Etat l'a d'ores et déjà mis en œuvre102.

Le commissaire du Gouvernement SEBAN prône une position restrictive selon laquelle « le juge peut user de sa faculté de ne pas ordonner la suspension lorsqu’il lui

apparaît que, malgré l’illégalité dont l’acte attaqué est entaché, il est néanmoins possible de mener à bien l’opération contestée»103. Ce type d’interprétation aurait pu être interdite si

un amendement parlementaire104, qui visait à remplacer les termes selon lesquels le

juge « peut ordonner » par l’expression « ordonne », n’avait pas été rejeté par la commission mixte paritaire.

Le bilan de l’application du référé-suspension en matière d’environnement est donc mitigé. Nelly ACH considère ainsi que « au vu des difficultés […] qui découlent des

réticences du juge administratif à utiliser pleinement les instruments dont il s’est pourtant doté, il est quasiment impossible d’empêcher, en amont, la construction irrégulière d’un ouvrage public»105. Le référé-suspension présente donc des limites en termes

d’efficacité dans les situations où les riverains de travaux publics subissent des nuisances environnementales. Dans certains cas, le référé-liberté peut y remédier,

100CE, 20 février 1974, Société les Ciments Lafarge, Revue du droit public 1975, page 508.

101 CE Ass, 13 février 1976, Association de sauvegarde du quartier Notre-Dame à Versailles, recueil

page 100.

102CE, 15 juin 2001, Société Robert Nioche et ses fils SA, requête n° 230637.

103 Conclusions SEBAN sous CE, 28 février 2001, Préfet des Alpes-Maritimes et Société Sud-Est

assainissement, n° 229562, page 5.

104 Amendement au projet de loi relatif à la réforme des procédures d’urgence, déposé par Arnaud

MONTEBOURG à l’Assemblée nationale, JO débats, Assemblée nationale 7 avril 2000, page 3160.

105In « L’intangibilité de l’ouvrage public, un principe ébranlé mais loin d’être enterré », Revue du droit

mais il semble qu’il ne trouve que de faibles possibilités de mise en œuvre en matière de travaux publics.

b. Le référé-liberté, une procédure rare en matière d’atteintes à l’environnement lors de travaux publics

Le référé-injonction ou référé-liberté est une innovation de la loi du 30 juin 2000106. Il

complète utilement les procédures d’urgence existantes. Il est mis en jeu contre les actes des collectivités territoriales compromettant l’exercice d’une liberté publique ou individuelle. Cette procédure ne vise que les actes administratifs. Elle exclut les actions matérielles de l’administration, comme l’ouverture d’un chantier de travaux publics et ne permet pas de formuler une injonction contre une personne privée telle que peut l’être une entreprise de travaux publics.

Cette procédure est organisée par l’article L 521-2 du Code de justice administrative. Elle permet au juge de l’urgence d’adresser des injonctions à l’administration lorsqu’une liberté fondamentale est menacée par une décision ou des agissements de la personne publique. Il y a deux conditions au prononcé d’une ordonnance de référé-liberté : il faut qu’une liberté fondamentale soit menacée, et que l’atteinte portée à cette liberté soit grave et manifestement illégale. Ces deux conditions sont cumulatives107.

Le référé-liberté permet, dans un délai court, le prononcé de la suspension de travaux publics, avant leur mise à exécution. Mais pour qu’une telle mesure d’interruption soit prononcée, il faut que la sauvegarde d’une liberté fondamentale du tiers riverain

des travaux soit menacée (1). Et la condition d’urgence, strictement entendue dans le

cadre du référé-liberté, n’est pas systématiquement remplie en matière de travaux publics (2).

106Loi n° 2000-597 portant réforme des procédures d’urgence.

1. L’environnement, un droit fondamental dans le cadre du référé-liberté108

De longue date, le droit à la protection de l’environnement n’était pas considéré comme un droit fondamental. Une décision du tribunal des conflits de 1988 dispose ainsi que « la poursuite des travaux, après l’annulation par la jurisprudence administrative

de la déclaration d’utilité publique, alors même qu’elle nuirait à l’environnement, n’a pas porté atteinte à une liberté publique fondamentale»109. Mais la jurisprudence a évolué.

Aujourd’hui, le tiers riverain de travaux publics peut introduire un référé-liberté sur le fondement d’une atteinte à son droit à un environnement sain, si les travaux génèrent des nuisances. Mais ce droit doit être reconnu comme une liberté fondamentale au sens de l’article L 521-2 du Code de justice administrative. La notion de liberté fondamentale telle qu’elle découle de la jurisprudence rendue en matière de référé-liberté (a) semble intégrer le droit à un environnement sain (b).

a. La notion de liberté fondamentale au sens de l’article L 521-2 du Code de justice administrative

A ce jour, le Conseil d’Etat s’est refusé à définir la notion de liberté fondamentale. Dans la mesure où le Conseil d’Etat n’avait jamais consacré dans l’utilisation de

l’article L 521-2 d’autre liberté que celles constitutionnellement ou

conventionnellement garanties, une partie de la doctrine110 en a déduit que la

juridiction administrative suprême appliquait au référé-liberté la notion classique de liberté fondamentale.

108C’est la notion de liberté fondamentale qui est utilisée en matière de référé-liberté. 109TC, 25 janvier 1988, Fondation Cousteau et autres contre société Bouygues, n° 02518.

110 Louis FAVOREU, « La notion de liberté fondamentale devant le juge administratif des référés »,

Dalloz 2001, chronique page 1740 ; Yan LAIDIE, note sous TA Dijon, 2 mars 2001, Association pour adultes et jeunes handicapés de l’Yonne, Actualité juridique droit administratif 2001, page 785.

Pour d’autres auteurs, tels que René CHAPUS111 ou Gilles BACHELIER112, le

caractère fondamental de la liberté découlerait de son contenu et non de sa consécration ou non par la norme113.

La commissaire du gouvernement FOMBEUR a quant à elle proposé un double fondement à l’appréciation de la fondamentalité d’une liberté : le caractère fondamental d’une liberté doit ainsi s’apprécier « par référence à la fois à son objet et à

son rang dans la hiérarchie des normes»114. C’est en faveur d’une solution semblable que

se prononce le Commissaire du gouvernement DE SILVA dans une autre espèce115.

Une liberté est depuis considérée comme fondamentale « de par l’éminence et la

précision de son objet, qui met directement en jeu le statut de l’individu, et de par le niveau de

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