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Le référé précontractuel, une voie de recours fermée aux arguments environnementau

Une jurisprudence peu mobilisée pour la protection de l’environnement lors de

B. Des procédures d’urgence insuffisantes au vu des spécificités des travaux publics

1. Le référé précontractuel, une voie de recours fermée aux arguments environnementau

Le référé précontractuel est l’un des outils les plus efficaces du contentieux administratif. S’il ne peut être fondé sur des considérations environnementales, il aurait néanmoins pu permettre la protection de l’environnement contre des travaux publics (a). Cependant, l’interprétation stricte de l’intérêt à agir en la matière restreint considérablement ses potentialités (b).

a. Une voie de recours potentiellement intéressante

Le référé précontractuel a été créé par la loi du 4 janvier 199257. Il a été instauré pour

mettre en œuvre la directive communautaire Recours du 21 décembre 198958. L’objet

du référé précontractuel est clairement défini par le premier alinéa de l’article L 551-1 du Code de justice administrative, aux termes duquel « le président du tribunal

administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés publics et des conventions de délégation de service public

Selon le professeur Christine BRECHON-MOULENES, l’article L 551-1 du Code de justice administrative a introduit une « révolution » dans le contentieux

administratif59. En effet, le référé précontractuel transcende l’ordonnancement

classique du contentieux : il ne peut réellement être assimilé ni au recours pour excès

57Loi n° 92-10 du 4 janvier 1992 relative aux recours en matière de passation de certains contrats et

marchés de fournitures et de travaux.

58Directive n° 89/665/CEE, remplacée depuis par la directive 2004/18/CE du 31 mars 2004 relative à

la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services, JOUE L 134 du 30 avril 2004.

de pouvoir ni au recours de pleine juridiction60, même si plusieurs arrêts semblent,

par leur formulation, se prononcer en faveur de cette dernière hypothèse61.

Les dispositions de l’article L 551-1 du Code de justice administrative se réfèrent à la notion communautaire de marché public de travaux, plus large que ne l’est la notion de marché public en droit interne. La notion communautaire de marché public de travaux inclut un panel plus important de contrats, tels le bail emphytéotique administratif62ou la délégation de service public63. Cette définition large du domaine

d’application du référé précontractuel aurait pu avoir des conséquences positives en matière de protection de l’environnement contre les travaux publics, en permettant, jusqu’à la décision rendue par le juge du fond, la suspension de la conclusion de tout contrat ayant pour objet de tels travaux.

Dans les premiers temps de sa mise en œuvre, la procédure de référé précontractuel était peu efficace du fait du délai de traitement des contentieux – même en situation d’urgence - devant les tribunaux administratifs. L’efficacité de la procédure de référé précontractuel est en fait fortement conditionnée à l’instauration, depuis la loi du 30

juin 200064, d’un mécanisme de suspension de la procédure de passation du contrat

avant dire droit65.

Le juge dispose depuis cette réforme du pouvoir d’enjoindre à l’administration de suspendre la conclusion du contrat jusqu’au terme de la procédure, et ce pour une période ne pouvant excéder vingt jours. Cette disposition a permis d’éviter que certains pouvoirs adjudicateurs ne se livrent à des pratiques de « course à la signature ». Ce délai de vingt jours peut sembler excessivement court. C’est néanmoins à ce délai qu’est tenu le juge administratif lorsqu’il statue sur une

60En effet, le recours pour excès de pouvoir ne s’exerce pas à l’encontre d’un contrat, sauf en ce qui

concerne ses clauses détachables, tandis que le recours de plein contentieux s’exerce après la conclusion d’un contrat et a pour seule vocation la réparation d’un préjudice subi du fait de l’exécution du contrat.

61CE Ass, 10 juin 1994, Commune de Cabourg, Actualité juridique droit administratif n° spécial 20 juillet-

20 août 1994 ; et CE, 29 juillet 1998, Garde des Sceaux contre Génicorp, requête n° 177952.

62CE Ass, 10 juin 1994, Commune de Cabourg, Actualité juridique droit administratif n° spécial 20 juillet-

20 août 1994, pages 502 et 560.

63CE Sect, 20 mai 1998, Communauté de Communes du Piémont de Barr, requête n° 188239. 64Loi n° 2000-597 relative aux procédures d’urgence.

65Avant cette date, tout référé sur lequel il n’était pas statué avant la conclusion du contrat devenait

sans objet (Voir par exemple : CE, 18 octobre 1993, Commune de Villeneuve-sur-Lot contre Association villeneuvoise de défense des contribuables et de l’environnement et autres, n° 141.964).

demande de référé précontractuel, même si ledit délai n’est qu’indicatif. Adopter un mécanisme de suspension automatique dès le dépôt d’une requête se serait avéré plus simple, mais cette solution n’a pas été retenue.

Le référé précontractuel a pour but de corriger les manquements commis par les maîtres d’ouvrages aux obligations de publicité et de mise en concurrence imposées par le Code des marchés publics et par la loi Sapin. Il n’est pas utilisable en matière d’atteintes à l’environnement, sauf dans le cas où le règlement de consultation ferait référence à des obligations environnementales qui ne seraient pas respectées par l’entreprise sélectionnée ou au contraire si le règlement de consultation ne faisait référence à aucune obligation environnementale et que ce critère a néanmoins été privilégié lors de l’attribution du marché.

Contrairement au droit commun, le juge du référé précontractuel a des compétences

décisionnelles plus importantes que lorsqu’il statue au fond66. Il peut annuler les

actes qui se rattachent à la formation du contrat, ou des clauses ou prescriptions discriminatoires destinées à figurer dans un contrat. Le juge dispose donc d’un pouvoir réformateur des contrats administratifs. Or traditionnellement le juge administratif « n’a pas le pouvoir d’annuler le contrat ou de le modifier pour le rendre

conforme à la réglementation en vigueur»67, ce qui constituerait une atteinte au principe

de séparation des pouvoirs entre les autorités exécutives et judiciaires.

Le référé précontractuel est une procédure dérogatoire du droit commun, qui n’est employée que dans des cas délimités par la loi. L’atteinte à l’environnement n’en fait pas partie. Une transposition du mécanisme du référé précontractuel en matière

d’environnement pourrait présenter un intérêt68. Mais concernant le référé

précontractuel, l’intérêt à agir, entendu restrictivement, réduit le potentiel protecteur de l’environnement de cette procédure.

66 CE, 21 février 1986, Compagnie des architectes en chef des monuments historiques, requête n°

74477.

67CE, 7 février 1986, monsieur Pottier, requête n° 50761. 68Voir présent chapitre, section II, II, B.

b. Un intérêt à agir trop restreint ?

La rédaction de l’article L 551-1 du Code de justice administrative interdit d’user du référé précontractuel dans un but dilatoire, quand bien même les travaux visés seraient dangereux pour l’environnement. En effet l’article L 551-1 al 2 dispose que ne peuvent saisir le juge administratif que « les personnes qui ont un intérêt à conclure le

contrat et qui sont susceptibles d’être lésées par ce manquement».

Un référé précontractuel ne peut donc être valablement introduit que par les concurrents évincés lors de la procédure de passation, et encore faut-il que leur dossier ait été susceptible d’être retenu. Est donc irrecevable la requête d’un candidat qui a présenté un dossier incomplet ou hors délai. De même, il a été clairement consacré par la jurisprudence que n’a pas intérêt à agir la personne qui n’a pas vocation à conclure le contrat. Sont par conséquent privés du droit d’actionner cette procédure les tiers riverains des travaux publics projetés, et a fortiori les associations de citoyens et les associations environnementales.

La jurisprudence s’est pourtant assouplie : désormais tout candidat évincé acquiert

des droits à recours qui ne peuvent lui être déniés69. L’intérêt à agir en matière de

recours pour excès de pouvoir n’est plus conditionné, au niveau communautaire, à la participation à la procédure de passation, ce qu’avait déjà consacré la jurisprudence

française dans un arrêt « Porte » du 12 mars 199970. A la lumière de cette

jurisprudence, il est possible que l’intérêt à agir en matière de référé précontractuel soit élargi pour l’avenir, même s’il est prévisible que le juge administratif use prudemment de cette possibilité.

Cette procédure, si elle a pour effet indirect, par l’annulation de la procédure de passation d’un contrat, de suspendre des travaux et de protéger l’environnement, n’est pas une procédure à objet environnemental. En effet, les requérants admis à introduire un référé précontractuel sont des entrepreneurs évincés, dont la volonté est de se voir confier, à terme, l’exécution des travaux. Cet intérêt à agir restreint fait de cette procédure un outil de peu d’utilité en matière de protection de

69CJCE, 1erfévrier 2004, Grossmann Air Service, affaire C 230/02. 70CE, 12 mars 1999, Entreprise Porte, juris-Data n° 1999-05035.

l’environnement. Un substitut peut être trouvé dans les procédures de référé administratif de droit commun.

2. Les procédures d’urgence classiques : un bilan défavorable à l’environnement

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