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La dissonance apparaît par exemple quand une personne prend la décision d’adopter un comportement non congruent avec les pratiques préconisées dont elle a la connaissance. Festinger souligne que quand cette dernière fait un choix entre plusieurs opinions, la solution sélectionnée ne sera pas totalement satisfaisante pour elle et les options réfutées ne seront pas totalement vaines : « si un individu choisit un mode d’action parmi plusieurs possibilités, il est presque certain de ressentir de la dissonance, car l’alternative choisie est rarement entièrement positive et les alternatives rejetées sont rarement entièrement négatives » (Lévy, 2010, p. 194). Les savoirs en rapport avec les côtés négatifs et préjudiciables de la solution retenue seront donc inconsistants avec les savoirs, les avantages qu’il détient pour avoir choisi cette solution. Faisons un parallèle avec les actes de non-respect volontaire de certains infirmiers. Lorsqu’un infirmier de bloc opératoire ne compte pas les textiles lors d’une intervention chirurgicale, il mobilise différentes connaissances qui s’affrontent. En effet, il a toute connaissance et est convaincu que si une compresse est oubliée dans le site opératoire, le patient risque une infection de ce même site ayant des conséquences très dommageables. Les arguments qu’il mobilise pour asseoir son choix de non-comptage sont par exemple le fait qu’aucune compresse n’a été oubliée à ce jour sur toutes les interventions similaires déjà effectuées par ce chirurgien et que ce dernier est vigilant lors de l’acte opératoire afin de ne pas en laisser in situ. Ainsi, deux cognitions ne s’accordent pas. L’argument retenu par l’infirmier pour justifier son comportement n’est pas totalement satisfaisant au regard des

109 arguments réfutés : aucun oubli de compresse n’a été constaté jusqu’alors mais il sait qu’un textilome peut se déclarer plusieurs mois après l’intervention chirurgicale. Le même raisonnement peut être envisageable pour les solutions rejetées et leurs attraits positifs. Ici, compter les compresses est une action garantissant la gestion du risque infectieux.

Festinger et Aronson mentionneront aussi que la dissonance « sera proportionnelle à l’attraction de l’alternative rejetée relativement à l’alternative choisie » (Lévy, 2010, p. 195). De même, suite à la décision d’un comportement adopté, la personne sera en mesure de ressentir de la dissonance, mais elle se persuadera que la solution retenue est encore meilleure qu’elle ne l’avait envisagée en premier lieu. La réduction de la dissonance aura lieu en suivant la prise de décision. De la même façon, le degré de réduction est en adéquation avec l’étendue de la dissonance.

Cherchons, maintenant à savoir, dans le contexte de l’exemple précédent lors d’un non-compte de compresse quelle(s) récompense(s) peuvent-être obtenue(s) par l’infirmier responsable du non-compte des textiles ? Un gain de temps ? Si cela s’avère être le cas, quelle importance cela a-t-il face à la garantie de soins sécuritaires que l’IBODE doit assurer ? Dans ce cas-là, l’amplitude de dissonance ressentie sera donc conséquente au regard du risque encouru par le patient.

Nous pouvons aussi, reconnaître la causalité du groupe comme origine de la dissonance comme le spécifient Festinger et Aronson. En effet, un désaccord avec d’autres peut en être un de ces fondements. De la sorte, lorsqu’une personne est face à un avis divergent au sien énoncé par des pairs, alors la conscience qui émane en regard de ses jugements est ambivalente face à l’avis de ces autres personnes. Ainsi, supprimer la dissonance dépendrait de l’absence d’interactions et d’échanges avec ces autres. En laboratoire, plusieurs expériences ont démontré que la grandeur de la dissonance est dépendante de l’importance de la personne ou du groupe mentionnant son opposition et de la pertinence, de la gravité pour cette même personne de la controverse ainsi créée.

Il existerait donc plusieurs modes de réduction de la dissonance cognitive. Une étude de terrain menée par Adams et ses collaborateurs montra que la dévalorisation de la personne en opposition et la modification de ses positions vis-à-vis de cette dernière pouvaient être une

110 dissonance. La personne dans un premier temps peut chercher « l’appui des gens qui croient déjà ce dont il veut se persuader » (Ibid., p. 126). Dans un second temps, elle peut essayer de persuader les autres qu’ils devraient croire ou adopter les mêmes idées qu’elle.

Selon Vaidis, il existerait plusieurs modes de réduction qui se situent au regard de trois sortes de stratégies définies par Festinger en 1957. Il mentionne (Vaidis, 2011, p. 136) :

• Le changement d’un ou plusieurs éléments engagés dans la relation d’inconsistance • L’apport de nouvelles cognitions consistantes

• La « réduction de l’importance des éléments impliqués dans la relation d’inconsistance ».

Par conséquence, nous pouvons exposer plusieurs modes de réduction de dissonance cognitive se classant dans différents domaines (Vaidis, 2011, p. 136 - 142) :

1. Le changement d’attitude :

a. la rationalisation cognitive : face à son comportement, la personne change son attitude initiale dans le but de la faire correspondre. Il apporte donc un certain nombre d’arguments qui justifieront ses actes.

b. la rationalisation comportementale (Joule, 1986) : au regard du comportement posant problème, le sujet agit dans un second temps d’une manière similaire, il effectue alors un acte allant dans le même sens que le précédent.

c. le support social : la personne peut modifier son univers social pour le rendre congruent avec ses croyances si celles-ci sont infirmées. Il va alors s’allier à des personnes ayant les mêmes opinions que lui et repousser les autres. L’exemple le plus célèbre étant celui décrit par Festinger (1956) lors du récit de la secte confrontée à une erreur de prophétie.

2. L’explication causale des conduites. L’explication causale (Heider 1958) permettrait une justification à l’accomplissement ou à l’approbation d’un comportement posant problème. Une personne peut convoquer des situations externes ou situationnelles pour argumenter le fait qu’elle ait accepté d’effectuer un acte problématique (Joule et Beauvois, 1987). En revanche, l’apport d’explications internes ou positionnelles augmenterait la dissonance (Channouf, LeManio, Py et Sonnat, 1993).

3. La trivialisation, décrite par Simon, Greenberg et Brehm en 1995 dans leur article « Trivialisation : the forgotten mode of dissonance reduction » : la personne « dévalorise son comportement problématique ou son attitude initiale ».

111 4. Le déni de responsabilité : ce mode de réduction a été mis en évidence en 2006 par Gosling, Denizeau et Oberlé. Il existe la réduction d’un sentiment de responsabilité conduisant à un déni de cette dernière. Ces chercheurs ont ainsi démontré que nier la responsabilité d’un acte problématique conduit à une réduction de la dissonance cognitive.

5. La sur confiance (overconfidence). Ce mode de réduction découle du « désir de percevoir le soi comme perspicace et compétent » (Blanton, Pelham, 2001, p. 374).

Nous ne présenterons pas dans notre travail les modes de réduction suivant : Modification des besoins physiologiques, l’affirmation de soi, la sélection de l’information et la restructuration cognitive.

Ce que nous devons aussi mentionner est que la résistance au changement des éléments en jeu dirige la réduction de la dissonance. Ainsi, la cognition la plus forte est gardée « gelée » tandis que la cognition la plus faible va être modifiée pour permettre la réduction de la dissonance.

Par ailleurs, Doise, Deschamps et Mugny (1991, p. 239), à partir des travaux effectués par Zajonc en 1968, résument la théorie de la dissonance cognitive par les neuf propositions suivantes :

1. La dissonance cognitive est un état pénible.

2. L’individu essaie de réduire ou d’éliminer la dissonance cognitive et d’éviter tout ce qui l’augmenterait.

3. Dans un état de consonance cognitive l’individu éviterait tout ce qui pourrait produire de la dissonance.

4. L’intensité de la dissonance cognitive varie en rapport direct avec l’importance des cognitions concernées, la proportion de cognitions ayant une relation dissonante. 5. L’intensité des tendances décrites en 2 et 3 est en rapport direct avec l’intensité de la

dissonance.

6. La dissonance cognitive peut être réduite ou éliminée : a. en ajoutant de nouvelles cognitions ou,

112 7. Ajouter de nouvelles cognitions réduit la dissonance :

a. quand les nouvelles cognitions renforcent les éléments consonants et diminuent donc la proportion des éléments cognitifs qui sont dissonants, b. quand les nouvelles cognitions diminuent l’importance des éléments cognitifs

en état de dissonance.

8. Changer des cognitions existantes réduit la dissonance quand : a. leur nouveau contenu les rend moins inconsistants ou, b. leur importance diminue.

9. Cette augmentation ou ce changement de cognitions peut se faire en changeant les aspects cognitifs de l’environnement « par l’action ».

Il existerait donc deux principaux modes de réduction de la dissonance cognitive : la rationalisation cognitive et la rationalisation en acte.