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QU’EST-CE QUE LA PÉDAGOGIE ?

5. Quelle définition de la pédagogie aujourd’hui ?

C’est dans le cadre de cette histoire, qu’il faut contextualiser la nécessité qu’éprouvent certaines chercheurs en éducation de redéfinir aujourd’hui la pédagogie. Et la difficulté que nous avons à le faire.

Sur le plan du discours dans la société, les choses semblent se clarifier sur ce point : on se met à reconnaître plus largement qu’on ne sait pas ce qu’est la pédagogie ! Wikipedia (si on ose aller chercher un exemple dans la connaissance de masse !), consulté en novembre 2007, précise que l’article et ses renvois présentant la pédagogie est « à recycler en le réorganisant et en le clarifiant » !

En France, la bataille entre républicains et pédagogues, montre aujourd’hui combien le concept de pédagogie flotte, plus aucun pédagogue ne se retrouvant sous ce nom quand les anti-pédagogues le définissent. Il se joue en notre époque un peu la revanche des enseignants s’étant vu catégorisés de « traditionnels » à travers des pratiques que les pédagogues de l’Éducation nouvelle ou de l’École Active leur attribuaient, alors qu’ils ne les pratiquaient pas !

Qu’est-ce alors que cette pédagogie qui ne se laisse pas définir? Comment la recherche en sciences de l’éducation répond-elle à cette question aujourd’hui ?

Michel Fabre le fait par ce constat offrant en lui-même un repère utile : La pédagogie se décline aujourd’hui en trois sens :

- Il peut s’agir d’une réflexion singulière sur l’action éducative en vue de l’améliorer, ce que Durkheim nommait déjà « théorie pratique ».

- Il peut s’agir d’une doctrine (par exemple les pédagogies Freinet, coopératives ou institutionnelles). Cette doctrine émane de la démarche précédente qui s’est systématisée.

- Par extension, il peut s’agir aussi, dans le langage courant, de l’art d’éduquer ou d’enseigner (on dit par exemple : c’est un bon pédagogue).

Occupons-nous de la première définition la pédagogie en tant que réflexion singulière sur l’action éducative en vue de l’améliorer dont les deux autres découlent.

5.1 Une définition par le type de discours

La pédagogie, en tant que réflexion singulière nommé telle, est approchée aujourd’hui, en sciences de l’éducation, à travers diverses recherches, divers classements, diverses catégorisations qui provoquent divers discours. Discours plus ou moins approfondis. Parfois pour fonder quelques théories sur la pédagogie. Parfois pour l’étudier en tant que tel. Parfois pour s’en démarquer. Pendant ce temps, le discours pédagogique en tant que « réflexion singulière sur l’action éducative en vue de l’améliorer » traverse les sciences de l’éducation.

Souvent sans qu’il soit qualifié comme émanant de la pédagogie. Le risque est alors de le prendre pour un discours fondé sur une des sciences de l’éducation. De l’attribuer ainsi à une épistémologie qui n’est pas la bonne.

La pédagogie apparaît, en revanche, sous l’étiquette précise de « discours pédagogique » dans bon nombre de recherches menées sur les « idées et pensées pédagogiques » ou dans des recherches sur les « théories de l’éducation » (Avanzini, 1985 ; Hameline, 1986 ; Bertrand, 1990 ; Meirieu, 2007). La pédagogie qualifiée de « discours pédagogique » apparaît aussi dans les recherches en « histoire de l’éducation » (travaux du laboratoire ERIHSE ; Denis & Kahn, 2006). Dans les recherches menées en « histoire des institutions » (premières écoles, ordres d’enseignement). « Histoire des modes de vie » (enfance, jeunesse). « Histoire des conceptions théoriques » (Platon, Kant ou Rousseau). « Histoire de la pédagogie » en tant que « théorie pratique » (à travers la présentation de figures de la pédagogie allant de l’Antiquité à la pédagogie d’aujourd’hui). Cette approche a semblé s’effacer, mais a retrouvé une existence à partir des travaux de Jean Houssaye (1994, 1995, 1996, 2002, 2007 a et b), de Philippe Meirieu (2007, 2007 a).

Pédagogues, philosophes et scientifiques s'accordent le plus souvent à définir aujourd’hui la pédagogie comme un discours sur la pratique éducative en vue de l’améliorer. « Discours entre le dire et le faire, parfois imparfait, mais discours qui rend pourtant compte avec le plus de justesse de la vérité éducative » écrit Philippe Meirieu en 1995 (p. 240). Discours d'auteurs, de penseurs, d'essayistes, de philosophes, d'idéologues précise Philippe Perrenoud (2001c, p. 20).

La pédagogie, appréhendée par le terme de « discours » est alors définie comme l'éducation qui se pense, c’est-à-dire se parle, s'estime et s'imagine. Le pédagogue, dans cette conception de la

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pédagogie, peut être décrit comme « un parolier explicitant, de façon à la fois restitutrice et anticipatrice, la théorie pratique implicite de ses interlocuteurs en même temps que la sienne propre » (Hameline, 2001, p. 237).5.2 Evolution du discours pédagogique

Le pédagogue se doit d'évaluer l'action éducative pour proposer un programme éducatif.

Evaluer son action propre en tous les cas. Souvent il le fait en comparant l’action proposée à ses actions précédentes (jugées comme étant à abandonner, ou améliorer) ou en comparant l’action proposée à celles des autres). Rappelons que ce sont bien les « aux noms de quoi » justificateurs d'un programme d'action, qui font et requièrent des pédagogues. Et soulignons que cette nécessité de fonder de plus en plus finement ses propositions, comme nous allons le voir, ne doit pas faire oublier que le pédagogue demeurera toujours un rhéteur, puisque sa fonction est non seulement de produire un programme mais de propager de la pensée et de l’évaluation sur de l’action. Pas de pédagogie sans cette condition là, dit Hameline (2001, p.238).

De même, il nous faut accepter que le pédagogue postule qu’il est légitime de juger et de prescrire ce qui est mieux de faire quand on éduque. Pas de pédagogie sans l’acceptation de ce postulat.

Enfin il nous faut accepter que la pédagogie ait à faire avec de la doctrine. « Sans doctrine, il est difficile de dire au nom de quoi prononcer une approbation ou une désapprobation qui soit juste, c'est-à-dire discernement et non terreur de l'inconnu » (Hameline, 2000, p. 761).

Autre difficulté : la recherche pédagogique est recherche de nouveaux moyens (qui demeurent toujours à justifier). Cette justification s'est souvent faite dans la comparaison des formes éducatives. Ce qui a conduit les pédagogues à brosser un portrait plutôt sombre des traditions. Cet aspect a donné au discours des grands pédagogues et pionniers de l’Éducation nouvelle, une couleur polémique, voire partisane, militante. Ce type de qualification du discours pédagogique favorise, selon les critères de la recherche scientifique en éducation, la catégorisation de la pédagogie en dehors de toutes recherches à prendre au sérieux. Soulignons qu’une telle représentation de la pédagogie empêche, aujourd'hui, de comprendre que des chercheurs comme Freinet ou Ferrière utilisaient l'artifice rhétorique pour faire connaître les résultats de leurs recherches pédagogique (Freinet) ou sur les pédagogies de l’Éducation nouvelle (Ferrière). Et toujours, pour continuer à penser, à inventer, à créer. La comparaison était moyen de recherche. Cet artifice leur permettait d'élaborer, contre une école traditionnelle plus ou moins réelle, de nouvelles hypothèses théoriques, d'imaginer des organisations du travail scolaire s'adaptant aux découvertes des sciences humaines, d'établir leurs finalités, clarifier les valeurs à pratiquer. Cette écriture-là était autant outil de recherche que restitution de la pensée. On peut ainsi voir la « pédagogie traditionnelle » comme objet inventé (au moins partiellement) par les pédagogues décrivant tout ce qu’ils ne veulent pas proposer comme finalités, valeurs, moyens d’enseignement, pour réussir à mieux présenter leurs propositions.

L’objet repoussé permettant non pas de « vendre » le savoir nouveau, mais de le construire. Le contraire étant évidemment tout autant à admettre. Ainsi voit-on aujourd’hui les « pédagogies actives », coopératives, institutionnelles, devenir parfois objet repoussés (par conséquent aussi inventés ou du moins déformés, caricaturés) pour fonder un programme neuf. Ou pour rappeler certaines pédagogies du passé, ou quelques-uns de leurs moyens éprouvés. Ainsi le sort réservé aux pédagogies actives et constructivistes, ou à un pédagogue comme Meirieu, devenus objets repoussoirs pour fonder une évolution conservatrice et managériale de l’école.

La forme du discours pédagogique a évolué, comme la recherche du même nom. Il est actuellement sur le fil du rasoir. Entre discours d'homme de science et récit d'aventure humaine.

Il ne peut plus être ce qu'il a été, mais peine à savoir ce qu'il peut être. Empreint d'habitudes anciennes à rejeter, il tombe parfois dans une imitation du discours scientifique qui, non seulement ne lui sied pas, mais trahit son propos, empêche la réflexion pédagogique. Ses nouvelles spécificités? Il s'est détaché des comparaisons diabolisantes, est devenu moins militant, et surtout moins dogmatique. Le pédagogue a appris à fonder ses propositions, ses critiques, les justifier sans plus «se» justifier.

Expliquer comment faire «au mieux » passe par des références à la norme (même si elles sont créations) et au règne des fins (qui réclame aujourd'hui un tissage créatif entre le particulier et l'universel). Le discours est en ce sens un discours philosophique, de l'idéal. Mais expliquer comment faire «au mieux», réclame aussi un inévitable énoncé de moyens et de mesures. Le discours se fait ici inventaire : moyens et mesures doivent aussi être jugés et jaugés à la lumière de leur crédibilité pratique. L'explicitation des contingences ramène alors le discours dans l'ordre du réel, du palpable, de l'analyse « constatative » des conditions de l'action. Devant se préoccuper des paradoxes de l'éducation, autrefois isolant ou opposant leurs deux termes, il cherche aujourd’hui à les conserver précieusement, à les relier. Le discours se fait alors récit de pratiques, questionnment de dilemmes, problématisation de questionnements.

Le point d'interrogation a remplacé celui d'exclamation. Et comme la fonction du discours pédagogique est de proposer des programmes d'action, ne serait-ce qu’à soi-même, il propose des idées et des activités. Il peut alors devenir prescriptif. Et peut se faire ainsi pédagogiste lorsque les propositions sont assénées comme des prescriptions. Ce «récit philo-sciento-prescriptif», pour prendre sens pédagogique, doit se trouver une rationalité d'argumentation propre qui lui donne, un ton, un style, des images, un mode d'équilibration réciproque entre maniements des concepts et des lieux communs. Il constitue déjà bien aujourd'hui un type de texte particulier. Le discours de Pestalozzi (1797) demeure un des modèles du genre (Soëtard, 2001). Celui d'un Philippe Meirieu (voir l'ensemble de son œuvre), pédagogue d'aujourd'hui et aux pieds un peu moins dans la fange, ne l'est pas moins. Quand on veut bien différencier chez Meirieu ce qui appartient à sa pédagogie et ce qui revient à la recherche qu’il mène sur la pédagogie.

5.2 Une définition par le type de pratique de la théorie

Francis Imbert (2000) est de ceux qui définissent la pédagogie comme une praxis, le pédagogue associant théorie de la pratique et pratique de la théorie. Dans cette perception, le pédagogue n'est plus seulement homme de discours, mais homme d'action qui pratique la théorie.

Reprenant la proposition de Durkheim, il est pour certains un « praticien-théoricien de l'action éducative » (Houssaye, 1993, p. 13). Un praticien « à qui le temps est accordé et qui le prend, pour tenter de comprendre ce qu'il fabrique » (Hameline, 1998, p. 10). Précision fort utile pour comprendre que la pédagogie ne peut se confondre avec la seule pratique, ni même avec la pratique réflexive. Le pédagogue a bien à assumer qu'il est chargé de théoriser la pratique éducative. À partir de celle-ci. C'est ainsi qu' Hameline (2000, p. 700) n'hésite pas à coller l'étiquette « pédagogie » à des œuvres récentes de sociologues, philosophes, psychanalystes, qu'il propose de considérer comme des pédagogues quand « ces gens de science » se situent au plus près de gens de terrain et se perçoivent tels, eux-mêmes, pour construire du savoir. Il cite alors comme exemples d'ouvrages qu'il qualifie de pédagogiques, des œuvres de Mireille Cifali, Philippe Perrenoud, Philippe Meirieu, Jean Houssaye, Charles Hadji et Francis Imbert. Non pas pour l’ensemble de leurs œuvres. Mais certaines. Parce que ces ouvrages, s’ils sont fait de descriptions et d’analyses, prescrivent tout autant. Cette

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proposition est cavalière car, si certains de ces auteurs se revendiquent pédagogues (Meirieu et Houssaye par exemple), d'autres ne se présentent pas en tant que tels comme chercheurs.

Retenons néanmoins de la proposition de Daniel Hameline, que la qualité prescriptive du discours est une des caractéristiques du discours pédagogique. Retenons aussi que le chercheur en sciences de l'éducation peut être qualifié de pédagogue suivant le discours qu’il propose. Ce qui signifie que des théoriciens de tout bord et tout lieu peuvent faire œuvre, à leurs heures, de pédagogues.

Admettre la prescription comme critère permettant de différencier le discours de la pédagogie des discours scientifiques aurait le mérite de lever de nombreuses confusions et ambiguïtés : le pédagogue serait ainsi celui qui prescrit comment faire au mieux pour éduquer.

Mais ce critère, s’il peut qualifier le discours pédagogique, semble être présent dans d’autres discours des sciences de l’éducation. Du moins apparaît-il souvent dans les résultats des recherches scientifiques, quand le chercheur a le souci de tirer des conséquences de sa recherche pour les politiques de l’éducation et les éducateurs.

La situation de la pédagogie est ainsi aujourd’hui encore reconnue pour le moins

«inconfortable» (Kahn, 2006). Afin qu’elle le soit moins. Qu’il ne puisse plus être dit que « la connaissance pédagogique semble une sorte de savoir évanescent, échappant depuis toujours à tout effort de définition (Tardif & Lessard, 1999, p 374), c’est ce qu’elle est qui doit être décrit plus finement.

Tentons ainsi de définir cette «sorte de savoir» que la pédagogie produit, aidée dans cette tentative par tous ceux qui aujourd’hui s’y appliquent.

5.3 Une définition par la substance de la pédagogie

Une analyse fine des écrits de grands pédagogues — qui n'est point à confondre avec les discours sur l'éducation qui ne font que diversion—, a conduit Daniel Hameline (1998 b, p. 1-2) à proposer et citer comme étant toujours actuel cette définition de la pédagogie donnée par Emile Durkheim en 1911 : « La pédagogie est l'ensemble des manœuvres que l'intelligence déploie dans une société, pour que l'arbitraire d'une éducation bien ou mal faite cède à la décision raisonnée de faire au mieux ».

Acceptons cette définition relativement claire, exposée dès le début du 20e siècle. Le discours pédagogique peut alors être vu comme portant sur cet ensemble de manœuvres. Et soulignons d'emblée, avec Hameline, l'expression ambivalente « faire au mieux ». Elle manifeste le statut de la pédagogie. Elle contient la clé pour comprendre que le discours pédagogique est porteur de la complexité de l'acte éducatif. Que ce soit à travers les contradictions vives et les batailles d'idées qu'il contenait hier, ou à travers les dilemmes, les antagonismes et les paradoxes qu'il travaille aujourd'hui, non plus pour les exclure mais au contraire pour les articuler. La pensée du complexe et le choc des cultures ont aujourd'hui pénétré la pédagogie, la transforment, la rendent surtout plus autonome, plus responsable des fins d'une éducation sortie désormais de toute généralité.

Cernons plus finement le champ actuel de la pédagogie, ses objets de prédilection.

Comme l'avait déjà bien vu Durkheim, l'éducation n'est pas objet seul. Elle est toujours objet et projet d'éduquer, mettant forcément en œuvre une idée de l'humain et de la société. En admettant que l'éducation est à la fois « produit d'un projet » et « projet » lui-même réclamant des moyens (théoriques, pratiques, éthiques) pour assurer les évolutions de l'éducation des sujets et des sociétés, nous pouvons dire que la pédagogie est une manière spécifique de

réfléchir à l'articulation, l'imbrication et la dialectique qui s'installe entre ces deux pôles de l'éducation à travers les moyens qu'elle se donne.

Cette réflexion sur les moyens d'éduquer a la particularité de rechercher, au plus près de l'acte d'éduquer, les meilleurs moyens pour la meilleure finalité de l'éducation. Une finalité éducative infinie. Qui a à faire avec «un devoir d'humanité qui n'a plus d'assise ontologique, ni métaphysiquement, ni scientifiquement, ni socialement parlant, mais dont l'essence s'exprime désormais en termes de liberté et de responsabilité : de dignité», écrit Michel Soëtard (2001, p.

120-121). Rappelons que c'est bien la question de faire advenir des hommes et non plus des types d'hommes modelés dans des formes préconçues, qui a fait naître au cours du temps des pédagogues. La question de cet homme à faire « se construire » est ainsi, depuis l'origine de la pédagogie, un nœud central de sa réflexion. Elle ouvre sur l'infinie démarche de chaque personne. Sur l'infini aussi de cette recherche de moyens, de programmes d'action réfléchis, pour que chacun puisse se construire en dignité et en liberté, à partir de la particularité de la condition dans laquelle il se trouve.

Vaste projet qui oblige le pédagogue à faire des choix — de manière raisonnée précise Durkheim — de moyens et de milieux éducatifs.

Parce que le pédagogue est astreint à l'incertitude d'atteindre ses fins (qu'est-ce que faire

« advenir un homme »?) et l'infinitude de sa recherche (aujourd'hui annoncée), son programme d'action doit être fondé. La recherche pédagogique est ainsi contrainte de faire preuve de cohérence. Cette dernière passe par une clarification des «aux noms de quoi justificatifs» qui orientent tant sa recherche que ses résultats (présentés comme programmes d'action). Ces fondements peuvent concerner des éléments multiples et de types différents : théories de l'apprentissage, savoirs des sciences humaines, souci éthique, réflexion philosophique, constats d'observation, savoirs d'expérience, accords ou désaccords avec les normes et valeurs de la société, contraintes du réel, postulats personnels, etc. C'est la présentation la plus claire possible de ces « au nom de quoi il y a proposition de moyens et de fins » — fondements provisoires, conditionnels, relatifs et conjoncturels — qui est la garantie d'une recherche pédagogique sérieuse, et surtout non doctrinaire. « La rigueur dans le maniement des idées et la probité dans celui des consciences doivent être perceptibles à ceux qui reçoivent le propos » dit Hameline.

C’est-à-dire le résultat de la recherche.

Reconnaissons que le pédagogue a eu — et rencontre toujours — des difficultés pour atteindre ce haut niveau d'exigence de restitution de sa recherche décrit par Hameline (1998 a p.238). La fabrication d'un tel discours tend en effet mille pièges aux pédagogues. Voyons cet aspect.

5.4 Une définition par les savoirs de la pédagogie

Parler de la pédagogie comme substance spécifique d’un discours, peut nous faire oublier que, comme toute recherche en éducation, la pédagogie produit des savoirs. Et a des exigences éthiques qui rejoignent celles de toute recherche éducationnelle.

Quels sont les savoirs construits par la pédagogie ? Les savoirs qu’elle seule est à même de produire ?

Ils sont de deux types. Un premier savoir est la théorie spécifique qu’est la pédagogie elle-même (ex. celle de la pédagogie institutionnelle). Un second type de savoirs touche aux créations, inventions singulières (ex. le conseil de classe de la PI ou le postulat d’éducabilité).

Ces deux types de savoirs —nés de l’insatisfaction du lien entre théories, pratiques et valeurs—

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sont toujours des savoirs construits pour « faire au mieux ». Des savoirs incluant un esprit critique et impliquant de la prudence. Mais ils posent des problèmes différents quant à leur objectivation, de leur transférabilité et de leur publicité.

6. « Théories pratiques » et savoirs spécifiques de la pédagogie

Voyons de plus près les deux grands types de savoirs construits par la pédagogie : 1) la construction de « théories pratiques » ; 2) l’élaboration de savoirs singuliers.

6.1 Des « théories pratiques »

Toute pédagogie peut être définie comme une « théorie pratique ». Une théorie praxéologique, c’est à dire orientée vers la transformation de la pratique (Fabre, 2003).

Définir la pédagogie comme théorie n’est certainement pas la même chose que de la définir comme discours. Cette théorie, qu’à la suite de Durkheim, Fabre qualifie de « théorie pratique » se présente sous la forme d’un discours contenant un récit de l'expérience éducative vécue, mais ne s’y limitant pas. Le discours est aussi explicitation de moyens créés ou surgis pour

Définir la pédagogie comme théorie n’est certainement pas la même chose que de la définir comme discours. Cette théorie, qu’à la suite de Durkheim, Fabre qualifie de « théorie pratique » se présente sous la forme d’un discours contenant un récit de l'expérience éducative vécue, mais ne s’y limitant pas. Le discours est aussi explicitation de moyens créés ou surgis pour