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Approche, par la pédagogie, de la démarche d'auto-socio-construction: une "théorie pratique" de l'Éducation nouvelle

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Academic year: 2022

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Texte intégral

(1)

Thesis

Reference

Approche, par la pédagogie, de la démarche

d'auto-socio-construction: une "théorie pratique" de l'Éducation nouvelle

VELLAS, Etiennette

Abstract

La recherche porte dans un premier temps sur la définition de la pédagogie. Celle-ci est analysée en tant que recherche en éducation existant depuis toujours. De l'Antiquité à aujourd'hui. Avec cette constante : sa difficulté à être reconnue comme spécifique et légitime.

La thèse met en évidence non seulement la légitimité de la pédagogie, mais encore qu'en tant que "théorie pratique" articulant des conceptions, des convictions et des actions, elle offre un modèle d'intelligibilité de l'action éducative. La démarche d'auto-socio-construction du savoir, proposée par le Groupe français d'éducation nouvelle, apparaît ainsi analysée comme un savoir purement pédagogique. Le sens donné à la culture par de telles démarches est montré comme influencé par l'ensemble de la "théorie pratique" qui les englobent. La thèse met finalement au jour une pédagogie née dans le Mouvement de l'Éducation nouvelle susceptible de donner de la saveur au savoir à transmettre.

VELLAS, Etiennette. Approche, par la pédagogie, de la démarche

d'auto-socio-construction: une "théorie pratique" de l'Éducation nouvelle. Thèse de doctorat : Univ. Genève, 2008, no. FPSE 382

URN : urn:nbn:ch:unige-67915

DOI : 10.13097/archive-ouverte/unige:6791

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:6791

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(2)

UNIVERSITÉ DE GENÈVE FACULTE DE PSYCHOLOGIE ET DES SCIENCES DE L’ ÉDUCATION Section des Sciences de l’Éducation

Sous la direction de Mireille Cifali

APPROCHE, PAR LA PÉDAGOGIE,

DE LA DÉMARCHE D’AUTO-SOCIO-CONSTRUCTION : UNE « THÉORIE PRATIQUE » DE L’ÉDUCATION NOUVELLE

THESE

Présentée à la

Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation de l’Université de Genève

pour obtenir le grade de Docteur en SCIENCES DE L’ É DUCATION

par

Etiennette VELLAS

de Bullet (Vd)

Thèse No 382 GENEVE Janvier 2008

(3)

2

La thèse se présente en 2 tomes

_______________________

La Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation, sur préavis d’une commission formée par les professeurs :

Mireille Cifali, Université de Genève ; Rita Hofstetter, Université de Genève ; Philippe Perrenoud, Université de Genève ; Philippe Meirieu, Université Lumière, Lyon

autorise l’impression de la présente thèse, sans prétendre par là émettre d’opinion sur les propositions qui y sont énoncées.

GENÈVE, le 16 janvier 2008

Le doyen : Bernard Schneuwly

Thèse N˚ 382

(4)

Remerciements

Je remercie celles et ceux qui m’ont permis de réaliser cette thèse.

Ma chaleureuse reconnaissance va en tout premier lieu à Mireille Cifali Bega, professeur à la FPSE de l’université de Genève, directrice de ma thèse et présidente du jury. Je la remercie pour la confiance qu’elle a mise en moi et en mon objet de recherche, tout au long de mon cheminement. Son appui intellectuel, ses encouragements— de chaque instant et durant plus de 10 ans— ont été déterminants. Sans elle, sans sa présence si humaine, je sais que n’aurais pu mener à bien cette recherche.

Je remercie Rita Hofstetter, professeur à la FPSE de l’université de Genève, pour ses encouragements à commencer, poursuivre, achever ma thèse. Merci pour ses précieux conseils méthodologiques qui ont participé à l’aboutissement de ce projet et pour les discussions passionnantes que nous avons eues sur l’Éducation nouvelle, son histoire, ses histoires.

Je remercie Philippe Meirieu, professeur à l’université Lumière-Lyon II. Merci pour son accompagnement intellectuel d’une fidélité à toute épreuve. Merci pour sa connaissance de la pédagogie, ses analyses, sa passion pour la défendre et la soutenir qui m’ont fait me noyer dans ce sujet. J’ai failli n’en plus ressortir et je lui en suis infiniment reconnaissante.

Je remercie Philippe Perrenoud, professeur à la FPSE de l’université de Genève, qui m’a aidée dans le choix de mon objet de thèse. Arrivée à la fin de ce parcours, je crois pouvoir lui dire qu’il ne s’était pas trompé ! Son laboratoire LIFE a été, tout au long des années de ma recherche, un lieu de motivation et de ressources intellectuelles aussi riches qu’indispensables.

Un lieu empli d’amies et d’amis qui m’ont dynamisée.

Ma gratitude, toute particulière et admirative, va à Odette Bassis, présidente du Groupe français d’éducation nouvelle (GFEN) durant toute la durée de ma thèse. Elle a accepté d’être, avec une générosité remarquable objet de mes observations et analyses, sans jamais me demander des comptes. Étant à l’origine de la démarche d’auto-socio-construction, avec son mari Henri Bassis aujourd’hui décédé, je lui dois, je leur dois, tout simplement tout.

Ma reconnaissance va aussi à Jacques Bernardin, tout nouveau président du GFEN, et à tous les membres de ce mouvement pédagogique. Leurs écrits, leurs paroles, leurs créations et animations de DASC sont devenus substance de ma thèse. Les analyser a encore augmenté mon estime à leur endroit. Ils ont été, chacune et chacun, un des maillons de l’auto-socio- construction de ma thèse. Comme tous ceux qui aujourd’hui recherchent, en pédagogues, une éducation nouvelle. Je pense en particulier au Groupe romand d’éducation nouvelle (GREN) qui a lui aussi alimenté ma recherche.

Je remercie chaleureusement enfin Christian Vellas, mon mari. Il m’a donné le courage de relever ce défi. Il a été intensivement présent à chaque étape de ce travail, dans les moments de joies et de craintes de ne pas « y arriver ». Il a accepté d’organiser sa vie en fonction de ma vie de thésarde. Participant, pas à pas au fil des ans, à chacune de mes avancées.

Je remercie aussi chaleureusement mes enfants, mes petits-enfants, ma mère, mon frère et ma famille d’avoir compris et accepté tout ce temps passé sur ma thèse, qui aurait pu leur être accordé. Chacune et chacun, à leur manière, m’ont permis, grâce à leur affection, de boucler cette boucle.

(5)

4

Sommaire

TOME I.

REMERCIEMENTS SOMMAIRE

INTRODUCTION ...9

1. LES AMONTS DE LA RECHERCHE ...12

OU « LA NAÏVE AUX 40 ENFANTS »...12

1. Ma première rencontre avec l'auto-socio-construction ...15

1.1 Atelier d’écriture Co-pillage ... 17

1.2 Le récit de l’atelier... 18

1.3 Mon entrée à l’université ... 34

1.4 À la recherche de l’Éducation nouvelle ... 35

1.5 Le choix de mon objet de thèse... 36

PARTIE I ...37

LE MOMENT DES QUESTIONS ...37

CHAPITRE 1 LA PROBLEMATIQUE...38

1. Problématique initiale : la construction du sens des savoirs à l’école...38

2. Hypothèse et questions de recherche...40

3. Les présupposés théoriques ayant donné du sens à ces questions ...40

4. Buts de la recherche ...43

5. Les milieux de ma recherche...44

5.1 Un milieu de recherche universitaire ... 44

5.2 Le milieu observé : le GFEN, un Mouvement pédagogique... 45

5.3 Terrain de recherche et implication... 46

6. Un drôle d’objet...47

7. Une approche ethnographique-clinique-pédagogique...48

7.1 Une approche ethnographique ... 48

7.2 Une posture clinique ... 48

7.3 Une approche pédagogique... 49

8. Recueil des données...49

8.1 Corpus d'observations de pratiques de la DASC... 50

8.2 Corpus de textes pédagogiques. La revue Dialogue. Les livres du GFEN... 50

8.3 Corpus de récits ... 50

8.4 Corpus d'explicitations de créateurs et animateurs de démarches... 51

8.5 Corpus de tracts, annonces d’université d’été, de colloques, littérature grise ... 51

8.6 Corpus de recherches scientifiques sur la DASC... 51

9. Analyse des données ...52

10. Restitution de la recherche : adoption du genre « mosaïque »...53

11. Sur le plan de l’énonciation...54

CHAPITRE 2 ...55

VERS UNE SUITE SANS FIN DE L’ÉTAT DE LA QUESTION...55

Introduction ...56

Une définition instable du « sens », un état de la question multi-référentiel...56

1. Les recherches sur les savoirs scolaires ...57

2. Les recherches sur les pratiques de classe ...58

3. Les recherches en didactique(s)...59

4. Les recherches sur les représentations et conceptions du savoir ...60

5. Les recherches sur le sens des savoirs scolaires ...62

6. Les recherches sur la motivation ...62

7. Les recherches sur le rapport au(x) savoir(s)...64

8. Les recherches de la pédagogie concernant la construction du sens ...65

PARTIE II...68

LE MOMENT DE LA PÉDAGOGIE...68

(6)

CHAPITRE 3 ...69

QU’EST-CE QUE LA PÉDAGOGIE ? ...69

1. Débrouiller l’embrouillé...70

1.1 Retour aux sources... 71

1.2 La pédagogie aux prises avec les finalités de l’éducation ... 72

2. La pédagogie et ses milieux ...73

2.1 Socrate ou la pédagogie confondue avec la philosophie ... 74

2.2 Augustin ou la pédagogie confondue avec la mystique ... 76

2.3 Dès le 14e siècle : la pédagogie face à la réalité... 78

3. La pédagogie s’autonomise ...79

3.1 La pédagogie au temps de la Renaissance ... 79

3.2 Au 16e siècle : La pédagogie comme humanisme... 80

3.3 La pédagogie aux prises avec l’unité et l’ordre social ... 81

3.4 La pédagogie se centre officiellement sur l’enfant... 83

4. Du statut de la pédagogie au carrefour des 19e et 20e siècles ...84

4.1 L’éducation faite domaine de recherche ... 86

4.2 La pédagogie rêve d'être « la » science de l'éducation ... 88

4.3 Zoom sur la mise en évidence d’une « théorie pratique » science de l’éducation... 90

4.4 Le big-bang de la recherche en éducation : le statut ébranlé de la pédagogie ... 92

5. Quelle définition de la pédagogie aujourd’hui ? ...94

5.1 Une définition par le type de discours... 95

5.2 Une définition par le type de pratique de la théorie ... 97

5.3 Une définition par la substance de la pédagogie ... 98

5.4 Une définition par les savoirs de la pédagogie... 99

6. « Théories pratiques » et savoirs spécifiques de la pédagogie ...100

6.1 Des « théories pratiques » ... 100

6.2 Des savoirs nés entre théorie et pratique, reliant les trois pôles de la pédagogie ... 101

6.3 Les finalités du savoir pédagogique... 102

7. Tous pédagogues ?...103

7.1 Les apports d’une telle définition... 103

7.2 Un travail en solitaire ou en équipe ... 104

7.3 Où se déroule actuellement cette recherche pédagogique? ... 105

CHAPITRE 4 ...109

COMPARER LES PÉDAGOGIES : OÙ EN EST-ON ?...109

1. Les avancées de la recherche sur les pédagogies...110

1.1 Le triangle à succès de Jean Houssaye... 110

1.2 Louis Not nous demande : êtes-vous « auto » ? « hétéro » ? ou « inter » ?... 112

1.3 Sous la loupe de Marguerite Altet : les pratiques des enseignants ... 112

1.4 Comparer les pédagogies nouvelles : difficile à réaliser ... 113

1.5 La proposition de Philippe Meirieu ... 114

1.6 Pas de recherche possible sans lire et rencontrer les pédagogues ... 116

2. Analyser le lien tissé entre théories et pratiques : une nouvelle difficulté...117

3. Comparaisons internationales des systèmes éducatifs et pédagogie ...118

3.1 Qu’en est-t-il sur le plan de la pédagogie ?... 119

3.2 Des comparaisons internationales commencées en observant Pestalozzi ! ... 121

CHAPITRE 5 ...125

PÉDAGOGIE : DE LA FIGURE AU MOUVEMENT ...125

1. Définition de la pédagogie d’un groupe, d’une équipe...126

2. Les caractéristiques du travail d’un Mouvement pédagogique ...127

3. Le jeu social des mouvements pédagogiques...130

3.1 Le jeu entre le CLIMOPE et l’institution... 130

3.2 Les mouvements pédagogiques aux prises avec les politiques éducatives... 133

4. Le Mouvement pédagogique, le politique, la politique ...136

4.1 Le pédagogue militant : gêneur par ce qui fait sa spécificité ... 137

4.2 Le pédagogue militant : gêneur des politiques éducatives ... 137

4.3 Le pédagogue militant : gêneur de la recherche en éducation... 141

5. Pas de « théorie pratique » sans doctrine...142

CHAPITRE 6 ...147

LE GFEN, UN MOUVEMENT DANS LE MOUVEMENT DE L’ÉDUCATION NOUVELLE ...147

1. Des dates comme simple repérage des prémices de la DASC ...150

2. Dans les interstices ...167

CHAPITRE 7 ...171

ÉDUCATION NOUVELLE ET SCIENCES DE L’ÉDUCATION ...171

(7)

6

1. Franchir un pas dans l’histoire de l’Éducation nouvelle ...173

1.1 Une histoire à faire... 173

1.2 L’Éducation nouvelle vue comme projet ... 174

2. Les apports des historiens...175

2.1 Préciser le concept Éducation nouvelle... 175

2.2 Elaboration des caractéristiques de l’Education nouvelle ... 176

2.3 La revue Pour l’Ère Nouvelle sous la loupe ... 177

2.4 Éducation nouvelle et sciences de l’éducation : une difficile conciliation ? ... 178

CHAPITRE 8 ...184

LE GROUPE FRANÇAIS D’ÉDUCATION NOUVELLE (GFEN)...184

1. Le GFEN tel qu’il se présente...184

2. L’organisation du GFEN ...187

3. Le GFEN : une force de travail ...188

4. Le GFEN : une force d’écriture...189

5. Le GFEN : un lieu de recherche et de formation continue ...190

TOME II. PARTIE III ...191

PREMIERS ÉLÉMENTS DE SENS ...191

LE PÔLE « PRATIQUE »...191

DE LA DÉMARCHE D’ AUTO-SOCIO-CONSTRUCTION...191

CHAPITRE 9 ...194

L’ÉCOLE À LA RECHERCHE D’UN SAVOIR REPROBLÉMATISÉ...194

1. La « DASC » comme situation d’apprentissage parmi d’autres...194

1.1 La rupture avec le cours ex-cathedra ; une «situation» trop exigeante... 195

1.2 Les types de situation d'apprentissage repérables dans les classes... 195

2. Le problème aux sources de l’émergence de l'apprentissage ...197

2.1 Rousseau : encore lui !... 197

2.2 Les élèves éclatent-ils aujourd'hui de rire aux problèmes de l'âge du capitaine? ... 198

2.3 Des apprentissages par problème multiples ... 199

2.4 Le maître condamné à être Maître Renard ... 199

3. Le projet à l'école : le problème pour intégrer des savoirs ...200

3.1 Des savoirs… pour de bon... 200

3.2 La démarche de projet : un dérivé « raisonnable » de la pédagogie de projet ? ... 201

3.3 Apprendre à décider collectivement... 201

4. Des caractéristiques des situations-problèmes...202

5. Des situations-problèmes aux problèmes ouverts...203

5.1 La spécificité du problème ouvert... 203

6. Pour commencer : « Enlevez les questions ! »...205

CHAPITRE 10 ...208

ÉMERGENCE DE LA DASC ...208

1. À la recherche d’un savoir- pouvoir...209

1.1 Être sujet d'une démocratie et assujetti par des composantes du savoir scolaire : brouillages ... 209

1.3 La responsabilité des « pratiques routines »... 210

1.4 Contre une problématisation molle ... 211

1.5 La problématisation en œuvre dans la démarche d'observation et de structuration des savoirs ... 212

2. La démarche d'auto-socio-construction...213

pour se sortir d'une impasse pédagogique...213

2.1 Des situations-impasses pour que le savoir devienne quête et conquête... 214

2.3 Solidarité et savoir démythifié ... 215

CHAPITRE 11 ...216

À LA RECHERCHE DES ENJEUX DES SAVOIRS...216

1. Le modèle de la DASC c’est la démarche du chercheur...216

(une partie du récit d’Henri Bassis) ...216

1.1 Un changement de rapport au savoir et à savoir pour les enseignants ... 219

2. Fouiller le dessous des cartes des programmes scolaires ...220

(8)

2.1 Une organisation du travail orientée par des problématiques-obstacles... 220

2.2 Une certaine conception de l’obstacle... 221

3. La transposition pédagogique du GFEN : des savoirs scolaires à la recherche de l’aventure humaine ..223

3.1 Une transposition… à l’envers... 223

3.2 Éprouver les savoirs en les construisant... 225

3.3 Comment nommer le savoir à faire construire dans les démarches ?... 226

CHAPITRE 12 ...228

LA CONSTRUCTION...228

D’UN SUJET, DE SON SAVOIR, DE LA DÉMOCRATIE...228

PAR LA CONSTRUCTION D'UN SENS DES SAVOIRS CHOISIS ...228

1. Des significations des savoirs choisies au sens personnel du savoir...228

1.1. De la problématisation du savoir scolaire au sens espéré être transmis ... 229

2. Les étapes d’une démarche : les Maîtres du temps...230

3. Traitement du problème dans cette démarche ...237

4. Le mode de transmission du savoir : l’ auto-socio-construction du sens ...240

4.1 De la problématisation de l’étalon de mesure du temps au sens espéré avoir été transmis durant la démarche .... 241

4.2. Accompagner l’apprentissage comme une auto-socio-construction c’est être un enseignant sur le qui-vive ... 242

PARTIE IV ...248

DEUXIEME ÉLÉMENTS DE SENS...248

LE PÔLE « THÉORIQUE » ...248

DE LA DÉMARCHE D’ AUTO-SOCIO-CONSTRUCTION...248

INTRODUCTION ...249

CHAPITRE 13 ...251

THÉORIES CONSTRUCTIVISTES...251

1. Une hypothèse forte de l’apprentissage : ...251

l’homme construit ses connaissances ...251

1.1 Les théories de l’apprentissage aux prises avec l’organisation du travail scolaire... 252

1.2 Rendre l’élève intellectuellement actif à l’école: une recherche tous azimuts ... 253

1.3 Des organisations inspiratrices des théories... 253

1.4 Des organisations pour (re)donner le goût de vivre ... 255

2. Pourquoi la réalité résiste-t-elle à l’adoption du regard constructiviste ?...255

2.1 Les régimes autoritaires du passé et les constructivistes... 256

2.2 Une réalité sociale qui résiste toujours... 257

CHAPITRE 14 ...262

SE RÉFÉRER AU CONSTRUCTIVISME : ...262

UNE PALETTE DE THÉORIES À DISPOSITION ...262

1. Une proposition pragmatique pour aborder la complexité théorique ...263

1.1 Les diférences entre les théories sur le plan épistémologique... 263

2. Placer chaque théorie sous la vigilance des autres ...266

3. Des différences sur le plan des projets culturels ...267

4. Raisonner les emprunts suivant les projets, les besoins...268

CHAPITRE 15 ...272

LE TRAVAIL DU GFEN SUR ET AVEC SES SAVOIRS FONDANT ...272

LA DEMARCHE D’AUTO-SOCIO-CONSTRUCTION...272

1. Entrer dans les théories de référence du GFEN par une pratique ...273

2. Rencontrer la pensée des chercheurs...279

2.1 Tout est histoire d’interprétation des théories ... 280

2.2 Les psychologues appréciés comme chercheurs de l’Éducation nouvelle... 281

2.3 Le goût du débat : allier cadre psychique et cadre social ... 282

3. Une élaboration continue de la « théorie pratique »...283

3.1 Le triangle wallonien bousculé, mais pas mort ... 284

4. Tester les théories en les confrontant aux démarches les plus connues...294

5. Bienvenue aux chercheurs au service de la « théorie pratique »...302

5.1 Bachelard : la démarche comme raisons en marche... 303

5.2 Obstacles et ruptures... 304

5.3 Brecht, Castoriadis, Marx, Freud, Rogers…... 308

5.4 L'histoire, l'anthropologie, l'art sont des points de repère importants ... 310

5.6 Une référence première : l'activité humaine... 312

5.7 Et … les savoirs pédagogiques … du GFEN ? ... 313

(9)

8

PARTIE V ...317

TROISIÈMES ÉLÉMENTS DE SENS ...317

LE PÔLE DES « CONVICTIONS »...317

DE LA DÉMARCHE D’AUTO-SOCIO-CONSTRUCTION...317

CHAPITRE 16 ...320

VALEURS ET FINALITÉS : DES CONVICTIONS EN ACTES...320

1. L’Éducation nouvelle postule sa responsabilité envers les qualités de la société de demain...320

2. La chance du risque philosophique de nommer les valeurs...322

3. Savoir, création et recherche : des valeurs sûres ...323

CHAPITRE 17 ...325

L’ÉMANCIPATION OU LA LUTTE CONTRE LA DOMINATION ...325

1. La servitude volontaire en question ...325

2. Travailler le refus de manipuler et d’aliéner...326

3. La construction d’une citoyenneté démocratique ...327

3.1 « La démarche du fœtus »... 328

3.2 La science comme moyen de communication... 333

3.3 L’éducation n’est jamais neutre ... 334

CHAPITRE 18 ...335

ÉGALITE ET CULTURE DE PAIX ...335

1. Être solidaire dans un monde qui ne l’est pas encore ...337

2. Être des écologistes des langues...340

3. Tous capables ! ...341

3.1 Un postulat fondé, à fonder et à refonder... 342

3.2 Un fondement biologique ... 342

3.3 De la lutte contre le handicap génétique à celle du handicap socioculturel : une question de solidarité ... 345

3.4 Une attention aux dérives... 346

CONCLUSION ...350

DISCUSSION DES RESULTATS ...350

1. De la connaissance et de la méconnaissance de l’Éducation nouvelle...352

2. Approche du GFEN ...353

3. L’héritage de Langevin et Wallon...354

4. Les ingrédients de la magie de la DASC : du travail...356

4.1 Une certaine problématisation du savoir... 356

5. Des significations données aux savoirs ...358

montrant le pouvoir des savoirs et de savoir ...358

5.1 Le tableau des significations des savoirs touchées dans les DASC... 360

6. L’animation des DASC ...361

7. De la formation des enseignants à la démarche à l’intérieur du GFEN...362

8. De l’intérêt de la démarche d’auto-socio-construction sur le plan sociétal...363

8.1 Animer des DASC pour changer la société... 363

8.2 La DASC, creuset de la démocratie ? ... 364

8.3 La question de l’évaluation toujours lancinante... 366

9. Le GFEN et le concept du constructivisme ...367

9.1 Ateliers d’écriture et DASC... 368

10. De la recherche pédagogique et scientifique...369

10.1 Les caractéristiques de la pédagogie comme grille d’analyse du travail du pédagogue... 371

10.2 De la pédagogie du GFEN ... 371

11. Diffusion et transférabilité des « théories pratiques » et des savoirs pédagogiques ...372

11.1 La transmission des pédagogies par les pédagogues... 373

11.2 Quand la recherche scientifique veut aider au transfert des savoirs de la pédagogie ... 375

BIBLIOGRAPHIE ...380

CORPUS D’OUVRAGES DU GFEN ÉTUDIÉ...398

(10)

INTRODUCTION

(11)

10

L’Éducation nouvelle est une inconnue. Ou presque. C’est un continent immergé, disent les pédagogues. Une nébuleuse, corrigent les historiens. Pour les uns, c’est du passé. De l’utopie dépassée. Pour d’autres du présent. Du futur. De l’utopie nécessaire. Autant dire qu’elle intrigue. Qu’il faut y aller voir. De plus près. Ceux qui pénètrent son territoire disent son difficile accès. Mais ils rapportent des traces de leur aventure. Des preuves qu’elle recèle des trésors d'inventité et de courage pour éduquer.

La recherche présentée ici est consacrée à l'un d'eux. Qui porte, comme tout trésor pédagogique, un « drôle » de nom : la démarche d'auto-socio-construction des savoirs, de la personne et de la société. Un nom qui fait fuir parfois celui qui rôde autour de l’Éducation nouvelle. Quand il ne sait pas que le savoir pédagogique est justement un « drôle » d’objet.

Nommée ainsi en 1976, puisant ses racines dans les origines de l’Éducation nouvelle, cette problématique est aujourd’hui travaillée, sans relâche, par le Groupe français d'éducation nouvelle (GFEN). Une problématique devenue centrale pour les groupes actuels d’Éducation nouvelle d’autres pays (Belgique, Luxembourg, Russie, notamment). Elle est un des éléments fondateurs du réseau du Lien international d’Éducation nouvelle (LIEN), créé en 2001.

Ma recherche a pris la forme d’une enquête sur cet objet, conduite dans le cadre des Sciences de l’éducation de l’université de Genève. Elle est à inclure dans une recherche pédagogique personnelle plus large et de longue durée. Celle d’une enseignante, ayant exercé dans des classes élémentaires et primaires durant une vingtaine d’année puis à l’université dans la formation des maîtres de l’école primaire.

La restitution de ma recherche et de ses résultats sont présentés comme une mosaïque pourrait l’être. Pierre après pierre. Certaines formant les motifs centraux, d’autres le fond ou l’arrière-fond. Le recul réalisé pour voir la mosaïque de loin montre de larges espaces vides.

Des pierres à chercher, encore et encore…

La présentation de ma thèse-mosaïque est accompagnée d’encadrés. Certains donnent des précisions épistémologiques. Ils portent ce nom. D’autres se nomment échos. Ceux-ci explicitent en quoi ce travail d’enquête a été pour moi-même … une démarche d’auto-socio- construction de savoir, de ma personne et de la société. Cette meta-analyse a ce but : non pas être un distracteur montrant une chercheuse volant la vedette à son objet, mais faire de ces tableaux accompagnant la présentation de la recherche et de ses résultats, un éclaircissement supplémentaire de mon objet d’étude. Un éclairage sur l’expérientiel que représente la réalisation d’une telle démarche. Montrant particulièrement que toute construction d’objet se heurte à des résistances et nécessite des ruptures à opérer qui touchent au développement de la personne. Ces petites touches personnelles, intimes feront échos à ces moments d’engagement

« massif », plein de la réalité de chacun que connaît tout constructeur de savoir. Elles révéleront, pour qu’on ne l’oublie pas, que l’affectif, le rationnel, le corporel sont intimement mêlés dans l’épreuve de la nouveauté. Une autre manière de tenter de faire comprendre la démarche d’auto-socio-construction des savoirs, de la personne, de la société. Démarche que nous pourrons appeler DASC dès qu’elle nous sera assez connue.

(12)

Précisions épistémologiques

STRUCTURE DE LA THÈSE

Après une partie Introduction comprenant tous les amonts de la recherche. Ma thèse se présente en cinq parties, divisées en chapitres. Les deux premières parties sont le reflet de la constitution de ma recherche et de l’objet de recherche. Les trois autres présentent les résultats de la recherche.

La première partie aborde la recherche dans ses débuts, avec l’exposé de mes premières questions, premières orientations, premiers buts, et première revue de littérature. Elle représente la première étape de la recherche. La présentation des théories qui ont été au fondement de ma recherche. Sans être forcément repris visiblement dans les analyses ultérieures, ces apports conceptuels ont orienté mon regard sur mon objet d’étude. Ils m’ont fait choisir la ligne à prendre, les chemins à éviter. Cette partie porte la trace des questions que je me suis posées et des théories que j’ai pensé être utiles pour mieux saisir et étudier mon objet.

La deuxième partie se présente comme un immense détour : celui qui passe par une recherche sur la pédagogie. Ce qu’elle a été, ce qu’elle est, sa fonction, son état actuel et les arguments qui font que je vais choisir finalement de poursuivre ma recherche en prenant les trois pôles qui la fondent comme grille d’analyse pour la suite de la recherche : le pôle des conceptions, le pôle des convictions et le pôle des actions. Ces trois pôles entre lesquels se tisse toute pédagogie sont ainsi pris, à partir de ce moment, comme outils d’analyse de mon objet d’étude : le sens donné au savoir par la démarche d’auto-socio-construction (DASC). Le détour par la pédagogie est ainsi devenu recherche sur l’objet pédagogie. Et la pédagogie, une fois définie, est devenue entrée méthodologique, outil, pour aborder l’objet premier : la démarche d’auto-socio-construction. Cette entrée par la pédagogie représente ainsi une rupture méthodologique s’étant produite en cours de recherche.

La démarche d’auto-socio-construction, en cours de recherche et sous le regard de la pédagogie, s’est alors révélée être, non seulement la problématique d’une pratique singulière, mais encore la problématique d’une « théorie pratique ». Deux objets en somme qui portent le même nom. Dont l’un est englobé par l’autre, mais les deux s’influençant.

Situer la démarche d’auto-socio-construction en pédagogie, m’a conduite à en rechercher ses origines, même lointaines, et à observer son évolution. Je l’ai fait en problématisant et théorisant le tout pour tenter de comprendre quelles significations du savoir, des disciplines, de la culture, les pédagogues du GFEN cherchent à transmettre à travers elle.

Étudier la démarche d’auto-socio-construction m’a demandé de comprendre ce qu’est un mouvement pédagogique, comme ce qu’est le Mouvement de l’Éducation nouvelle.

J’aborde par conséquent au cours des trois parties suivantes la démarche d’auto-socio-construction comme une problématique d’une pratique d’Éducation nouvelle et comme une problématique d’une

« théorie pratique » qui fait référence, en les articulant, à des convictions (des valeurs, des finalités), des conceptions (des théories, savoirs scientifiques, pédagogiques et autres) et des actions (des pratiques de la DASC assumées par ce groupe). C’est une fois munie de cette grille d’analyse que j’ai tenté de découvrir les éléments susceptibles de donner un sens pleinier aux savoirs transmis et construit par la DASC.

La troisième partie est consacrée aux éléments de la dimension praxéologique de la « théorie pratique » de la DASC susceptibles de donner sens aux savoirs lors de l’élaboration et la conduite des démarches.

La quatrième partie fait de même, en se consacrant aux éléments de la dimension théorique de la

« théorie pratique » de la DASC.

La cinquième partie poursuit cette recherche de sens dans les éléments de la dimension axiologique de la « théorie pratique » de la DASC.

Le tout finit par une conclusion qui met en évidence et en perspective certains résultats de la recherche.

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1. LES AMONTS DE LA RECHERCHE OU « LA NAÏVE AUX 40 ENFANTS »

Cette recherche s'est orientée, dans un premier temps, du côté des pédagogies actives rencontrées sur le terrain scolaire genevois, public et privé. J'ai alors découvert des enseignants, se déclarant travailler dans des pédagogies actives, guidés par un slogan : « partir de l'enfant pour l'instruire ». Cette recherche, conduite dans le cadre d’un mémoire de licence en sciences de l’éducation, a mis en évidence que ces pratiques étaient le plus souvent fondées sur un désir légitime : travailler avec des enfants « motivés », c'est à dire montrant une certaine acceptation d'être là. A l'école s'entend, et pour pratiquer ce métier d'élève que Philippe Perrenoud (1994) qualifie de « métier le moins librement choisi ». J'ai montré certains effets négatifs de ces pratiques orientées par ce « partons de l'enfant » pour l’instruire (Vellas, 1986). Je les rappelle brièvement.

Ce slogan conduisait les enseignants à utiliser l’enfant, ses mots, ses gestes, son quotidien, ses objets, ses pensées, ses passions en moyens pédagogiques, en tremplins pour atteindre les objectifs du programme. La croyance était que ce mode de faire permettait aux enseignants de faciliter les apprentissages. L’entrée étant jugée proche des intérêts de l’enfant, ce n’était ni le savoir ni le rapport aux savoirs qui étaient objectivés pour les travailler avec les élèves, mais l’enfant. Cette recherche me permit d’observer comment l’enseignement, le mien compris, se greffait ainsi parfois sur :

- le corps de l’enfant lui-même (aborder la mesure en comparant sa grandeur à celle de ses camarades) ;

- son identité (faire les premiers apprentissages de la lecture/écriture à partir de son prénom) ;

- ses récits de vie (travailler le vocabulaire à partir d’un accident vu en venant à l’école, raconté à la réunion du matin, écrit collectivement) ;

- ses activités spontanées (enclencher un questionnement mathématique à partir du montage d’une tour réalisée dans le coin jeu ; réaliser une observation en sciences à partir d’une pierre trouvée au bord du chemin) ;

- ses objets privés (enseigner le nom des couleurs à partir des vêtements portés ; apprendre à parler une langue seconde à partir du « trésor » apporté de la maison) ; - ses libres pensées (travailler la grammaire en écrivant des textes libres) ;

- son comportement (apprendre les usages sociaux à partir d’un conflit avec ses pairs) ;

- sa famille (faire de l’histoire en élaborant son arbre généalogique) ; - ses questions tout venant (faire des mathématiques à partir de « c’est quoi

l’infini maîtresse? », question posée à la réunion du matin) ;

- ses passions (enrichir son vocabulaire à partir de son animal préféré, sa collection de timbres) ;

- ses sentiments (apprendre l’art du débat en parlant de ses peurs de la nuit) ;

Mes observations et mon analyse m’avaient conduite à mettre en évidence les stratégies des élèves fuyant ces situations. Et à développer la thèse que «ce partir de l’enfant pour l’instruire » freinait finalement plus les élèves dans leurs apprentissages qu’il ne les motivait.

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J’avais à l’époque fait l’hypothèse, dans un premier temps, que ce « partons de l’enfant pour l’instruire » découvert comme un « partons de l’enfant pour le motiver à s’instruire » provenait du courant de l’Éducation nouvelle. Parce que les enseignants interviewés fondaient cette pratique en citant quelques-unes de ses figures : Claparède, Decroly, Ferrière, Cousinet, Freinet. Cette recherche me poussa à plonger dans ce courant pour retrouver les origines de cette pratique. Une recherche qui m’entraîna à lire ces pédagogues cités. Et me fit aller jusqu’à saisir quelques prémisses des pédagogies actives mis en évidence par Ferrière : Socrate (470- 399 av. J.-C), Luther (1483-1546), Montaigne (1533-1592), Rousseau (1712-1778).

Ma surprise, fut de découvrir que je ne pouvais pas attribuer la paternité des pratiques observées dans les classes genevoises aux penseurs de l’éducation cités par les enseignants.

Mais ma recherche me faisait comprendre que ces pratiques pouvaient être attribuées à des incompréhensions des théories, des pratiques, des discours des psychologues, philosophes et pédagogues que je découvrais : le respect de la nature enfantine, l’enfant vu comme un organisme actif, la préoccupation pour ses intérêts (apparents ou latents), les analyses sur la différence entre la spontanéité-instinct ou la spontanéité-caprice, l’idée de ramener l’école à la vie… Autant d’idées qui avaient pu se transformer en ce « partons de l’enfant pour l’instruire ! ».

Cette recherche me donna envie de lire les grands pédagogogues pour comprendre plus en profondeur ce que je fabriquais sous cette étiquette de « pédagogie active ». Je travaillais alors à l’École Active de Chêne-Bourg comme enseignante. Une petite école privée, regroupant entre quarante et cinquante enfants de 4 à 12 ans. Nos réflexions, entre enseignants, mais aussi avec les parents avec qui nous autogérions l’école, étaient intenses pour tenter de comprendre ce que rendre des enfants actifs voulait dire. Les parents ayant fondé l’École Active de Chêne-Bourg en savaient beaucoup sur le sujet. Plus que nous, équipe pédagogique, parfois ! La question de la signification du concept « École Active » était débattue entre tous.

L’école était née d’une scission de l’École Active de Malagnou. Nous étions encore dans le climat « Mai 68 », qui avait favorisé la naissance d’écoles se voulant des lieux de vie et de travail, où tout était non seulement négocié avec les parents, mais géré avec eux. Dans un souci de vivre « l’égalité au quotidien ». Nous étions alors aux prises avec des questions économiques (comment faire « rentrer les écolages » permettant de payer les salaires des enseignants et la location des locaux», « comment faire payer ces écolages en tenant compte des revenus des parents ? »), d’aménagement et d’entretien du lieu (« qui creuse l’étang dans le jardin ? », « quand repeindre les murs de l’école ?»). Les questions touchant aux finalités de l’école et aux modes d’enseignement restaient primordiales. Les trente points de l’École Active d’Adolphe Ferrière, théoricien de l’École Active étaient connus de tous dans notre école.

Questionnés, débattus. En partie peut-être parce que Ferrière était le grand-père d’une de nos collègues de l’École Active de Malagnou ! Mais pas seulement : Ferrière nous arrangeait bien comme fondement de notre école, car il n’y avait pas une pédagogie Ferrière… Nous refusions de porter l’étiquette d’une pédagogie précise. Ferrière nous permettait de demeurer libres dans nos méthodes, nos choix. Sa lecture nous encourageait, non pas à nous enfermer dans une doctrine, mais à connaître les essais, les tentatives, les projets des diverses pédagogies s’étant développées dans le courant de l’Éducation nouvelle. C’est la diversité qui nous intéressait. La rencontre avec des théories et pratiques diverse. Ferrière nous autorisait cet éclectisme. Et nous enseignait surtout à ne jamais désespérer. Il avait posé qu’espérer est le moteur de toute éducation. Je le dis mieux aujourd’hui qu’à l’époque (grâce aux analyses de Daniel Hameline certainement ! Et celles de Philippe Meirieu sur le postulat d’éducabilité). Mais c’est ce que ses textes nous transmettaient de plus important : l’espoir.

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Nous puisions ainsi nos moyens dans les idées, les méthodes, les outils des diverses pédagogies dites actives : centre d’intérêt chez Decroly ; travail de groupe chez Cousinet ; imprimerie, texte libre, tâtonnement expérimental, plan de travail, coopération chez Freinet ; conseil de classe et diverses institutions chez Oury et Vasquez. Nous lisions Piaget : Andrula Enriquez (chercheuse au centre d’épistémologie génétique) venait tester dans ma classe ses jeux en mathématiques. Nous travaillions avec l’enthousiasme de Ferrière ! Mais aussi avec un esprit critique et de recherche des plus vifs ! Le journal de notre école (Le Canard Actif), nous obligeait à expliciter entre parents et enseignants, ce que nous faisions. A théoriser nos pratiques. Mon mémoire de licence réalisé à partir d’observations d’enseignants travaillant dans les pédagogies actives de Genève, comme à partir de ma propre pratique d’enseignante1 et celles de notre équipe pédagogique, devait beaucoup à ce travail élaboré en autogestion dans notre école.

Ce travail de « pêche de moyens d’instruire et d’éduquer », réalisé un peu au hasard de nos lectures et rencontres allait se heurter à la pratique d’une de mes collègues, Guite Genequand, arrivée du Sud de la France, militante du GFEN. Elle ne nous fit jamais de discours. Mais elle nous perturba avec sa pratique de l’enseignement très différente de la nôtre. Que ce soit dans son travail avec les enfants, ou celui réalisé avec les parents, son organisation du travail, ses manières de rendre actif l’enfant n’avait rien à voir avec les nôtres. Analysant très vite, qu’elle ne parviendrait pas à elle seule, ou trop lentement, à nous faire comprendre ce qu’elle entendait par rendre un enfant actif, elle nous proposa de nous inscrire à une université d’été du Groupe français d’éducation nouvelle (GFEN), groupe avec lequel elle travaillait dans le sud de la France avant d’arriver en Suisse.

C'est ainsi que plusieurs de mes collègues de l'École Active de Chêne-Bourg et de l’École Active de Malagnou se rendirent avec quelques parents des deux écoles à une université d'été du Groupe français d'éducation nouvelle (GFEN). C'était en juillet 1989 à Marseille. Je ne pus m’y rendre. Mais lors de la semaine de travail pédagogique qui précéda la rentrée scolaire de septembre, nos collègues nous firent part avec enthousiasme de leurs découvertes de l’été :

«Nous avons compris que rendre l'enfant actif c'est possible, mais... désolés...cela n'a rien à voir avec nos méthodes actives…

Face à la réaction forte de ceux qui n’étaient pas allés, comme moi, à Marseille — notre projet d'école était ébranlé par ces paroles, remis en question autant que chacun de nous— nous voulions en savoir plus. Un de nos collègues nous proposa alors :

- Nous ne pouvons pas vous expliquer... Avec des mots, ce n'est pas possible de vous transmettre ce que nous avons aujourd'hui compris. Ça ne peut pas passer par une seule description, une explication. Il faut « vivre » ensemble quelques situations nous rendant nous- mêmes actifs, inventifs, créatifs… et vous comprendrez pourquoi la culture prend alors sens. Il faut faire l’expérience d’un atelier d’écriture et de quelques démarches d’«auto-socio- construction»… Mais, ne vous en faites pas, nous avons tout prévu.

1 Travail pour le département de l’instruction publique de Genève avec l’équipe de l’école publique des Eaux- Vives faisant partie du Groupe genevois d’école moderne. Comme remplaçante attitrée et co-fondatrice des Activités surveillées nouvelles (ASN) mises en place par le Département de l’instruction publique dans le secteur

parascolaire. Après avoir enseigné cinq ans à l’École de Fossard en tant que responsable d’une classe à trois degrés puis comme enseignante à l’École de Budé. Et enfin durant 10 ans à l’École Ative de Chêne-Bourg, créée après une scission à l’intérieur de l’École Active de Malagnou. Cette dernière ayant été créée, entre autres, par Michael Huberman participant à la même époque (entre 1975-1976) à la création des Unités de coopératives

d’enseignement, dont celle de l’École des Bossons (UCE). Ces unités s’inscrivant dans le courant de la pédagogie Freinet.

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Le prévu ? Nous faire « vivre » une situation d’« auto-socio-construction » en poésie que nos collègues et les parents avaient « vécue » à Marseille. Quelques jours plus tard, l'invitation arriva. Adressée aux enseignants et parents des deux Écoles Actives genevoises.

Je fais le récit de cette expérience immédiatement. Pour faire comprendre comment je fis la connaissance de ce qui allait devenir mon objet d’étude. Mais aussi avec l’espoir que ce premier récit en permette déjà une certaine entrée.

1. Ma première rencontre avec l'auto-socio-construction

Ce jour-là, j'ai pensé pour la première fois que je pourrais, si je le voulais, écrire des poèmes... Je crois même… être poétesse.

J’ai animé des dizaines de fois cet atelier poésie depuis cette première rencontre. En formation initiale comme en formation continue des enseignants. À l’université ou dans des écoles, en Suisse romande, au Val d’Aoste, en France comme au Québec. Avec des enfants, des adultes. Ou les deux mélangés. Et même lors d’une soirée artistique2. A chaque fois, « une magie » opère : les gens écrivent, entrent dans l’écriture poétique. Franchissent la porte de ce monde. De quelques pas au moins. Les poètes de métier pris dans la situation, se retrouvent toujours surpris qu’un animateur, qui semble ne faire guère plus que les participants, puisse mettre aussi facilement en jeu l'imaginaire des personnes présentes. Et chaque fois, j'ai constaté que la situation proposée, produit ce même effet : l’ouverture d’une brèche dans le rapport au texte poétique de ceux qui se croient exclus de cet art.

J’allais comprendre bien plus tard, en déconstruisant la magie de la démarche, que se nichent, cristallisés dans ce dispositif, les effets d’un travail de longue haleine guidé par un pari sur l’homme. Et une volonté d’égalité.

Le dispositif, décrit par quelques mots ci-dessous, montre les étapes de la démarche. Elles sont à lire en sachant que les ateliers d’écriture du GFEN, comme tous les ateliers d’écriture en France, ont émergé après Mai 68. Avec en tête une idée d’un autre monde possible. Mais la plupart d’entre eux, pour bien comprendre leur projet, réclame de remonter à des sources plus lointaines : le mouvement de l’Éducation nouvelle. Éducation nouvelle et Mai 68 : deux évocations qui disent le désir d’un changement sociétal. Une lutte contre les dominations cachées. Comme celle de la confiscation de l’écriture.

L’atelier d’écriture au GFEN est un lieu de conquête sur le pouvoir d’écrire. Ce peut être dit sur un ton pacifique : « Faire de l’écriture un bien partagé » (Neumayer O. et M. 2003). Ou sur un ton plus révolutionnaire : « Mettre fin au rapt des clercs sur l’écriture » (Tramoy, 1998, 2001 p. 76). Le projet politique est le même. Les ateliers d’écriture du GFEN ne visent pas comme d’autres ateliers d’écriture peuvent le faire aujourd’hui une réparation individuelle. Ils s’attachent à travailler l’individu social et tentent de modifier les institutions, dont l’institution scolaire, pour faire advenir une société démocratique, créative. Et pour certains, une culture de paix. Il s’agit de faire émerger le désir d’écrire chez les personnes, quand ils l’ont perdu, ou ne l’ont jamais connu encore. « Le sujet castré de sa parole, est envisagé au GFEN comme un être à (re)mettre non pas au monde, mais dans le monde » (Rossignol, 1996), et ce travail, réalisé par auto-socio-construction est à effectuer partout. A l’intérieur même de l’école par conséquent. Avec les enfants. Avec les enseignants. Avec les parents.

2 Au Moulin à Poivre à Genève, lors d’une «Rencontre de Pierre Alain».

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Échos

De temps en temps, une fenêtre comme celle-ci s’ouvrira. En dehors d’autres types de fenêtres. Pour dire, quand nécessaire, le cheminement touchant à la recherche.

Se trouveront là, écrits en italique, des reflets de l’expérience de vie que représente l’expérience d’une recherche. Qui est, à sa manière, une « démarche d’auto-socio- construction du savoir, d’une personne, d’une société ». Des reflets qui se feront échos, puisqu’ils tenteront de dire. Dire ce qui ne se dit pas souvent. Ou pas toujours d’une recherche. Parce que ce n’est pas tout à fait nécessaire.

Ces échos se placeront là, comme invitation à les lire. Ils dureront ou pas. Nous verrons.

Être en recherche, c’est vivre. Ces fenêtres parviendront peut-être à le montrer. C’est l’espoir que j’ai en les ouvrant. Ce n’est qu’en fin de parcours que je pourrai savoir si ces ouvertures auront réussi à mieux me permettre de lever le voile qui couvre les dessous, les interstices, les plis, les froissés et froissures des démarches d’auto-socio- construction. Parce que c’est peut-être dans ces choses-là, ces chiffonneries-là, que se cachent le trésor, le secret, la magie d’une DASC.

Échos précédents la démarche réalisée en atelier poésie Avant l’atelier, une triple perturbation :

… Une collègue dont le travail intrigue…

… Des collègues qui parlent d’indicible…Un mot qui promet …Mais quoi ?

… Un problème à peine perçu : c’est quoi un enfant, un être actif ?

Chacun est là avec sa tête emplie de son monde. De ses questions. Et de son besoin d’exister.

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1.1 Atelier d’écriture Co-pillage

Le dispositif tel qu’il a été préparé Objectifs

- Rompre avec le « J’ai pas d’idées, je ne peux pas écrire », représentation la plus courante. Faire comprendre que les mots sont source d’idées.

- Dire que cet objectif peut être travaillé avec les adultes ou/et les enfants.

- Dire que toute démarche de construction de savoir peut toujours être prise, en plus, comme situation d’apprentissage à analyser pour atteindre d’autres objectifs : travailler par exemple les finalités de l’éducation, d’une formation ; les théories sous-jacentes (ex. rapport au savoir, à un type de texte, à la tâche, à apprendre, à autrui, à l’école) ; les questions de pouvoir ; les postulats de l’animateur (ex.

postulat d’éducabilité) ; la force des us et coutumes, la présence de l’habitus ; les modes d’apprentissage ; les modes d’enseignement, les problématiques de la différenciation, de l’évaluation, de la transmission, etc. ).

--- Première étape

Création d’un climat, d’un milieu :

Des livres de poésies sont ouverts sur les tables de la classe, déposés pêle-mêle sur le sol. Ouverts ou fermés.

Lecture de poèmes par l’animateur, ou des personnes de l’atelier.

Défi : Annonce : Dans deux heures, nous aurons tous écrits un texte poétique.

Deuxième étape

Consigne : Lisez, promenez-vous de livre en livre et notez au tableau des mots, des phrases qui vous plaisent, vous interrogent, vous interpellent!

L’animateur lit et écrit comme les autres (il donne l’impulsion d’écrire en écrivant, sème la fantaisie au tableau, fait tout pour ouvrir sur tous les possibles).

Troisième étape

Consigne : Lecture croisée poétique. Face au tableau, debout (pour pouvoir se déplacer), chacun lit en réponse, en écho, à ce qui vient d’être lu.

Un mot, un bout de texte en appelle un autre. Le groupe crée son propre rythme. L’animateur ne dirige pas la prise de paroles mais relance, fait avancer la lecture-texte en participant. Il opère des ruptures de sons, de genre de textes, tord des mots, crée de l’inattendu, bref ouvre à nouveau les prisons mentales. La lecture se fait poème collectif. On peut décider collectivement de faire un poème triste, gai, drôle, émouvant ; dédié à … l'amour, l'amitié, le guerrier, le poète, la résistance, etc.

Quatrième étape

Consigne : À l’aide des poèmes et textes entendus, des mots et phrases au tableau, des livres à disposition, ou de votre seule imagination, écrivez un texte. Dans 15 minutes nous affichons.

Cinquième étape

Affichage : exposition qui permet à tous de faire la connaissance de l’ensemble des textes. (À l'heure dite l'animateur affiche son texte et invite, par ce geste, à afficher, puis se met à lire les poèmes qui s'affichent. Ses consignes sont données par ses faires

… tous sont ainsi invités à faire de même). Attention : afficher de manière espacée sur plusieurs murs pour faciliter la lecture!).

Lecture silencieuse.

Puis choix d'un texte (ou récolte au hasard). Éventuellement, préparation de sa lecture en public. Elle

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peut se faire debout devant les poèmes affichés. Chacun lit quand il veut. Un texte en appelle un autre.

Sixième étape.

Rebonds…

Quelques exemples de suites possibles parmi des centaines d'autres! Tout sera alors fonction des objectifs des ateliers suivants :

Recherche de titres : crayon à la main, chacun propose des titres aux poèmes. Chaque poème doit être, en fin de phase, muni d'au moins trois propositions de titres. Le choix ou l'invention d'un autre titre appartiendra à l'auteur.

Reprise du poème avec de nouvelles consignes : ex. inclure un fragment obligatoire d'un poète ou aller « piller » trois idées-mots dans les textes des autres à inclure dans le texte à reprendre, etc.

Déchirer en deux le poème dans le sens vertical et par duo… en faire deux à partir de là … Aller chercher deux mots dans les textes affichés. Travail des deux mots sur les axes idéel/matériel (liste des associations sur le plan des idées, liste des associations sur le plan sonore, phonétique, morphologique). On dispose ainsi de quatre listes de mots. On tisse ces mots avec ceux du premier texte (nouvelle écriture).

Destinée des poèmes : elle est diverse, et correspond aux circonstances de l'atelier et le plus souvent au projet en cours. Exemples :

- Alimenter le journal de la classe ou de l’école.

- Faire un recueil de poèmes collectifs, une fois les poèmes corrigés : pour chacun ou pour la bibliothèque de la classe ou de l'école ; pour une occasion ou manifestation précise (ex. une fête traditionnelle ou singulière), à l'occasion d'un événement de l'actualité (ex. déclenchement de la guerre en Irak).

- Placer les productions dans une « boîte à poèmes » permanente (et quand celle-ci est pleine, faire une performance en les affichant sur la place du village ou au centre commercial, les offrir alors aux passants pour en discuter avec eux. Les poèmes peuvent être « échangés » contre un mot de ceux-ci).

- Les écrire pour une réunion de parents. Ces derniers découvriront, à la place de leur enfant, le poème qui leur est destiné.

Septième étape.

Déroulement des diverses étapes de l'atelier (le film de la démarche).

Comment a-t-on vécu les étapes ?

Qu'a-t-on appris? Analyse sur le plan cognitif. Travail sur la prise de conscience que ce sont les mots qui nous ont donné des idées.

Comment a-t-on réussi à écrire ? Où avons-nous rencontré des difficultés? (Grâce à quoi ? contre quoi? ). Analyse sur le plan de l'organisation de son travail.

Critique de l’atelier : amélioration des consignes.

1.2 Le récit de l’atelier

Description de la situation en tant qu’enseignante faisant l’expérience de l’atelier comme lieu de formation professionnelle animé par ses collègues.

«Ce n'était pas une maladie qu'il avait. C'était l'écriture...»

Lamartine 1989. Après une journée de classe, me voilà de retour à l'école pour répondre à

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l'invitation de Philippe3.

Dès la lourde porte rouge de mon école poussée, je me sens fébrile. Je sais qu'à mon tour je vais devoir écrire. Comme je l'impose chaque jour à mes élèves.

En pénétrant dans ma classe, qui ce soir est un lieu de réflexion pour adultes, je respire de l'inhabituel. Des livres ouverts ou fermés sont posés dans tous les sens sur les tables qui, elles-mêmes, ne sont plus à leur place. Mes panneaux d'affichage sont vides. Ils ont été libérés de "mes" peintures, celles de "mes" élèves.

Le creux qui me taraude l'estomac, celui que j'éprouve quand j'ai peur, apparaît. Je ressens aussi ces fourmillements autour de mes lèvres. Et cette impression de sentir mon sang dans mes artères, mes dents serrées, cette tension dans mes poignets. Il y a aussi cette moiteur dans la paume de mes mains. Ma bague comprime mon doigt. Peur. Oui, j'ai peur ce soir d'écrire devant et avec tous ces gens connus et inconnus. Mais comme d'habitude, je souris.

Tous mes collègues sont là. A la fois habituels et inconnus, familiers et étrangers.

Comment écrivent-ils? Je n'en ai aucune idée! C'est bien la première fois d'ailleurs que je me pose cette question. Comment pratiquent-ils l'écriture en classe? Bien que je travaille en équipe depuis plusieurs années avec eux, je n'en sais rien. Une de mes collègues s'approche de moi. «J'ai la trouille» me dit-elle comme une gosse, en chuchotant. Philippe, qui va animer la soirée, ne me dit rien mais me sourit. Je sens qu'il a peur lui aussi. C'est sa première animation de démarche.

Première étape

Les participants arrivent, plaisantent, rient un peu trop fort. Je suis tout entière dans mon désir de fuir et dans l'impossibilité de le faire. Repliée en moi. Dans un chambardement qui me replonge dans mes mille et une fragilités de petite élève «appliquée», «douce»,

«gentille», comme mes bulletins scolaires le rapportaient à mes parents. J'ai soudain l'impression de humer l'odeur de mon école primaire. Cette odeur dont j'aime le souvenir, mais qui à présent me tend et fait se serrer mes mâchoires. C'est à ce moment que Philippe et Lorette (les deux animateurs de la soirée), éloignés l'un de l'autre, disséminés parmi l'assistance, se mettent à lire des textes de plusieurs poètes. Avant toute salutation, tout accueil. Un à un les participants, surpris, s'assoient. Là où ils se trouvent.

La musique des mots, le rythme des vers établissent le silence. En moi. Dans toute la salle. Les voix et les attitudes des animateurs me sont étrangères, différentes de celles que je leur connais. Je me décrispe, laisse aller mes épaules. Détente dans ma nuque. Philippe lit un poème que Lorette reprend en entier, après lui, en écho. Les mêmes mots se teintent, dans la deuxième lecture, d'une couleur autre, de nouveaux sens surgissent. Certaines images accrochent, dans le fond de ma mémoire, des visages, des voix. Flashes sur ma vie. Éclairs précis. Le poème déclenche en moi du sens en contrebande qui me dit, avec force parce qu' à demi-mot, que l'essentiel est dans l'enivrement de chaque instant. Je regarde les autres, mes compagnons de route et de poésie. J'ai envie que cette lecture continue.

Les animateurs posent leurs livres sur une des tables, en les laissant ouverts à la page des derniers poèmes lus. Leur regard se pose sur chaque visage. Sans une parole. Je regarde ma montre. Dix minutes se sont écoulées. Un temps de grâce s'envole, que chacun tente de retenir en conservant sa position d'écoute. Les regards flirtent. Nous sommes reliés par des mots, des idées, une musique.

3Philippe Campiche, collègue de l’École Active. Devenu depuis conteur.

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Les participants tournent la tête, détendent une jambe, bâillent, s'étirent comme au sortir de la nuit, d'un rêve. Je crois en tous. Je me sens très proche de chacun, connus ou inconnus.

Enivrée par l'instant.

Deuxième étape

- Bonsoir, dit alors Philippe. Nous allons écrire des textes poétiques. L'atelier d'écriture durera deux heures. Il se prolongera par une discussion sur cette pratique durant laquelle les problèmes rencontrés, les questions surgies, pourront être abordés.

Philippe donne la première consigne :

- Utilisez ces livres. Écrivez au tableau noir, les mots, les phrases, les fragments de texte qui vous accrochent, vous appellent, vous interpellent. Partez à la rencontre de la poésie.

Vous avez un quart d'heure.

C'est le choc. Les participants posent les questions que j'ai envie de poser : « Est-ce qu'on peut écrire plusieurs phrases? », « Un seul mot? », « Avec des craies de couleur? », « A-t-on le droit de mélanger les écrits de plusieurs poètes? », « Est-on obligé d'écrire? », « Peut- on...? », « Dois-je...? »…

Philippe ne répond pas. Il répète simplement la consigne. Exactement sur le même ton et avec les mêmes mots.

Philippe ne dira rien de plus. Un livre dans ses mains, il est déjà plongé dans sa lecture.

Quelques participants râlent, d'autres ricanent. Quelques-uns imitent Philippe qui lit ou Lorette, impassible, qui passe de table en table pour choisir un ouvrage. Je fais comme eux.

Et bientôt comme tous.

Un silence s'établit. Un silence plein des autres. Que je découvre touchant les livres et tournant lentement des pages. Chacun à leur manière. Lisant assis sur les tables, les chaises ou les trois hautes marches qui entourent ma classe. Lisant debouts. Appuyés contre un mur, ou au milieu de la salle, enracinés dans le linoléum. Tableau de lecteurs ? Non. Pas vraiment.

Lecture ballet ? Ballet ouvert alors, car chacun se déplace de livre en livre. Film muet? Oui...

Mais tourné au ralenti.

Cette mouvance silencieuse, sensuelle, m'invite à faire comme tous. A prendre ma place dans cette recherche d'écrits. Spectateur? Acteur? Qui suis-je? Entraînée, je ne peux demeurer longtemps sans prendre, moi aussi, un livre en main.

Je passe de table en table, sans bruit, frôlant des lecteurs-statues plongés dans un poème, en croisant d'autres à la quête d'un livre. Philippe ou Lorette chuchotent de temps en temps un mot à un participant.

Les livres sont de tout format. Zigzags, hésitations, allers-retours rapides entre les titres et les noms des poètes. Mes mains sont attirées par le plus petit ouvrage. Douceur du bleu-gris des pages de sa couverture. Découvertes de l'usure du temps. Venu s'installé là, je ne sais comment, le livre de poèmes est caresse entre mes doigts. Et déjà prisonnier. Retenu pour son velours enjôleur. Ce n'est qu'une fois entre mes mains, que je découvre son nom : Toi et moi de Paul Géraldy. Je l'ouvre :

Il y a des gens, je le sais,

Pour qui le temps passe, en ce moment passe très vite.

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