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La quête de solutions à la perception d’une criminalité internationale

Section 1. L’institutionnalisation progressive de la coopération policière internationale

A. Une coopération marquée par une relation ambivalente avec le champ politique

A. 1. La quête de solutions à la perception d’une criminalité internationale

nationalisation de la criminalité par les policiers. Ce processus semble débuter dès le XVIIIème siècle puisque c’est à ce moment que sont nées leurs premières collaborations internationales. Pour autant, en raison de la consubstantialité de la police et de l’État226, il paraît difficile de penser une distanciation forte des polices par rapport au champ politique dans la mesure où ce

225 Pour plus de précisions sur ces questions, voir notamment N. Walker, « The Pattern of Transnational Policing »,

art. cit. ; M. Deflem, Policing World Society, op. cit., M. Anderson, Policing the World, op. cit. ; D. Bigo, Polices

en réseaux, op. cit. ; N. Gerspacher, « The History of International Police Cooperation », art. cit ; J. Sheptycki, In Search of Transnational Policing, op. cit. ; M. Anderson (ed.), Policing the European Union, op. cit.

siècle et le suivant sont marqués par de nombreuses tensions et guerres internationales, en par- ticulier en Europe227. Nous supposons dès lors que cette proximité explique l’absence de chan- gement radical au début du XXème siècle, après le congrès de Monaco organisé en 1914 (§1). De même si neuf ans après, en 1923, se déroule le congrès de Vienne fondateur de la Commis- sion internationale de police criminelle (CIPC), les faibles activités de cette dernière semblent liées au contexte politique macro. À ce titre, la fin de la seconde guerre mondiale pourrait mar- quer un tournant de la coopération policière internationale. Cette période inaugure l’émergence d’un climat plus général de coopération et de la reconfiguration des enjeux de sécurité autour des dimensions internes et plus seulement externes (§2).

A.1. §1. L’échec des premières tentatives de coopération internationale Dès la fin du XVIIIème siècle, les policiers européens ont l’habitude de coopérer et cer- taines tentatives de formalisation de cette coopération sont apparues au cours des XVIIIème et XIXème siècles. Circule en effet déjà à la fin du XVIIIème siècle l’idée de la nécessité d’une « union sacrée » 228, au détriment des intérêts politiques nationaux. L’objectif est de faire face à « l’ennemi commun »229 que serait la criminalité, pensée comme de plus en plus internationale et transfrontalière en lien avec l’intensification des échanges internationaux. Dans ce sens, la première vague de mondialisation, source de multiplication des échanges, est appréhendée par les policiers comme créant également de nouvelles opportunités pour les criminels qui pour- raient se déplacer et faire circuler leurs marchandises avec bien moins de contraintes égale- ment230. La mondialisation devient alors l’origine d’angoisse et une catégorie de peurs de ces acteurs nationaux, plongés dans une forte incertitude liée à cette transformation générale de leur environnement. Elle suscite le sentiment d’une certaine interdépendance des polices euro- péennes face aux menaces criminelles en raison de leur proximité géographique231.

227 Cf. notamment N. Walker, « The Pattern of Transnational Policing », art. cit. ; M. Deflem, Policing World

Society, op. cit., M. Anderson, Policing the World, op. cit. ; D. Bigo, Polices en réseaux, op. cit.

228 D. Bigo, Polices en réseaux, op. cit., p. 60. 229 Ibid.

230 N. Walker, « The Pattern of Transnational Policing », art. cit. ; M. Deflem, Policing World Society, op. cit., M.

Anderson, Policing the World, op. cit. ; D. Bigo, Polices en réseaux, op. cit. ; N. Gerspacher, « The History of International Police Cooperation », art. cit ; J. Sheptycki, In Search of Transnational Policing, op. cit. ; M. Ander- son (ed.), Policing the European Union, op. cit.

La mondialisation est placée au cœur du « mythe » du contrôle de la criminalité interna- tionale par le partage de systèmes de savoir232. Une correspondance est donc pensée par ces acteurs entre le problème identifié d’échelon international et la réponse à apporter, devant éga- lement adopter une dimension transfrontalière233. Les policiers perçoivent très clairement la plus-value que peuvent représenter les échanges de services et d’informations entre unités po- licières en termes d’utilité et d’efficacité dans leurs enquêtes234. Ce diagnostic témoigne de

processus de décodage par les policiers des dynamiques de mondialisation et de recodage sous forme d’une stratégie d’action à partir de leurs savoir-faire et catégories d’analyse235.

Ainsi, face à la perception de ce nouveau problème, se multiplient les relations bilatérales entre des policiers qui tendent à se connaître principalement et qui se font confiance. Certaines coopérations multilatérales informelles voient également le jour, comme la collaboration entre les polices française, autrichienne, prussienne contre les activités révolutionnaires après 1848 ou la distribution par la police autrichienne de bulletins de criminels recherchés aux autres polices européennes. De plus, les forces de police des États européens se sont mobilisées pour affirmer leur solution coopérative et demander aux gouvernements une plus forte circulation internationale des policiers. Dans ce sens, plusieurs structures de coopération policière sont créées au XIXème siècle en Europe, à l’instar d’un centre d’information commun sur les crimi-

nels en 1888 entre la Belgique, les Pays-Bas, l’Autriche ou encore d’un bureau international contre la traite des femmes blanches en 1899236. Il est intéressant de noter dans l’ensemble de

ces cas que la ville de Vienne est souvent placée au sein de ses échanges du fait de l’activisme diplomatique de l’Autriche autour de ces questions, expliquant la place centrale de cet État dans les futures structures de coopération policière.

232 Cette idée est démontrée par M. Deflem (« Bureaucratization and Social Control: Historical Foundations of

International Police Cooperation », Law and Society Review, 2000, 34, 3, p. 758-764) qui s’appuie sur la concep- tion du mythe de J. W. Meyer et B. Rowan « Institutionalized Organisations : Formal Structure as Myth and Cer- emony », American Journal of Sociology, 83, p. 340-363 .

233 J. Sheptycki, In Search of Transnational Policing, op. cit. ; J. Sheptycki, « The Global Cops Cometh: Reflec-

tions on Transnationalization, Knowledge Work and Policing Subculture », The British Journal of Sociology, 1998, 49, 1, p. 57‑74 ; J. Sheptycki, « Transnational Policing and the Makings of a Postmodern State », British

Journal of Criminology, 1995, 35, 4, p. 613‑635.

234 D. Bigo, Polices en réseaux, op. cit., p. 60‑61.

235 A. Smith, Le gouvernement de l’Union européenne, op. cit., p. 55. 236 D. Bigo, Polices en réseaux, op. cit., p. 59‑60.

Cependant, ces échanges n’ont pas abouti à des résultats pérennes à cause du manque de distance des forces de police par rapport aux décideurs politiques237. À ce titre, Mathieu Deflem démontre que des conditions structurelles sont nécessaires pour permettre aux agences poli- cières nationales d’étendre leur action au-delà de la juridiction nationale. Celles-ci sont liées à l’autonomie des bureaucraties policières par rapport à leur gouvernement respectif. Cette auto- nomie n’implique pas une indépendance absolue, comme expliqué en introduction. Elle signifie plutôt que les policiers évaluent les moyens et les fins de leur travail en termes de rationalité fondée sur l’efficacité et des indicateurs propres à leur profession et non selon des critères po- litiques. Cette autonomie suppose également que les policiers nationaux sont l’objet d’un con- trôle moins prononcé de la part des autorités politiques. Sans cette autonomie, aucune coopéra- tion n’est possible, ou de manière limitée dans le temps – prenant la forme d’une coopération bilatérale temporaire pour des tâches spécifiques – ou dans l’espace – entre des États assez proches idéologiquement et/ou qui entretiennent des relations diplomatiques étroites238. La mo- dernisation des polices au XIXème siècle leur a permis de bénéficier d’une certaine autonomie dans la mise en œuvre de leurs tâches et dans l’identification des moyens pertinents pour rem- plir ces objectifs. Cependant, à cette époque, les services de police nationaux remplissent des tâches grandement politiques dans une Europe déchirée par des antagonismes politiques natio- nalistes. Ce manque d’autonomie a dès lors grandement entravé les échanges de police239.

Le XXème siècle a été davantage marqué par une quête de légitimation de la coopération

policière et d’une plus grande autonomie administrative des polices240. Face à la perception

d’un problème croissant lié à l’accélération des flux transnationaux, objets notamment d’un nombre croissant de conférences internationales241, les rencontres entre chefs de police sont

devenues de plus en plus fréquentes. Une certaine reconfiguration de la solution est perceptible puisque les coopérations ne sont plus seulement pensées à l’échelon européen, mais de plus en plus international. En témoigne l’organisation du premier congrès de police judiciaire interna- tionale à Monaco en 1914, sous le parrainage d’Albert de Monaco. Celui-ci a réuni des repré-

237 M. Deflem, « Bureaucratization and Social Control », art. cit. ; M. Deflem, Policing World Society, op. cit., p.

749‑751.

238 Ibid. 239 Ibid.

240 D. Bigo, Polices en réseaux, op. cit., p. 61.

sentants d’une vingtaine d’États, dépassant largement le cadre européen242. L’appellation même

de ce congrès révèle l’objectif ambitieux initial qui lui est conféré, celui de structuration for- melle de la coopération policière internationale face à la mondialisation et à l’intensification ressentie de la criminalité transfrontalière243 :

On remarquera d’abord son titre : « Congrès de police judiciaire internationale » ; et non pas « congrès international de police judiciaire ». Il ne s’agissait donc pas de faire examiner par les savants des différents États, les questions que la police judiciaire pose dans chaque pays, mais de soumettre à leur étude la constitution et l’organisation d’une police judiciaire internationale, destinée à faciliter la re- cherche et l’arrestation des malfaiteurs. La première pensée des promoteurs de ce congrès avait été de donner à celui-ci un caractère officiel244.

L’idée centrale de ce congrès est de la sorte de parvenir à initier une coopération poli- cière opérationnelle et technique en la détachant des considérations politiques et idéologiques. Émerge donc l’idée d’une certaine centralisation et d’une plus grande interconnexion des agences nationales de police, avec le projet de créer un « cerveau »245, un centre d’impulsion, pour le réseau déjà existant. Néanmoins, ce congrès n’aboutit pas à des résultats concrets, pas seulement à cause de l’éclatement de la première guerre mondiale. La difficulté majeure ren- contrée a été l’impossibilité de dépasser les rivalités et divergences nationales entre les parti- cipants. Celles-ci sont liées à la quête d’un modèle unique d’organisation policière, qui s’im- poserait à tous, et non pas d’un réseau qui aurait pu être plus coopératif246 En d’autres termes, il s’agit plus de créer une forme de police internationale qu’une coopération policière inter- nationale. Le congrès de Monaco a ainsi été fondé sur un modèle de coopération policière très rigide, marqué par l’importance des systèmes formels de droit et des politiques nationales, l’objectif réel de coopération policière devenant secondaire. Ce biais s’explique par la dimen- sion encore très politique de l’organisation de cette conférence, à laquelle ont assisté certes des policiers, mais surtout des magistrats et des représentants des gouvernements participants, inscrits dans une démarche plus diplomatique247. Toutefois, de cette rencontre, a émergé la

242 Ont été présents des délégués de Belgique, de Bulgarie, de Cuba, d’Espagne, de France, du Guatemala, de

Hongrie, d’Italie, du Mexique, de Perse, du Portugal, de Roumanie, de Russie, de San Salvador, de Serbie, de Suisse, ainsi que des observateurs et participants à titre privé d’autres États, l’Allemagne, l’Angleterre, le Brésil, le Danemark, l’Égypte, les États-Unis, le Luxembourg, la principauté de Monaco et les Pays-Bas.

243 D. Bigo, Polices en réseaux, op. cit., p. 61.

244 Actes du premier congrès de police judiciaire internationale de Monaco d’avril 1914, Paris, 1926, p. 10, dispo-

nibles sur https://www.interpol.int/fr/À-propos-d%27INTERPOL/Historique/1914-2014/INTERPOL,-1914- 2014/INTERPOL,-1914-2014 (consulté le 19 décembre 2017).

245 D. Bigo, Polices en réseaux, op. cit., p. 61.

246 M. Deflem, « Bureaucratization and Social Control », art. cit., p. 752‑754. 247 Ibid.

proposition de créer une entité de coopération policière qui centraliserait les demandes con- cernant les criminels recherchés et les registres des crimes majeurs dans un casier central international et standardiserait les procédures d’extradition. Le congrès de Monaco a de ce fait inauguré une dynamique de coopération qui a débouché, après la première guerre mon- diale, sur celui de Vienne planifié en 1923 par Johannes Schober, chef de la police de Vienne et chancelier fédéral autrichien de 1921 à 1922.

A.1 §2. La structuration de la coopération autour d’Interpol

Le congrès de Vienne a été construit autour d’un mythe similaire à celui de Monaco : l’internationalisation de la criminalité doit susciter une transformation et une intensification de la coopération policière appréhendée également de manière internationale248. En effet, ce con- grès a été organisé « en considération que la lutte contre les criminels internationaux ne peut être effectuée avec succès qu’au moyen d’une coopération étroite des autorités de police de tous les États cultivés »249.

Pour autant, le congrès de Vienne s’est déroulé dans une optique différente de celle du congrès de Monaco, l’objectif étant de prendre une certaine indépendance par rapport au pou- voir politique en place. Dans ce sens, le concept d’un réseau international a été préféré et est concrétisé par la création de la CIPC, pensée afin d’être isolée du champ politique250. La voca- tion uniquement opérationnelle de la CIPC est dès lors affirmée dans ses missions qui sont de faciliter l’« assistance réciproque » des polices nationales et le « perfectionnement » des pra- tiques, méthodes et structures de lutte contre la criminalité251. Dans son objectif de renforcer les relations et connaissances entre les policiers nationaux des États, le fonctionnement de la CIPC a été progressivement consolidé par la mise en place d’un réseau de communication, par l’organisation de réunions internationales et par un élargissement des participants. Ces éléments

248 Ibid., p. 754-755.

249 Résolutions du congrès international de police à Vienne de septembre 1923, p. 1,

250 Trois éléments peuvent être cités : aucun traité n’a réellement fondé la CIPC qui ne dispose donc initialement

d’aucune existence légale ; les membres de la CIPC sont les services de police et non pas des délégations des États membres (si des représentants de 20 États ont assisté au Congrès de Vienne, des services de police issus seulement de 15 États ont participé à la CIPC à ses débuts : l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, la Chine, l’Égypte, la France, la Grèce, la Hongrie, l’Italie, les Pays-Bas, la Pologne, la Roumanie, la Suède, la Suisse, la Yougoslavie) ; les résolutions du congrès ont rejeté de manière nette toute forme de médiation diplomatique, demandant que les autorités de police soient en contact direct. Il a été seulement demandé aux gouvernements de soutenir les initia- tives de leurs agents de police (résolutions du congrès international de police à Vienne de septembre 1923, p. 1).

de la CIPC ont, d’une part, permis l’essor d’une certaine expertise et d’un savoir technique par les échanges de bonnes pratiques entre agents de police. D’autre part, la CIPC a également facilité les interconnaissances entre policiers et favorisé un partage des discours et visions de ces derniers sur la croissance de l’internationalisation de la criminalité et son lien avec le déve- loppement de la mobilité et des technologies252. Ces différents éléments attestent d’une pre- mière forme d’institutionnalisation de la coopération policière253, également visible par l’octroi

d’un siège permanent à la CIPC dans la ville de Vienne254 et d’un personnel propre255.

Néanmoins, la CIPC peine encore à se distancier suffisamment du champ politique comme en témoigne son infiltration par les Nazis dès la fin des années 1930. L’utilisation par ces derniers des données stockées au sein de l’organisation pour identifier les personnes d’origine tsigane et juive notamment a mis fin à son existence réelle256. Toutefois, la CIPC a été rétablie en 1946 à la suite de la conférence de police organisée à Bruxelles et quatre éléments témoignent d’une vo- lonté de renouveau de l’organisation. Son siège a été déplacé en France, à Saint-Cloud, puis à Lyon en 1989. En 1956, le nom de la CIPC a également été modifié. Celle-ci est devenue l’orga- nisation internationale de police criminelle (OIPC), plus connue sous le nom d’Interpol qui est en réalité le nom du système de communication télégraphique utilisé par l’OIPC. De plus, la struc- ture de l’OIPC a été consolidée avec la mise en place d’une assemblée générale, d’un secrétariat général et d’un comité exécutif. Enfin, en 1956, un nouveau statut de l’OIPC a été adopté257, mais

il conserve la quête d’une certaine autonomie par rapport au champ politique.

En effet, l’objectif de l’OIPC reste de renforcer l’assistance réciproque entre les autorités nationales de police criminelle et de développer les moyens de prévention et de répression des infractions de droit commun258. Les relations ont lieu de manière exclusive entre policiers, en

252 M. Deflem, « Bureaucratization and Social Control », art. cit., p. 769‑771. 253 A. Smith, Le gouvernement de l’Union européenne, op. cit., p. 172.

254 Cette dernière a été choisie, en lien avec la nationalité de l’organisateur du congrès, M. Schober. Cette sélection

fait également écho à la place centrale de l’Autriche dans les développements initiaux de la coopération policière et de l’expertise et des moyens techniques dont dispose la police autrichienne au début du XXème siècle – la France et l’Allemagne étant, elles, exclues à cause des antagonismes politiques de l’époque (M. Deflem, « Bu- reaucratization and Social Control », art. cit., p. 756‑757).

255 La CIPC est dotée d’une présidence, attribuée à M. Schober, de rapporteurs et d’un secrétaire qui doivent

collecter les informations et faire circuler de manière plus aisée les demandes d’informations entre les autorités nationales de police.

256 Sur ce point, voir notamment M. Deflem, « The Logic of Nazification: The Case of the International Criminal

Police Commission (« Interpol ») », International Journal of Comparative Sociology, 2002, 43, 1, p. 21‑44.

257 L’OIPC reste dénuée d’une réelle reconnaissance légale puisque son statut a été négocié par les représentants

des services de police qui sont les membres officiels de l’organisation et non les États.

258 Statut de l’OIPC-Interpol, document [I/CONS/GA/1956 (2017)], disponible sur https://www.interpol.int/fr/À-

évitant toute voie diplomatique ou tout enjeu politique, mais toujours dans le respect des droits nationaux259. Cette dimension transparaît également dans le statut d’Interpol à l’article 3 : « Toute activité ou intervention dans des questions ou affaires présentant un caractère politique, militaire, religieux ou racial est rigoureusement interdite à l’Organisation »260. Cette restriction

existe depuis la création de la CIPC, mais prend pleinement son sens à la suite des suspicions à l’encontre d’Interpol durant la seconde guerre mondiale. Par conséquent, les activités d’Interpol ont été concentrées sur le développement d’outils au service des policiers261.

La sophistication de ceux-ci a mené à un renforcement de l’utilisation de cette organisa- tion par les services de police nationaux, de plus en plus nombreux à devenir membres de l’or- ganisation262. Ces mutations s’inscrivent dans une dynamique générale de coopération interna- tionale d’après-guerre. Cette dernière se double d’une transformation des attitudes morales et des intérêts des États et de la construction de la criminalité internationale comme nouvel en- nemi. Dans cette situation de paix, la configuration des menaces a donc été transformée dans les années 1960, avec un accent moindre sur la sécurité extérieure au profit de la dimension intérieure et des enjeux économiques autour des notions de mafia, de criminalité internationale organisée263. L’accélération de la Guerre froide a augmenté la méfiance entre les États qui ont défendu des intérêts davantage politiques et a ralenti la coopération policière, ce qui témoigne de la dépendance latente de cette coopération policière au champ politique. Cependant, dans un climat d’apaisement, une relance de la coopération policière a été perceptible dès les années 1970 face aux préoccupations croissantes de l’opinion publique et des professionnels de la po- litique quant au trafic de drogues, à la traite d’êtres humains, au terrorisme264. Néanmoins, c’est également à cette période que les critiques à l’encontre d’Interpol se sont multipliées. Celles-ci

259 La principale fonction d’Interpol reste à cette fin de centraliser les informations et demandes effectuées par le

biais des bureaux centraux nationaux. Le bureau central national d’un État donné est en charge de transmettre les