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Les clubs comme lieu de production de nouvelles idées

Section 1. L’institutionnalisation progressive de la coopération policière internationale

B. Les « clubs » européens, de nouveaux espaces de socialisation

B. 2. Les clubs comme lieu de production de nouvelles idées

En dépit de la socialisation commune de ces spécialistes de la coopération, la multiplicité des clubs européens créés par ces acteurs semble refléter des divergences internes. Le concept de communauté épistémique n’exclut pas des désaccords relatifs aux modalités de concrétisa- tion des croyances causales et normatives. Néanmoins, il importe de savoir si ces visions diffé- rentes se limitent à cette sphère (§1) et si ces acteurs partagent une même représentation sociale de la réalité et de la réalité souhaitée, traduite dans leurs propositions d’action publique (§2).

.

B.2. §1. Un ensemble hétérogène d’acteurs

L’idée de modalités de concrétisation des croyances causales et normatives se rapproche des travaux de Peter Hall qui distingue plusieurs strates au sein des systèmes de croyances des acteurs : le deep core, le policy core et les aspects secondaires319. Celle qui nous intéresse ici

317 Cette observation s’inscrit dans un ensemble plus large de recherches concernant le rôle de l’expertise dans un

contexte d’incertitude qui est au cœur du concept de communauté épistémique (P. M. Haas, « Introduction », art. cit. ; T. Bossy et A. Evrard, « Communauté épistémique », art. cit. ; A. R. Zito, « Epistemic Communities, Collec- tive Entrepreneurship and European Integration », Journal of European Public Policy, 2001, 8, 4, p. 585‑603), mais aussi plus largement sur l’utilisation de cette expertise dans le processus décisionnel (G. Majone, « The New European Agencies », art. cit. ; C. Boswell, « The Political Functions of Expert Knowledge: Knowledge and Le- gitimation in European Union Immigration Policy », Journal of European Public Policy, 2008, 15, 4, p. 471‑488 ; C. Robert, Politiques publiques 1. La France dans la gouvernance européenne, Paris, Presses de Sciences Po, 2008, p. 309‑335).

318 M. Elvins, Anti-Drugs Policies of the European Union, op. cit., p. 11.

319 P. A. Hall et R. C. R. Taylor, « La science politique et les trois néo-institutionnalismes », Revue française de

science politique, 1997, 47, 3, p. 469‑496. Un découpage proche est proposé par Pierre Muller qui invite à distin- guer quatre niveaux de perception du monde : les valeurs comme représentations essentielles et fondamentales du bien et du mal, les normes qui amènent à la prescription de principes d’action pour combler le fossé entre la réalité perçue et la réalité souhaitée, les algorithmes consistant en des relations de cause à effet et fondant des théories de

est celle des aspects secondaires qui correspondent aux méthodes, instruments et modèles per- çus comme devant être mobiliséspour résoudre la causalité identifiée. Sur ce point, sans re- mettre en cause l’existence de la communauté épistémique, certaines divergences ont été vi- sibles en son sein et sont traduites notamment par la multiplicité de clubs existants évoqués précédemment.

La création de ces différentes structures reflète des représentations distinctes de l’échelon le plus adapté pour la coopération, des formes prioritaires de criminalité à combattre et des moyens adaptés pour y faire face. Ces variations sont liées à l’absence d’homogénéité totale du forum des professionnels de la sécurité dont les membres restent en charge de représenter un État ou un service320. Ainsi, chaque club mis en place tendrait à concrétiser des équilibres dif- férents, devant être lus à deux niveaux : entre les États et au sein d’un même État. En effet, les modalités de coopération et le niveau de coopération ont fait l’objet de débats entre les diffé- rents États participants – notamment sur la dimension plus ou moins européenne, plus ou moins communautaire de la coopération. Ces différences nationales s’expliquent par des organisations de police différentes entre les États liées à des trajectoires historiques et des priorités potentiel- lement divergentes. La politisation croissante de la coopération policière dans les années 1970 a intensifié ces débats. Les décideurs politiques se sont de plus en plus intéressés à ces enjeux de coopération dans cette période et les ont perçus comme cristallisant des jeux de pouvoir et l’exercice d’une certaine influence321. Ces multiples structures ont traduit donc des investisse-

ments des États afin de pouvoir faire peser davantage leur vision, leurs intérêts, leurs préoccu- pations en termes de criminalité, leurs pratiques de police et valoriser leurs structures natio- nales.

Cependant, des cadrages322 concurrentiels ont également été visibles au sein d’un même État en raison des divergences existantes entre les services et agences de police nationaux. Sur

l’action, les images porteuses de symboles et permettant une forme de mise en scène pour faciliter la compréhen- sion plus directement (P. Muller, « Les politiques publiques comme construction d’un rapport au monde » dans A. Faure, G. Pollet et P. Warin (eds.), La construction du sens dans les politiques publiques : débats autour de la

notion de référentiel, Paris, Harmattan, 1995, p. 158‑159).

320 Cette hétérogénéité a également été visible dans la domaine judiciaire (A. Mégie, « Vers la construction d’une

expertise européenne en matière de coopération pénale ? », art. cit.).

321 M. Anderson, Policing the World: Interpol and the Politics of International Police Co-operation, Oxford : New

York, Clarendon Press, 1989.

322 « Cadrer c’est sélectionner certains aspects d’une réalité perçue et les rendre plus saillants dans un support de

communication, de façon à promouvoir une définition particulière de problème, des interprétations causales, une évaluation morale ou des recommandations de traitement » (R. M. Entman, « Framing: Toward Clarification of a Fractured Paradigm », Journal of Communication, 1993, 43, 4, p. 52). Pour un état de la littérature sur la notion

ce point, nous cherchons à enrichir l’idée de « venue shopping » développée par Virginie Gui- raudon qui reste purement stratégique. Les acteurs tendraient de ce fait à promouvoir l’arène qui est la plus adaptée à leurs ressources et à leurs stratégies afin d’échapper à un cadre institu- tionnel qui leur est plus défavorable pour obtenir une plus grande marge de manœuvre323. Les services de police ne partagent pas nécessairement les mêmes intérêts, n’ont pas toujours les mêmes habitudes de coopération, ni les mêmes représentations de la menace et des réponses à apporter. Cela les conduit à favoriser des enceintes différentes ou à en créer de nouvelles pour occuper une place centrale324 et bénéficier de la dimension européenne « légitimante »325.

La prise en compte de ces éléments, en partie stratégiques et institutionnels, s’avère es- sentielle pour saisir les dynamiques internes à ce groupe d’acteurs qui ne peuvent être pleine- ment détachés de leur socialisation nationale, mais ces enjeux n’empêchent pas leur conver- gence généralisée sur les croyances normatives et causales326.

B.2. §2. La construction d’un récit de politique publique

Les membres d’une communauté épistémique doivent partager des logiques d’action et des diagnostics. Ici, ces deux ensembles de représentations ont été intégrés dans un récit de politique publique porté par ces acteurs dans le sens de Claudio Radaelli. Un récit de politiques publiques est fondé sur les interprétations des acteurs des différents évènements et d’un environnement qui peut se révéler complexe. À ce titre, la notion de récit est proche de celle de mythe, mais la dif- férence est la visée plus programmatique du premier327. L’objectif d’un récit est de donner un

sens à cette incertitude et de préconiser certaines actions particulières par le biais d’une trame narrative qui lie des éléments du passé à des éléments qui se produiront dans le futur selon les

de cadrage depuis E. Goffman (Frame Analysis: An Essay on the Organization of Experience, Boston, Northeas- tern University Press, 1986) et les enjeux soulevés cf. É. Neveu, Sociologie politique des problèmes publics, Paris, Armand Colin, 2015.

323 V. Guiraudon, « European Integration and Migration Policy », art. cit.

324 D. Bigo, « The European Internal Security Field, Stakes and Rivalries in a Newly Developing Area of Police

Intervention », art. cit., p. 170‑171 ; N. Gerspacher et V. Pujas, « International Police Organizations, the Missing Link to Effective Cooperation » dans F. Lemieux (ed.), International Police Cooperation: Emerging Issues, The-

ory and Practice, Cullompton ; Portland, Willan Publishing, 2010, p. 241‑258.

325 D. Bigo, Polices en réseaux, op. cit., p. 105.

326 A. Mégie, « Vers la construction d’une expertise européenne en matière de coopération pénale ? », art. cit., p. 145. 327 C. M. Radaelli, « Logiques de pouvoir et récits dans les politiques publiques de l’Union européenne », Revue

prédictions328. Autrement dit, un récit mène à la sélection de certaines solutions et éléments de

résolution pour éviter le scénario catastrophe qui émerge de cette logique causale329.

Dans ce sens, en appliquant ce concept à la coopération policière européenne, nous pou- vons identifier plusieurs composantes d’un récit de politiques publiques : une narration des dangers relatifs à la libre circulation, une tension dramatique autour des conséquences du manque d’adaptation du travail de police menant à l’explosion de la criminalité, et une résolu- tion possible par le déploiement d’une coopération policière européenne.

Le mythe fondateur de la coopération policière internationale du XVIIIème siècle des dangers liés à la mondialisation et à l’ouverture des frontières reste central à la fin du XXème siècle, mais est intensifié330. Le renforcement de cette représentation sociale de la réalité est lié aux accélérations de la mondialisation et à la mise en place d’espaces de libre circulation entre certains États européens331. Ces changements décuplent de ce fait les échanges et les mouve- ments et donc les risques en termes de sécurité aux yeux des policiers concernés : « Nous avons vu la criminalité internationale organisée et le crime transfrontalier devenir de plus en plus forts. La Fraction Armée Rouge coopérait avec Action directe, IRA était international et c’était la même chose pour les drogues. C’était du business international … et il y avait un réel besoin de lutter plus efficacement contre la criminalité organisée internationale du fait de cette inter- nationalisation ou globalisation de la criminalité »332. De la sorte, ces évolutions plus larges,

mais surtout leur processus de codage et de décodage en enjeux sécuritaires fait écho au deep core333 de ces acteurs policiers. Celui-ci correspond aux valeurs fondamentales qui permettent de définir les principes d’action d’un groupe d’acteurs. Il est lié ici à l’impératif de sécurité, structurant les activités de police, pensé dans un équilibre précaire par rapport à certaines liber- tés, en particulier celle de circuler334.

Le danger est perçu de manière d’autant plus urgente que la criminalité est progressive- ment appréhendée sous le vocable de « criminalité internationale/transnationale organisée »

328 Ibid. 329 Ibid.

330 M. Deflem, « Bureaucratization and Social Control », art. cit.

331 J. Sheptycki, In Search of Transnational Policing, op. cit. ; M. Anderson (ed.), Policing the European Union,

op. cit. ; D. Bigo, Polices en réseaux, op. cit.

332 Entretien avec un ancien membre de la direction d’Europol, janvier 2016.

333 P. A. Hall et R. C. R. Taylor, « La science politique et les trois néo-institutionnalismes »

334 D. Bigo, Polices en réseaux, op. cit. ; M. Den Boer, « Crime et immigration dans l’Union européenne », Cul-

alors qu’auparavant uniquement certaines formes de crime étaient considérées comme pleine- ment internationales : le trafic de stupéfiants et le terrorisme335. Une première mutation dans ce sens a été l’interconnexion entre ces derniers, traduite notamment par des notions comme le « narco-terrorisme » en raison de la circulation des acteurs entre ces secteurs évoquée supra336. Une seconde évolution a été la multiplication des statistiques et rapports publiés par les acteurs policiers et les ministères européens de la Justice et/ou de l’Intérieur établissant une corrélation entre circulation humaine et criminalité. Celle-ci aurait notamment été justifiée par la hausse du nombre de délinquants ou criminels étrangers337. Par conséquent, une multitude de phéno- mènes a priori distincts, par exemple le trafic de véhicules volés, le trafic d’êtres humains etc. ont été rassemblés sous le vocable de criminalité organisée internationale par leur seul point commun perçu : leur dimension internationale, voire transnationale. Est apparu de ce fait un nouvel ennemi réifié, conçu comme profondément transnational durant une période de relativi- sation de l’État face à l’intensification de la globalisation et à la mobilité humaine338.

Une tension dramatique a dès lors été conçue entre ces évolutions des problèmes et les solutions existantes qui ont été appréhendées comme insuffisantes à cause du maintien des frontières et de la souveraineté nationale dans les activités de police :

La valeur ajoutée avant que nous débutions la coopération policière européenne était insuffisante face à des frontières ouvertes … les criminels étaient capables de bouger sans qu’aucune frontière les entrave dans tout l’espace, mais la police était bloquée par les frontières nationales, et l’échange d’informations n’avait pas lieu ou juste dans des cas spéciaux et sur une base volontaire avec des règles de protection des données très compliquées339.

Le moyen de résolution de cette tension considéré par les acteurs portant ce discours a été l’échange d’informations et la coordination des actions. Seule une coopération policière efficace permettrait dans ce récit d’éviter le scénario catastrophe que serait l’explosion de la

335 V. Mitsilegas, « Defining Organised Crime in the European Union: The Limits of European Criminal Law in

an Area of « Freedom, Security and Justice » », European Law Review, 2001, 26, 6, p. 565‑581 ; G. Favarel- Garrigues, « La criminalité organisée transnationale : un concept à enterrer ? », L'Économie politique, 2002, 15, 3, p. 8 ; A. Mégie, Eurojust et le mandat d’arrêt européen : l’européanisation du pouvoir judiciaire : genèse, luttes

et enjeux de la construction de deux dispositifs de coopération pénale, thèse soutenue à Sciences Po Paris, 2007,

p. 130-137.

336 D. Bigo, Polices en réseaux, op. cit., p. 95.

337 M. Den Boer, « The Quest for European Policing, Rhetoric and Justification in a Disorderly Debate » dans Mal-

colm Anderson, M. Den Boer et European Consortium for Political Research (eds.), Policing Across National Bound-

aries, Londres ; New York, Pinter Publishers, 1994, p. 190 ; D. Bigo, Polices en réseaux, op. cit., p. 101.

338 A. Mégie, Eurojust et le mandat d’arrêt européen, op. cit., p. 129‑167. 339 Entretien avec un ancien membre de la direction de l’EPE, mai 2017.

criminalité qui mettrait en péril les citoyens européens, mais également les valeurs fondamen- tales même des États européens et leur fonctionnement. En particulier, cette coopération a été pensée comme devant avoir lieu à l’échelon européen en raison des difficultés du niveau inter- national et des développements en cours des espaces de libre circulation en Europe340.

Comme le précise Claudio Radaelli341, la véracité et l’exactitude des propos tenus ne sont pas les raisons primordiales de la diffusion de ce récit de politiques publiques, éléments qui ont pu être remis en cause par certains auteurs, généralement critiques. C’est en particulier le cas de Didier Bigo qui a montré l’absence de hausse de la criminalité à la suite de la mise en place d’espaces de libre circulation comme au Benelux342. Ce chercheur a également mis en valeur

les dimensions plus stratégiques de ce discours dans la mesure où le développement de la coo- pération policière apporterait aux policiers investis des ressources humaines et financières sup- plémentaires. En outre, l’échelon européen donne plus d’autonomie à des acteurs qui peuvent potentiellement se retrouver marginalisés au sein de leurs bureaucraties nationales en raison de leur vision et des priorités qu’ils défendaient par rapport aux autres bureaucraties, axées sur des formes de criminalité plus routinières et quotidiennes343. Monica den Boer a, quant à elle, sou- ligné les illusions du contrôle des frontières comme véritable moyen de lutte contre la crimina- lité ou le manque d’innovation des arguments rhétoriques utilisés par les policiers comme « poches de justification » de l’intensification de la coopération policière344.

Les interactions répétées des membres de la communauté épistémique semblent avoir progressivement mené à la définition d’une solution plus précise et d’un nouveau diagnostic à l’internationalisation de la criminalité. En effet, ces acteurs ont mis en lumière un ensemble de problèmes posés par la coopération informelle bilatérale ou restreinte à certains services ou États : les difficultés linguistiques ; la forte dépendance à une personne physique et l’interrup- tion temporaire ou prolongée de la coopération quand l’interlocuteur est muté, part à la retraite ou décède, poussant à la nécessité de créer de nouvelles relations interpersonnelles ; le manque de coordination et le risque de duplication des efforts quand la même demande est réalisée par

340 A. Mégie, Eurojust et le mandat d’arrêt européen, op. cit.

341 C. M. Radaelli, « Logiques de pouvoir et récits dans les politiques publiques de l’Union européenne », art. cit.,

p. 257.

342 D. Bigo, Polices en réseaux, op. cit., p. 111.

343 D. Bigo, « The European Internal Security Field, Stakes and Rivalries in a Newly Developing Area of Police

Intervention », art. cit., p. 163‑165.

344 M. Den Boer, « The Quest for European Policing, Rhetoric and Justification in a Disorderly Debate », art. cit.,

des acteurs différents ; l’accent opérationnel au détriment d’une analyse plus stratégique visant à identifier à un niveau plus macro les dynamiques et tendances de la criminalité ; l’opacité et le problème de redevabilité, ainsi que le manque de contrôle, notamment démocratique et lé- gal345. Ce processus de réflexion entamé dès la fin des années 1970 s’est pleinement développé dans les années 1980 en raison des transformations de l’environnement européen.

Encadré 1.1. La distinction entre opérationnel et stratégique.

Dans la profession policière, le travail d’analyse vise à identifier des liens entre les informations collectées afin de produire des recommandations qui peuvent être de nature opérationnelle ou stratégique. L’analyse opérationnelle revêt une dimension opérative et est centrée sur une enquête de police. Elle peut dans ce sens permettre de croiser différentes données à caractère personnel pour pouvoir fournir des éléments de résolution et de nouvelles pistes d’enquête. Tandis que les enjeux opérationnels renvoient à des dimensions davantage micro, l’analyse stratégique implique un angle davantage macro. Elle vise à établir des ten- dances et dynamiques en matière de criminalité pour améliorer la planification, l’allocation des ressources, des capacités d’action et des priorités.

Conclusion de la section 1

Dans cette première section, nous avons démontré la pertinence de s’éloigner des ap- proches fonctionnalistes pour saisir les dynamiques explicatives de la création d’Europol. Avant même de nous intéresser au forum de communauté de politique publique, nous avons étudié le lieu de production des idées que constitue le forum des professionnels de la sécurité346. La for- mation de ce dernier résulte d’une évolution sur plus de deux siècles de l’un des aspects du travail de police. Celle-ci peut être pensée comme résultant d’un décodage de la mondialisation et de l’intensification des échanges, ensuite recodée en relations causales de risques pour la sécurité

345 L. Guille, « Police and Judicial Cooperation in Europe », art. cit., p. 29‑30.

intérieure et en normes d’action consistant dans le développement de la coopération policière347.

Cette dernière, initialement circonscrite à l’espace d’Europe de l’Ouest, a été appréhendée au niveau international en raison de l’accélération de la mondialisation. La difficile autonomie du travail de police par rapport au champ politique a grandement dilué ce travail collaboratif de police entre la fin du XVIIIème siècle et le début du XXème siècle, en dépit des nombreuses précautions prises. Le renouveau d’Interpol dans la deuxième moitié du XXème siècle a par con- séquent été mené dans un esprit d’imperméabilité aux enjeux politiques.

Les difficultés rencontrées dans le cadre de la coopération policière internationale dans les années 1970 pour trouver un juste équilibre par rapport au champ politique reflètent les relations encore très étroites entre police et politique348. Le fait que des structures européennes de police prolifèrent dans la même temporalité de mise en lumière des insuffisances d’Interpol et de l’échec à réformer l’organisation, conformément à leurs représentations sociales de la réalité et de la réalité souhaitée, est lié à la constitution d’un nouveau diagnostic. Ce dernier n’a pas tellement consisté en une remise en cause de la coopération policière internationale et d’In- terpol qui ont persisté. Il s’est constitué autour du développement accéléré d’un nouvel échelon de coopération au niveau européen. Cette collaboration a été facilitée par la proximité des gou- vernements qui ne sont ni rivaux ni adversaires349. Cette confiance a été d’autant plus forte que