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Le domaine JAI, un secteur d’action publique intergouvernemental

Section 2. La préparation du TUE, une fenêtre d’opportunité

B. L’intégration européenne, enjeu de controverse central du traité de Maastricht

B.2. Le domaine JAI, un secteur d’action publique intergouvernemental

Les mécanismes de coopération policière européenne existant avant Europol sont infor- mels et basés sur des réseaux de praticiens. Les professionnels de la politique inclus dans quelques-uns de ces clubs restent très majoritairement des représentants des gouvernements nationaux. La Commission européenne dispose au mieux d’un rôle d’observateur dans certaines de ces enceintes (comme le groupe Trevi 92 ou le groupe ad hoc Europol), tandis que le Parle- ment européen est complètement exclu. L’intégration de la coopération policière au cadre com- munautaire suscite donc des questionnements quant au rôle respectif des institutions euro- péennes dans ce nouveau secteur d’action publique de l’UE. Le fait que ce domaine d’action soit mentionné dans le cadre communautaire aurait pu impliquer certaines transformations des capacités d’action de la Commission et du Parlement européen, et ce d’autant plus que leurs prérogatives sont renforcées dans le premier pilier par le TUE. Pour autant, une disjonction a été appliquée aux enjeux JAI et a été traduite par leur regroupement au sein d’un pilier spéci- fique. Cette architecture nous amène à penser que les discussions dans le forum de communauté de politique publique concernant les dimensions institutionnelles du troisième pilier ont égale- ment été dominées par des tensions entre les délégations nationales. Les représentants des États membres réfractaires à la supranationalisation refuseraient logiquement que des pouvoirs im- portants soient confiés à la Commission et au Parlement européen. Ils disposeraient à cette fin du poids du statu quo par rapport aux délégations qui promeuvent un changement et qui doivent davantage batailler pour l’instiller458. Cette continuité serait dès lors traduite par un rôle res-

treint des institutions supranationales dans le troisième pilier au profit de l’intergouvernemen- talisme (§1). Elle pourrait apparaître également dans la structuration spécifique du Conseil des ministres. Nous supposons que si c’est le cas, de prime abord, les discussions au sein de cette institution devraient accorder une grande place aux acteurs disposant d’une expertise technique, à l’instar de ce qui existe déjà dans les clubs. De plus, ces derniers, étant régis par la grande

458 J. Mahoney et K. A. Thelen, « A Theory of Gradual Institutional Change » dans J. Mahoney et K. A. The-

len (eds.), Explaining Institutional Change: Ambiguity, Agency, and Power, Cambridge ; New York, Cambridge University Press, 2010, p. 1‑37.

latitude d’action des États membres qui décident ou non de participer sur une base de volonta- riat, cette capacité de contrôle à titre individuel du processus décisionnel devrait se retrouver dans le Conseil JAI (§2).

B.2. §1. Un rôle réduit des institutions européennes

Le troisième pilier de l’UE consacré aux enjeux JAI a impliqué un fonctionnement insti- tutionnel sui generis par rapport au premier pilier. Le Conseil des ministres est l’institution centrale de la coopération JAI en tant qu’enceinte de représentation des États membres. Le rôle prépondérant de cette institution par rapport à la Commission et au Parlement européen a été justifié par l’article K.2 du TUE qui dispose que la coopération en matière de JAI ne doit pas « porter atteinte à l’exercice des responsabilités qui incombent aux États membres pour le main- tien de l’ordre public et la sauvegarde de la sécurité intérieure ». Autrement dit, les États membres demeurent les principaux acteurs sur ces questions dans la mesure où la sécurité inté- rieure reste celle de chaque État membre et non de l’UE comme un tout.

Le rôle des institutions supranationales en matière JAI est beaucoup plus restreint en comparaison avec celui occupé dans le premier pilier. La Commission européenne doit être, selon l’article K.4.2, « pleinement associée aux travaux dans les domaines visés au présent titre ». Cette formulation floue pourrait être interprétée comme marquant un changement par rapport au statut de la Commission dans les mécanismes de coopération intergouvernementale préexistants. Toutefois, selon l’article K.3.2 du TUE, le droit d’initiative de la Commission, qui représente l’une de ses principales armes dans le processus décisionnel communautaire, est partagé avec les États membres sur les six premières questions d’intérêt commun. Pour les trois dernières questions, dont la coopération policière, seuls les États membres disposent de ce droit. Toute réelle capacité d’action de la Commission est donc exclue dans les domaines formant le « noyau dur »459 de la souveraineté des États.

Les capacités d’action du Parlement européen sont encore plus limitées. Selon l’article K.6 du TUE, celui-ci est « informé régulièrement » par la présidence et la Commission des travaux en cours. Il est également « consulté » par la présidence sur les « principaux aspects des activités » et ses vues sont « dûment prises en considération ». Enfin, le Parlement européen peut « adresser des questions ou formuler des recommandations à l'intention du Conseil » et

459 M. Gautier, L’influence du modèle communautaire sur la coopération en matière de justice et d’affaires inté-

organise un débat annuel sur la mise en œuvre de la coopération JAI. À cette fin, a été créé en 1992 le comité LIBE au sein du Parlement européen qui traite de ces questions. Le TUE repré- sente un changement par rapport à la coopération intergouvernementale préexistante dans la mesure où les eurodéputés étaient presque totalement exclus de ces mécanismes. Néanmoins, cette mutation est très restreinte puisque le Parlement européen reste fortement marginalisé dans le processus décisionnel européen JAI. Cette situation est d’autant plus renforcée par les formulations ambiguës du TUE. Ces ambivalences accordent alors une marge de manœuvre au Conseil et à la Commission en raison des interprétations variables possibles du caractère obli- gatoire ou non de la consultation et des modalités d’implication du Parlement européen. Par exemple, la consultation des eurodéputés pourrait avoir avait lieu a priori ou a posteriori de la prise de décision, ce qui induit une capacité d’action plus ou moins forte. De même, un flou subsiste quant à la définition des « principaux aspects des activités » sur lesquels le Parlement européen est consulté : ceux-ci impliquent-ils uniquement les grandes orientations politiques ou bien cette consultation doit-elle avoir lieu pour chaque proposition législative ?

En outre, une latitude d’action supplémentaire est accordée au Conseil par l’article K.8 du TUE qui décide, à l’unanimité, de la répartition des dépenses en matière de coopération JAI et donc du rôle du Parlement européen. Celles-ci peuvent être définies comme administratives ou opérationnelles. Dans le premier cas, les dépenses sont à la charge du budget des Commu- nautés européennes. Cela implique un rôle central du Parlement européen dans la procédure budgétaire qui peut accepter, modifier ou rejeter le projet de budget européen. Dans le second cas, le Conseil dispose encore d’une capacité décisionnelle supplémentaire. Il peut choisir que ces dépenses soient intégrées dans le budget des Communautés européennes et se voient appli- quer la procédure budgétaire communautaire. Il peut sinon opter pour des dépenses à la charge des États membres, ôtant de ce fait au Parlement européen une capacité d’action majeure.

Enfin, il est intéressant de noter que le rôle de la Cour de justice des Communautés euro- péennes (CJCE) n’est mentionné qu’une seule fois dans le titre VI à l’article K.3.2. Ce dernier dispose que les conventions du Conseil peuvent prévoir une compétence de la CJCE. Ce carac- tère optionnel suppose qu’il n’existe aucune obligation de juridiction, mais que celle-ci doit être octroyée spécifiquement et expressément dans chaque acte juridique par un vote à l’unanimité.

Cette absence d’obligation a créé pour certains commentateurs un vide institutionnel460 concer-

nant la protection des droits des individus et l’interprétation et l’application uniforme des dis- positions et mesures du troisième pilier.

B.2. §2. Les spécificités fonctionnelles et organisationnelles du Conseil JAI Outre cette conception très restreinte et sujette à interprétation des institutions suprana- tionales, le domaine JAI implique un certain nombre de spécificités quant au fonctionnement même du Conseil des ministres. Celles-ci traduisent le poids des pratiques préexistantes de coopération policière, marquées par une participation des États membres sur la base du volon- tariat et par la centralité des acteurs disposant d’une expertise technique.

Premièrement, l’unanimité incarne la « modalité normale »461 du processus décisionnel

relatif à ces questions. L’unanimité de principe est contraire au fonctionnement communautaire et symbolise la volonté de main mise des États membres sur les décisions. Elle permet aux gouvernements nationaux de refuser toute décision qui pourrait leur être imposée, malgré les risques d’immobilisme, de dilution des décisions au niveau du plus grand dénominateur com- mun et du possible « usage abusif du droit de veto »462 prévisibles en raison de l’absence de consensus dans ces matières. Le vote à l’unanimité traduit alors la crainte qu’un gouvernement ou groupe de gouvernements puisse imposer des orientations et décisions contraires à celles d’une autre partie des États membres.

Deuxièmement, le Conseil JAI est structuré différemment des autres formations du Con- seil des ministres organisées usuellement en trois niveaux – la réunion des ministres, le Comité des représentants permanents (Coreper) et les groupes de travail. Les innovations relatives à l’organisation du Conseil peuvent être comprises comme une tentative d’adaptation à la grande diversité des domaines couverts par la coopération JAI et au fort degré d’expertise technique attaché à ces enjeux, notamment en lien avec les questions opérationnelles463. Comme cette

460 J. Monar, « Justice and Home Affairs », art. cit., p. 760.

461 M. Gautier, L’influence du modèle communautaire sur la coopération en matière de justice et d’affaires inté-

rieures, op. cit., p. 292.

462 Ibid., p. 299.

463 J. Monar, « The Institutional Framework of the AFSJ: Specific Challenges and Dynamics of Change » dans J.

Monar (ed.), The Institutional Dimension of the European Union’s Area of Freedom, Security and Justice, Brux- elles ; New York, P. I. E. Peter Lang, 2010, p. 29‑31.

expertise existe déjà dans les structures préexistantes de coopération, ces dernières ont été ab- sorbées par le Conseil, reflétant une dynamique « d’accrétion »464 et de superposition de strates sédimentées. Par conséquent, au lieu d’observer une suppression des clubs préexistants, une forme d’institutionnalisation de ces derniers a été visible par la mise en place de deux strates supplémentaires : le comité K.4 et les groupes directeurs.

Ce premier tirait son nom de l’article K.4 qui prévoyait sa création sous la forme d’un « comité de coordination composé de hauts fonctionnaires ». Il est chargé par le TUE de coor- donner, rendre des avis quand demandés et de préparer les travaux du Conseil. Il traduit surtout l’institutionnalisation du groupe des coordinateurs de Rhodes. À ce titre, le comité K.4 permet d’intégrer l’expérience technique des hauts fonctionnaires et les dynamiques de socialisation et d’apprentissage des acteurs ayant participé à cette structure. Néanmoins, demeure un flou quant à la délimitation du rôle de ce comité K.4 par rapport au Coreper. C’est ce dernier qui a réussi finalement à s’imposer du fait de ses ressources spécifiques liées à son monopole dans la fonc- tion de pré-négociation, son expérience certaine sur les questions politiques et sa compétence erga omnes465. Cette hiérarchisation a été encore simplifiée par la création de postes de con- seillers JAI au sein des représentations permanentes (RP) des États membres à Bruxelles. Ceux- ci ont apporté une expérience technique spécifique puisque ces acteurs sont généralement issus des ministères nationaux de l’Intérieur et de la Justice. En outre, les contacts permanents noués entre ces conseillers JAI ont permis très rapidement de former une sorte de « mini Coreper ». Ce dernier a incarné une source de socialisation à la dimension communautaire et s’est avéré être une structure essentielle pour assurer l’efficacité du processus décisionnel466. De la sorte,

le Coreper a repris son rôle d’« interface entre les niveaux techniques et politiques »467 et de

« traducteur »468 des données des questions techniques en options politiques, permettant de fil- trer grandement les négociations du niveau ministériel.

Les groupes directeurs ne sont pas clairement prévus par le traité, mais sont liés à une quête d’organisation interne du Conseil JAI dans un domaine nouveau. Ils incarnent les succes- seurs de certains groupes et clubs de coopération déjà existants. Leur composition similaire

464 M. Gautier, L’influence du modèle communautaire sur la coopération en matière de justice et d’affaires inté-

rieures, op. cit., p. 173‑175.

465 Ibid., p. 196‑199.

466 J. Monar, « The Institutional Framework of the AFSJ », art. cit., p. 64‑65.

467 M. Gautier, L’influence du modèle communautaire sur la coopération en matière de justice et d’affaires inté-

rieures, op. cit., p. 200.

montre d’ailleurs qu’ils sont demeurés sectorisés professionnellement469. Après avoir permis

de définir les groupes de travail et impulsé les premières réunions, ces groupes directeurs sont néanmoins devenus de simples « boîtes aux lettres »470, transmettant les travaux des groupes de travail au comité K.4 sans modification. De ce fait, leur maintien est devenu artificiel et à partir de 1995 les présidences successives du Conseil ont décidé de ne plus les réunir471. Il est inté- ressant de noter qu’un échelon qui était indispensable lors des coopérations informelles est ra- pidement tombé en désuétude, participant, conjointement avec la hiérarchisation du comité K.4 à un certain alignement sur le fonctionnement du Conseil en matière communautaire. Cette proximité a été d’autant plus visible que des règles de procédure identiques aux autres structures de Conseil des ministres se sont appliquées au Conseil JAI : l’organisation de réunions régu- lières à Bruxelles, l’obligation d’accès aux documents et les requis de transparence, de publi- cité, de publication472, autant d’éléments favorisant un apprentissage progressif de la culture de négociation473 comme nous le démontrons par la suite.

Conclusion de la section 2

Le forum des professionnels semble être jusqu’à la fin des années 1970 le seul lieu de production des idées sur la coopération policière. Pour autant, d’autres espaces discursifs exis- tent en parallèle474, notamment le forum politique hors du cadre communautaire qui a également développé des idées quant à la libre circulation, source d’évolutions économiques et politiques. La mise en place de tels espaces a dès lors mobilisé l’attention des membres de la communauté épistémique475 qui y ont perçu une intensification des problèmes posés par la mondialisation et

469 Trois groupes directeurs existaient : le groupe directeur I spécialisé sur les questions liées à la libre circulation

des personnes, héritier du groupe ad hoc sur l’immigration créé en 1986 ; le groupe directeur II sur la coopération policière, résultat de l’institutionnalisation du comité des hauts fonctionnaires de Trevi ; le groupe directeur III axé sur la coopération judiciaire était le groupe de coopération politique européenne recueilli par le Conseil (M. Gautier, L’influence du modèle communautaire sur la coopération en matière de justice et d’affaires intérieures,

op. cit., p. 176)

470 Ibid., p. 183. 471 Ibid., p. 183‑185. 472 Ibid., p. 284‑286.

473 J. Monar, « Justice and Home Affairs », art. cit., p. 728.

474 B. Jobert, « Le retour du politique », art. cit. ; È. Fouilleux, « Entre production et institutionnalisation des

idées », art. cit.

475 P. M. Haas, « Introduction », art. cit. ; T. Bossy et A. Evrard, « Communauté épistémique », art. cit. ; A. R.

la mobilité humaine pour la sécurité intérieure. Déjà affirmé dans le cadre des zones de libre circulation, le diagnostic de ces acteurs a été l’objet d’une « naturalisation »476 de plus en plus poussée en raison de l’expertise qui leur est reconnue et des réponses qu’ils apportent aux pré- occupations des citoyens pour leur sécurité. Par conséquent, la création d’un espace sans fron- tières intérieures prévue par l’AUE s’inscrit dans la continuité de cette dynamique. Toutefois, la place encore plus importante accordée aux membres de la communauté épistémique dans le forum de communauté de politique publique nous a conduite à penser la constitution d’une élite programmatique477. Cette dernière porte une solution d’action publique spécifique liée à leur vision pragmatique. En effet, l’UERS doit résoudre les problèmes posés par la coopération in- formelle et son éclatement en de multiples enceintes, mais elle est limitée dans ses capacités d’action et sa nature.

Force est de constater cependant la nécessité d’appréhender l’UE comme constituée de plusieurs niveaux et d’une pluralité de forums domestiques478. À ce titre, les dynamiques dans

le forum de communauté de politique publique allemand mènent à une proposition différente de celle de l’UERS. La convergence de production d’idées dans le forum des professionnels et sur le politique mène à ce que l’idée d’un FBI européen soit promue par Helmut Kohl dans le cadre des négociations du traité de Maastricht, saisies comme une fenêtre d’opportunité479. Le

diagnostic fondateur de ce projet est le même que celui de l’UERS et est accepté par l’ensemble des chefs d’État et de gouvernement. Une clôture discursive480 est perceptible sur cet enjeu,

mais d’importantes divergences ont été visibles entre les délégations nationales en fonction de leur représentation sociale de l’intégration européenne. Une connexion a été réalisée entre la communautarisation d’un domaine régalien et les avancées de la construction européenne. À ce titre, les délégations les plus favorables à la nature supranationale de l’UE ont soutenu l’ap- plication de la méthode communautaire aux enjeux JAI. En revanche, les promoteurs d’une Europe plus intergouvernementale ont fait valoir leur propre vision exclusive de la souveraineté nationale et ont réussi à conserver le statu quo481. En témoignent l’architecture en piliers, les

476 A. Smith, Le gouvernement de l’Union européenne, op. cit., p. 68.

477 W. Genieys et P. Hassenteufel, « Qui gouverne les politiques publiques ? », art. cit. 478 È. Fouilleux, « Entre production et institutionnalisation des idées », art. cit. 479 J. W. Kingdon, Agendas, Alternatives, and Public Policies, op. cit. 480 A. Smith, Le gouvernement de l’Union européenne, op. cit., p. 68.

faibles prérogatives des institutions supranationales, le maintien de l’unanimité et de l’expertise technique dans le processus décisionnel du Conseil JAI et la nature opérationnelle d’Europol.

C

ONCLUSION DU CHAPITRE

1

La problématisation initiale d’Europol n’a pas suivi une voie toute tracée, une trajectoire linéaire, s’éloignant de l’approche fonctionnaliste au cœur du modèle P-A. Elle résulte de la mobilisation d’une pluralité d’acteurs dans différents forums régis par leurs propres représen- tations sociales dominantes et dynamiques, interagissant, parfois avec certaines frictions, sur des temporalités distinctes482.

La première temporalité observée s’étend sur près de deux siècles. La prise en compte des mutations de long terme du travail international de police est nécessaire pour comprendre comment une institution consubstantielle de l’État et du politique483 cherche à s’en distancier à

la suite de la perception de problèmes posés par la mondialisation. Ces échanges croissants internationaux mènent à la circulation d’un groupe restreint d’acteurs policiers, devenant des spécialistes de la coopération policière484. Cette dynamique est intensifiée avec la mise en place de l’échelon européen, en raison de la tension insoluble entre police et politique régissant la coopération internationale. Le développement des nombreux clubs européens dans les années 1970 est accompagné de la structuration d’une communauté épistémique485. Cette dernière est

composée d’un nombre réduit de policiers qui cumulent les ressources et savoirs et partagent un même récit de politique publique, de mêmes logiques normatives et causales.

La deuxième temporalité qui a marqué la problématisation initiale d’Europol renvoie à des changements plus rapides n’ayant plus eu lieu dans le forum des professionnels. Ces muta- tions se déroulent dans plusieurs forums politiques qui produisent de nouvelles idées sur la libre circulation à différents échelons. Or, à chaque fois, nous avons constaté que des mesures com- pensatoires à cette mobilité ont été adoptées et témoignent de la naturalisation486 du discours et du rôle de plus en plus central de ces acteurs. Leur participation plus directe au processus déci- sionnel leur offre des ressources positionnelles supplémentaires et les amène à devoir proposer

482 B. Jobert, « Le retour du politique », art. cit. ; È. Fouilleux, « Entre production et institutionnalisation des