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CHAPITRE II : Le parcours littéraire de Jòrgi Reboul

C) LA PUBLICATION DE MESCLAS (1988)

En 1988 paraı̂t le dernier grand recueil de poèmes de Reboul, Mesclas (Figure 32), aux éditions des Cahiers du Garlaban318.

315 Philippe Gardy, Paysages du poème : six poètes d’oc entre XXe et XXIe siècle : Léon Cordes, Robert Lafont,

Bernard Lesfargues, Georges Reboul, Max Rouquette et Jean-Calendal Vianès, Montpellier, Presses

universitaires de la Méditerranée, 2014, p. 23. 316 Philippe Gardy, op. cit., p. 24.

317 Tristan Cabral, La lumière et l’exil. Anthologie des poètes du sud de 1914 à nos jours, Marseille, Le temps parallèle, 1985, p. 369-376 et 595-596.

Biographie de Jòrgi Reboul

Figure 32. Première de couverture du recueil Mesclas

L’ouvrage reprend, en graphie classique avec traduction française, un florilège des quatre principaux recueils précédents de Reboul, Sènso relàmbi, Terraire nòu, Chausida et

Pròsas geograficas319. Il comporte en annexes un certain nombre de notes, dont l’essentiel sont des reprises de celles figurant déjà dans le recueil Pròsas geograficas, ainsi qu’une

« tiera deis amics qu’an ajudat l’espelida d’aquesta Mesclas » {liste des amis qui ont aidé à

la parution de ce Mélanges}.

La genèse du recueil a été relatée de façon assez documentée par Jean-Luc Pouliquen, directeur de la maison d’éditions des Cahiers du Garlaban, à l’origine de cette publication320. Ce dernier explique que sa collaboration initiale avec Reboul avait initialement pour objectif un travail autour de l’œuvre de Victor Gelu ― compte tenu des compétences de Reboul sur le sujet, c’est en effet à lui qu’on avait conseillé à Jean-Luc Pouliquen de s’adresser321. La première rencontre entre les deux hommes a lieu au domicile marseillais de Reboul, en mai 1984. Les problèmes de santé du poète, déjà très âgé, espacent ensuite leurs relations, sans toutefois les interrompre, au moins de manière épistolaire.

En 1987, Jean-Luc Pouliquen décide de se lancer dans l’édition poétique. Après quatre recueils en français, le groupe auquel il collabore choisit de s’ouvrir à la poésie en 319 Poèmes issus de Sènso relàmbi : « Marinhana », Laissa. Tot s’encapitarà », « Ara que siás pron granda », « Lo pus bèu de mei poèmas ». Poèmes issus de Terraire nòu : « Partirai », « Au jovènt », « De ta vida un novèu capitre », « Ai, su lou fluvi passant », « A ! Se podiás ». Poèmes issus de Chausida : « Plòu », « L’òme de la marteliera », « Pèr Gil », « Esposcs », « Ai enregat lo carrairon », « Pèr dos cambaradas de trabalh ». Poèmes issus de Pròsas geograficas : « Anar luenh sempre », « Lo ciune », « Nòstre fraire », « Guiu Martin », « Diana Neira », « La vièlha voliá jamai morir », « Canigó », « Un de Zakintòs », Lo sarcofage », « Lei presoniers », « Sens adieu ».

320 Jean-Luc Pouliquen, « Jòrgi Reboul et les Cahiers du Garlaban », Actes du colloque Jorgi Reboul, Septèmes-

les-Vallons, 9 avril 1994, Septèmes-les-Vallons, 1996, p. 91-97 (rééd. Ce lien qui les rassemble. Les Cahiers des Poètes de l’École de Rochefort-sur-Loire, n°5, Petit Véhicule, Nantes, Presses d’Orphée, 2014, p. 67-71).

321 Pour mémoire, Reboul est l’auteur ou le co-auteur de divers travaux consacrés à l’œuvre de Gelu (voir p. 91).

Œuvre non reproduite par respect du droit d’auteur

Biographie de Jòrgi Reboul

oc, en proposant sur un an l’édition de quatre cahiers trimestriels, chacun consacré à un grand auteur occitan, sans parti pris de graphie. C’est vers Reboul que s’oriente le choix pour le premier cahier.

Comme le souligne Jean-Luc Pouliquen, Reboul s’implique fortement dans la conception de ce qui deviendra le recueil Mesclas, malgré ses 87 ans. Il aide à la recherche des souscripteurs pour financer l’édition du fascicule, effectue le choix des 26 poèmes à partir de ses précédentes publications et recherche dans le Tresor dóu Felibrige le titre qu’il pourrait donner à la table des matières ; il retient au final le mot Cabedèu qui renvoie à une pelote de fil, comme si l’on tirait un poème à partir duquel les suivants se dévideraient à leur tour. Enfin, Reboul demande à Jean-Luc Pouliquen de rédiger la préface du recueil.

L’illustration de la couverture est quant à elle confiée à René Monteix qui propose un dessin du village de Reillane dans les Alpes de Haute-Provence. Né en 1908 en Auvergne, Monteix avait été instituteur et professeur d’éducation physique avant de devenir médecin puis professeur de cardiologie à Marseille. Le choix paraı̂t d’autant plus judicieux que Monteix connaı̂t Reboul avec qui il a travaillé un temps à l’école pratique d’industrie de la rue du Rempart.

Au moment de sa parution, le recueil Mesclas est tout d’abord accompagné par la préface de Jean-Luc Pouliquen intitulée « Cet homme qui pèse sur les saisons »322. Jean- Luc Pouliquen y revient sur le parcours d’écrivain de Reboul, à travers l’évocation de ses grands recueils, et présente Mesclas comme une sorte de panorama où se mélangent et se complètent les textes de différentes époques, comme pour mieux souligner la très grande continuité du cheminement de Reboul à travers le XXe siècle et l’Occitanie.

Traversant le temps, l’authentique création poétique ne peut que s’en trouver plus forte. Souvent antérieure à l’évènement, parfois en phase avec lui, jamais à sa remorque, le verbe du poète ne se conjugue pas au passé.

Dans les années trente, lorsque paraissent « SÈNSO RELÀMBI » et « TERRAIRE NOÙ » à l’enseigne de MARSYAS, émerge soudain, sous le grand ciel de Provence, avec force et originalité, une parole neuve. Hors de toute convention et d’esprit de chapelle, l’éditeur- animateur de revue Sully-André PEYRE ouvre la voix à Jòrgi REBOUL en même temps qu’à une nouvelle générale de poètes — citons parmi d’autres les noms de Charles GALTIER, Jean Calendal VIANÈS, Max-Philippe DELAVOUET, Fernand MOUTET… — dont nous mesurons aujourd’hui la richesse et la diversité d’expressions.

Au début des années soixante, entraîné par les jeunes qui ont trouvé en lui une fondation à la nécessaire rénovation de l’édifice, Jòrgi REBOUL confie pour la collection « MESSATGES » de l’Institut d’Études Occitanes un choix (CHAUSIDA) de poèmes.

L’homme debout, toujours porté par son désir d’aller plus loin devant, y célèbre sa présence au milieu du monde, vécue comme jaillissement, poussée ascendante.

322 Jean-Luc Pouliquen, « Cet homme qui pèse sur les saisons », Mesclas, Jòrgi Reboul, trad. Jean-Luc Pouliquen, Hyères, Les cahiers de Garlaban, 1988, p. 5-6. J’ai conservé en l’état l’essentiel de la typographie de l’original, notamment l’emploi des guillemets et des majuscules en lieu et place de la mise en italique des noms de recueil ou de revues.

Biographie de Jòrgi Reboul

Enfin, en ce milieu des années quatre-vingts, la parution de « PRÒSAS GEOGRAFICAS » transmute en poésie l’action de longue haleine que le fondateur du « CALEN DE MARSIHO » en 1925 a menée avec et pour le peuple d’OC.

De Salignac à Coaraze, du Canigou à la Sainte-Victoire, c’est toute l’Occitanie qui entre en vibration dans l’envoûtante fusion de son histoire et de son présent.

Aujourd’hui Jòrgi REBOUL mêle ses différentes époques, mélange les perceptions, les intuitions, les sentiments, les réflexions, les images, nourris par sa traversée du siècle. De bout en bout c’est le même homme que nous rencontrons : celui qui a approché le secret des origines en marchant vers toujours plus de conscience et plus de liberté.

« Un homme au centre de la création pèse sur les saisons

les années et même les siècles dans sa main il tient la source qui doit féconder la terre. »

Ce que Jòrgi REBOUL a écrit en hommage à Sully-André PEYRE, c’est à lui désormais que nous le dédions.

Ce recueil reçoit un accueil très favorable de la part de Robert Sabatier (romancier membre de l’Académie Goncourt, poète et auteur d’une Histoire de la poésie française). En réponse à l’envoi que Jean-Luc Pouliquen lui en avait fait, Sabatier écrit à Reboul323 : « Je viens de recevoir Mesclas et je veux vous dire quel grand plaisir vous me faites. Bien que connaissant peu l’occitan (mon grand-père me l’avait appris), je peux le lire et je suis émerveillé par la beauté de vos poèmes et par leur modernité ». Sabatier consacre d’ailleurs en 1988 une place à Reboul dans son Histoire de la poésie française, au chapitre « Terre et territoires. Occitanie »324 :

Yves Rouquette montre Jorgi Reboul (né en 1901) « rugueux, vigilant, lucide, indomptable, farouche briseur de mythes, grand conquérant de libertés, d’espaces neufs ». Loin du félibrige, proche du nouveau (sic), marqué par le surréalisme, cet ancien est reconnu par les plus jeunes comme un libérateur et un novateur, à partir de Sènso relambi, 1932, qui, pour Charles Camproux, marque « un renouvellement définitif » tandis que Andrée-Paule Lafont le dit « présent à sa terre, mais à toutes les terres » et demandant à la poésie « une leçon sur la vie même ». C’est une poésie de l’élan, de la volonté et du désir. Jean Malrieu a adapté ses poèmes en français.

Enfin, la revue Prouvènço d’Aro fait paraı̂tre un petit encart non signé, sous le titre « Mesclas de Jòrgi Reboul »325. L’article est probablement de la plume de Jean-Luc Pouliquen, puisqu’il est très semblable par son contenu à celui que ce dernier publiera par la suite sous le titre « Jòrgi Reboul et les Cahiers du Garlaban »326.

323 Jean-Luc Pouliquen, « Jòrgi Reboul et les Cahiers du Garlaban », Ce lien qui les rassemble. Les Cahiers des

Poètes de l’École de Rochefort-sur-Loire, n°5, Petit Véhicule, Nantes, Presses d’Orphée, 2014, p. 71.

324 Robert Sabatier, Histoire de la poésie française. La Poésie du XXe siècle. III, Métamorphoses et modernité,

Paris, Albin Michel, 1988, p. 314.

325 « Mesclas de Jòrgi Reboul », Prouvènço d’Aro, n°21, novembre 1988, p. 11.

326 Jean-Luc Pouliquen, « Jòrgi Reboul et les Cahiers du Garlaban », Actes du colloque Jorgi Reboul, Septèmes-

les-Vallons, 9 avril 1994, Septèmes-les-Vallons, 1996, p. 91-97 (rééd. Ce lien qui les rassemble. Les Cahiers des Poètes de l’École de Rochefort-sur-Loire, n°5, Petit Véhicule, Nantes, Presses d’Orphée, 2014, p. 67-71).

Biographie de Jòrgi Reboul

Li Caièr de Garlaban soun urous d’anouncia pèr l’ivèr 88/89 la sourtido de Mesclas de Jòrgi Reboul

Mescladisso de pouèmo chausi pèr l’autour dins l’ensèn de son obro e presenta pèr Jan Lu Pouliquen. Ilustracioun de cuberto de Renat Montex.

Lou souveni es encaro caud dins nosto memòri d’aquelo annado 1984 ounte rescountrerian Jòrgi Reboul pèr alesti uno casseto sus Vitour Gelu que devié estre realisado en 1985 pèr lou centenàri de la mort dóu grand troubaire marsihés.

De Vitour Gelu à Jòrgi Reboul, es lou meme alen pouderous que passo, mesclant lou gèni d’oc à l’universalita de touto grando pouësio. Au moument ounte avèn decida d’edita una couleicioun de recuei de pouèmo en lengo d’oc, s’impausavo pèr nautre de l’inagura emé Jòrgi Reboul en oumenage e recounèissènço.

Lou recuei de pouèmo de Jòrgi Reboul, edicioun bilingue « Mesclas » se pòu coumenda en souscripcioun enjusqu’au 12 de decembre 1988 au pres de 50 F franco de port is (sic) « Caièr de Garlaban »

L’amalfi – rue Branly – 83400 Hyeres.

{Les Cahiers du Garlaban sont heureux d’annoncer pour l’hiver 88/89 la sortie de Mesclas de Jòrgi Reboul.

Mélange de poèmes choisis par l’auteur dans l’ensemble de son œuvre et présentés par Jean-Luc Pouliquen. Illustration de couverture de René Monteix.

Le souvenir est encore chaud dans notre mémoire de cette année 1984 où nous rencontrions Jòrgi Reboul pour préparer une cassette sur Victor Gelu qui devait être réalisée en 1985 pour le centenaire de la mort du grand troubaire marseillais. De Victor Gelu à Jòrgi Reboul, c’est le même souffle puissant qui passe, mêlant le génie d’oc à l’universalité de toute grande poésie. Au moment où nous avons décidé d’éditer une collection de recueils de poèmes en langue d’oc, il s’imposait pour nous de l’inaugurer avec Jòrgi Reboul en hommage et reconnaissance.

On peut commander le recueil de poèmes de Jòrgi Reboul, édition bilingue Mesclas, en souscription jusqu’au 12 décembre 1988 au prix de 50 F franc de port aux « Cahiers du Garlaban »

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