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CHAPITRE II : Le parcours littéraire de Jòrgi Reboul

A) LES DERNIÈRES COLLABORATIONS AVEC LA REVUE MARSYAS

Reboul renoue avec la revue Marsyas en 1946. Il y publie d’abord deux inédits, « Nóuturno » et « Plòu »201, puis une reprise de son poème consacré à Joseph d’Arbaud202. A# noter que cette même année, Bernard Lesfargues et Robert Lafontfont paraı̂tre dans leur anthologie Jeune poésie occitane le poème « Au jouvènt », déjà publié dans Terraire

nòu en 1937, ainsi qu’un inédit, « Frinè », tous deux présentés en graphie mistralienne

avec traduction française203.

L’année 1947 voit sortir, toujours dans les pages de la revue Marsyas, une importante collection de textes sous le titre « Poèmes provençaux et français de Jòrgi Reboul »204. Certains de ces textes sont écrits en français : « Les mains de ton esprit », « Par tes veines », « Cet horizon », « Tu l’avais vu pleurant », « La robe des dimanches », « Vers l’autre », « Celui qui retourne ». Les autres sont composés en occitan, accompagnés d’une traduction française : deux d’entre eux ont déjà été édités, « Ma terro » et « Pèr dous cambarado de travai »205 ; trois sont des inédits, « Pèr Gil »206, « Chapitre de la mort » et « Pèr l’ome de la marteliero ». Les poèmes sont accompagnés d’une petite introduction de Sully-André Peyre qui indique notamment qu’ils « sont extraits du recueil Lindau {Seuils},

200 Selon Marie-Jeanne Verny, il pourrait peut-être s’agir des Cahiers du Sud. Dans le texte d’origine, les noms des recueils sont typographiés en caractères romains et placés entre guillemets hauts.

201 Marsyas, n°241, janvier 1946, p. 1204.

202 « À Jóusè d’Arbaud », Marsyas, n°243, mars 1946, p. 1216 (réédition du texte précédemment publié dans :

Marsyas, n°158-159, février-mars 1934, p. 740 ; Pouèmo, Aigues-Vives, Marsyas, 1934, p. 4-5 ; et Terraire nòu : pouèmo, Aigues-Vives, Marsyas, 1937, p. 32-33).

203 La jeune poésie occitane, Bernard Lesfargues et Robert Lafont, Paris, Le Triton bleu, 1946, p. 60-63. 204 Marsyas, n°251, janvier-février 1947, p. 1291-1295.

205 Précédemment publiés dans Cahiers du Sud, n°265, avril-mai 1944, p. 242-247.

206 Il s’agit plus précisément de la seule édition intégrale du poème « Pèr Gil », dont la seconde partie était préalablement parue dans la revue Pyrénées. Cahiers de la pensée française, « Jeune poésie d’oc. Anthologie composée par René Nelli », n°17-18, mars juin 1944, p. 534-537.

Biographie de Jòrgi Reboul

à paraı̂tre aux Editions Marsyas ». Comme indiqué précédemment, cet ouvrage ne verra finalement jamais le jour.

A# l’international, on peut noter du côté anglo-saxon, toujours en 1947, la parution d’une petite plaquette de Jacques Leclerc consacrée à Reboul et Charles Galtier207. Y sont reproduits trois poèmes de Reboul (« Partirai », « Pèr dous cambarado de travai » et « Lou ciéune »), avec traduction anglaise ; ces textes sont accompagnés d’une brève introduction générale consacrée à l’histoire de la littérature d’oc. Claude Barsotti consacre un court article à cette publication dans ses chroniques occitanes du journal La Marseillaise en 1964208. François Pic209 mentionne également tout ou partie d’un article consacré à Reboul par Alphonse Roche dans la revue Books Abroad en 1954210.

En 1949, Reboul publie quatre poèmes supplémentaires dans la revue Marsyas : « Alenaves », « La car », « Espousc »211 et « A# Mas-Felipe Delavouet »212.

Enfin, en 1952, Reboul confie à la revue une dernière série de quatre textes qui marqueront la fin de sa collaboration avec elle. Il s’agit des poèmes « E+u ! », « Friné », « Ai enrega lou carreiroun » et « I’a ’no pichoto man »213.

Cette date n’est évidemment pas anodine dès lors qu’elle correspond, en gros, à la période au cours de laquelle Reboul rompt définitivement avec le Félibrige pour se tourner peu à peu vers l’occitanisme — on se rappelle sa lettre recommandée du 10 mai 1954 adressée au capoulier Frédéric Mistral neveu pour lui faire part de sa démission officielle l’année même du centenaire de l’association (voir p. 65)214. Cette période correspond aussi à des prises de positions de Sully-André Peyre de plus en plus intransigeantes dans la défense de la suprématie du mistralisme. Peyre publie en 1948 son livre La branche des oiseaux215 où il se montre violemment hostile aux thèses occitanistes. Enfin, il n’est sans doute pas non plus anodin de remarquer qu’après la Seconde Guerre mondiale, les textes publiés par Reboul dans la revue Marsyas présentent une facture très orientée vers le dialecte provençal rhodanien (disparition des diphtongaisons du [ɔ] tonique, pluriels en -i et non plus en -ei…), en totale contradiction avec les habitudes d’écriture de Reboul, clairement marseillaises et revendiquées comme telles. Plus qu’un choix propre à Reboul, probablement faut-il y voir une décision de Peyre lui-même, soucieux de rhodaniser les écrits du poète marseillais afin de mieux cadrer avec la nouvelle ligne éditoriale de sa revue. Il n’est donc pas exclu — quoique je n’aie pas trouvé de document écrit en témoigneant au cours de mes recherches — que cette 207 Jacques Leclercq, « Two Poets of the Midi : Carle d'Eigaliera & Jorgi Reboul. Translations by Jacques Leclercq », Furioso, n°3, vol. II, Madison, Connecticut (États-Unis), 1947, 12 p.

208 Jan Montanha, « Chronique occitane. A prepaus de traduccions », 7 janvier 1964, CIRDOC, MS 680 Cronicas occitanas, Glaudi Barsotti (La Marseillaise).

209 François Pic, « Essai de biographie de Jòrgi Reboul », Actes du colloque Jorgi Reboul, Septèmes-les-Vallons,

9 avril 1994, Septèmes-les-Vallons, 1996, p. 80.

210 Alphonse Roche, « Modern provençal litterature », Books Abroad, n°2, vol. 28, 1954, p. 141-174. 211 Déjà paru dans Cahiers du Sud, n°265, avril-mai 1944, p. 242-247.

212 Marsyas, n°273, décembre 1949, première page. 213 Marsyas, n°295, juillet-août 1952, p. 1799-1800.

214 Jòrgi Reboul, lettre à Frédéric Mistral neveu, 10 mai 1954, Archives du CIRDOC, CP 352/36 (54 lettres envoyées à Josèp Salvat).

Biographie de Jòrgi Reboul

contradiction idéologique de plus en plus marquée entre les deux hommes ait été à l’origine de leurs itinéraires divergents. On peut d’ailleurs se demander si ce n’est pas cette même divergence qui aurait provoqué l’abandon du projet de recueil Lindau, lequel devait précisément paraı̂tre aux éditions Marsyas.