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La promotion de la santé au travail

Dans le document Emploi des salariés âgés  (Page 175-179)

1. Quelles pratiques innovantes dans les entreprises françaises ?

1.2. La promotion de la santé au travail

En matière d’amélioration des conditions de travail et de prévention des situations de pénibilité, de nombreuses entreprises se sont contentées dans leurs accords de mettre en place des mesures palliatives, la plupart du temps destinées à « reclasser » les salariés en cas d’inaptitude constatée par la Médecine du Travail. Elles n’agissent donc pas en amont sur l’apparition de phénomènes d’« usure » prématurée.

Or, les perspectives d’allongement de la durée du travail rendent nécessaire une réflexion en profondeur sur ces questions. Il semble en effet peu concevable, par souci d’équité entre les générations, de réserver les postes les plus « doux » aux seuls travailleurs âgés.

De plus, une étude du Centre d’Etudes pour l’emploi publiée en juin 2009 montre que la qualité des conditions de travail, alliant santé et bien-être, joue de manière favorable sur le maintien en activité des salariés seniors.

Aussi la santé au travail ne peut-elle se résumer à la réduction de la pénibilité physique constatée pour un individu donné ou encore au suivi des maladies professionnelles, souvent liées à des séquelles causées par l’exploitation, aux changements et restructurations de la production ou de la distribution de services dans l’entreprise. D’autant que la recrudescence de suicides sur le lieu de travail, chez RENAULT ou France Télécom, pousse les entreprises à réfléchir sur le mal-être voire la réelle détresse des salariés au travail : « Ce n'est cohérent ni avec ce que souhaite le gouvernement ni avec la nécessité d'équilibrer les comptes des caisses de retraite. Mais il est vrai aussi que les seniors veulent quitter l'entreprise le plus tôt possible parce qu'ils s'y sentent mal. Il reste beaucoup à faire pour leur donner envie d'y rester.179

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Certaines organisations sont donc allées plus loin dans la prévention des situations de pénibilité et ont privilégié une approche plus globale, prenant en compte la santé et le bien- être des salariés dans leurs activités et ce quel que soit leur âge.

CARREFOUR, par exemple, s’est engagé dans ses accords à mettre en place des organisations du travail plus adaptées sur certains métiers. L’objectif est de maintenir tous les salariés en bonne santé et donc de permettre aux seniors de poursuivre leur activité plus longtemps. Ces actions de prévention portent sur toute activité impliquant la répétition des gestes et postures contraignants et à la manutention. Elles seront suivies dans le cadre de la Commission Santé Sécurité au travail.

LA POSTE180 a, quant à elle, lancé début 2007 le programme « facteurs d’avenir » : chaque directeur d’établissement devait identifier une tournée réservée pour les personnels qui représentent des restrictions d’aptitudes temporaires et définitives. Au-delà de cette démarche « curative », à l’image des « postes doux », la Poste a également agi sur la prévention : réduction des risques professionnels potentiellement générateurs d’aptitude réduite, formation des managers à la prévention…

Chez TERRITORIA, le médecin du travail agit en amont en collaboration étroite avec l’entreprise pour éviter que le vieillissement ne révèle des problèmes de santé. La plupart des postes ont ainsi fait l’objet d’un examen et des mesures préventives sont développées. Par exemple, des appareils de protection auditive ont été fournis en priorité aux jeunes salariés exposés au bruit. Les anciens en ont été équipés dans un deuxième temps.

Le recours à la solution du poste de repli, qui révèle un problème de conditions de travail, peut également être anticipé en procédant à une étude ergonomique des postes de travail, à l’image de la société ELECTRONIS.

Enfin, la démarche de ROYAL est, quant à elle, exemplaire à plus d’un titre. Sa réflexion sur la gestion du vieillissement date de 1990, s’inscrivant dans le cadre d’une étude lancée par le ministère du travail et pilotée par l’ANACT. Elle a permis de mettre en place de nombreux éléments de gestion préventive organisationnels et opérationnels :

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VIGEO – recueil de Bonnes pratiques seniors remis à Laurent Wauquiez le 2 juin 2009 réalisée par l’étude des pratiques de 11 entreprises

- organisationnels : création d’un groupe de travail afin d’éviter que ne surviennent les manifestations pathologiques causées par des conditions de travail éprouvantes

- opérationnels : polyvalence réduisant les fatigues posturales, action sur les rythmes de travail, chaîne en U de telle sorte que les salariés puissent communiquer et promulguer des conseils aux moins expérimentés.

A travers ces exemples, il apparaît clairement que les bonnes pratiques se situent dans les entreprises qui ne s’occupent pas seulement des conditions de travail des seniors mais qui au contraire, profitent de la mise en avant de leurs difficultés pour prévenir les risques. Cette approche permet de réduire les accidents de travail, de renforcer la productivité, de réduire l’absentéisme et, sur un plan macro-économique, contribue à l’allongement de l’espérance de vie. Elle participe aussi à la réduction des coûts cachés dont la charge est souvent supérieure à celle produite par les coûts visibles.

Mais les risques de santé au travail ne se traduisent pas uniquement par la pénibilité physique. Ils incluent également la prévention des risques psychosociaux. On entend par risque psychosociaux « toutes les problématiques qui tournent autour du stress, du harcèlement moral présumé, de la violence interne et externe à l’entreprise et les situations de malaise au travail »181. L’actualité récente renforce ce point : le 9 octobre 2009, à l’occasion du Conseil d’Orientation sur les Conditions de Travail, Xavier DARCOS a annoncé un plan d’urgence pour la prévention du stress au travail. Ce plan comprend notamment l'obligation d’ouverture de négociations sur le stress dans toutes les entreprises de plus de 1000 salariés avant le 1er février 2010. Par ailleurs, le ministre du Travail demandera aux directeurs régionaux du travail d’organiser dans chaque région avec le réseau régional de l’ANACT et les services régionaux de prévention de la branche accident du travail (CARSAT) des réunions d’ici fin novembre en direction des entreprises.

Au delà du stress, le mal-être et la souffrance au travail figurent en tête des préoccupations de la Médecine du Travail182. Désorganisation, perte de sens, dysfonctionnement des équipes, … Autant de troubles difficiles à cerner mais dont le coût peut être potentiellement élevé pour les organisations. Les origines de ces tensions ou « job strain » ont pourtant été clairement identifiées : manque d’autonomie dans l’exécution des tâches professionnelles,

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Risques psychosociaux en entreprise : comment les prévenir ? , Entretien avec Bénédicte HAUBOLD, Les Echos.fr, 12 juin 2008

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problème de reconnaissance et absence de soutien de la part de l’entourage au travail (hiérarchie et collègues).

L’approche observée dans les « entreprises à succès » prend donc en compte non seulement la santé mais aussi la qualité des conditions de travail. Cette qualité peut aller jusqu’à la notion de bien-être, encore peu évoquée en France.

Quelques initiatives existent cependant, à l’image de FERRERO, dont le patron, qui emploie 1200 salariés, mise à fond sur ses marques mais surtout sur sa politique sociale pour motiver ses équipes. Il a entamé une rénovation du management en s’appuyant sur un immense brainstorming dans l’entreprise. La mobilité professionnelle est pour Ferrero un autre levier de motivation identifié : l’objectif est de construire des évolutions de carrière pour des salariés qui vont devoir travailler plus longtemps. L’attention est aussi portée sur l’intégration des nouveaux embauchés. Par ailleurs, Ferrero facilite la vie privée de ses employés : crèche, conciergerie, assistantes sociales, bourses pour financer les études… L’entreprise va même jusqu’à accueillir les enfants des salariés les mercredis et pendant les vacances scolaires. Cette politique sociale s’inscrit dans un dialogue construit entre la direction et les syndicats, qui reconnaissent que « sur le plan social, ils font partie des salariés les mieux lotis ».

A la lumière de notre étude et des bonnes pratiques trouvées, nous pouvons établir qu’une gestion des seniors qui fonctionne est toujours intégrée dans une politique RH globale. Les principes qui permettent de maintenir en emploi les seniors fonctionnent quand ils ont été anticipés et qu’ils sont étendus à l’ensemble des salariés:

 Diversité : mixer des profils différents est une source de valeur ajoutée à l’organisation efficace d’une entreprise. Ce principe est valable pour les salariés âgés mais aussi pour les handicapés, l’égalité homme-femme, les immigrés…toutes les minorités.

 Anticipation des parcours professionnels : au-delà des entretiens de mi-parcours, c’est dès le début de la vie professionnelle que se construit un parcours. Le principe des bilans tous les 5 ans, la promotion de la mobilité, toutes les mesures permettant aux salariés de continuer à progresser (formation, validation des acquis) et enfin une politique de gestion par les compétences sont autant de moyens pour maintenir les salariés âgés dans l’emploi.

 Amélioration des conditions de travail : le développement de « postes doux » ou les aménagements de temps en fin de parcours professionnels sont la résultante d’une politique insuffisante de santé au travail. Le maintien des salariés âgés passe aussi par leur état de santé (physique et psychique) et leur motivation. Seule une politique RH

engagée dans la prévention des risques psychosociaux et dans le bien-être des salariés leur permettra de se maintenir en activité.

Dans le document Emploi des salariés âgés  (Page 175-179)

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