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Les paradoxes et insuffisances du cadre réglementaire

Dans le document Emploi des salariés âgés  (Page 179-183)

Si certaines entreprises ont montré leur investissement dans le maintien dans l’emploi des seniors à travers des politiques RH anticipatives et préventives, le cadre réglementaire apparaît insuffisant pour impulser les changements de fond qui permettront de faire face au vieillissement démographique et aux difficultés de financement des retraites qui en découlent. Certes, la crainte de la sanction a forcé les entreprises à réfléchir sur la situation des seniors en leur sein. Mais la volonté du gouvernement sur le recul de l’âge de départ à la retraite reste très éloignée des préoccupations du terrain et les salariés les plus âgés restent « ceux qui se voient proposer une cessation progressive d'activité lorsque leur entreprise connaît des difficultés financières »183.

De plus, les domaines d’action identifiés dans les projets d’accord ne sont pas innovants. Les entreprises continuent de fonctionner par ajustement, en réaction et non par anticipation. Mais cette remarque est également valable pour le gouvernement, dont les multiples hésitations sur la question des seniors risquent bien de compromettre la réussite de ce changement.

 Quelle définition du senior ?

La première confusion vient de la terminologie employée dans les textes : Le « Plan concerté pour l’emploi des seniors » est en en effet suivi par une obligation d’emploi des « salariés âgés ». L’objectif principal de maintien dans l’emploi doit s’adresser aux salariés de 55 ans et plus, tandis que le recrutement concerne les plus de 50 ans… La plus grande confusion s’installe ainsi sur les populations ciblées184. Les signataires des accords sont donc nombreux à avoir redéfini les bénéficiaires des actions envisagées, certains, à l’image de CARREFOUR, soulignant même « les acceptions très variables du terme senior » et abaissant à 45 ans l’âge minimum, en vue de favoriser l’anticipation.

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Xavier DARCOS, op.cit.

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Comme le soulignent Jacqueline Laufer et Rachel Silvera parlant de l’égalité des genres, « extraire une des caractéristiques de l’individu, dont celle de l’âge peut être risqué pour permettre son traitement. » Égalité et diversité, Travail, genre et sociétés 2009/1, N° 21, p. 25-27.

Les actions mises en place en fonction de l’atteinte d’un seuil d’âge ne semblent toutefois pas en mesure de répondre aux besoins de l’entreprise et aux attentes des salariés entrant dans ces mesures d’âges. Comme l’atteste une récente étude menée par le cabinet ALTER EGO185, les motivations et les comportements traversent les âges et l'effet générationnel est souvent surestimé dans le domaine RH. La gestion par les âges ne semble donc pas être la meilleure solution pour résoudre la question des seniors.

 Quel champ d’application ?

Seules les entreprises du secteur privé et public d’intérêt commercial sont concernées par l’obligation de conclure un accord ou plan d’action en faveur de l’emploi des seniors, délaissant l’administration et la fonction publique territoriale qui comptent pourtant un nombre important de salariés âgés dans leurs effectifs.

Par ailleurs, malgré une mobilisation qui se veut « générale », le Gouvernement semble exclure de la réflexion les PME. L’étude commandée et publiée lors de la parution des décrets ne s’est en effet préoccupée que des pratiques mises en place dans les grandes entreprises. La récente convention signée entre VIGEO et l’assemblée permanente des Chambres de Commerce et d’Industrie, dont les conclusions sont annoncées pour le 17/12/2009, montre la correction d’un oubli pour le moins insensé.

D’autant que le « Small Business Act », adopté en juin 2008 par l’Union Européenne, reflète la volonté de reconnaître le rôle essentiel joué par les PME dans l'économie. Il établit, pour la première fois, un cadre politique global pour les États membres. Son objectif est d'améliorer l'approche générale en matière d'entrepreneuriat, d'ancrer de façon irréversible le principe : « Penser aux PME d'abord », tant dans le processus législatif que dans le comportement des administrations, et de promouvoir la croissance des PME en les aidant à surmonter les problèmes qui continuent à entraver leur développement.

 Quels objectifs ?

Pourquoi parler d’une loi en faveur de « l’emploi des seniors » ? L’entreprise se préoccupe de gérer des ressources, des compétences,... La régulation du marché du travail est une

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fonction régalienne de l’Etat soutenue par les politiques publiques. Les entreprises ne peuvent donc difficilement se reconnaître dans l’implication ainsi sous-tendue.

En outre, parmi les domaines d’action imposés aux entreprises, 5 concernent le maintien dans l’emploi, pour lesquels il est simple de prévoir quelques aménagements. Il n’est donc pas étonnant que les entreprises aient été majoritairement tentées de passer outre le recrutement de salariés âgés. D’autant que, dans le contexte actuel de réduction des embauches, le choix d’un tel objectif ne pouvait être que symbolique. Enfin, comment tenir un objectif de recrutement en contournant l’interdiction de discrimination positive ?

La loi veut ainsi défendre un objectif d'emploi sans prendre en compte la faisabilité de mise en place de mesures adaptées au contexte. L’éviction partielle ou complète des salariés âgés devrait donc continuer à cohabiter avec le cadre réglementaire actuel.

Certes, les Directions ne pourront plus user de la mise à la retraite d'office entre 60 ans et 65 ans. Cette dernière pouvait intervenir lorsque le salarié avait suffisamment cotisé (160 trimestres) pour percevoir une retraite à taux plein, et s'il relevait d'une branche ayant signé un accord prévoyant cette mesure. La métallurgie, les assurances, ... : plus de 120 branches (sur les 160) avaient signé de tels accords. Bientôt, tout cela ne sera plus possible. L'extinction de ces accords est programmée pour le 31 décembre 2008. Ajouté à la révision à la hausse des indemnités de licenciement actée courant mi 2009, certaines entreprises tentent de profiter de cette ultime "fenêtre de tir". La crise et son cortège de plans de départs ne font qu'amplifier le phénomène.

L'OCDE a recommandé fin avril 2009 d'éviter que « les employeurs puissent mettre en place et abuser de ruptures pour se séparer des seniors à bon compte et aux frais des compensations des politiques de l’emploi et de la protection sociale ». Pourtant, encore aujourd’hui, « beaucoup de sociétés établissent une revue des effectifs pour pouvoir procéder à des mises à la retraite d’office à partir de 60 ans plutôt que de licencier des salariés plus jeunes »186. Même les syndicats sont demandeurs, à l’image de ceux d’Air France, réclamant à Xavier DARCOS la prolongation des MRO jusqu’à fin 2011 au motif de la crise. « Chez Air France, un accord de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), signé le 21 juillet, prévoit notamment d'inciter les salariés à un départ en retraite anticipée grâce à une aide au rachat de trimestres d'assurance vieillesse, à hauteur de 2 000

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euros par trimestre racheté et dans la limite de douze trimestres par salarié. » France Télévisions dispose encore elle, aussi d’un dispositif incitatif de départ volontaire pour les plus de 60 ans pouvant prétendre à une retraite à taux plein. Lancée d'ici à la fin de l'année, cette mesure pourrait concerner jusqu'à 900 salariés d'ici à 2012. Le montant de la prime (hors indemnité de licenciement) variera de six à neuf mois de salaire, selon l'ancienneté du salarié.187

 Quels moyens ?

D’une manière générale, les dispositifs incitatifs ou coercitifs fondés sur l’âge, mis en place par le gouvernement dès 2003, se sont révélés inefficaces (contrats aidés, contribution Delalande) pour régler la question de l’emploi des seniors. Avec la LFSS pour 2009, elle fait clairement peser sur les entreprises la mise en place d’une gestion des salariés âgés.

Mais au-delà de l’obligation d’emploi, c’est un changement culturel profond qui s’impose, dont les entreprises ne pourront être le seul moteur. Or, la loi, en instaurant des pénalités dès le 01/01/2010, est une mesure contraignante et coercitive qui ne facilite pas l’implication positive des acteurs concernés sur le long terme. La mise en place de réductions d'impôts ou de cotisations sociales pour les entreprises dont le taux d'emploi des plus de 50 ans est supérieur à la moyenne nationale aurait été attractive et aurait été plus propice aux changements de décision. Mesure compensée, puisqu’une entreprise qui recrute des seniors paie des cotisations sociales et contribue à réduire les déficits.

 Quel timing ?

Rappelons que c’est dès 2001 que le Conseil de l’Europe s’est fixé pour objectif de porter à 50% le taux d’emploi des seniors à horizon 2010. La publication tardive des décrets d’application nationaux en mai 2009 indique clairement que l’état français a laissé aux partenaires sociaux un champ libre et ne s’est pas montré impliqué : un signal très négatif est donné aux institutions et notamment aux partenaires de l’emploi, en particulier aux chômeurs et aux salariés menacés par la crise.

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En les obligeant à se saisir d’une question très paradoxale au regard de leurs précédents combats, les partenaires sociaux arrivent sur le terrain des négociations globalement mal préparés : GPEC, anticipation, nouvelles formes de travail ou de contrat, prêt de salariés, parcours professionnel, formation tout au long de la vie. A part les mobilités abordées par les accords GPEC, la plupart des négociations réalisées en 2008 n’abordent ni l’emploi des salariés âgés ni la dynamique des âges.

L’agenda extrêmement court imposé aux entreprises favorise une gestion d'urgence peu propice à des réussites durables (ou seulement dans une moindre mesure).

Faire évoluer les mentalités en profondeur en changeant les représentations de l’âge au travail est un impératif majeur. L’obligation de conclure un accord ou un plan d’action en faveur de l’emploi des seniors semble insuffisante pour impulser un tel changement.

3. Un changement de paradigme à la source d’un Management durable des

Dans le document Emploi des salariés âgés  (Page 179-183)

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