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La promesse de consommer sans nuire à l’environnement

Dans le document Thèse de doctorat Présentée (Page 144-147)

économiques centrés sur l’usage

3.2. Soutenabilité environnementale

3.2.2. La promesse de consommer sans nuire à l’environnement

Les configurations induites par les modèles socio-économiques d’ « économie de (la) fonctionnalité » et d’ « économie collaborative » ont pour trait commun de se fonder sur une modification des conventions liées à la consommation (relation à la propriété, autonomisation du consommateur, etc.), condition sine qua non à leur prétention environnementale. La transformation des comportements du consommateur par les pratiques qualifiées de « collaboratives » peut déplacer les usages dans un cadre moins néfaste à l’environnement, de la même manière que celles qui s’inscrivent dans l’ « économie de fonctionnalité » sont en mesure de « changer la consommation dans le sens du développement durable »148, pour reprendre les mots de Dominique Bourg et de Nicolas Buclet (2005).

Dans le cas de l’ « économie de (la) fonctionnalité », le bien mis à disposition du consommateur est détenu par un exploitant privé, public, ou par un partenariat qui associe acteurs privé(s) et public(s) (exemple des formes de mobilités urbaines gérées en partenariat public-privé). Le prestataire de services peut considérer ses produits comme une forme de capital, et a tout intérêt à assurer une maintenance régulière afin de pérenniser l’investissement qui lui permet de capter la valeur. Les biens proposés en libre accès sont conçus pour résister aux spécificités de l’usage partagé que sont leur dégradation et l’intensité de leur utilisation. En effet, comme le pense Nicolas Buclet (2005), la non possession des biens - dans ce cas matériels - déresponsabilise les clients et amenuise les efforts des prestataires de services pour allonger la durée de vie de leurs biens mutualisés :

Ainsi, lorsqu’un particulier utilise un véhicule sans avoir à prendre en charge son entretien, le risque est élevé qu’il ne se soucie plus d’en préserver la durabilité. (Buclet, 2005, p. 64).

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Le cas de Velib’ en est l’illustration : de 2007, année de lancement du service, à 2009, 16000 cas de vandalisme et 8000 vols de vélos ont été constatés, représentant une perte

totale de 8,5 millions d’euros149. Selon l’entreprise JCDecaux, l’opérateur de Velib’, une vaste campagne de sensibilisation organisée par la Mairie de Paris aurait permis de faire chuter les actes malveillants de 46% entre les années 2009 et 2012. Cet exemple emblématique de mise en application de l’ « économie de (la) fonctionnalité » alimente l’idée selon laquelle le consommateur a besoin d’être accompagné dans la transformation de ses comportements :

Comment inciter [souligné par nous] l’usager à utiliser le bien “en bon père de famille”, selon l’expression juridique consacrée ? (Buclet, 2005, p. 64).

Les initiatives à visée environnementale qui émanent de l’approche en « peer-to-peer » émergent de réseaux qui tentent de (re)dynamiser des formes de coopération, au travers notamment du concept de « communauté ». Ainsi, au moment de la COP21 (2015), l’association OuiShare a entrepris le projet « POC21 innovation community »150. Une centaine de « makers » se sont rassemblés au Château de Millemon, du 15 août au 20 septembre 2015, pour promouvoir les vertus de l’ « open source » en termes de « développement durable ». L’expérience a démontré avec succès qu’une communauté autogérée, soutenue par les nouvelles capacités qu’offrent les innovations du web

(imprimante 3D, accessibilité des codes sources, etc.), peut produire et consommer sans émettre de déchets.

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Ces chiffres, dont l’origine est attribuée à l’entreprise JCDecaux, sont commentés dans article paru dans Le Monde du 23 juin 2012, à l’occasion des 5 ans du service parisien : « Le Vélib, 110 000 trajets quotidiens et 224 000 abonnés annuels ». Ce texte est disponible sur le site du quotidien [consulté le 15/032016], http://www.lemonde.fr/societe/article/2012/06/23/le-velib-en-piste-depuis-cinq-ans_1723115_3224.html

150 « POC21 is an international innovation community, that started as an innovation camp. The camp brought together 100+ makers, designers, engineers, scientists and geeks. Late summer 2015, we have joined forces in a stunning french castle to prototype the fossil free, zero waste society. Our ultimate goal was to overcome the destructive consumer culture and make open-source, sustainable products the new normal. », http://www.poc21.cc/ [consulté le 15/03/2016]

Les pratiques de partage de biens et/ou de services, qu’elles soient intermédiées par une plate-forme privée ou non, que l’échange soit monétarisé ou non (prêt, réemploi d’objets par le biais du marché de l’occasion, mutualisation de biens ou d’espaces, covoiturage,

etc.), représentent autant d’opportunités pour réduire l’impact environnemental de la consommation qu’il reste à saisir. Ainsi, si les entreprises qui se revendiquent de l’ « économie collaborative » - l’intermédiaire qui administre (traçabilité, paiement, mise en relation, etc.) et appareille (dispositifs de recommandations, mise à disposition d’un

espace numérique personnalisé, etc.) l’échange entre particuliers - communiquent151 sur leurs contributions à un « développement durable », elles ne le placent pas au cœur de leurs promesses. Le bien, dont l’usage est temporairement cédé à un consommateur, appartient à un particulier. L’objet du partage n’est pas conçu à cette fin. Les vertus environnementales de cette approche ne résident pas dans l’allongement de la durée de vie des biens, à la différence de celle promue au travers du concept d’ « économie de (la) fonctionnalité ». L’idée consiste à activer des ressources, qui sans l’appui des technologies du web de seconde génération, étaient condamnées à la « dormance ». Les réseaux sociaux facilitent l’échange en démultipliant l’accessibilité à des prestations qui optimisent les contraintes budgétaires des deux parties prenantes. Le particulier qui met à disposition son bien accède à un revenu qui lui était jusqu’alors inconnu, ou dont l’existence était limitée, par le droit notamment, à certains cas particuliers (rente immobilière, etc.). D’autre part, le particulier qui recourt à l’usage du bien se libère des contraintes liées à la propriété individuelle. Au final, la promesse de cette approche est de maximiser les usages des biens déjà en circulation. Alors que les configurations induites par les différentes formes d’« économie collaborative » ne font pas intervenir l’acteur public, son rôle est évoqué pour « construire un cadre économique et réglementaire qui soit favorable aux modèles les plus durables » ((Demailly et Novel, 2014, p. 23).

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Citons à ce titre l’étude menée par Airbnb (2014), par l’intermédiaire du cabinet Cleantech Group (CTG) : A greaner way to travel : the environmental impacts of home sharing. La synthèse de l’étude est disponible en ligne http://blog.airbnb.com/environmental-impacts-of-home-sharing/ [consultée le 15/03/2016]

Alors que les démarches d’ « économie de (la) fonctionnalité » et d’ « économie collaborative » se rejoignent sur la promotion d’un mode de consommation « à l’usage », elles divergent sur la nature de son support. Les deux approches proposent une relecture de la propriété jugées en phase avec les contraintes auxquelles est confrontée la société de consommation. Pour autant, les ressorts de cette transformation des modes de consommation les fait diverger. Alors que les travaux des promoteurs de l’ « économie de (la) fonctionnalité » concluent à la nécessité d’accompagner le consommateur dans la modification des conventions qui cadrent l’échange (Buclet, 2005), les évangélistes de l’ « économie collaborative » le pense à l’origine de cette refonte du schéma usuel, et en cela, autonome.

Dans le document Thèse de doctorat Présentée (Page 144-147)