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Le renouvellement des modes de « gouvernance » de la ville

Dans le document Thèse de doctorat Présentée (Page 197-200)

société en réseaux

4.2.4. Le renouvellement des modes de « gouvernance » de la ville

Dans de nombreux articles, l’idée de renouveau s’applique aux modalités de l’action publique. Un extrait de verbatim permet de saisir le lien entre le développement de certaines pratiques attachées au courant de l’ « économie collaborative » et la transformation des manières de concevoir la relation entre les citoyens et leur gouvernement. Les succès de plusieurs tentatives d’« ouverture des données publiques », ou « open data », fournissent un argument en faveur d’un accroissement de la participation des administrés. Par exemple, l’accessibilité aux données permet aux bénéficiaires des services publiques de contribuer eux-mêmes à leurs améliorations. Cette approche ascendante du mode de gouvernance, ou « bottom-up » (terme lui-même présent dans le

corpus), tend à donner plus de pouvoir d’intervention aux citoyens :

La révolution des données ouvertes (open data) souligne l'idée que le gouvernement fonctionne plus efficacement lorsque les citoyens participent. Au lieu que les citoyens participent à la façon dont les lois sont rédigées et adoptées, et que les fonctionnaires mènent les affaires de la population, les données gouvernementales ouvertes permettent la participation des citoyens dans la façon dont les services gouvernementaux sont effectivement délivrés. (Shareable n°20).

Les défenseurs de pratiques rangées derrière la terminologie « peer-to-peer », qui visent à faire tendre l’économie vers un cadre qui soit davantage social et solidaire, encouragent la distribution du pouvoir centralisé : une communauté, qu’elle soit mondiale ou locale, peut assurer certaines tâches relatives à la gestion d’un « commun ».

Un examen plus approfondi de nos données textuelles montre que, si la ville fait bien référence à un espace géographique, elle est également associée à des terminologies qui évoquent la gouvernance territoriale. Alors que le ciblage de « city » ne fournit que trop peu de résultats exploitables, une recherche des substantifs adjacents à « government » délivre, quant à elle, certaines informations qui viennent préciser la représentation que les auteurs se font de la ville. Ainsi, dans l’intégralité des propos recueillis, le terme

« government » (Figure 11 ci-dessous) est principalement relié à « city » (230 relations de cooccurrences). Les discours font par conséquent état d’une dynamique locale, qui concerne autant la ville que son mode de gouvernance. En cela, les propos exprimés sur les sites ciblés sont compatibles avec les intérêts des deux principaux réseaux d’acteurs attachés à la désignation « économie collaborative ».

Substantifs adjacents au terme « government » [3222 équivalents sémantiques dans 3964 articles] Corpus « shareable.net » et « ouishare.magazine.net » confondus

1. City (230) 2. Open (211) 3. Information (146) 4. People (96) 5. Work (90) 6. Community (85) 7. Economy (84) 8. Citizen (81) 9. Business (79) 10. New (76)

Figure 29: recherche des substantifs adjacents au terme « government » (Tropes)

Une partie des discours se focalisent sur une activité économique locale sans pour autant mentionner la redistribution d’une partie de la valeur créée, par la voie de la fiscalité par exemple. Si le terme « tax », ainsi que plusieurs de ses synonymes, sont présents dans les articles recueillis, ils ne le sont qu’à de rares reprises et pas dans le contexte recherché. En d’autres termes, les controverses relatives à l’ « évasion », ou l’ « évaporation » fiscale pratiquée par les leaders du marché de l’ « économie collaborative » ne sont que très peu abordées par les auteurs des textes analysés.

La contribution au territoire proposée se traduit par la capacité de ce modèle économique à se substituer à quantité d’aménagements urbains et à générer une activité commerciale propice à la dynamisation des villes. La transformation des mobilités urbaines en est l’illustration : les pouvoirs publics sont amenés à reconfigurer leur stratégie. Un article tiré de notre corpus s’attache à décrire la nécessité d’accroitre la multimodalité des transports,

qui s’appuient sur la technologie, pour offrir davantage de flexibilité aux acteurs. Les « mobility services » (services de mobilités qui se revendiquent de l’ « économie de (la) fonctionnalité » et de l’ « économie collaborative ») sont une innovation citée pour illustrer le changement de posture des acteurs publics. Alors que ces derniers peuvent saisir l’opportunité de développer de nouveaux services, en s’associant parfois à des acteurs privés, ces derniers doivent composer avec le déploiement de l’offre de certains acteurs de l’économie numérique (Blablacar, Uber, etc.).

Dans ce discours, la juxtaposition de services assurés par les pouvoirs publics (municipalités, conseils généraux, conseils régionaux) avec ceux proposés par des plates-formes d’intermédiation pose la question de la pérennité du transport public dans un environnement fortement concurrentiel171.

Les gens recherchent des services agiles et dynamiques, et non des produits contraignants. L'automobile devient fonctionnelle plus que toute autre chose, elle est rendue obsolète par les nouvelles technologies. Ce monde en mutation pose des défis majeurs aux constructeurs automobiles. (OuiShare n°4).

Services de mobilité : les services de transport en commun sont de plus en plus pertinents et intéressants car ils intègrent des programmes de vélo et de partage de véhicules, tout en fournissant des informations en temps réel sur la circulation. La location de voiture peer-to-peer et le covoiturage permettent aux propriétaires de véhicules de gagner de l'argent avec, renouvelant le sens de la possession d’une voiture particulière. (OuiShare n°4).

Un autre article, qui reprend les prédictions pour l’année 2016 du Sustainable Economies Law Center, organisation à but non lucratif172 dont la vocation est d’explorer les modes de régulation en adéquation avec l’approche de l’ « économie collaborative », annonce pour

171

Par ailleurs, cet extrait explique la rivalité entretenue par les réseaux d’acteurs à l’origine de la désignation « économie de (la) fonctionnalité », dont les services de mobilités sont en partie gérées par un acteur public, envers l’approche de l’ « économie collaborative ».

172

« The Sustainable Economies Law Center is a California Nonprofit Public Benefit Corporation with tax-exempt status under IRC Section 501(c)(3) », http://www.theselc.org/about [consulté le 27/07/2016]

les États-Unis un mouvement de décentralisation qui se traduira par la multiplication des cas de législations municipales :

Une centaine de villes aux États-Unis adopteront des règlements sur les locations de logements à court terme, pour équilibrer les possibilités de création de moyens de subsistance à petite échelle, et pour éviter le déplacement potentiel de résidents vulnérables. (Shareable n°12).

Les auteurs des propos recueillis multiplient les propositions pour inclure les pratiques des plates-formes privées d’ « économie collaborative » dans un cadre plus vertueux du point de vue de la ville. Les recommandations formulées vont dans le sens d’une décentralisation des modes de régulation qui régissent ce type d’activité. En prise avec les spécificités de leur territoire, les municipalités sont les mieux placées pour mettre en place un cadre réglementaire qui soit en mesure de concilier la montée en puissance des entreprises qui organisent des échanges entre particuliers, avec des enjeux d’intérêt public locaux.

D’une certaine manière, les villes peuvent bénéficier des services générés pour accroître leur accessibilité sans avoir à financer de coûteuses infrastructures (investissement, maintenance, etc.). La location d’espaces auparavant inoccupés accroît considérablement les capacités d’accueil de voyageurs des centres urbains (qu’il s’agisse de séjours touristiques ou professionnels) pendant que les prestations des plates-formes de Voitures de Transport avec Chauffeur (VTC) sont en mesure d’en améliorer la desserte. À l’inverse, elles peuvent s’appuyer sur le développement des échanges entre particuliers pour stimuler leur attractivité économique, en créant notamment un environnement propice à l’implantation de start-up. Les services qui en découlent répondent à des attentes locales, à la différence de ceux proposés par l’intermédiaire de plates-formes standardisées telles qu’Airbnb ou Uber, et peuvent en cela représenter un levier de renouvellement vertueux des grands centres urbains :

Dans le document Thèse de doctorat Présentée (Page 197-200)