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Le numérique accompagne des transformations sociales

Dans le document Thèse de doctorat Présentée (Page 178-182)

société en réseaux

4.2.1. Le numérique accompagne des transformations sociales

Le logiciel identifie un couple d’expressions qui précise la nature de la technologie en question tout au long du corpus. Elle est sans surprise en cohérence avec les innovations sur lesquelles reposent les plates-formes d’ « économie collaborative » : le terme « technology » est juxtaposé 41 fois à « web » et associé à « open source » à 27 reprises.

Substantifs adjacents au terme « technology » [2826 équivalents sémantiques dans 3964 articles] Corpus « shareable.net » et « ouishare.magazine.net » confondus 1. People (85) 2. City (79) 3. Way (68) 4. Company (67) 5. Information (60) 6. Community (55) 7. Government (51) 8. Network (47) 9. Space (46) 10. Web (41)

Figure 24: recherche des substantifs adjacents au terme « technology » (Tropes)

Un article souligne l’influence de la technologie sur la manière de concevoir la possession et le partage. L’auteur y décrit une transformation du consumérisme en « transumérisme », concept selon lequel l’usage d’un bien ne nécessite pas forcément sa propriété. Bien que des ressorts sociologiques et économiques jouent un rôle dans le changement des modes de consommation des sociétés post-industrielles, cette vaste transformation est largement stimulée par les innovations successives de l’informatique (web de première et de seconde génération) :

En effet, je crois qu'un des plus grands moteurs de la tendance du transumérisme est la technologie informatique. [...] Mais la technologie informatique est loin d’en être l’unique facteur. Au contraire, plusieurs facteurs d’ordres sociaux et économiques ont également convergé pour rendre la location et le partage plus attrayants que la propriété, et ce dans de nombreux cas. (Shareable n°3).

Système transactionnel, accès et contribution collective à des biens communs de la connaissance, renforcement de la confiance dans l’échange avec un particulier sont autant de spécificités qui ont favorisé la généralisation des modes de consommation « à l’accès ». Tous ces éléments sont caractéristique des pratiques d’ « économie collaborative » telles que décrites dans l’article cité ci-dessous :

Premièrement, comme nous utilisons de plus en plus le web sur une base transactionnelle [...], nous sommes formés à une mentalité transhumériste (transumerist mindset). Deuxièmement, comme nous utilisons des services crowdsourcés tels que Wikipedia, nous reconnaissons le pouvoir de la propriété et de la contribution collective, et voyons comment les ressources partagées peuvent être préférables aux ressources individuelles, à l’image d’un millier d'encyclopédies. Troisièmement, le web, qui est de plus en plus social, nous a permis de partager aisément - y compris avec des étrangers (random strangers). Quatrièmement, la technologie web a permis de créer des services qui seraient autrement impossibles ou difficiles à utiliser. (Shareable n°3).

Wikipédia incarne ici le fruit d’une intelligence collective, inhérente aux capacités offertes par le numérique. Un second article cite cet exemple pour insister sur le fait que les vertus de l’ « économie collaborative » ne peuvent être générées que par l’intermédiaire de technologies « open source ».

Le travail collectif qui consiste à créer ou à améliorer un bien immatériel, par une agrégation de tâches accomplies individuellement, permet tout d’abord à chaque individu d’enrichir ses compétences. Par ailleurs, ce type de configuration peut donner lieu à des projets d’une ampleur planétaire, comme le démontre les exemples de Linux, de Wikipédia, d’Arduino, de Raspberry Pi, etc.) :

Le développement d'un projet doit s'effectuer dans le cadre d'un processus de travail collaboratif au cours duquel les technologies, les connaissances et les compétences en open source nécessaires

sont transférées aux utilisateurs pour les faire monter en capacité (to empower them). Les technologies ne sont pas implémentées dans un système fixe mais restent ouvertes afin que chacun puisse apporter une contribution et s'améliorer selon les principes de l'open source. [...] Tout le monde peut travailler pour répondre aux besoins de la société et aider à l’améliorer dans son ensemble. Grâce à la libre circulation des idées, les équipes individuelles (single teams) ne se concentrent pas sur des problèmes isolés. OuiShare n°2).

Si le terme « open source » fait bien référence au caractère « non propriétaires » des technologies qu’il sert à désigner, il fait également allusion à un type spécifique d’organisation du travail. En procédant à une distribution des tâches, les projets menés en « peer-to-peer » s’émancipent des critiques traditionnellement adressées à l’encontre des notions de hiérarchie et de bureaucratie : la production gagne en rapidité et en réactivité. Cette rupture avec les pratiques des acteurs industriels est illustrée par Michel Bauwens au travers d’une collaboration infructueuse entre Linux et IBM :

Au départ, IBM essaie de mettre au pas, via sa propre hiérarchie, les collaborateurs qu’elle paie pour apporter une contribution à Linux, mais cela ne fonctionne pas. Les lourdes structures bureaucratiques d’IBM ne peuvent pas suivre le rythme effréné de développement de logiciels de Linux. IBM est obligée de s’adapter à la culture et à la gestion de Linux, et non le contraire. (Bauwens, 2015, pp. 115-116).

L’analyse du corpus extrait du site « ibm.com/smarterplanet » montre que la notion de « communauté », pourtant présente dans les discours, y occupe une place relativement limitée. Comme en atteste le descriptif d’un produit, les équipes d’IBM se réapproprient (en exerçant un contrôle notamment) les travaux qui émanent des communautés contribuant à l’amélioration de technologies « open source ». Dans ce corpus, la collaboration est facilitée par l’intermédiaire de systèmes informatiques propriétaires diffusés largement au travers d’offres de « cloud computing ». La flexibilité des services qui en découlent repose sur des objets techniques, en contraste avec la résilience caractéristique des technologies « open source », qui trouvent en partie leurs sources dans une organisation spécifique des tâches de travail :

Vous bénéficiez de nouvelles fonctionnalités développées à la fois par la communauté open source et par les techniques avancées de récupération d'information qui sont construites par les équipes de l’algorithme Watson. (ibm.com/smarterplanet).

Le cloud [computing] pour la collaboration entre des agences disparates. Il s'agit d'étendre la possibilité. Le cloud est simplement l'outil que vous utilisez pour accéder à vos fichiers de n'importe où et pour rendre vos opérations plus efficaces. (ibm.com/smarterplanet).

Les résultats qui sont issus de l’exploitation du corpus « shareable.net » et « ouishare.magazine.net » mettent en évidence un lien qui est plus difficile à interpréter : « government » est associé à « technology » à 51 reprises. Plusieurs exemples nous permettent de remettre ce résultat dans son contexte, et ainsi de saisir la signification de cette observation. Nous avons isolé le passage d’un article (consultable sur le site internet de Shareable) qui correspond à une des relations relevées par le logiciel, et qui nous permet d’en comprendre la signification :

Il [le procureur général de l'État de New York, Eric T. Schneiderman] a émis deux exemples de sociétés qui collaborent avec succès au gouvernement pour résoudre de nouveaux problèmes : les grands de la Silicon Valley imposent un rythme effréné en partageant leur technologie de base, pour le bien social (for social good). Deuxièmement, une équité est générée sous forme de subventions aux jeunes, grâce à la technologie et par l’intermédiaire de projets inspirés par les employés de ces sociétés. (Shareable n°4).

Ce passage souligne la capacité de la technologie, et la volonté des start-up qui les déploient, à assister les municipalités de différentes manières : partage des innovations et capacités de financement des acteurs les plus puissants de l’économie numérique en sont des manifestations. Du point de vue des investissements financiers, les entreprises capitalistes de l’économie du numérique peuvent être considérées comme des partenaires des pouvoirs publics. En revanche, elles sont en capacité d’intervenir au-delà de leurs compétences, et dans des domaines aussi variés que l’éducation ou l’emploi. Plus encore, comme nous le précisons plus loin, certaines de ces firmes portent l’ambition stratégique de se substituer à quantité de services publics :

Et cette infrastructure permet aux villes plus intelligentes (smarter cities) de se concentrer sur un problème particulier : le transport ; l’eau ; l’énergie ; la sécurité publique ; le chômage ; la criminalité. Mais peut-être plus important encore, des municipalités plus intelligentes commencent à échanger des informations entre elles et à travailler ensemble à explorer de nouvelles voies. L'évolution commence seulement. Je pense que nous commençons juste à voir le début d'une évolution majeure dans la physionomie des villes. (ibm.com/smarterplanet).

Dans le document Thèse de doctorat Présentée (Page 178-182)