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4 2 Des profils plus précis concernant l’exposé des faits

Plusieurs profils plus précis ont pu être dégagés concernant le report des éléments d’enquête. Quatre profils d’ordonnances ont été extraits : la chronologie de l’enquête, l’enchaînement par éléments constituant l’infraction, la chronologie des faits délictueux, l’enchaînement par témoins (Tableau 20). La catégorisation a été réalisée sur la base du profil le plus apparent qui se dégageait de l’ordonnance. Toutefois, des ordonnances n’ont pu être catégorisées dans aucun de ces quatre profils d’où une catégorie nommée « Hybride »

Tableau 20 – Répartition des ordonnances de renvoi selon le profil

de l’exposé des éléments de l’enquête

Ordonnances de renvoi devant : Profils le tribunal correctionnel la cour d’assises Total « Enquête » 11 13 24 « Témoins » 5 1 6 « Faits » 1 4 5 « Eléments » 5 0 2 « Hybride » 3 4 7

4.2. 1 - Le profil « Chronologie de l’enquête »

Le profil le plus observé (n = 24/44) est dit « chronologie de l’enquête ». Dans ce type d’ordonnances, les événements sont rapportés dans la chronologie de leur prise de connaissance par le juge d’instruction tout au long de l’enquête. Ce profil est très dépendant du déroulement de l’enquête et donc présente de nombreuses variantes. Il peut en être donné l’exemple suivant (Figure 14) :

2 - Les éléments de l’enquête

* Eléments de l’enquête préliminaire jusqu’à interpellation du suspect : témoignage du plaignant, du « dénonciateur », premiers éléments d’enquête recueillis sur les lieux du constat de l’infraction.

* Interpellation et témoignage du suspect lors de la garde à vue.

* Eléments réunis lors de l’enquête d’instruction (e.g. témoignages, expertises) dans l’ordre dans lequel le juge en a eu connaissance.

1 – Constat de l’infraction

3 - Conclusion

4 - Renseignements de personnalité

Motivation de la décision – Profil « Chronologie de l’enquête »

Figure 14 – Exemple d’un profil « Chronologie de l’enquête »

Des passages narratifs se situent à différents endroits du texte à l’occasion de témoignages, notamment de la victime, ou de synthèses de témoignages faites par le juge d’instruction. Le style narratif peut être explicitement introduit par le juge :

Ì « Les deux victimes relataient ainsi le déroulement des faits […] ».

Ì « C’est dans ce contexte que seraient intervenus les faits relatés par les plaignantes. » Cependant, la chronologie de l’enquête prévaut. Le lecteur ou l’auditeur découvre les éléments de l’enquête (e.g. témoignages, expertises, actes sous commission rogatoire…) dans un ordre similaire à celui dont le juge d’instruction semble en avoir pris connaissance.

4.2. 3 - Profil « Témoins »

Ce profil (n = 6/44) se caractérise par un regroupement des témoignages et des éléments de l’enquête par témoins (Figure 15). Le témoignage de la personne mise en examen est bien sûr récurrent tandis que ceux de la partie civile ou de témoins tiers dépendent de la spécificité de l’affaire.

2 - Les éléments de l’enquête

* Témoignages du plaignant et éléments de procédure le concernant (e.g. expertise) * Déclarations de témoins des faits

* Témoignages de l’accusé * Confrontation

1 – Constat de l’infraction

3 - Conclusion

4 - Renseignements de personnalité

Motivation de la décision – Profil « Témoins »

Figure 15 - Exemple d’un profil « Témoin »

Ce type d’organisation recrée une situation de confrontation des différentes versions des faits soit par la mise en évidence de contradictions entre mis en examen, soit entre le mis en examen et la partie civile ou un témoin tiers. L’évaluation des témoignages apparaît par l’intermédiaire de conclusions d’expertises psychologique ou psychiatrique ou directement émises par le juge d’instruction lui-même. Le profil par témoins est parfois difficile à distinguer du profil « chronologie de l’enquête », étant donné que cette dernière n’est pas connue. Par exemple, deux témoignages qui se suivent peuvent correspondre à l’arrestation d’un premier suspect qui entraîne l’arrestation d’un second. Cependant, l’exposé des faits suit un découpage par témoins, dans le sens où tous les éléments concernant un témoin (e.g. expertise, actions policières) sont réunis, concernant l’ensemble des éléments constituant l’infraction. Le lecteur ou l’auditeur prend connaissance des faits par l’intermédiaire de la succession des protagonistes de l’affaire.

4.2. 4 - Profil « Chronologie des faits »

Ce profil se caractérise par une reprise chronologique des faits incriminés (n = 5/44). Cette reprise chronologique est soit une synthèse réalisée par le juge d’instruction à partir des éléments du dossier suivie du témoignage de l’accusé, soit une description des faits avec des insertions confirmant ou infirmant les faits par une expertise par exemple ou sur les accords et désaccords entre les différents témoignages du mis en examen (Figure 16).

2 - Les éléments de l’enquête

* Description des événements avant les faits reprochés appuyés de témoignages et d’éléments de l’enquête

* Descriptions des actes reprochés appuyés de témoignages et d’éléments de l’enquête * Description des événements après les faits reprochés appuyés de témoignages et d’éléments de l’enquête

* Conséquences des actes reprochés

4 - Renseignements de personnalité

Motivation de la décision – Profil « Chronologie des faits »

3 - Conclusion

Figure 16 - Exemple d’un profil « Chronologie des faits »

Le lecteur ou l’auditeur prend connaissance des faits dans un ordre chronologique par une description de « ce qu’il s’est passé » avant, pendant et après les faits. La chronologie des faits est parfois nettement introduite dans le texte, par exemple : « La chronologie des faits pourrait être reconstituée de la façon suivante : […] ».

4.2. 2 - Profil « Eléments constituant l’infraction »

Ce profil (n = 2/44) se caractérise par le regroupement des témoignages et des preuves selon les éléments constituant l’infraction, c'est-à-dire l’établissement de la réalité des faits, de l’identité du criminel, par la vérification de l’alibi du mis en examen par exemple, de sa responsabilité. Ce type de structure tend à reprendre les trois éléments constitutifs de l’infraction permettant de déterminer l’effectivité de la culpabilité (i.e. éléments légal et matériel) et de la responsabilité de l’accusé (i.e. élément moral) (Bouloc, 2006 ; Soyer, 2004). L’enchaînement suivant peut être par exemple observé (Figure 17) :

2 - Les éléments de l’enquête * Etablissement de la réalité des faits reprochés

* Vérification de la version soutenue par l’accusé * Vérification de l’imputabilité des faits à l’accusé

1 – Constat de l’infraction

3 - Conclusion

4 - Renseignements de personnalité

Motivation de la décision – Profil « Eléments de l’infraction »

Figure 17 - Exemple d’une motivation d’ordonnance de renvoi suivant le profil « Eléments de

l’infraction »

Lorsqu’il y a plusieurs chefs d’accusation, les témoignages et éléments de l’enquête sont réunis par charge. Par exemple, concernant une affaire de stupéfiants, la possession illégale de produits stupéfiants est d’abord établie puis leur cession illégale. Lorsqu’il y a plusieurs accusés, la synthèse par éléments se succède pour chacun d’eux. Des reports de témoignages sont présents, réunis à différents endroits du texte : soit avant (entre l’interpellation et la restitution des éléments de garde à vue) soit à la fin de l’exposé des éléments avant la conclusion. Cependant, le lecteur ou l’auditeur prend connaissance des faits par l’intermédiaire des éléments constituant l’infraction ou des chefs d’accusation.

4.2. 5 - Profils Hybrides

Bien qu’aucune des ordonnances ne suive un profil pur, certaines n’ont pu être catégorisées dans les profils précédents (n = 7/44). Ces dernières montraient nettement une combinaison de plusieurs profils, notamment entre le profil « Chronologie des faits » et un des trois autres profils.

Un premier profil hybride mélange le profil « Chronologie des faits » et « Chronologie de l’enquête » (n = 4). La trame de fond de l’argumentation suit la chronologie de l’enquête. Cependant, suite à plusieurs témoignages ou investigations, le juge d’instruction reprend la chronologie des faits incriminés comme bilan de l’ensemble des éléments recueillis. Une autre forme renvoie au récit des faits ponctué des éléments d’investigation, comme la reconstruction des faits tout au long de l’enquête.

Un autre profil hybride entre le profil « Chronologie des faits » et « témoins » (n = 2) débute par le constat d’infraction puis une chronologie des faits. Ensuite, les témoignages se succèdent témoin par témoin, chacun dans la chronologie de l’enquête (garde à vue puis audition devant le juge d’instruction). Dans une autre forme, les témoignages s’enchaînent reconstituant la chronologie des faits.

Un dernier profil hybride observé mêle le profil « témoins » et « éléments de l’infraction » (n = 1). Les témoignages des mis en examen se suivent un à un, étant eux- mêmes découpés par infraction.

4.2. 6 – Des invariants ?

Etant donné la diversité des juges/auteurs des ordonnances, il est peu probable que les profils soient catégorisables selon ce critère. De même, nous avons déjà pu constater que la cour de renvoi ne s’avère pas non plus un critère de regroupement pertinent (Tableau 20). Par contre, le type d’infractions pourrait se révéler un critère déterminant dans la structure de l’exposé des faits. Afin d’observer si un profil de l’exposé des faits était privilégié selon le type d’infractions considéré, les infractions ont été réunies en deux catégories selon l’objectif sous-jacent de la commission de l’infraction : infraction instrumentale et non-instrumentale. Lorsque l’objectif est instrumental, le but premier du malfaiteur est d’obtenir des biens, même si, pour cela, il a pu atteindre à des personnes (e.g. vol, escroquerie, stupéfiants). Lorsque l’objectif est non-instrumental, le but premier du malfaiteur est d’atteindre une personne, désignée ou non (e.g. agression sexuelle, physique, assassinat). Cette classification des infractions ne rejoint pas la classification légale en terme d’atteinte aux biens et d’atteinte aux personnes. Nous avons néanmoins opté pour cette définition sur le postulat que la différence dans le type de preuves recueillies selon la catégorie d’infractions pourrait influencer la manière dont le juge d’instruction présente l’exposé des faits pour justifier sa décision. Lorsque l’infraction est instrumentale, les preuves matérielles peuvent être supposées fortement présentes pour établir les faits et identifier l’accusé (e.g. analyses de comptes bancaires, armes, cagoule ou masque, marques d’effraction). Lorsque l’infraction est non instrumentale, les preuves peuvent, en revanche, davantage consister en la parole de chacun des protagonistes impliqués. De manière corollaire à la prédominance d’un type de preuve, la conduite de l’enquête d’instruction peut également être différente selon le type d’infraction et ainsi être rapportée selon un plan spécifique dans l’exposé des faits. Des profils sont spécifiques d’un type d’infraction. En effet, le profil « Eléments de l’infraction » ne concerne

que des infractions instrumentales et le profil « Chronologie des faits » ne concerne que des infractions non instrumentales. (Tableau 21)

Tableau 21 – Répartition des types d’infractions selon les profils de l’exposé des faits Profils de structure de l’exposé des faits

Type

d’infractions « Enquête » « Témoins » « Faits » « Infraction » « Hybride » Total

Instrumental 9 3 2 0 3 17

Non-Instru. 15 3 0 5 4 27

Total 24 6 2 5 7 44

Non-Instru. : Non instrumental

Toutefois, aucune infraction n’apparaît caractérisée par un type de structure de l’exposé des faits. Ainsi, le type d’infraction ne semble pas définir a priori une structure organisationnelle du compte-rendu des preuves de justification de la décision.