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Les données concernant le style général et la mise en scène seront tout d’abord rapportées puis un examen plus précis des indices morphosyntaxiques (i.e. verbes, connecteurs, modalisateurs, pronoms) sera ensuite réalisé.

5.3. 1 - Style général et mise en scène

Le corpus se partage entre le style général dit « plutôt narratif » et le style général dit « plutôt argumentatif » (Tableau 22). Les ordonnances présentent donc soit « un narrateur exposant

une succession d’événements, qui se déroulent à un moment donné, en un certain lieu », soit

« un sujet qui s’engage, argumente, explique ou critique pour essayer de persuader

l’interlocuteur » (Marchand, 1998, p.117).

Tableau 22 – Répartition des styles

généraux observés dans le corpus

Style général du texte (N = 44) Plutôt narratif 23 Plutôt argumentatif 19

Enonciatif 0

Descriptif 0

L’absence des styles généraux descriptif et énonciatif suggère que les ordonnances de renvoi ne sont pas un compte-rendu d’éléments dans le format d’une liste ou d’un inventaire de preuves par exemple. Les faits et les actes de procédures ne semblent donc pas nommés et commentés, ni dictés telles des affirmations d’opinions. La motivation demande à être développée selon une logique de démonstration, au moins en terme causal. Enfin, Pour deux ordonnances, le style général n’a pu être identifié.

Concernant les mises en scène verbale des ordonnances, deux sont observées sur les quatre disponibles (Tableau 23).

Tableau 23 – Répartition des types de mises en

scène observée dans le corpus

Mises en scène (N = 44)

Prise en charge par le narrateur 26

Dynamique, action 18

Ancrée dans le réel 0

Prise en charge à l’aide du « Je » 0

La mise en scène dite « Prise en charge par le narrateur » est la plus fréquente, caractérisant 26/44 ordonnances. Toutefois, l’absence de la mise en scène dite de « Prise en charge à l’aide du "Je" » précise que « le narrateur » n’intervient pas en son nom propre. Ainsi, le corpus semble contenir une forte proportion de verbes déclaratifs. Il pourrait en être conclu que le rapport qu’entretient le juge avec son discours est marqué, sans que toutefois ce dernier ne se l’approprie. Cependant, il faut ici revenir à la particularité du type de document analysé. Le juge d’instruction motive sa décision, en grande partie, sur la base du discours ou des témoignages des différents protagonistes qui sont intervenus lors de l’enquête : accusé(s), partie(s) civil(s), témoin(s), officiers de police judiciaire, experts étant les plus fréquents. La motivation de l’ordonnance de renvoi contient donc, au moins en partie, les propos de ces intervenants rapportés, de manière indirecte, par le juge d’instruction. Il est également probable que, parfois, ce soit le juge qui situe le témoin vis-à-vis de son discours, en introduisant les témoignages par un verbe déclaratif de son choix. Par exemple, lorsqu’il est repris dans l’ordonnance qu’un témoin affirme qu’il a vu l’accusé près des lieux de l’infraction ou qu’un gendarme estime que l’accusé a eu un comportement agressif lors de son arrestation, soit les deux protagonistes ont effectivement eux-mêmes affirmé ou estimé les

faits, soit le juge a considéré qu’ils affirmaient ou estimaient les faits. Dans ce deuxième cas, le juge introduit donc sa propre appréciation de l’attitude du témoin envers ses propos. Par ailleurs, l’absence du pronom personnel « je » est un indice de neutralisation, d’objectivation du discours (Marchand, 1998 ; Ghiglione & al., 1998). Le juge semble donc mettre en scène les protagonistes de l’affaire et de l’enquête, tout en se tenant à distance et s’effaçant des faits et des propos rapportés.

La mise en scène dite « Dynamique, action » est la seconde mise en scène verbale observée parmi le corpus (n = 18/44). Ces ordonnances se caractérisent davantage par la présence de verbes permettant d’exprimer des actions.

L’absence de la mise en scène dite « ancrée dans le réel » suggère que la motivation de la décision fait peu état des caractéristiques des personnes ou des situations marquées par les verbes de type statif. La vérité ou la réalité des faits et des propos rapportés n’est pas établie par un ancrage du discours dans le réel.

Le diagnostic global de TROPES suggère donc que le corpus est composé de deux types d’ordonnances que ce soit dans le style général ou dans la mise en scène. Concernant le style général, certaines ordonnances se caractérisent par un style plutôt narratif alors que d’autres se rapprochent davantage d’un style général plutôt argumentatif. Concernant la mise en scène, le corpus se divise en un univers essentiellement composé d’actions et en un univers plutôt constitué de déclarations. Lorsque ces deux critères sont croisés (Tableau 24), deux combinaisons sont plus fréquentes (Λ(1, N = 42) = 12.24, p = .0001)1 : lorsque le style est

plutôt argumentatif, la mise en scène est davantage prise en charge par le narrateur et lorsque le style est plutôt narratif, la mise en scène est davantage constituée d’actions.

Tableau 24 – Répartition des ordonnances selon leur style général et

leur mise en scène (N = 42)2

Style général Mise en scène argumentatif Plutôt narratif Plutôt Prise en charge par le narrateur 17 9

Dynamique, action 2 14

Chaque élément semble conforme aux types de documents analysés. En effet, une ordonnance est une justification (i.e. une argumentation) de décision concernant des faits,

1 Pour rappel le rapport de vraisemblance s’interprète comme un chi2.

notamment sur la base de témoignages, qui peuvent prendre une forme narrative. Comme relevé plus haut, la motivation de l’ordonnance, composée de données factuelles et du raisonnement du juge, peut contenir des énoncés narratifs et des énoncés de logique (Cornu, 2000). Toutefois, plusieurs stratégies semblent émerger plutôt qu’une seule représentative de l’ensemble du corpus. L’observation de la fréquence des différents indices morpho- syntaxiques apporte des informations plus précises.

5.3. 2 - Les verbes

Les verbes peuvent être caractérisés par leur catégorie syntaxo-sémantique, leur mode et leur temps. Ces informations concernant le corpus d’ordonnance sont réunies dans le Tableau 25.

Tableau 25 – Minimums, maximums et moyennes des proportions (en %) du nombre total

de verbes, des types de verbes, des modes et des temps de verbes, et du nombre de catégories fréquentes (N =44)

Minimum Maximum Moyenne Catégories fréquentes Verbes (total) 10.61 17.76 14.8543 -*

Catégories des verbes

Factif 43.23 71.41 59.25 40

Statif 9.95 30.48 20.47 0

Déclaratif 12.85 28.82 20.49 27

Performatif 0 1.90 0.06 0

Modes des verbes

Indicatif 46.10 73.58 59.58 - Conditionnel 0 4.47 0.94 - Subjonctif 0 5.32 1.44 - Participe 6.76 29.93 16.14 - Infinitif 9.22 32.43 21.02 - Autres modes 0 5.13 0.87 -

Temps des verbes

Présent 17.48 48.79 33.59 -

Passé 49.58 82.52 65.38 -

Futur 0 3.40 0.53 -

Autres temps 0 2.56 0.49 -

* le signe « – » signifie que la fréquence par rapport à une norme moyenne de la catégorie n’est pas indiquée par Tropes sur ces critères.