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Un profil global de la justification en quatre points ressort sur l’ensemble des motivations des ordonnances.

1 – Le constat de l’infraction

La majorité des ordonnances (37/44) débute par l’énonciation des infractions en jeu et la précision des circonstances dans lesquelles les autorités judiciaires et/ou policières en ont eu connaissance. Dans 34/44 ordonnances, la source de la connaissance de l’infraction est précisée (dépôt de plainte : n = 10 ; signalement d’une infraction par témoin ou par source officielle (e.g. pompiers) : n = 18 ; lors d’un contrôle de police : n = 2 ; en flagrance : n = 2 ; les éléments d’une autre affaire indiquant des infractions d’où une nouvelle enquête : n = 2). Dans 3/44 ordonnances, les infractions sont constatées sans précision des circonstances de leur prise de connaissance. Enfin, 7/44 ordonnances débutent par la description des faits de manière chronologique c'est-à-dire que la motivation débute par la description de faits antérieurs à l’infraction.

2 – Les éléments de l’enquête

Les éléments d’enquête (e.g. témoignages, expertises, actes policiers) sont ensuite reportés (excepté les ordonnances qui débutent par la description de faits qui se poursuivent sur un mode narratif). Lorsque les faits impliquent un dépôt de plainte par une victime ou le constat d’une infraction par un témoin, la version des faits de ces derniers est souvent fournie (n = 25/37) avant celle du mis en examen qui est arrêté et interrogé par la suite. Dans la plupart des

ordonnances (34/44), les témoignages de garde à vue (recueillis par la police lors de l’enquête préliminaire ou de flagrance) et devant le juge d’instruction sont distingués (soit dans des paragraphes distincts, soit synthétisés mais signalés), même si le contenu des témoignages est similaire. Comme évoqué dans le chapitre 4, les auditions devant le juge sont d’une portée plus importante en terme de conséquences judiciaires, notamment l’audition de comparution lors de laquelle le juge met en examen la personne accusée. Un autre acte judiciaire fréquemment signalé (21/44) est la confrontation soit de suspects, soit entre la ou les victimes et la personne mise en examen. Il est mis un accent particulier sur le positionnement de l’accusé face aux faits qui lui sont reprochés : aveux, déni, rétractation, incohérence dans les témoignages. Plusieurs profils plus précis ont été dégagés dans le rapport des éléments de l’enquête. Ces derniers seront explicités par la suite.

3 – La conclusion sur les faits

Dans la majorité des ordonnances (35/44), le juge d’instruction conclut explicitement sur les faits. La conclusion du juge se situe généralement avant les renseignements de personnalité. Cependant, pour 8/35 ordonnances, la conclusion du juge se situe après les renseignements de personnalité. Dans une seule ordonnance, la conclusion de l’implication des personnes accusées se situe au début de celle-ci. Le juge d’instruction fait également parfois part de ses conclusions en ponctuant l’exposé des faits d’évaluations des témoignages ou des preuves recueillies. La forme de la conclusion du juge d’instruction est très variable. Elle peut être courte (n = 18/35), c'est-à-dire un paragraphe de quelques lignes. Parmi ces dernières, certaines sont très formelles, une phrase indiquant uniquement que les faits sont caractérisés d’où le renvoi (n = 6/18) comme par exemple :

Ì « Considérant que des faits de la procédure qualifiés crimes et délits connexe par la loi pénale résultent charges suffisantes d’assassinats, de tentatives d’assassinat, de tentatives de meurtre et de violences avec arme contre X… de nature à motiver son renvoi devant la Cour d’assises. »

Ì « Attendu que les faits de la procédure qualifiés crime par la loi pénale résultent charges suffisantes de tentative de vol avec arme en récidive légale contre X… et X… de nature à motiver leur renvoi devant la Cour d’Assise. »

D’autres (n = 6/18) contiennent davantage de justification, en s’appuyant sur des preuves ou des témoignages ou encore en remettant en cause la crédibilité des dires du mis en examen, comme par exemple :

Ì « A l’issue de l’information, il apparaît charges suffisantes contre X… d’avoir commis les faits d’agressions sexuelles à lui reprochés, au vu notamment des déclarations circonstanciées et constantes des trois victimes quant aux faits subis, et des conclusions des expertises psychologiques ayant relevé la crédibilité de leurs dires. »

Ì « Il ressort de l’instruction, notamment des diverses auditions de « clients » et de la quantité importante de stupéfiants découverte, que X…, X… et X… se livraient à un trafic conséquent de stupéfiants que seule leur consommation personnelle ne pourrait justifier […] ».

Ì « Cependant, ces nouvelles versions des faits des deux mis en examen, à l’évidence mises au point à l’occasion de leur incarcération commune à la maison d’arrêt de X… et destinées à se disculper mutuellement ne sauraient être retenues. En effet, elles vont à l’encontre de leurs déclarations circonstanciées antérieures les mettant réciproquement en cause ainsi que de celles de X… [la victime] et de certains témoins. Ils seront donc renvoyés dans les liens de leurs mises en examen respectives. ».

D’autres ordonnances contiennent des conclusions plus longues (n = 17/35) dans lesquelles le juge reprend chaque élément à charge ou la chronologie des faits. Elle peut également constituer un paragraphe (parfois titré discussion) dans lequel le juge d’instruction discute les éléments pour justifier explicitement sa conclusion. Cette discussion peut suivre plusieurs organisations (dépendantes des éléments du dossier) :

- le juge fait une synthèse des preuves et témoignages pour conclure sur la constitution des charges (6/17)

- il reprend les charges et les appuie des preuves et témoignages (10/17),

- il fait une synthèse des éléments du dossier dans un mode chronologique pour conclure sur la constitution des charges (1/17).

Lorsqu’il y a plusieurs mis en examen, le juge d’instruction conclut pour chacun d’eux, les uns après les autres, par la réquisition décidée.

Globalement, la culpabilité du ou des personnes mises en examen est explicite. En effet, même la courte précision que les « charges sont suffisamment caractérisées » est déjà très claire. La remise en cause de la crédibilité de l’accusé ou des conclusions divergentes pour plusieurs mis en examen renforce ces affirmations. Par exemple :

Ì « Il résulte, en conséquence, des différentes investigations entreprises que la plupart des mis en examen se sont bien rendus coupables de l’ensemble des faits qui leur sont reprochés. En effet, même si certains les minimisent, ou encore les nient, les éléments

recueillis par les enquêteurs, par témoignages, surveillances et écoutes téléphoniques, établissent formellement la commission des infractions reprochées aux intéressés, qui seront donc renvoyés devant le Tribunal Correctionnel. […] »

Ì Concernant un premier mis en examen : « […], il n’a à aucun moment remis en cause sa culpabilité dans le vol du sac de X… […] » ; puis, concernant un second mis en examen (qui bénéficie d’un non-lieu) : « Dès lors, aucun élément ne permet d’établir avec certitude la participation de X… aux faits de vol […]. ».

Ì Concernant un premier mis en examen (qui bénéficie d’un non-lieu) : « […], un doute subsiste néanmoins quant aux actes de […]. Il n’y a donc pas lieu à suivre […] » ; puis concernant un second mis en examen : « Attendu en revanche [synthèse des éléments au dossier] Qu’il résulte donc de l’ensemble des éléments d’enquête charges suffisantes contre X… pour qu’il soit mis en accusation du chef de […]. »

Ces comparaisons pourraient avoir un effet de renforcement de l’implication du mis en examen renvoyé devant la cour de jugement lors de la lecture de l’ordonnance.

4 – Les renseignements de personnalité

Enfin, les renseignements de personnalité sont reportés dans un paragraphe distinct, excepté dans les arrêts de renvoi (i.e. mises en accusation datant avant 2001). Dans ces dernières, la mention des renseignements de personnalité est réduite, notamment à la conclusion sur la responsabilité de l’expertise psychiatrique, et non séparés (par un titre) du reste des éléments reportés par le juge d’instruction. Le juge d’instruction évoque parfois des éléments de ce paragraphe de renseignements et personnalité dans l’exposé des faits et sa conclusion (notamment lorsque le casier judiciaire de l’accusé est proche de l’infraction en considération, ou qu’un élément de personnalité apporte un éclairage sur certains éléments). Deux ordonnances de renvoi devant le tribunal correctionnel ne font pas mention de renseignements de personnalité1. Dans les 42 autres ordonnances, les informations rapportées sont plus ou

moins importantes. Le casier judiciaire est l’information la plus régulièrement citée (37/42). Des éléments concernant la situation judiciaire du mis en examen (détention ou contrôle judiciaire et le comportement des accusés dans ce cadre) sont parfois données (6/42). Les conclusions de l’expertise psychiatrique sont également régulièrement rapportées (34/42), alors que l’expertise psychologique n’apparaît que dans environ un tiers du corpus des

1 Obligatoire en matière de crime et facultatif en matière de délit, le dossier de personnalité est constitué d’une

enquête sociale et d’examens médicaux et/ou médico-psychologiques. Le but de ce dossier est de fournir des éléments d’appréciation sur le mode de vie présent et passé de l’accusé, sous une forme objective, sans en tirer de conclusion concernant le fond de l’affaire (art. 81 et art. D. 16, C.P.P. ; Bouloc, 2006).

ordonnances (16/42). Enfin, des informations concernant l’enquête de personnalité sont rapportées également dans environ un tiers (16/42) du corpus avec plus ou moins de précisions, allant de quelques informations sur la situation professionnelle et familiale de l’accusé, quelques témoignages de voisinage jusqu’à la reprise détaillée de la biographie de l’accusé concernant sa vie familiale, scolaire, professionnelle, amoureuse, appuyée de témoignages.